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T 0712/12 (Couchage à rideau/MUNKSJÖ ARCHES) 21-03-2014
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Procédé de fabrication de papier décoratif et stratifié décoratif comportant un tel papier décoratif
Admissibilité d'un document produit tardivement au titre de l'article 54(3) CBE (non) : opposabilité du document pas entièrement établie avant la procédure orale
Admissibilité des nouveaux documents produits avec le mémoire du recours (non) : documents pas davantage pertinents - citation ne constituant pas une réaction à la décision attaquée
Recevabilité d'une objection concernant l'activité inventive soulevée pendant la procédure orale (non) : combinaison de documents non invoquée pendant la procédure écrite de recours
Activité inventive (oui)
I. Le recours fait suite à la décision de la division d'opposition par laquelle l'opposition formée à l'égard du brevet européen n° 1 749 134 a été rejetée.
II. Les revendications indépendantes 1, 12, 13, 15 et 17 du brevet tel que délivré s'énoncent comme suit:
"1. Procédé de fabrication d'un papier décoratif revêtu d'au moins une couche fixatrice d'encre, imprimable et imprégnable par une résine thermodurcissable, pour stratifié décoratif haute ou basse pression, comportant les étapes suivantes:
a. on fabrique une feuille de papier décor de base par voie papetière, puis
b. on enduit, par un couchage à rideau, au moins une des faces de ladite feuille de papier de base par au moins ladite couche fixatrice d'encre."
"12. Papier décoratif imprimable ou imprimé, notamment par impression jet d'encre, et imprégnable par une résine thermodurcissable obtenu selon le procédé de fabrication de papier décoratif tel que défini aux revendications 1 à 11."
"13. Papier décoratif imprimable ou imprimé, imprégnable par une résine thermodurcissable tel que défini aux revendications 1 à 12, caractérisé en ce qu'il a une vitesse d'imprégnation de résine inférieure à 100 secondes, quelle que soit sa face, ladite vitesse étant caractérisée par la détermination du temps de pénétration de la résine thermodurcissable à travers la feuille, ce temps est déterminé de la façon suivante:
- on prépare une solution de résine à 56 % en poids en dissolvant de la résine mélamine-formaldéhyde de manque [sic] MADURIT MW550 en poudre dans de l'eau distillée chauffée vers 45ºC; on ajuste sa viscosité telle qu'elle soit de l'ordre de 100 mPas vers 20ºC sur viscosimètre BROOKFIELD mesurée à 100 tours/min - Arbre Nº2, et on détermine comme suit le temps d'imprégnation d'une feuille de papier:
- on découpe deux échantillons en carré 10 x 10 cm par essai; pour tester chaque face, on repère la face,
- on remplit un verre de montre de résine,
- on dépose le carré de papier sur la surface de la résine, la face à tester en contact avec celle-ci, et on déclenche le chronomètre en même temps,
- on note le temps du transpercement total qui donne le temps de pénétration de la résine."
"15. Procédé de fabrication d'un papier décoratif imprégné pour stratifiés décoratifs, caractérisé en ce que l'on imprègne, par une résine thermodurcissable, un papier décoratif imprimé tel que défini aux revendications 12 à 14."
"17. Panneau ou profilé décoratif stratifié en haute ou basse pression, caractérisé en ce qu'il comporte comme papier décoratif, un papier décoratif tel que obtenu ou défini aux revendications 10 à 16."
Les revendications dépendantes 2 à 11, 14 et 16 du brevet délivré sont dépendantes et concernent des modes de réalisation plus particuliers du procédé de fabrication selon la revendication 1, ou du papier décoratif selon la revendication 13, ou du procédé de fabrication selon la revendication 15, respectivement.
III. Une opposition avait été formée sur le fondement de l'article 100(a) CBE, invoquant en particulier l'absence de nouveauté de l'objet de la revendication 12 et l'absence d'activité inventive au sujet de l'ensemble des revendications 1 à 17.
Les documents suivants ont été cités, entre autres, au cours de la procédure d'opposition:
D1: EP 1 044 822 A1;
D2: Wochenblatt für Papierfabrikation 22, 2001, pages
1492 à 1497; B. Mendez et H. Morita: "Curtain
Coating - Ein neuartiges Auftragsverfahren zum
Streichen mit höchster Präzision";
D4: US 6 517 674 B1 et
D9: EP 0 054 405 A1.
IV. Dans la décision contestée, la division d'opposition a conclu que les objets des revendications 1 à 17, telles que délivrées, étaient nouveaux et impliquaient une activité inventive au vu de l'état de la technique cité.
En particulier, concernant l'activité inventive, la division d'opposition a retenu le document D9 comme état de la technique le plus proche. Elle a estimé entre autres que l'homme du métier n'aurait pas envisagé une combinaison du document D9 avec le document D2, ce dernier concernant le couchage à rideau, dans le cadre de la production de papiers d'impression ou d'écriture peu poreux. Quand bien même l'homme du métier partant de D9 aurait considéré le contenu de D2, il n'y aurait trouvé aucune incitation à adopter une étape de couchage par rideau dans le but de résoudre le problème technique mentionné dans le brevet litigieux, à savoir la mise à disposition d'un procédé de fabrication d'un papier décoratif couché permettant d'être imprégné avec un résine thermodurcissable à vitesse plus élevée.
Une combinaison du document D1, considéré, en alternative, comme état de la technique le plus proche par l'opposante, avec le document D2, ne saurait pas non plus conduire à l'invention de manière évidente.
V. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante (opposante) a cité les nouveaux documents
D10: WO 00/22232 A1 et
D11: US 6 287 681 B1.
En se référant à ses écrits déposés durant la procédure d'opposition, elle a maintenu son objection de manque d'activité inventive au vu d'une combinaison des documents D1 et D2. En outre, elle a invoqué pour la première fois un manque d'activité inventive au vu des combinaisons du document D9 avec le document D10 ou le document D11.
VI. Dans sa réponse, l'intimée (titulaire du brevet) a contesté la recevabilité des documents D10 et D11 nouvellement cités. Elle a réfuté l'objection de manque d'activité basé sur la combinaison des documents D1 et D2 et, par précaution, les objections se basant sur les combinaisons D9/D10 et D9/D11. Avec le même courrier, l'intimée a également déposé des jeux de revendications comme requêtes subsidiaires.
VII. Avec son courrier du 17 décembre 2013, la requérante a encore cité un nouveau document, à savoir
D12: WO 2005/028750 A1,
qui à son avis était destructeur de nouveauté pour un certain nombre d'objets revendiqués selon les requêtes pendantes de l'intimée.
VIII. L'intimée (titulaire du brevet) a déposé, avec son courrier du 18 février 2014, comme requêtes subsidiaires 1 à 6, six jeux de revendications modifiées, ainsi que des pages de description modifiées, ces pièces remplaçant les requêtes subsidiaires figurant au dossier.
IX. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 21 mars 2014.
X. Les arguments présentés par la requérante au sujet des questions tranchées par la chambre peuvent être résumés comme suit:
Le document D12 appartenait à l'état de la technique selon l'article 54(3) CBE. Il avait été produit tardivement parce qu'il n'avait été trouvé que lors d'une recherche effectuée dans le cadre d'une autre procédure d'opposition. Puisqu'il était prima facie destructeur de nouveauté du procédé selon la revendication 1 de la requête principale (entre autres), il était très pertinent et devait donc être admis dans la procédure. Au soutien de son argumentation, elle a cité la décision T 1002/92 (JO 1995, 605).
Les nouveaux documents D10 et D11 avaient été cités dans le mémoire de recours en réaction à la décision de la division d'opposition, selon laquelle le document D2 n'aurait pas été considéré par l'homme du métier cherchant à résoudre le problème technique posé. En particulier, ces documents montraient que l'application du couchage à rideau dans le domaine des papiers décoratifs était déjà connue. En vu de leur pertinence, ces documents devaient donc aussi être admis dans la procédure.
Les objets revendiqués n'impliquaient pas d'activité inventive au regard de chacune des combinaisons de documents suivantes: D9 avec D10, D9 avec D11, D1 avec D2 et D9 avec D2. Cette dernière combinaison, (re-)soulevée lors de la procédure orale, avait déjà été invoquée durant la procédure d'opposition.
XI. Les arguments présentés par l'intimée peuvent être résumés comme suit:
Les documents D10, D11 et D12 n'étaient pas recevables au vu de leur production tardive.Le document D12 avait uniquement été introduit après la convocation à la procédure orale, à seulement trois mois de la procédure orale. Ce temps n'était pas suffisant pour pouvoir évaluer complètement la portée potentielle du document par rapport à la nouveauté, par exemple en ce qui concerne la vitesse d'imprégnation des papiers décoratifs qui y sont divulgués. Une reproduction des exemples 3 et 4 de D12 rendait nécessaire une installation pour le couchage à rideau qui n'était pas disponible dans ce délais restreint.
En outre, la requérante n'avait pas fourni toutes les informations nécessaires pour établir l'opposabilité du document D12, c'est à dire les informations concernant la validité de ses dates de priorité et de la date de priorité du brevet litigieux, ainsi que celles concernant le payement de la taxe de dépôt pour l'entrée dans la phase européenne.
La requérante n'avait pas présenté d'excuses légitimes pour le dépôt tardif du document D12 et avait déjà auparavant introduit, à plusieurs reprises, de nouveaux documents supplémentaires après l'expiration du délai de neuf mois prévu pour former une opposition : La première fois pendant la procédure d'opposition (lettre du 28 juin 2010), et une deuxième fois avec le mémoire du recours (documents D10 et D11). Par conséquent le document D12 ne devait pas être admis.
Les documents D10 et D11, cités dans le mémoire de recours, ne concernaient pas les connaissances générales dans le domaine. Ils se rapportaient à un traitement sur un papier encore humide avant son séchage, ayant donc une structure très différente de celle des papiers décoratifs de base traités selon le brevet litigieux, ce traitement étant aussi différent de la méthode divulguée dans le document D2. Par conséquent, la problématique abordée dans ces documents serait sans lien avec la divulgation du document D2 et le problème sous-jacent à l'invention du brevet litigieux qui concernait l'antagonisme entre les propriétés d'aptitude à l'impression et d'imprégnation. En outre, ces documents n'apportaient rien de plus par rapport au contenu du document D4, déjà cité pendant la procédure d'opposition, mais non utilisé par l'opposante dans son argumentation finale à propos de l'activité inventive. Par conséquent, les documents D10 et D11 étaient apparemment cités dans le but de soulever ab initio de nouvelles attaques concernant l'activité inventive. D10 et D11 ne devaient donc pas être admis dans la procédure.
L'attaque relative au manque d'activité inventive au vu de la combinaison des documents D9 et D2, avait été (re-)soulevée, pour la première fois pendant la procédure de recours, le jour de la procédure orale devant la chambre. Cette attaque reposait sur une modification des moyens invoqués inattendue et surprenante, impliquant des questions non abordées durant la procédure de recours écrite. Par conséquent, cette nouvelle objection ne devrait pas être admise dans la procédure.
L'intimée a aussi rejeté l'argumentation de la requérante concernant le prétendu manque d'activité inventive au vu de la combinaison des documents D1 et D2.
XII. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
XIII. L'intimée demande le rejet du recours ou, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 6 soumises par lettre du 18 février 2014.
Aspects procéduraux
1. Non-recevabilité du document D12
1.1 La requérante a cité le nouveau document D12 pour la première fois avec son courrier du 17 décembre 2013, à savoir après la convocation à la procédure orale du 25 octobre 2013, aux fins de soulever une nouvelle objection de nouveauté.
L'admissibilité de ce document est donc soumis au pouvoir discrétionnaire d'appréciation de la chambre au sens des articles 114(2) CBE et 12(4), 13(1) et 13(3) RPCR.
1.2 Dans l'exercice dudit pouvoir d'appréciation, la chambre à pris en compte les éléments suivants :
1.2.1 Le document D12 a été publié en 2005, c'est à dire sept ans avant la formation du recours. Malgré le fait que l'opposante/requérante, à deux reprises (cf. point XI supra), avait déjà tenté de compléter son cas après l'expiration du délai d'opposition, en déposant de nouveaux documents illustrant l'état de la technique, le document D12 n'a été produit qu'après la convocation à la procédure orale devant la chambre.
La chambre n'est donc pas convaincue que le document D12 n'aurait pas pu être produit plus tôt. Ainsi, ne serait-ce que pour cette raison, la chambre considère la recevabilité de D12 comme plus que contestable (Articles 114(2) CBE et 12(4) RPCR).
Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, la chambre peut faire dépendre l'admission d'un document dans la procédure de recours de la question de savoir s'il est de prime abord pertinent, mais elle n'a aucune obligation de le faire (cf. par exemple la décision T 0724/08 du 16 novembre 2012, points 3 à 3.4 des motifs) car, dans le cas contraire, un opposant pourrait se contenter de ne produire un document (très) pertinent qu'avec le mémoire exposant les motifs du recours, avec la certitude que, du fait de sa pertinence, ce document sera admis dans la procédure de recours.
1.2.2 En ce qui concerne l'état de la procédure au moment du dépôt de D12 et la complexité du nouvel objet (cf. Article 13(1) RPCR), force est de constater que malgré la mise en question de l'opposabilité de D12 dans la réplique écrite de l'intimée, la requérante n'a pas, jusqu'au jour de la procédure orale, précisé certains points qui sont cependant essentiels dans l'évaluation de l'opposabilité d'une demande PCT publiée, citée au titre de l'article 54(3) CBE :
i) L'opposabilité d'un tel document comme état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE est gouvernée, entre autre, par les dispositions de l'article 153(5) CBE, qui s'énonce comme suit: "La demande euro-PCT est traitée comme une demande de brevet européen et est considérée comme comprise dans l'état de la technique au sens de l'article 54, paragraphe 3, si les conditions prévues au paragraphes 3 ou 4 (concernant la publication de la demande) et dans le règlement d'exécution sont remplies."
Selon le règlement d'exécution (règle 165 CBE) une demande euro-PCT interférente est considérée comme comprise dans l'état de la technique au sens de l'article 54, paragraphe 3 CBE, si la taxe de dépôt visée à la règle 159, paragraphe 1c) CBE, c'est-à-dire la taxe de dépôt pour une demande européenne prévue à l'article 78, paragraphe 2 CBE, a été payée.
ii) Le document D12 a une date de dépôt du 13 septembre 2004 et a été publié le 31 mars 2005, c'est-à-dire avant la date du dépôt du brevet litigieux (13 mai 2005) mais après la date de priorité revendiquée par ce dernier (13 mai 2004). Par ailleurs, la demande D12 revendique la priorité de deux demandes plus anciennes (déposées le 16 septembre 2003 et 15 janvier 2004, respectivement). Par conséquent, pour pouvoir établir complètement son ancienneté et, par conséquent, son opposabilité au sens de l'article 54(3) CBE ou même au sens de l'article 54(2) CBE, il est nécessaire de savoir si les deux dates de priorité revendiquées par le document D12 et/ou la date de priorité revendiquée par le brevet litigieux sont valides. En effet, si les priorités invoquées par D12 n'étaient pas valides et la priorité du brevet litigieux, par contre, l'était, le document D12 ne pourrait pas être opposé comme état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE. Par contre, si la priorité du brevet litigieux n'était pas valide, alors ce document serait opposable comme état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE et pourrait même avoir une importance potentielle dans l'évaluation de l'activité inventive.
1.2.3 La requérante ne s'étant pas exprimé à ce sujet jusqu'au jour de la procédure orale, elle a laissé le soin de vérifier la pertinence de son objection à la partie adversaire et à la chambre. Cette vérification nécessaire de l'opposabilité de D12 et l'appréciation des conséquences procédurales d'une admission éventuelle de ce document auraient donc forcément soulevé des questions relativement complexes, qui n'auraient pas pu être raisonnablement traités sans que la procédure orale ne soit renvoyée (cf. article 13(3) RPCR).
1.2.4 En outre, la chambre admet que l'intimée n'a pas eu suffisamment de temps pour pouvoir évaluer complètement la portée potentielle du document D12 et des exemples y figurant, concernant la nouveauté. Vu le temps restreint il ne lui avait notamment pas été possible d'effectuer une reproduction expérimentale des exemples de D12 afin de comparer les produits obtenus à ceux selon l'invention. Par conséquent, il ne lui avait pas été possible de formuler, comme positions de repli éventuellement nécessaires, les requêtes lui conservant le maximum de protection justifié.
1.3 Prenant en compte tous ces éléments, la chambre à décidé, en application de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation selon les articles 114(2) CBE et 12(4), 13(1) et 13(3) RPCR, de ne pas admettre le document D12 au vu de sa production tardive et ceci malgré sa très grande pertinence potentielle.
1.4 En ce qui concerne la décision T 1002/92 (JO 1195, 605) invoquée par la requérante lors de la procédure orale, la chambre observe que même dans cette décision, qui avait été rendue bien avant l'entrée en vigueur du RPCR actuel, la pertinence d'un nouveau moyen de preuve n'est pas considérée comme seul critère décisif dans l'appréciation de la recevabilité d'un moyen de preuve invoqué pour la première fois au cours d'une procédure de recours. La décision prise au sujet de la recevabilité de D12 est donc en accord avec la décision T 1002/92, dans laquelle il est précisé que (au point 3.4 des motifs, huitième et neuvième paragraphes) : "De l'avis de la Chambre, lorsqu'une chambre de recours, usant du pouvoir d'appréciation que lui reconnaît l'article 114 CBE, examine s'il y a lieu de tenir compte ou non dans la procédure de recours de nouveaux moyens invoqués à l'appui d'un motif d'opposition qui avait été avancé antérieurement, elle doit examiner et prendre en considération tous les faits de la cause pertinents à cet égard, notamment ceux dont il a été question plus haut. C'est ainsi que dans toute procédure de recours, une chambre ne devrait user de son pouvoir d'appréciation pour admettre des faits et justifications nouveaux, allant au-delà de ceux qui, conformément à la règle 55 c) CBE, ont été invoqués dans l'acte d'opposition à l'appui des motifs sur lesquels l'opposition se fonde, qu'à titre tout à fait exceptionnel, si ces moyens de preuve se révèlent de prime abord éminemment pertinents en ce sens qu'ils ont de bonnes chances de modifier le résultat final, et risquent donc fort de faire obstacle au maintien du brevet européen. Elle devra également tenir compte ce faisant d'autres éléments pertinents en l'espèce, et déterminer notamment si le titulaire du brevet s'oppose à ce que la Chambre prenne en considération ces nouveaux moyens de preuve et dans l'affirmative, pour quelles raisons, ainsi que mesurer en outre les complications que risquerait d'entraîner au niveau de la procédure la prise en considération de ces nouveaux moyens de preuve.
D'une manière générale, plus les nouveaux moyens de preuve sont produits tardivement, plus ils risquent d'entraîner des complications au niveau de la procédure."
2. Recevabilité des documents D10 et D11
2.1 Ces documents déposé avec le mémoire exposant les motifs du recours ont été publiés en 2000 et 2001, respectivement. Ils auraient donc pu, en principe, être trouvés par une recherche au moment de la formation de l'opposition et auraient, en principe, pu avoir être produits plus tôt. Leur recevabilité est donc sujet au pouvoir discrétionnaire d'appréciation de la chambre au sens des articles 114(2) CBE et 12(4) RPCR.
2.2 Dans l'exercice dudit pouvoir d'appréciation, la chambre à pris en compte les éléments suivants:
2.2.1 Selon la requérante les documents D10 et D11 ont été cités dans le mémoire du recours en réaction à la décision de la division d'opposition, et notamment à l'argument que le document D2 n'aurait pas été considéré par l'homme du métier tentant de résoudre le problème technique posé concernant des papiers décor. En particulier, les documents D10 et D11 étaient censés montrer que l'application du couchage à rideau dans le domaine des papier décoratifs était déjà connu à la date de priorité du brevet litigieux.
2.2.2 Or, force est de constater que les documents D10 et D11 sont des publications de demandes de brevets. Leur contenus n'illustrent donc pas nécessairement les connaissances générales dans le domaine technique concerné. En plus, ces documents (voir D10 : page 3, lignes 10 à 18 et 27 à 29; page 4, lignes 11 à 19; et D11 : colonne 4, lignes 49 à 64), bien qu'ils concernent tous deux la fabrication de papiers décoratifs, décrivent l'utilisation d'un dispositif de couchage à rideau pour l'incorporation des pigments dans le papier décor pendant la fabrication du papier décor de base, plus particulièrement durant sa phase humide, avant le séchage de la feuille. A ce stage, le papier a une structure très différente, comparé à un papier décor de base traité selon l'étape b du procédé selon la revendication 1 en cause. D10 et D11 ne peuvent pas non plus être considérés comme décrivant des procédés alternatifs à celui divulgué dans D2, ou a priori plus pertinents que ce dernier, lequel concerne l'enduction par couchage à rideau de papiers déjà séchés (cf. par exemple page 1493, point 2.1, premier alinéa).
2.2.3 Comme l'a rappelé l'intimée, un traitement similaire est divulgué dans le document D4 (colonne 2, lignes 59 à 62, colonne 5, lignes 16 à 21), déjà cité par l'opposante pendant la procédure d'opposition et mentionné au paragraphe [0021] du brevet litigieux. D4 n'avait cependant plus été utilisé par l'opposante dans son argumentation finale devant la division d'opposition en ce qui concerne l'activité inventive.
2.2.4 La chambre accepte donc, d'une part, l'argument de l'intimée selon lequel les problèmes techniques abordés dans D10 et D11 sont sans lien avec la divulgation du document D2 et avec le problème technique posé dans le brevet litigieux. D'autre part, comparés au document D4, déjà cité pendant la procédure d'opposition, ces documents n'apportent pas a priori d'information technique supplémentaire pertinente.
2.2.5 Par conséquent, l'introduction de ces documents dans la procédure de recours ne peut pas être considéré comme une réaction aux motifs donnés dans la décision de la première instance, mais servent plutôt au développement des nouvelles attaques sur l'activité inventive, attaques qui auraient déjà pu être présentées durant la procédure en première instance.
2.3 En application du pouvoir discrétionnaire d'appréciation qui lui est conféré par les articles 114(2) CBE et 12(4) RPCR, la chambre a donc décidé de ne pas admettre les documents D10 et D11 dans la procédure.
3. Recevabilité de l'objection de manque d'activité inventive basée sur la combinaison des documents D9 et D2
3.1 Dans le cadre de la procédure de recours, la requérante a soulevé son objection de manque d'activité inventive sur la base de la combinaison des documents D9 et D2 seulement au stade de la procédure orale.
3.2 Bien que cette objection ait été considérée par la division d'opposition dans sa décision, la requérante ne l'a plus maintenue dans son mémoire de recours. Par conséquent cette attaque de manque d'activité inventive constitue une modification des moyens invoqués par la requérante, qui est soumise au pouvoir discrétionnaire d'appréciation de la chambre au sens des Articles 114(2) CBE et 13(1),(3) RPCR.
3.3 Une objection sur la base des documents D9 et D2 n'a pas été maintenue par écrit par la requérante, explicitement ou implicitement, pendant la procédure de recours. L'intimée ne pouvait donc pas s'attendre à ce qu'elle serait (re-)présentée lors de la la procédure orale. Ladite attaque soulève des questions d'une certaine complexité, que l'intimée et la chambre n'étaient pas raisonnablement en mesure de traiter, sans préparation, durant la procédure orale.
3.4 La chambre a donc décidé, en application de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, selon les articles 114(2) CBE et 13(1),(3) RPCR, que cette argumentation n'était pas recevable. Elle n'a donc pas été admise dans la procédure de recours et n'a pas été considérée par la chambre dans l'appréciation de l'activité inventive (infra).
Requête principale de l'intimée (brevet tel que délivré)
4. Nouveauté
La nouveauté des objets des revendications 1 à 17 telles que délivrées n'a pas été contestée par la requérante pendant la procédure de recours, et la chambre ne voit pas de raison qui pourrait justifier la mise en cause des conclusions de la division d'opposition à ce sujet.
5. Activité inventive
5.1 L'invention
5.1.1 Le brevet litigieux concerne (paragraphe [0001] et revendications 1, 12, 13 15 et 17) un procédé de fabrication d'un papier décoratif revêtu d'au moins une couche fixatrice d'encre, imprimable, notamment par impression jet d'encre et imprégnable/imprégné par une résine thermodurcissable, ainsi qu'un papier décoratif imprimable/imprimé, obtenu par un tel procédé, ainsi qu'un panneau ou profil décoratif stratifié contenant un tel papier décoratif.
5.1.2 La description du brevet litigieux (paragraphe [0012]) expose que "Dans le processus classique de fabrication des stratifiés, le papier décor est d'abord imprimé, puis imprégné de résine et finalement pressé à chaud avec son support à haute ou basse pression. L'étape d'imprégnation nécessite de disposer d'un papier décoratif possédant une résistance élevée à l'état humide, de manière à conserver une tenue suffisante après son immersion totale dans une résine aqueuse, ainsi qu'une capacité d'absorption de résine la plus importante possible dans le temps le plus court possible. Ces caractéristiques sont généralement obtenues en utilisant des papiers décoratifs possédant une porosité très importante."
Toutefois, la technique d'enduction par contact, comme la technique du couchage par lame, présente certains inconvénients lorsqu'elle est utilisée pour revêtir un papier décoratif (fragile et poreux) d'au moins une couche fixatrice d'encre imprimable par impression jet d'encre (voir paragraphes [0013], [0014] et [0018]). Entre autres, cette technique "entraîne une pénétration partielle de la couche dans le support papier et, en conséquence, une forte dégradation de la capacité d'absorption de résine par le papier".
Selon la description (paragraphe [0022]) "L'invention vise à résoudre les problèmes de l'art antérieur des papiers décoratifs pour stratifiés en proposant un procédé de fabrication conférant auxdits papiers décoratifs à la fois une bonne imprimabilité, notamment en impression jet d'encre, et de bonnes propriétés d'absorption de résine thermodurcissable."
5.2 Etat de la technique le plus proche
5.2.1 Au vu des similarités du procédé et des produits divulgués dans le document D1 avec le procédé et les produits selon les revendications en cause, la chambre considère que le document D1 représente l'état de la technique le plus proche. A la procédure orale, les parties adverses ont toutes deux également considéré le document D1 comme point de départ approprié pour l'évaluation de l'activité inventive.
5.2.2 En effet, le document D1 (voir paragraphes [0001] et [0015]) concerne des papiers décoratifs ayant à la fois une bonne aptitude à l'impression, notamment par impression jet d'encre, et se soucie des propriétés d'absorption de résine du papier décor.
5.2.3 En particulier, le document D1 (paragraphes [0010] et [0021]) divulgue, entre autres, du papier décor de base ("Dekorrohpapier") enduit avec une couche fixatrice d'encre sans imprégnation préalable. La couche fixatrice d'encre est déposée sur le papier décor de base au moyen d'une méthode classique telle que l'application au rouleau et le dosage par lame d'air ou à racle tournante (paragraphe [0021]). Selon les exemples de D1 (voir paragraphe [0036]), la couche fixatrice d'encre est appliquée au moyen d'une lame.
5.3 Problème technique
5.3.1 Selon l'intimée, à la lumière de la divulgation du document D1 (fabrication d'un papier décor selon le paragraphe [0010] de D1), l'invention vise notamment la mise à disposition d'un procédé permettant de fabriquer des papiers décoratifs ayant une bonne aptitude à l'impression (grâce à une couche fixatrice d'encre) et ayant une vitesse d'absorption de résine thermodurcissable améliorée (cf aussi paragraphes [0012] et [0022] du brevet en cause).
5.4 Solution
Comme solution à ce problème technique, le brevet propose le procédé selon la revendication 1 qui est caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes (mise en exergue par la chambre):
"a. on fabrique une feuille de papier décor de base par voie papetière, puis
b. on enduit, par un couchage à rideau, au moins une des faces de ladite feuille de papier de base par au moins ladite couche fixatrice d'encre."
5.5 Succès de la solution
5.5.1 Le tableau 1 du brevet litigieux comprend une comparaison de l'exemple 4 selon l'invention avec l'exemple comparatif 3 et de l'exemple 7 selon l'invention avec l'exemple comparatif 6. Les procédés décrits différent uniquement par la méthode de couchage utilisée pour appliquer la couche fixatrice d'encre, à savoir le couchage par lame dans les exemples comparatifs 3 et 6, et le couchage à rideau dans les exemples 4 et 7 selon l'invention.
Ces comparaisons montrent qu'avec une enduction par couchage à rideau on obtient un papier décor ayant non seulement une aptitude à l'impression qualifiée de "bonne", mais aussi une vitesse d'imprégnation par une résine thermodurcissable fortement améliorée: les temps respectifs jusqu'au transpercement total de la résine (en secondes; face couchée/face non couchée) étant de seulement 65/7 et de 40/8 pour les exemples 4 et 7 selon l'invention, mais de >240/13 et de >240/10 pour les exemples comparatifs 3 et 6.
5.5.2 Ces résultats, non contestés par la requérante, montrent que l'utilisation du couchage à rideau permet d'améliorer la vitesse d'absorption de résine thermodurcissable sans perte de qualité au niveau de l'imprimabilité du papier obtenu par rapport à l'utilisation de l'un parmi les procédés de couchage classiques mentionnés comme alternatives dans D1, à savoir le couchage par lame.
5.5.3 La chambre est donc convaincue que le problème technique indiqué par l'intimée est effectivement résolu par un procédé ayant les caractéristiques de la revendication 1.
5.6 Non-évidence de la solution revendiquée
5.6.1 Il reste donc à évaluer s'il était évident pour l'homme du métier, au vu de l'état de la technique cité et de ses connaissances générales, d'améliorer la vitesse d'absorption de résine thermodurcissable du papier décor (réduire le temps nécessaire pour l'imprégnation) en appliquant la couche fixatrice d'encre au moyen d'un couchage à rideau plutôt qu'au moyen d'un procédé de couchage classique tel que divulgué dans D1.
5.6.2 Il n'est pas contesté que la technique d'enduction par couchage à rideau était déjà connue dans le domaine de la fabrication de certains produits papetiers à la date de priorité du brevet litigieux (voir, par exemple les paragraphes [0020] et [0021] du brevet litigieux et le document D2, page 1492, titre et abrégé).
5.6.3 Le document D2, publié en 2001, c'est-à-dire trois ans avant la date de priorité du brevet litigieux, divulgue en effet que, dès les années 1990, la technique du couchage à rideau avait était de plus en plus appliquée dans l'industrie du papier, notamment pour la fabrication de papiers d'impression, y compris à jet d'encre, de papiers graphiques et du carton (voir page 1493, colonne de droite, lignes 19 à 27; de la page 1496, colonne de droite, point 5, à la page 1497, colonne de gauche, ligne 4).
5.6.4 Selon ce document le couchage à rideau présente l'avantage d'une réduction des contraintes mécaniques et d'une humidification réduite du substrat due à une pénétration essentiellement capillaire de la composition de couchage dans le substrat papetier (voir pages 1493, figure 2, et page 1497, colonne de gauche, lignes 8 à 11). Selon ce document, le couchage à rideau est donc considéré comme étant complémentaire aux méthodes classiques, telles que le couchage par lame et pourrait être étudié et envisagé dans le futur pour d' autres applications (page 1497, colonne de droite, dernières douze lignes).
5.6.5 Or, force est de constater que le document D2 présente explicitement le couchage à rideau comme une alternative aux méthodes classiques de couchage pour des papiers peu poreux tels que les papiers d'écriture, graphiques et les cartons, mais ne contient aucune suggestion que cette méthode puisse être appliquée avantageusement à la fabrication de papiers décor très poreux et donc imprégnables, comportant une couche fixatrice d'encre. Pour la chambre, l'indication dans D2 qu'avec un couchage à rideau la pénétration du matériau de couchage dans des papiers de type peu poreux fait intervenir, entre autres, mais pas exclusivement, la capillarité du papier à enduire (voir le passage de D2 de la page 1494, colonne de droite, dernière trois lignes à la page 1495, colonne de gauche, quatre premières lignes), n'aurait pas induit l'homme du métier à considérer que la pénétration de la couche fixatrice d'encre dans des papiers à porosité nettement plus prononcée puisse être fortement réduite, comparé à celle obtenue en appliquant une des méthodes classiques de couchage.
5.6.6 Par conséquent, la chambre accepte que le document D2 ne contient pas d'indication orientant l'homme du métier vers la possibilité d'utiliser un couchage à rideau au lieu des procédés classiques de couchage identifiés dans le document D1 afin d'améliorer la vitesse d'imprégnation par la résine thermodurcissable des papiers décor divulgués dans ce document.
5.6.7 La chambre en conclut que l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive (Articles 52(1) et 56 CBE).
5.6.8 La requérante n'a pas apporté d'arguments supplémentaires concernant les revendications indépendantes 12, 13, 15 et 17. Ainsi, prenant en compte les considérations qui précédent et leur répercussion sur l'appréciation desdites revendications, la chambre ne voit pas de raison qui pourrait justifier la mise en cause des conclusions de la division d'opposition au sujet de l'activité inventive de ces revendications et des revendications dépendantes.
5.7 Par conséquent, il est fait droit à la requête principale de l'intimée.
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.