T 1766/16 (Alimentation en puissance d'éléments électriques / Brandt) 12-07-2022
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Procédé d'alimentation en puissance d'au moins un élément électrique et appareil de cuisson mettant en ½uvre le procédé
I. Le brevet européen EP 2 200 397 a fait l'objet d'une opposition. Celle-ci faisait valoir que le brevet devait être révoqué aux motifs de l'article 100(a) CBE, pour manque de nouveauté et absence d'activité inventive, ainsi qu'au motif de l'article 100(b) CBE, pour insuffisance de l'exposé de l'invention.
II. La division d'opposition a rejeté l'opposition.
III. La division d'opposition a jugé que le brevet tel que délivré exposait l'invention de manière suffisamment claire et complète pour permettre sa réalisation par l'homme du métier.
IV. Concernant les conditions de l'article 52(1) CBE, la division d'opposition a considéré que l'objet des revendications indépendantes 1 et 8 du brevet tel que délivré était nouveau (article 54 CBE) compte tenu de l'enseignement des documents :
A2 : US-A-5 026 955 ;
A3 : EP-A-1 951 003 et
A7 : EP-A-718 742.
La division d'opposition a également estimé que l'objet de la revendication indépendante 1 impliquait une activité inventive au sens de l'article 56 CBE compte tenu de l'enseignement de A7, retenu comme état de la technique le plus proche. Selon la division d'opposition, le procédé revendiqué ne résultait pas davantage de manière évidente des connaissances générales relatives à la norme Flicker telles que définies par
A4 : IEC "international Standard" 61000-3-3 Geneva, IEC, 31 March 2002, Ed. 1.1.
V. L'opposante a déposé un recours contre cette décision et demandé son annulation et la révocation du brevet.
VI. À l'appui de son recours, l'opposante a développé les arguments soulevés au cours de la procédure d'opposition selon lesquels l'objet des revendications n'était pas nouveau (Articles 54 CBE) compte tenu de l'enseignement des documents A7 ou A3 ou, tout au moins, ne résultait pas d'une quelconque activité inventive (article 56 CBE) compte tenu de ces deux documents.
VII. L'opposante s'est également efforcée de démontrer que le procédé de la revendication 1 ne résolvait pas le problème technique identifié dans le fascicule de brevet visant à lisser la puissance fournie par l'élément de chauffage. Selon elle, rien dans la formulation de la revendication 1 telle que délivrée n'exigeait que ce soit une période programme minimale qui soit retenue pour l'activation répétée de l'élément électrique. Il résultait de la formulation retenue que toute période programme était envisageable dès lors que celle-ci était déterminée à partir de la puissance instantanée.
VIII. Dans son courrier de réponse au mémoire de recours de l'opposante, la titulaire (l'intimée) a demandé le rejet du recours et, à titre subsidiaire, le maintien de brevet sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 3, jointes à ce courrier de réponse. Les requêtes subsidiaires 1 et 2 correspondaient aux requêtes 1 et 2 qui avaient été déposées au cours de l'opposition. La requête subsidiaire 3 était nouvelle.
IX. En réponse aux arguments avancés par l'opposante, la titulaire faisait observer, entre autres choses, que la puissance instantanée évoquée dans la revendication 1 correspondait à la puissance instantanée, telle qu'elle était déterminée lors de la mise en ½uvre du procédé et non pas préalablement à cette mise en ½uvre. La détermination de cette puissance instantanée relevait de techniques biens connues de l'homme du métier. En outre, la revendication 1 intégrait toutes les caractéristiques requises pour résoudre le problème technique visant à éviter un surdimensionnement de la période programme.
X. Les parties ont été citées à comparaître à une procédure orale.
XI. Dans la notification émise par la chambre au titre de l'article 15(1) RPCR 2020, celle-ci s'est prononcée sur les requêtes initiales de la titulaire (requête principale et requêtes subsidiaires 1 à 3). Elle observait que le procédé revendiqué tel que délivré ne semblait pas reproduire l'ensemble des caractéristiques essentielles requises à la résolution du problème à la base de l'invention. En effet, si la description faisait ressortir la nécessité de déterminer un seuil minimum de la période programme (Tprog), en dessous duquel le nombre de variations de puissance instantanée par minute aurait dépassé les prescriptions définies par la norme "Flicker" (A4), le procédé revendiqué ne comprenait aucune limitation dans ce sens.
La chambre notait également, qu'en l'absence de durée maximale de période programme définie dans la revendication 1, le second problème à la base de l'invention évoqué aux paragraphes [0012] et [0013] du brevet, lié à la perception d'irrégularité au cours des phases de chauffage, n'était pas davantage résolu.
Si le manque de clarté mis en évidence ne pouvait justifier, en tant que tel, la révocation du brevet, la chambre rappelait qu'il n'en était pas pour autant sans incidence sur la brevetabilité du procédé revendiqué puisqu'il conduisait à redéfinir le problème objectif résolu par l'invention (cf. décision T 939/92 Triazoles, JO OEB 1996, 309).
La revendication 1 telle que délivrée s'avérait d'autant plus générale que la fonction qui sert à la détermination de la durée de période programme (Tprog) à partir de la variation de puissance instantanée pouvait être, en l'absence de toute précision complémentaire, quelconque. Compte tenu de la généralité de la revendication 1, la chambre estimait que le problème technique objectif à résoudre se réduisait à déterminer une durée de période programme Tprog de référence au cours de laquelle la puissance de consigne était délivrée. Le caractère général du problème technique à résoudre conduisait à reconnaître la pertinence des documents de l'état de la technique cités à l'encontre du brevet délivré.
XII. La titulaire a réagi à la communication de l'avis provisoire émis par la chambre et déposé de nouvelles requêtes subsidiaires 4 à 6. Tout en reconnaissant que le procédé revendiqué conduisait à couvrir différentes valeurs de périodes programmes, la titulaire insistait sur le fait que l'état de la technique se limitait à une présélection de ces périodes programmes et que le mérite de l'invention résidait précisément dans le fait de faire dépendre celles-ci de la valeur instantanée qui était sélectionnée lors de la mise en ½uvre du procédé de chauffage.
XIII. Dans une réponse écrite, l'opposant a attaqué la recevabilité des nouvelles requêtes subsidiaires.
XIV. Deux jours se sont avérés nécessaires aux débats entre les parties lors de la procédure orale.
L'opposante et la titulaire étaient représentées lors de la première journée de débats, le 18 novembre 2021. La titulaire a retiré les requêtes subsidiaires 1, 2, 4 et 5 après que la chambre eut indiqué que le procédé de la revendication 1 tel que délivré ne résolvait aucun problème technique. Après que la chambre eut communiqué sa décision de ne pas admettre la requête subsidiaire 6, la titulaire a déposé une nouvelle requête subsidiaire 7. La procédure orale s'est interrompue après que la chambre eut statué favorablement sur la recevabilité de la requête subsidiaire 7.
La procédure orale s'est poursuivie le 12 juillet 2022, après que les parties aient eu l'opportunité de se prononcer par écrit sur les mérites de la nouvelle requête subsidiaire 7. Comme elle l'avait préalablement annoncé, la titulaire n'était pas représentée lors de cette seconde journée de débats.
XV. Les demandes finales des parties étaient les suivantes.
L'opposante a demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet. Elle a également contesté la recevabilité de toutes les requêtes subsidiaires.
La titulaire a demandé, à titre principal, le rejet du recours, c'est-à-dire le maintien du brevet tel que délivré.
À titre subsidiaire, la titulaire a demandé le maintien du brevet sous une forme modifiée selon l'une des requêtes subsidiaires :
- 3, déposée avec la réponse au mémoire de l'opposante exposant les motifs du recours,
- 6, déposée avec la réponse à la notification de la chambre envoyée au titre de l'article 15(1) RPCR 2020, ou
- 7, déposée au cours de la procédure orale du 18 novembre 2021.
Dans le courrier déposé en prévision de la seconde journée de procédure orale, dans lequel la titulaire indiquait qu'elle n'y serait pas représentée, celle-ci a également demandé que les nouveaux motifs et faits présentés par l'opposante à l'encontre de la requête subsidiaire 7, suite à la première journée de procédure orale, soient déclarés irrecevables.
XVI. La revendication 1 selon la requête principale de la titulaire s'énonce comme suit (les signes de référence étant ici omis):
Procédé d'alimentation en puissance à une valeur de puissance de consigne d'au moins un élément électrique, comprenant une étape d'alimentation cyclique sur une succession de périodes programme dudit au moins un élément électrique à au moins une puissance instantanée d'alimentation ladite au moins une puissance instantanée d'alimentation étant délivrée audit au moins un élément électrique suivant un motif répété sur chaque période programme, caractérisé en ce qu'il comporte une étape préalable de détermination d'une durée de période programme en fonction de la variation de puissance instantanée alimentant ledit au moins un élément électrique pendant ladite étape d'alimentation cyclique.
XVII. La revendication 1 selon la requête subsidiaire 3 combine les revendications 1 et 2 telles que délivrées et intègre donc la caractéristique supplémentaire suivante :
...,
ladite étape préalable de détermination étant mise en ½uvre à partir d'une relation préétablie reliant la durée minimale d'une période programme à un écart donné de puissance instantanée.
XVIII. La revendication 1 selon la requête subsidiaire 6 combine les revendications 1, 2 et 3 telles que délivrées et intègre, comparé à la revendication 1 de la requête subsidiaire 3, la caractéristique suivante :
...,
ladite relation préétablie étant déterminée à partir d'une norme fixant un nombre de variations de tension par minute autorisées sur un réseau électrique d'alimentation dudit au moins un élément électrique, en fonction de la valeur de la variation de tension.
XIX. La revendication 1 selon la requête subsidiaire 7 diffère de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 6 en ce que la définition de l'étape préalable intègre la précision reproduite ci-dessous en caractères gras :
...,
ladite étape préalable de détermination étant mise en ½uvre en fixant la durée de la période programme à une durée minimale à partir d'une relation préétablie reliant ladite durée minimale d'une période programme à un écart donné de puissance instantanée [...]
XX. Chaque requête intègre également une revendication indépendante pour un appareil de cuisson électrique qui reproduit, sous la forme de caractéristiques fonctionnelles, les caractéristiques de la revendication indépendante de procédé correspondante.
Requête principale - Nouveauté (articles 100(a) et 54 CBE)
Vis-à-vis de A7
1. Le document A7 décrit un procédé d'alimentation en puissance pour des éléments de chauffage pour foyers de cuisson. Le procédé prévoit une répétition cyclique de phases d'activation et de désactivation des éléments chauffants de manière à délivrer, en moyenne, la puissance de consigne préalablement sélectionnée par l'utilisateur (colonne 2, lignes 27-34). Les cycles de chauffage sont définis de façon à respecter les exigences de la norme "Flicker" (colonne 1, lignes 31-33) et à garantir une certaine régularité du cycle de chauffage (colonne 2, lignes 1-4). Les variations de puissance instantanée résultant de la succession des phases d'activation et de désactivation dépendent des variations de résistance électrique des éléments chauffants, celles-ci dépendant elles-mêmes de la température de ces éléments. Les différentes puissances de consigne sont obtenues en faisant varier la durée relative des phases d'activation et de désactivation au cours de périodes programme prédéfinies.
2. Concrètement, le procédé de régulation selon A7 consiste à prédéfinir, pour chaque puissance de consigne, la période programme ainsi que les durées relatives d'activation et de désactivation de l'élément électrique chauffant adaptées.
3. Selon un mode de réalisation préféré, deux périodes programme s'avèrent suffisantes pour couvrir l'ensemble des puissances de consigne. Le choix des périodes programme est effectué préalablement à la mise en ½uvre effective du procédé. Pour des puissances de consigne réduites, une période programme longue est retenue alors qu'une période de programme courte permettra l'obtention de puissances de consigne moyennes ou élevées. La sélection des périodes programme repose sur le constat selon lequel la proportion dédiée à la période de désactivation de l'élément chauffant se réduit à mesure que la puissance de consigne demandée croît. La réduction des périodes de refroidissement des éléments chauffants qui en résulte entraîne, en effet, une réduction des pics de courant et de puissance consommés, rendant ainsi possible, compte tenu des exigences résultant de la norme Flicker, une relative réduction des périodes programme.
4. Contrairement à l'analyse développée par l'opposante, le procédé d'alimentation de A7 ne fait donc pas dépendre la période programme de la puissance instantanée. C'est au contraire la sélection de la puissance de consigne par l'utilisateur qui déterminera, dans le cadre du cycle d'alimentation cyclique, la période programme et les durées d'activation et de désactivation de l'élément électrique chauffant correspondantes. Dans le contexte de A7, les profils de courant et de puissance consommée sont déterminés dès lors que l'utilisateur aura procédé à la sélection de la puissance de consigne.
5. L'énoncé de la revendication 1 du brevet ne précise pas à quel moment la détermination de la période programme est effectuée. Comme le souligne l'opposante, celle-ci peut alors être effectuée en amont du processus de régulation stricto sensu mis en ½uvre lors de la phase de cuisson initiée par l'utilisateur.
6. Ce constat n'affecte cependant en rien l'analyse qui précède. En l'occurrence, A7 ne contient aucune indication quant à la façon dont la période programme retenue initialement pour chaque puissance de consigne ou chaque gamme de puissances de consigne sera déterminée. Ce constat suffit en lui-même à établir que l'objet de la revendication 1 est nouveau vis-à-vis de A7.
7. La chambre retient cependant, de manière surabondante, que la méthode la plus immédiate pour définir les paramètres opérationnels serait de procéder par voie de mesure lors de la conception des systèmes considérés. Cette méthode reviendrait à calibrer les systèmes en question et à déterminer pour chaque couple période programme - durée d'activation de l'élément chauffant la fluctuation de puissance qui en découle pour ne retenir ensuite que les couples de valeurs conformes aux exigences de la norme Flicker. Cette approche, qu'elle soit réalisée de manière expérimentale, ou par voie de modélisation, conduit cependant, là-encore, à reconnaître que la variation de puissance instantanée est la conséquence de la période programme initialement retenue (et des durées relatives d'activation et de désactivation) et non l'inverse, comme le définit la revendication 1.
8. Le procédé revendiqué se distingue donc du procédé mis en ½uvre dans A7 en ce qu'il comporte une étape préalable de détermination d'une durée de période programme en fonction de la variation de puissance instantanée alimentant ledit au moins un élément électrique pendant ladite étape d'alimentation cyclique.
Vis-à-vis de A3
9. Le procédé mis en ½uvre dans A3 décrit une approche de la régulation sensiblement différente de celle envisagée dans le cadre de l'invention.
10. Le procédé de A3 vise à déterminer les fréquences d'induction f1 et f2 qui permettront de délivrer à deux systèmes inducteur/récipient fonctionnant sur une même phase les puissances de consigne requises. Le procédé prévoit une répétition des cycles d'alimentation en puissance des éléments chauffants. Chaque cycle de base comprend une première phase T1, au cours de laquelle les deux systèmes fonctionnent en parallèle et à la même fréquence f1, et une phase complémentaire T2, au cours de laquelle seul l'un des deux systèmes sera alimenté à la fréquence f2. La période programme est définie par la somme des phases T1 et T2. La mise en ½uvre du procédé consiste à identifier l'ensemble des solutions (triplets f1, f2, D (D=T1/T2)) susceptibles de fournir les puissances de consigne requises par les deux systèmes inducteur/récipient (paragraphes [0021]-[0024], [0029], [0036]-[0038]).
11. L'ensemble des solutions est en général infini, dans la mesure où les contraintes imposées par le biais des puissances de consigne se traduisent par un système d'équations dans lequel le nombre d'équations est inférieur au nombre d'inconnues (paragraphes [0059]-[0061]). En outre, non seulement les contraintes ainsi définies admettent un ensemble de solutions infini, mais chaque solution admet elle-aussi un nombre de périodes programme lui-même illimité, la période programme étant en effet indépendante du paramètre D.
12. Seule l'introduction de contraintes supplémentaires permet de réduire le nombre de solutions envisageables et donc le domaine de valeurs possibles pour le paramètre D. En l'occurrence, A3 prévoit effectivement que les exigences résultant de la norme Flicker puissent être prises en compte (paragraphes [0062], [0064], figure 9).
13. L'approche suivie dans A3 diffère cependant fondamentalement de l'approche proposée par l'invention. Elle consiste, en effet, dès lors qu'il est suggéré de prendre en compte les exigences résultant de la norme Flicker, à présélectionner une valeur de la période programme et à traduire ensuite la condition supplémentaire ainsi introduite par une inéquation qui vient alors compléter le système d'équations initial. Comme l'illustre la figure 9 de A3, cette nouvelle condition se traduit, de facto, par une condition sur les variations de puissance instantanée acceptables pour la période programme retenue (cf. Fig. 9, ligne horizontale intitulée "Flicker limit"). Dans la mesure où ces variations de puissance instantanée dépendent des fréquences f1 et f2 associées à chaque valeur de D, la condition supplémentaire se traduit par une condition supplémentaire pour D, réduisant ainsi le domaine des valeurs permises (c'est-à-dire les valeurs des triplets f1, f2, D, solutions du système d'équations).
14. Cette approche se distingue du procédé revendiqué, là encore, en ce que c'est la période programme qui est tout d'abord sélectionnée afin d'en déduire les valeurs des variations de puissance instantanées qui seront acceptables et ainsi les conditions de fonctionnement qui seront conformes aux exigences initialement retenues.
15. Les conditions supplémentaires susceptibles d'être prises en compte peuvent également dépendre d'autres conditions alternatives (cf. A3, revendication 7). Ces conditions supplémentaires auront, elles-aussi, pour effet de réduire le champ des solutions du type (f1, f2, D), mais resteront sans effet sur les possibilités de détermination de la période programme pour chaque valeur de D retenue. Ce sera également le cas si ces conditions conduisent à une solution unique, par exemple, en fixant une condition de variation de puissance instantanée nulle. La solution D = 0,43 (cf. figure 9) est en effet sans conséquence pour le choix de la période programme, qui pourra là encore être quelconque.
16. En l'occurrence, A3 ne divulgue pas l'étape de détermination de la période programme à partir de la variation de la puissance instantanée. L'objet de la revendication 1 est nouveau vis-à-vis de A3.
Requête principale - activité inventive (article 56 CBE)
17. En l'absence, cependant, de toute précision dans la revendication 1 quant à la fonction associant la période programme à la variation de la puissance instantanée, celle-ci peut être quelconque. Elle peut notamment être monotone croissante, comme dans le cas du mode de réalisation divulgué, ou au contraire monotone décroissante.
18. L'absence d'indication quant à la fonction à laquelle il est fait référence rend impossible la détermination d'un quelconque effet technique à partir duquel pourrait être défini le problème technique à résoudre. Il en va notamment de l'effet de lissage de la puissance délivrée (paragraphes [0012], [0015], [0021], [0022] du fascicule de brevet) qui ne saurait découler de la formulation retenue. En effet, comme rappelé précédemment, l'énoncé de la revendication 1 n'implique nullement que la période programme retenue soit limitée. Elle peut, au contraire, selon la fonction qui aura été retenue, conduire à retenir une valeur élevée de la période programme, contraire à l'effet de lissage recherché. A l'inverse, la formulation retenue ne limite pas davantage la période programme à une valeur minimale. L'effet de limitation du nombre de variations de tension par minute tel que requis par la norme Flicker (paragraphe [0025]) n'est pas non plus garanti.
19. Les effets de lissage et de limitation du nombre de variations de tension par minute, évoqués dans la demande, ne résultant pas de la formulation retenue. Ils ne peuvent donc servir de support à la détermination d'un problème technique à résoudre (T 939/92).
20. En l'occurrence, le seul effet identifiable est celui de la détermination d'une période programme pour une variation de puissance instantanée donnée. Cet effet ne constitue cependant pas une contribution technique de l'invention dans la mesure où A7, et A3, prévoient également de déterminer la période programme. Selon A7, celle-ci résultera de la sélection par l'utilisateur de la puissance de consigne. Dans A3, celle-ci sera déterminée de manière arbitraire, afin d'en déduire les profils d'alimentation en puissance effectivement envisageables compte tenu des contraintes fixées.
21. La titulaire a contesté cette analyse et fait valoir que le procédé revendiqué permet de rendre ajustable le choix de la période programme, augmentant ainsi la flexibilité du procédé d'alimentation en puissance. Le problème technique objectif à la base de l'invention consiste alors précisément à permettre ce choix.
22. L'argument n'est pas convaincant. La caractéristique relative à l'existence d'une étape préalable de détermination d'une durée de période programme en fonction de la variation de puissance instantanée alimentant ledit au moins un élément électrique pendant ladite étape d'alimentation cyclique, ne signifie nullement que le procédé d'alimentation en puissance revendiqué puisse être modifié de manière à en adapter les paramètres, et notamment ceux qui sont requis pour la détermination de la période programme. Le point de vue développé par la titulaire n'est pas davantage supporté par la description. Rien dans celle-ci ne suggère que le procédé mis en ½uvre puisse être adapté par l'utilisateur en fonction des choix qu'il pourrait effectuer. Bien qu'indéterminée, la fonction qui permet de déterminer la période programme, à laquelle il est fait référence dans la description, n'a pas vocation, une fois définie, à être modifiée.
23. En l'occurrence, la seule flexibilité qui découle de la formulation retenue dans la revendication est une flexibilité d'interprétation quant à l'étendue de la protection conférée. La formulation de la revendication permet effectivement de couvrir une large gamme de procédés dont l'objectif viserait à lisser la puissance fournie, ou bien, au contraire, à limiter le nombre de variations de puissance instantanée consommée, ou bien encore à atteindre d'autres objectifs qui ne sont pas même évoqués dans le fascicule de brevet.
24. La revendication 1 ne contient pas de caractéristiques techniques qui permettraient d'ajuster la détermination de la période programme en fonction de quelconques critères. Le problème technique évoqué par la titulaire n'est pas résolu par le procédé selon la revendication 1.
25. Comparé aux procédés de A7 et de A3, le procédé revendiqué ne résout aucun problème technique (cf. G 1/19, Pedestrian simulation, JO OEB 2021, A77, point 33; T 72/95 Ionizing liquid/IBBOTT, point 5.4). L'objet de la revendication 1 n'est donc pas inventif au sens de l'article 56 CBE.
Requêtes subsidiaires 6, 3, 7 - dans l'ordre de considération
26. La recevabilité de la requête subsidiaire 3 a été abordée au cours de la seconde journée de procédure orale, c'est-à-dire après que la chambre eut statué, au cours de la première journée, sur la recevabilité de la requête subsidiaire 6 et décidé de ne pas admettre cette dernière. Bien qu'elle ait été déposée et admise au cours de la première journée, la requête subsidiaire 7 a été évaluée sur le fond au cours de la seconde journée. En raison de cette chronologie, la chambre traitera ces requêtes subsidiaires dans l'ordre 6, 3, 7, correspondant à l'ordre effectif de traitement.
Requête subsidiaire 6 - recevabilité (article 13 RPCR 2020)
27. La requête subsidiaire 6 a été déposée pour la première fois après la signification d'une citation à une procédure orale, avec la réponse à la notification d'accompagnement de la chambre émise en vertu de l'article 15(1) RPCR 2020. Son admission est soumise aux dispositions de l'article 13(2) RPCR 2020 ainsi qu'aux critères de l'article 13(1) RPCR 2020 (pour l'applicabilité, voir l'article 25(1) RPCR 2020).
28. La formulation de la revendication 1 retenue ne suffit pas à établir l'existence d'un quelconque effet technique autre que celui consistant à la détermination d'une période programme. Concrètement, les caractéristiques supplémentaires introduites par rapport à la revendication 1 de la requête principale ne permettent pas d'établir que la période programme sélectionnée contribue effectivement à l'effet de lissage, ou bien à une limitation du nombre de variations de puissance consommée par minute, auxquels il est fait référence dans la description.
29. Le fait que l'étape préalable soit "mise en ½uvre à partir" d'une relation préétablie reliant la durée minimale d'une période programme à un écart donné de puissance instantanée ne limite aucunement le choix de cette période programme. La référence supplémentaire à une norme fixant un nombre de variations de tension par minute autorisées sur un réseau électrique d'alimentation dudit au moins un élément électrique en fonction de la valeur de la variation de tension ne modifie en rien ce constat dans la mesure où l'indétermination quant à la période programme persiste. En effet, indépendamment du fait que la relation préétablie n'est pas elle-même définie, les termes "étant mise en ½uvre à partir d'une relation préétablie" n'impliquent nullement que les valeurs retenues correspondent effectivement aux valeurs définies par ladite relation.
30. La chambre observe que les modifications apportées à la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 ne permettent pas de surmonter, de prime abord, les questions soulevées à l'encontre de la requête principale quant à l'absence d'effet technique du procédé revendiqué vis-à-vis de l'état de la technique.
31. Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 13(1) RPCR 2020, la chambre décide de ne pas admettre la requête subsidiaire 6.
Requête subsidiaire 3 - recevabilité (articles 12(2) et (4) RPCR 2007)
32. La requête subsidiaire 3 a été déposée pour la première fois en 2017 avec la réponse au recours. Son admission dans la procédure de recours est soumise aux dispositions de l'article 12(4) RPCR 2007 (pour l'applicabilité de cette norme, voir l'article 25(2) RPCR 2020).
33. La revendication 1 de la requête subsidiaire 3, qui combine les revendications 1 et 2 de la requête principale, est de portée plus générale que la revendication 1 de la requête subsidiaire 6, qui combine les revendications 1, 2 et 3 de la requête principale. Les raisons avancées à l'encontre de la requête subsidiaire 6, en vertu desquelles les modifications effectuées ne suffisent pas à identifier un quelconque problème technique à résoudre, s'appliquent donc a fortiori à la revendication 1 de la requête subsidiaire 3.
34. Concrètement, la caractéristique supplémentaire selon laquelle ladite étape préalable de détermination est mise en ½uvre à partir d'une relation préétablie reliant la durée minimale d'une période programme à un écart donné de puissance instantanée ne permet pas de préciser la valeur de la période programme qui sera sélectionnée. Les termes "mise en ½uvre à partir d'une relation préétablie..." ne suffisent pas, en effet, à établir si la période programme sera celle qui est définie par la fonction préétablie ou si cette fonction correspond à une limite supérieure, ou inférieure, d'un domaine de valeurs permissibles. Au même titre que la revendication 1 de la requête principale, la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 ne permet pas d'identifier un quelconque effet technique.
35. Les arguments présentés à l'appui de la requête subsidiaire 3 lors de la procédure orale du 18 novembre 2021 n'affectent en rien l'analyse ayant conduit au rejet de la requête principale. Ainsi, la requête subsidiaire 3 ne porte pas, de prime abord, sur un objet admissible. Par conséquent, elle n'est pas recevable (article 12(4) RPCR 2007, voir jurisprudence des chambres de recours, 10ème édition 2022, V.A.5.12.3(a)).
36. En vertu également de l'article 12(4) RPCR 2007, une soumission telle que le dépôt de la requête subsidiaire 3 sera prise en considération par la chambre si et dans la mesure où elle remplit les conditions visées à l'article 12(2) RPCR 2007.
37. Selon l'article 12(2) RPCR 2007, le mémoire exposant les motifs du recours et la réponse doivent contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie. Ils doivent présenter de façon claire et concise les motifs pour lesquels il est demandé d'annuler, de modifier ou de confirmer la décision attaquée, et doivent exposer expressément et de façon précise tous les faits, arguments et justifications qui sont invoqués.
38. En l'occurrence, la réponse au mémoire de recours ne comportait aucune justification suffisante concernant la requête subsidiaire 3.
39. La réponse au mémoire de recours produite par la titulaire ne contient que quelques commentaires relatifs à cette requête. Ceux-ci se limitent à l'identification des modifications effectuées, à l'argument selon lequel la modification de la revendication 1 représente une optimisation du procédé de la revendication 1 telle que délivrée et au constat selon lequel son objet n'était divulgué par aucun des documents cités par l'opposante.
40. L'évocation d'une optimisation du procédé initialement revendiqué, sans préciser la nature de cette optimisation ou la façon dont elle serait obtenue, ne permet pas d'établir en quoi la modification entreprise permet de remédier aux objections soulevées à l'encontre de la requête principale. La requête subsidiaire 3 déposée avec la réponse au mémoire de recours n'a donc pas été suffisamment motivée.
41. La requête subsidiaire 3 n'étant pas conforme aux exigences de l'article 12(2) RPCR 2007, elle est également irrecevable pour ce motif (cf. jurisprudence des chambres de recours, 10ème édition, V.A.5.12.6).
42. Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 12(4) RPCR 2007, la chambre décide de ne pas admettre la requête subsidiaire 3.
Requête subsidiaire 7 - recevabilité (article 13 RPCR 2020)
43. La requête subsidiaire 7 a été déposée après la signification de la citation à la procédure orale, en l'occurrence, le premier jour de celle-ci. Son admission dans la procédure de recours est soumise aux dispositions de l'article 13(2) RPCR 2020 ainsi qu'aux critères de l'article 13(1) RPCR 2020 (pour l'applicabilité de cette norme, voir l'article 25(1) RPCR 2020).
44. La requête subsidiaire 7 constitue une réaction à l'avis exprimé par la chambre au cours de la procédure orale quant à l'irrecevabilité de la requête subsidiaire 6. La précision supplémentaire introduite dans les revendications 1 et 6 quant à la fixation de la durée de la période programme à une durée minimale permet, de prime abord, de préciser le choix de celle-ci, et de préciser ainsi l'effet technique de lissage que permet cette sélection.
45. Le sens de la caractéristique supplémentaire ne pose a priori pas de difficulté de compréhension d'ordre technique. La caractéristique nouvelle introduite dans les revendications indépendantes découle du contenu global de la description d'origine (paragraphes [0021], [0024], [0031] de la demande telle que publiée). Elle s'inscrit également dans le droit-fil des débats ayant accompagné la discussion de la requête principale, et de ceux relatifs à la recevabilité de la requête subsidiaire 6.
46. Les précisions introduites dans les revendications indépendantes de la requête subsidiaire 7 permettent, de prime abord, d'obtenir un lissage de la puissance délivrée. Cet effet permet ainsi de remédier au problème d'irrégularité observé lors du chauffage des aliments lorsque les cycles de chauffage sont surdimensionnés. L'identification d'un problème objectif à résoudre permet donc a priori de surmonter l'objection retenue à l'encontre de la revendication 1 de la requête principale (article 13(1) RPCR 2020).
47. Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 13 RPCR 2020, la chambre souligne que la requête subsidiaire 7 s'inscrit dans la ligne de la requête subsidiaire 3, déposée avec la réponse au mémoire de recours, et qu'elle vise à suppléer aux carences de la requête subsidiaire 6, déposée en réponse à la notification de la chambre. À cet égard, la chambre a notamment tenu compte du fait que c'est sur la base d'arguments complémentaires développés par l'opposante au cours de la procédure orale, selon lesquels les modifications apportées à la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 ne suffisaient pas à établir que la période programme est directement définie par la fonction préétablie, que la chambre a déclaré la requête subsidiaire 6 irrecevable.
48. Ces circonstances exceptionnelles au sens de l'article 13(2) RPCR justifient que la requête subsidiaire 7 soit admise dans la procédure de recours.
Requête subsidiaire 7 - clarté (article 84 CBE).
49. Au cours de la seconde journée de procédure orale, il a été débattu de la signification qu'il convenait d'accorder à la précision supplémentaire introduite dans les revendications indépendantes selon laquelle l'étape préalable de détermination est mise en ½uvre en fixant la durée de la période programme à une durée minimale. Cette précision est à interpréter à la lumière de la caractéristique selon laquelle cette détermination est obtenue à partir d'une relation préétablie reliant la durée minimale d'une période programme à un écart donné de puissance instantanée.
50. Contrairement au point de vue développé par l'opposante, la précision apportée n'affecte en rien la clarté de la revendication. L'argument mis en avant par l'opposante, selon lequel la formulation retenue ne permet pas d'établir si un procédé donné tombe sous la portée de la revendication en raison de l'indétermination quant à la fonction préétablie ne résulte pas de la précision apportée, mais des termes des revendications 1, 2 et 3 telles que délivrées.
51. Les problèmes de clarté soulevés par l'opposante ne peuvent donc faire l'objet d'un examen en opposition (cf. G 3/14, JO OEB 2015, 102).
52. Une analyse approfondie de la formulation retenue conduit au constat selon lequel l'adjectif "minimale", employé pour qualifier la durée de la période programme, est dépourvu de toute signification dès lors qu'il est stipulé que c'est la valeur fournie par cette relation préétablie qui sera retenue. La revendication 1 implique uniquement que la période programme qui sera sélectionnée est celle qui est stipulée par la relation préétablie à partir des variations de puissance instantanée.
53. Contrairement au point de vue développé par l'opposante, ce constat ne génère aucune ambiguïté dans la mesure où la formulation retenue permet d'identifier la période programme.
54. En l'occurrence, la précision apportée est claire dans le contexte des revendications indépendantes 1 et 6. Les revendications indépendantes de la requête subsidiaire 7 sont conformes aux exigences de l'article 84 CBE.
Requête subsidiaire 7 - activité inventive (article 56 CBE).
55. Il résulte du constat effectué ci-dessus quant à l'absence de signification de l'adjectif "minimale" que celui-ci peut être omis dans l'analyse qui suit.
56. En l'absence de toute précision dans la revendication 1 permettant de définir, à partir de la norme associant le nombre de variations de tension par minute à la valeur de ces variations, l'indétermination relative à la relation préétablie reliant la durée programme à la variation de puissance instantanée reste entière.
57. En l'occurrence, la chambre est conduite à revoir son appréciation initiale quant à l'existence d'un effet technique de lissage résultant de la précision apportée. En effet, la relation préétablie à laquelle il est fait référence peut être quelconque : les valeurs qu'elle est susceptible de livrer peuvent être elles-aussi quelconques rendant donc impossible l'identification d'un effet technique.
58. Un tel effet ne serait véritablement présent que si la fonction préétablie avait été définie, au-delà du nom attribué au paramètre qu'elle permet d'obtenir, de façon à livrer une durée effectivement réduite, susceptible de produire un effet de lissage de la puissance délivrée.
59. L'objet de la revendication 1 ne résout aucun problème technique comparé aux procédés de A7 ou de A3. Le procédé revendiqué n'est pas inventif au sens de l'article 56 CBE (cf. G 1/19 point 33; T 72/95, point 5.4).
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.