T 0435/17 19-03-2019
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Procédé de décoration d'un flacon transparent ou translucide
SGD S.A.
VERESCENCE Somme
VERESCENCE France
Intervention du contrefacteur présumé - recevable (oui)
Renvoi à la première instance - (non)
Audition d'experts techniques - (non)
Nouveauté - requête principale (non)
Activité inventive - requête subsidiaire (non)
Vice fondamental de procédure - (oui)
Remboursement de la taxe de recours - (non)
Objection selon la règle 106 CBE - (rejetée)
I. Le brevet européen n° 2 135 523 (ci-après "le brevet") concerne un procédé de décoration d'un flacon transparent ou translucide en verre ou en matériau plastique, destiné au domaine de la cosmétique, pour contenir un produit cosmétique tel qu'un parfum.
II. Une opposition a été formée contre ce brevet dans son ensemble. Elle était fondée sur les motifs d'opposition de l'extension non-admissible de l'objet de la demande (article 100c) CBE), de l'insuffisance de l'exposé (article 100b) CBE), du défaut de nouveauté et du défaut d'activité inventive (article 100a) CBE).
III. Au terme de la procédure orale devant la division d'opposition celle-ci a décidé que
- le motif de défaut de nouveauté s'opposait au maintien du brevet tel que délivré et tel que modifié selon la requête subsidiaire 3 alors pendante;
- le jeu de revendications selon la requête subsidiaire 4 alors pendante n'était pas admissible en application de l'article 123(2) CBE; et
- le brevet modifié conformément à la requête subsidiaire 6 alors pendante satisfaisait aux exigences de la CBE.
IV. La titulaire du brevet et l'opposante ont formé recours contre cette décision intermédiaire.
V. Étant donné que la titulaire du brevet et l'opposante sont toutes les deux requérante et intimée dans la présente procédure de recours, par souci de simplicité, dans la suite elles seront désignées comme étant la titulaire du brevet et l'opposante.
VI. Deux contrefacteurs présumés sont intervenus dans la procédure de recours.
VII. Dans la suite, l'opposante et les deux intervenantes sont appelées opposantes 1, 2 et 3.
VIII. Dans une notification au titre de l'article 15(1) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR) datée du 7 septembre 2018, la Chambre a fait part de son appréciation provisoire de l'affaire.
En particulier, la Chambre a donné son avis selon lequel les deux interventions étaient recevables et qu'il n'était pas approprié de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition. En outre, la Chambre a exprimé un avis provisoire négatif concernant la nouveauté de la revendication 1 telle que délivrée.
IX. La procédure orale s'est tenue le 19 mars 2019 en présence des quatre parties.
X. Requêtes
La titulaire du brevet a sollicité, à titre principal, l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sous forme délivrée et, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base d'un des jeux de revendications modifiées déposés en tant que requêtes subsidiaires 1 à 8 par courrier du 11 février 2019. Celle-ci a en outre requis que les interventions soient déclarées irrecevables et, au cas où il ne serait pas fait droit à cette requête, que l'affaire soit renvoyée devant la division d'opposition. Elle a également soulevé une objection au titre de la règle 106 CBE au cas où sa requête en renvoi ne serait acceptée.
Les opposantes 1 à 3 ont sollicité l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet. L'opposante 1 a en outre requis le remboursement de sa taxe de recours.
XI. Revendications
a) Requête principale
La revendication 1 de procédé telle que délivrée est libellée comme suit (par rapport à la revendication 1 déposée à l'origine, les passages nouveaux sont en caractères gras et les passages supprimés sont biffés; la numérotation des caractéristiques a été introduite par la Chambre) :
a) Procédé de décoration d'un flacon transparent ou
translucide en verre ou en matériau plastique[deleted: ,]
b) destiné au domaine de la cosmétique[deleted: ,] pour contenir
un produit cosmétique tel qu'un parfum[deleted: ,] ou
similaire[deleted: ,] et dont la décoration est réalisée à
l'intérieur du flacon, [deleted: et]
c) [deleted: qui consiste à réaliser] dans lequel il est réalisé
au moins [deleted: un revêtement] une couche de décoration sur
la surface [deleted: interne] intérieure du flacon[deleted: ,] par
pulvérisation [deleted: d'un brouillard de liquide] à
l'intérieur du flacon,
caractérisé en ce [deleted: que] qu'
d) on pulvérise un produit liquide à l'intérieur du
flacon qui réalise un revêtement interne formé par
une couche de décoration interne en contact avec le
produit cosmétique
e) d'un produit polymère inorganique qui comprend une
matrice à base de silice et des pigments ajoutés à
la matrice de silice et emprisonnés dans la matrice
à base de silice et ne pouvant migrer dans le
contenu du flacon,
f) réalisé par le procédé sol-gel,
g) [deleted: le liquide est] inerte chimiquement et de
caractéristique proche du verre,
h) [deleted: de façon à ce que] le revêtement interne [deleted: constitue]
[deleted: une couche de protection] faisant barrage en isolant
ledit produit, pour protéger le produit cosmétique
de toute migration éventuelle nuisible à sa
qualité, comme par exemple [deleted: nuisible à] sa fragrance
et/ou sa coloration ainsi qu'à sa conservation.
La revendication 14 telle que délivrée porte sur un flacon destiné au domaine de la cosmétique.
b) Requête subsidiaire 1
Le jeu de revendications de cette requête diffère de celui de la requête principale en ce que les revendications dépendantes 5 et 19 ont été supprimées et les revendications 6 à 22, ainsi que les références qui y sont faites, ont été renumérotées en conséquence.
c) Requête subsidiaire 2
Le jeu de revendications de cette requête diffère de celui de la requête principale en ce que la caractéristique additionnelle de la revendication dépendante 19 a été incorporée dans la revendication de produit 14, la revendication 19 a été supprimée et les revendications dépendantes 20 à 22, ainsi que les références qui y sont faites, ont été renumérotées en conséquence.
d) Requête subsidiaire 3
Le jeu de revendications de cette requête diffère de celui de la requête subsidiaire 2 en ce que la caractéristique additionnelle de la revendication dépendante 5 a été incorporée dans la revendication de procédé 1, la revendication 5 été supprimée et les revendications 6 à 22, ainsi que les références qui y sont faites, ont été renumérotées en conséquence.
e) Requête subsidiaire 4
Le jeu de revendications de cette requête diffère de celui de la requête principale en ce que les revendications de produit 14 à 22 ont été supprimées.
f) Requête subsidiaire 5
Le jeu de revendications de cette requête diffère de celui de la requête subsidiaire 4 en ce que la revendication dépendante 5 a été supprimée et les revendications dépendantes 6 à 13 ont été renumérotées en conséquence.
g) Requête subsidiaire 6
Le jeu de revendications de cette requête diffère de celui de la requête subsidiaire 4 en ce que la caractéristique additionnelle de la revendication dépendante 5 a été incorporée dans la revendication de procédé 1, la revendication 5 été supprimée et les revendications dépendantes 6 à 13 ont été renumérotées en conséquence.
h) Requête subsidiaire 7
Le jeu de revendications de cette requête diffère de celui de la requête subsidiaire 4 en ce que la caractéristique additionnelle de la revendication dépendante 6 a été incorporée dans la revendication de procédé 1, la revendication 6 été supprimée et les revendications dépendantes 7 à 13 ont été renumérotées en conséquence.
i) Requête subsidiaire 8
Le jeu de revendications de cette requête diffère de celui de la requête subsidiaire 7 en ce que la revendication dépendante 5 été supprimée et les revendications dépendantes 6 à 12 ont été renumérotées en conséquence.
XII. Preuves produites
a) Dans le mémoire exposant les motifs du recours, et dans la réponse à celui-ci, la titulaire du brevet et l'opposante 1 ont fait référence, entre autres, aux documents suivants, produits en phase d'opposition et mentionnés dans la décision contestée :
D1: Schottner, G. et al., "Decoration of crystal
glassware via hybrid sol-gel coatings", Verre,
vol. 6, n°5, septembre-octobre 2000, pages 38 à 41;
D2: FR 2 851 940 A1;
D3: Aegerter, M.A. et al., "Revêtements fonctionnels
déposés sur les verres par les techniques sol-gel",
Verre, vol. 6, n°5, septembre-octobre 2000,
pages 30 à 37;
D4: FR 2 889 485 A1.
b) En outre, dans le mémoire de recours et les déclarations d'intervention, les opposantes 1 à 3 ont fait référence aux documents suivants pour la première fois :
D11a: Dinand, P, "Les formes du parfum - 30 ans de
design", Belfond, 1998;
D11b: Catalogue d'exposition "Real fabrica de
cristales", 1991;
D11c: "Millénium Formes de luxe", JBC & Associés,
2001;
D11d: Photographies prises au Grand Musée du Parfum,
Paris;
D12: US 2,661,438.
XIII. Les arguments des parties présentés par écrit et oralement, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, peuvent être résumés comme suit :
a) Recevabilité des interventions
La titulaire du brevet soutient que les interventions sont irrecevables parce que les contrefactrices présumées ne sont pas des tiers au sens de l'article 105(1) CBE.
b) Renvoi de l'affaire
La titulaire du brevet sollicite le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition au cas où les interventions seraient considérés comme recevables. En particulier, comme les attaques de nouveauté et d'activité inventive fondées sur l'antériorité D1 n'ont été ni débattues entre les parties ni traitées dans la décision contestée, l'affaire devrait être renvoyée.
Les opposantes 1 à 3 se sont opposées au renvoi, en faisant valoir que des raisons particulières s'opposaient au renvoi, à savoir les procédures en contrefaçon en instance en France et le fait que D1 a été effectivement examiné par deux degrés de juridiction.
c) Admission des documents D11a à D11d dans la procédure
La titulaire du brevet demande que les documents D11a à D11d soumis par l'opposante 1 ne soient pas admis dans la procédure de recours en raison de leur caractère tardif et leur manque de pertinence. En particulier, ces documents n'apporteraient rien de plus par rapport à la définition usuelle du terme "flacon".
d) Requête principale - Nouveauté
Les opposantes :
Contrairement à l'opinion de la division d'opposition, l'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau vis-à-vis de D1, qui divulgue un procédé de décoration d'un flacon en cristal (figure 4) typiquement utilisé pour conserver des liquides précieux tels que des alcools et qui pourrait être utilisé sans aucune modification pour conserver un produit cosmétique. Dans le contexte de la revendication 1, le terme "produit cosmétique" doit être compris au sens large : il peut s'agir d'un parfum, d'une eau de Cologne, d'une crème (paragraphe 6 du fascicule du brevet), voire même d'un lait d'ânesse. Il n'y a aucune restriction dans la revendication 1 quant à la forme ou la taille du flacon. Comme montré dans les documents D11a à D11d les flacons de parfum peuvent avoir des formes et tailles extrêmement variées. Dans le procédé selon D1, une couche de décoration est déposée sur la surface intérieure du flacon selon la technique sol-gel en pulvérisant un sol (table 1, "Spraying Conditions" et figure 4). Le revêtement obtenu comprend une matrice à base de silice et des pigments qui y sont emprisonnés et ne peuvent pas migrer dans le temps vers le contenu du flacon (page 40, colonnes 1 et 3).
La titulaire du brevet :
D1 ne divulgue pas de procédé de décoration d'un flacon en verre destiné à contenir un produit cosmétique tel qu'un parfum et dont la décoration est réalisée à l'intérieur du flacon (caractéristiques a) et b)). La figure 4 ne montre pas une petite bouteille de type flacon, mais plutôt une carafe de taille beaucoup plus grande. En outre, il n'est pas divulgué dans D1 que le sol a été appliquée par pulvérisation à l'intérieur de la bouteille (caractéristique d)). En fait, la technique de pulvérisation n'est divulguée qu'en relation avec la figure 3 qui montre comment le pied d'un verre à vin est revêtu d'une couche décorative externe. Enfin, il ne ressort pas de D1 que le revêtement pourrait protéger un produit cosmétique de toute migration éventuelle nuisible à sa qualité dans le temps (caractéristique h)). En outre, le produit cosmétique pourrait présenter une incompatibilité avec le revêtement sol-gel de D1.
e) Requête subsidiaire 3 - Nouveauté
Les opposantes :
La revendication 1 telle que modifiée précise que la couche de produit polymère inorganique comprend "des minéraux choisis parmi du zircon ou du titane" en plus de la matrice de silice et des pigments. Cette caractéristique ajoutée ne permet pas de distinguer le procédé revendiqué de celui divulgué dans D1 parce que D1 mentionne l'emploi de tétraalcoxydes de titane (figure 1).
La titulaire du brevet :
L'objet revendiqué est nouveau vis-à-vis de D1. En plus des différences déjà mentionnées à propos de la requête principale, D1 ne divulgue pas que le revêtement comprend "des minéraux choisis parmi du zircon ou du titane". Bien qu'il soit fait référence aux tétraalcoxydes de titane dans la figure 1 de D1, la formulation du revêtement mentionnée à la page 40, colonne 1 de D1 comporte un alcoxyde d'aluminium, et non pas un alcoxyde de titane.
f) Requête subsidiaire 3 - Activité inventive
Les opposantes :
L'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive en partant de D1 comme état de la technique le plus proche. Ce document constitue un point de départ prometteur pour aboutir à l'invention revendiquée parce qu'il appartient à un domaine technique identique ou étroitement lié à celui du brevet. La revendication 1 couvre, entre autres, un mode de réalisation particulier qui ne se distingue du procédé selon D1 que par l'emploi d'un alcoxyde de titane à la place de l'alcoxyde d'aluminium. La titulaire du brevet n'a pas démontré que cette différence impliquait un quelconque effet technique. Le problème technique résolu par l'invention, tel que formulé de manière objective, consiste donc simplement à fournir une alternative à l'alcoxyde d'aluminium existant. D1 décrit les connaissances générales de base de l'homme du métier dans la technique sol-gel et rappelle qu'il est généralement connu d'utiliser comme précurseurs des alcoxydes de silicium ou des alcoxydes métalliques, en particulier des alcoxydes de titane. D1 invite donc à remplacer l'alcoxyde d'aluminium par un alcoxyde de titane. La revendication 1 est ainsi dépourvue d'activité inventive par rapport à D1 pris isolément.
Par ailleurs, si l'homme du métier partait de D2 ou D4 comme état de la technique le plus proche, l'objet de la revendication 1 découlerait de manière évidente de l'enseignement de D3. Le procédé de décoration revendiqué diffère de celui divulgué dans D2 ou D4 par les caractéristiques e) et f). Le problème technique objectif à résoudre peut être vu dans la mise à disposition d'un procédé alternatif de décoration du flacon par pulvérisation d'un liquide. La solution revendiquée est rendue évidente par l'enseignement de D3 (deuxième exemple, pages 31 et 33).
La titulaire du brevet :
D1 ne saurait constituer l'état de la technique le plus proche parce qu'il ne concerne ni le flaconnage ni même la conservation de produits cosmétiques. En fait, D1 concerne le domaine alimentaire qui est très différent du domaine des produits cosmétiques. En particulier, D1 ne traite pas du problème de la dégradation de la fragrance ou de la coloration d'un produit cosmétique tel qu'un parfum.
Les documents D2 et D4 constituent des points de départ plus prometteurs que D1 car ils se rapportent au domaine technique du flaconnage des produits cosmétiques. En fait, D2 est l'état de la technique le plus proche car il adresse le même problème technique que l'invention, en l'occurrence celui de décorer un flacon cosmétique pouvant être indifféremment en verre ou en matériau plastique. L'invention revendiquée diffère de D2 et D4 essentiellement en ce que l'on pulvérise un produit réalisé par le procédé sol-gel. Le problème technique objectif à résoudre peut être vu dans la mise à disposition d'un procédé amélioré de décoration du flacon, celui-ci devant être compatible avec le produit cosmétique qu'il contient. L'homme du métier qui cherche une solution à ce problème n'irait pas consulter D3 qui n'a rien à voir avec le flaconnage de produits cosmétiques. En effet, D3 concerne des verres de lunettes, des écrans, des cellules photovoltaïques ou des lampes halogènes.
Dans l'hypothèse où l'homme du métier partirait de D1 comme état de la technique le plus proche, l'objet de la revendication 1 impliquerait une activité inventive, car D1 n'invite pas à remplacer l'alcoxyde d'aluminium par un alcoxyde de titane dans la formulation spécifique mentionnée à la page 40, colonne 1 de D1, ni même à utiliser comme précurseur un mélange d'alcoxyde de silicium et d'alcoxyde de titane.
g) Requête subsidiaire 7 - Activité inventive
Les opposantes :
L'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive.
Le procédé de décoration revendiqué diffère de celui divulgué dans D1 seulement par l'étape de préchauffage du flacon. La titulaire du brevet n'a pas présenté de preuves à l'appui de son allégation que cette différence permet inévitablement d'améliorer l'accrochage de la couche de décor, d'éviter des défauts de coulures ou craquelures et d'obtenir une couche de décor plus homogène. En fait, il ressort du tableau 1 de D1 que le revêtement sol-gel adhère très bien au substrat en cristal ("Adhesion B5-4") et qu'il est homogène et mince ("Layer thickness 8 ... 12 mym"). Dans l'hypothèse où le problème à résoudre serait effectivement celui d'éviter des défauts de coulures ou craquelures et d'obtenir un revêtement plus homogène, la solution revendiquée serait rendue évidente par l'enseignement de D12. En effet, ce document décrit l'application sur un substrat en verre par la technique sol-gel d'un revêtement à base de silice (revendication 1) qui est coloré avec des pigments organiques ou inorganiques (colonne 8, lignes 53 à 61). Il est indiqué dans D12 l'avantage du préchauffage du substrat en cas de pulvérisation sur un substrat vertical ou courbe, et notamment l'obtention d'une couche homogène, ce qui met en évidence une meilleure accroche sur le substrat (colonne 6, lignes 25 à 41).
Par ailleurs, si l'homme du métier partait de D2 ou D4 comme état de la technique le plus proche, l'objet de la revendication 1 découlerait de manière évidente de l'enseignement de D3, pour les raisons données à propos de la requête subsidiaire 3.
La titulaire du brevet :
Pour les raisons exposées à propos de la requête subsidiaire 3, D1 n'est pas un point de départ réaliste pour apprécier l'activité inventive; D2, ou éventuellement D4, constitue manifestement un point de départ bien plus prometteur. L'étape de préchauffage du flacon est divulguée dans D2 et D4. L'objet revendiqué est inventif par rapport à D2 et D3, ou D4 et D3, pour les mêmes raisons que pour la requête subsidiaire 3.
Dans l'hypothèse où l'homme du métier partirait de D1 comme état de la technique le plus proche, l'objet de la revendication 1 impliquerait une activité inventive, car en plus des différences déjà mentionnées en relation à la requête principale, l'invention revendiquée diffère de D1 par l'étape de préchauffage du flacon. Cette différence a pour effet d'accélérer l'activation des réactions et d'améliorer l'accrochage du revêtement sur la surface interne du flacon (paragraphe 15 du fascicule de brevet). Le problème technique objectif à résoudre est donc celui d'éviter des défauts de coulures ou craquelures et d'obtenir un revêtement sol-gel plus homogène et uniforme. L'homme du métier est un spécialiste du flaconnage qui a des connaissances générales de base en chimie, mais pas de connaissances spécifiques du procédé sol-gel. Il n'a aucune raison de consulter l'enseignement de D12 qui ne concerne pas le flaconnage de produits cosmétiques mais des ampoules à incandescence, et qui divulgue une formulation de revêtement très différente de celle divulguée dans D1. En outre, D12 a été publié en 1953, bien avant le dépôt de la demande du brevet.
h) Objection de vice de procédure selon la règle 106 CBE
Lors de la procédure orale, après que la Chambre a eu rejeté la requête principale et les requêtes subsidiaires 1 à 6 pour défaut de nouveauté et d'activité inventive, la titulaire du brevet a soulevé une objection de vice de procédure selon la règle 106 CBE formulée comme suit:
"Dans la mesure où nous, représentants de la [titulaire du brevet], sommes déboutés de nos requêtes (requête principale et requête auxiliaire 3), sur le fondement d'une attaque ayant été formulée pour la première fois lors des interventions de [l'intervenante 1] et [l'intervenante 2] du 20 mars 2018, attaque de nouveauté prolongée par une attaque d'activité inventive fondée sur le seul document D1, nous soumettons que notre droit d'être entendu n'a pas été respecté. En effet cette objection n'ayant jamais été débattue devant la division d'opposition, il devrait être procédé au renvoi de l'affaire en première instance si cette objection sert de fondement au rejet de nos requêtes. S'il n'est pas procédé au renvoi en première instance, nous soulevons donc une objection au titre de la règle 106 CBE."
i) Remboursement de la taxe de recours
L'opposante 1 a présenté une requête en remboursement de la taxe de recours selon la règle 103(1)a) CBE au motif d'un prétendu vice substantiel de procédure que la division d'opposition aurait commis en citant pour la première fois dans sa décision écrite des éléments de preuve inconnus.
1. Recevabilité des interventions
1.1 Dans la notification selon l'article 15(1) RPCR la Chambre a annoncé et motivé son avis provisoire que les deux interventions sont recevables comme suit:
"8.1 La Chambre juge les deux interventions recevables parce qu'elles satisfont aux dispositions de l'article 105 CBE et de la règle 89 CBE. En particulier, les deux contrefactrices présumées ont apporté la preuve qu'une action en contrefaçon fondée sur le brevet a été introduite à leur encontre (cf. assignation devant le TGI Paris du 22 décembre 2017).
8.2 La titulaire du brevet soutient que les deux interventions sont irrecevables parce que les contrefactrices présumées ne sont pas des tiers au sens de l'article 105(1) CBE, en raison de leur proximité factuelle en termes géographiques, comptables et de représentation avec l'opposante 1, et qu'elles utilisent donc la procédure d'intervention pour porter tardivement à la procédure des moyens qui auraient déjà pu être présentés devant la division d'opposition.
8.3 Toutefois, la Chambre estime que le terme "tout tiers" figurant à l'article 105(1) CBE doit être interprété au sens où le contrefacteur présumé doit être une entité juridique distincte des autres parties à la procédure (cf. par exemple la Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 2016, chapitre IV.C.3.1.1), et qu'il n'existe aucune base juridique pour exclure qu'un contrefacteur présumé partage avec un opposant des locaux, un compte courant pour le paiement de taxes - lesquelles peuvent par ailleurs être payées par toute personne - et/ou un mandataire agréé. Il ne ressort pas des éléments présentés par la titulaire du brevet que les contrefactrices présumées et l'opposante 1 ne sont pas des entités juridiques distinctes.
8.4 La Chambre n'est donc pas persuadée que le fait d'autoriser les interventions revienne à permettre à l'opposante 1 d'introduire tardivement de nouveaux moyens dans la procédure de recours."
1.2 La titulaire du brevet n'a pas répondu sur le fond à cet avis provisoire.
1.3 Au début de la procédure orale, la Chambre a constaté qu'en l'absence d'élément nouveau la conclusion communiquée à titre provisoire devait s'appliquer de manière inchangée et a ainsi décidé que les interventions étaient recevables.
1.4 Les intervenantes sont par conséquent assimilées à des opposantes pour la suite de la procédure (article 105(2) CBE).
2. Renvoi de l'affaire
2.1 Dans la notification selon l'article 15(1) RPCR la Chambre a annoncé et motivé son intention de ne pas renvoyer l'affaire devant la division d'opposition comme suit:
"9.1 La titulaire du brevet sollicite le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition pour bénéficier de deux degrés de juridiction au cas où les deux actes d'intervention seraient considérés comme recevables.
9.2 La titulaire du brevet fait référence à la décision G 1/94, dans laquelle la Grande Chambre de recours a précisé que, lorsqu'un nouveau motif d'opposition est invoqué par un intervenant pendant la procédure de recours, il y a normalement lieu de renvoyer l'affaire devant la première instance (cf. point 13 des motifs). Toutefois, dans le cas présent les intervenantes n'ont pas invoqué de nouveau motif d'opposition.
9.3 Par ailleurs, bien que les actes d'intervention contiennent une nouvelle attaque de nouveauté basée sur D1 et de nouveaux documents, la question de la nouveauté de l'objet revendiqué vis-à-vis de D1 a déjà été discutée en détail devant la division d'opposition et traitée dans la décision attaquée.
9.4 Il s'ensuit que, dans un souci d'économie de procédure et compte tenu de l'état de la procédure ainsi que du fait que la Chambre estime pouvoir trancher elle-même l'affaire en exerçant les compétences de la division d'opposition conformément à l'article 111(1) CBE, l'affaire ne sera pas renvoyée."
2.2 La titulaire du brevet n'a pas répondu sur le fond à cet avis provisoire.
2.3 Au début de la procédure orale, la Chambre a constaté qu'en l'absence d'élément nouveau la conclusion communiquée à titre provisoire devait s'appliquer de manière inchangée et a ainsi décidé de ne pas renvoyer l'affaire devant la division d'opposition, mais de procéder elle-même à l'examen quant au fond en exerçant les compétences de la division d'opposition (article 111(1), deuxième phrase CBE).
2.4 Au cours de la procédure orale, après que la Chambre a eu rejeté la requête principale et les requêtes subsidiaires 1 à 6 pour défaut de nouveauté et d'activité inventive vis-à-vis de D1, la titulaire du brevet a à nouveau demandé le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition afin de bénéficier du double degré de juridiction pour ce qui concerne ces questions qui n'auraient prétendument pas été abordées dans la décision contestée, en particulier le défaut d'activité inventive par rapport au seul document D1.
2.5 La Chambre a estimé que le renvoi n'était toujours pas opportun parce que D1 a de facto été examiné par deux degrés de juridiction. En effet, la question de la nouveauté vis-à-vis de D1 a déjà été débattue devant la division d'opposition et traitée dans la décision contestée (point 3.3.2 des motifs), et la titulaire du brevet a eu la possibilité, et elle en a usé, d'élargir son argumentation devant la Chambre, y compris pour ce qui concerne l'activité inventive du procédé revendiqué. Pour ces raisons, auxquelles s'ajoutent des raisons d'économies de procédure et du fait qu'il n'y ait pas de droit absolu à ce que toutes les objections soient traitées par deux degrés de juridiction, la Chambre a de nouveau rejeté la demande de renvoi de la titulaire du brevet.
3. Admission des documents D11a à D11d et D12 dans la procédure
3.1 La Chambre ne voit pas de raisons valables pour ignorer ces documents dans la procédure (article 12(4) RPCR).
3.2 La titulaire du brevet a certes demandé que ces documents ne soient pas admis dans la procédure en raison de leur dépôt tardif et de leur manque de pertinence. Toutefois, ceux-ci ont été produits en même temps que les déclarations d'intervention des opposantes 2 et 3 et doivent donc être pris en compte. Il en est de même pour le document D12.
4. Audition d'experts techniques
4.1 La titulaire du brevet, d'une part, et les opposantes 1 à 3, d'autre part, ont demandé qu'un expert technique soit autorisé durant la procédure orale à prendre la parole sur les questions relatives au procédé sol-gel. Toutefois, la titulaire du brevet a demandé que l'expert technique des opposantes ne soit pas autorisé à déposer, et vice versa.
4.2 La Chambre s'est considérée comme suffisamment compétente pour trancher le fond de l'affaire sans faire appel à l'aide technique d'experts, proposés par les parties ou même indépendants. La Chambre n'a donc ni procédé à l'audition des experts ni ne les a impliqué dans les discussions au cours de la procédure orale.
5. Requête principale - Nouveauté
5.1 D1 concerne l'utilisation du procédé sol-gel pour la décoration d'objets en cristal (verre enrichi en plomb), en particulier de récipients prévus pour contenir des produits alimentaires et des boissons (pages 40 et 41, en particulier page 40, colonne 3, "liquids which are in touch with the glasses", "glassware containing foodstuff or beverages", "bowls", "jars" et "goblets" et la figure 4 reproduite ci-dessous). D1 décrit qu'un revêtement de décoration interne vitreux et inerte chimiquement est réalisé par le procédé sol-gel, le sol étant déposé à l'intérieur du récipient par pulvérisation (page 40, table 1, "Spraying Conditions"; page 40, colonne 3, en particulier "inner surface" et "coated inside"; titre de la figure 4, en particulier "after being spray coated"). Le revêtement obtenu est un produit polymère inorganique qui comprend une matrice à base de silice et des pigments organiques ou inorganiques ajoutés à la matrice de silice (page 40, colonne 1). Le revêtement empêche la migration du plomb du cristal vers les liquides contenus dans le récipient (page 40, colonne 2, paragraphe 2 à colonne 3, paragraphe 1) et la migration dans le temps des pigments vers le contenu du récipient (page 40, colonne 3, paragraphe 2).
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
5.2 Il y a litige entre les parties sur la question de savoir si D1 divulgue que ledit récipient en cristal est "un flacon destiné au domaine de la cosmétique pour contenir un produit cosmétique tel qu'un parfum" (caractéristiques a) et b)) et si le revêtement interne est destiné à "protéger le produit cosmétique de toute migration éventuelle nuisible à sa qualité, comme par exemple sa fragrance et/ou sa coloration ainsi qu'à sa conservation" (caractéristique h)).
5.3 La Chambre se range à l'avis des opposantes pour les raisons suivantes:
5.3.1 Dans le contexte de la revendication 1, l'homme du métier comprend le terme "flacon" dans le sens usuel qu'il revêt dans la technique, signifiant une petite bouteille. Les deux bouteilles montrées dans la figure 4 de D1 sont des petites bouteilles ou flacons. Bien qu'elles aient une hauteur comparable avec celle du pied du verre à vin montré au centre de la figure 4, cela n'implique pas que ces deux bouteilles ne peuvent pas être considérées comme des flacons. En fait, comme l'ont expliqué les opposantes et comme illustré par exemple dans les documents D11b et D11d, la forme et la taille des flacons de parfum peuvent varier dans une large mesure et leur hauteur peut atteindre plusieurs dizaines de centimètres.
5.3.2 Il est indiqué à la page 40, colonne 3, paragraphe 2 de D1 que la figure 4 montre des objets partiellement revêtus par une couche sol-gel et des objets entièrement revêtus par une telle couche. À la lumière de la figure 3 qui divulgue comment le pied du verre à vin est revêtu et du verre à vin montré au centre de la figure 4, l'homme du métier comprend que le flacon montré à la droite de la figure 4 a été entièrement revêtu par une couche sol-gel et donc que sa surface interne est revêtue. Ceci est en conformité avec l'enseignement à la page 40 de D1 que le revêtement a pour fonction d'empêcher la migration du plomb et des pigments vers le contenu des récipients en cristal. Enfin, il est indiqué dans la table 1 à la page 40 de D1 que le revêtement interne a été déposé par pulvérisation avec une buse de pulvérisation de diamètre compris entre 0,2 et 1,4 mm et cela est compatible avec les dimensions du flacon montré dans la figure 4 de D1. D'ailleurs, le titre de la figure 4 confirme que la couche sol-gel a été déposée par pulvérisation.
5.3.3 Dans le contexte de la revendication 1, les caractéristiques b) et h) doivent être interprétées comme signifiant simplement que le flacon doit convenir à l'utilisation en cosmétique indiquée. Pour la Chambre, le flacon montré à la figure 4 convient effectivement à l'utilisation indiquée. D'une part, il est clair que ce flacon en cristal est, de manière usuelle, destiné à contenir et conserver des alcools précieux, tels que des vins ou des spiritueux. D'autre part, il est précisé dans D1 que le revêtement interne permet d'empêcher la migration du plomb et des pigments vers les produits alimentaires et les boissons. La Chambre est donc convaincue que le flacon de D1 est susceptible d'être utilisé pour le conditionnement d'un produit cosmétique (caractéristique b)), le revêtement interne protégeant alors le produit cosmétique de toute migration éventuelle nuisible à sa qualité dans le temps (caractéristique h)). Dans ce contexte, il est à noter que la revendication 1 ne contient aucune limitation quant à la nature du "produit cosmétique". Par exemple, le produit cosmétique peut être une crème, une eau de Cologne, une lotion, voire même un lait d'ânesse, comme indiqué par les opposantes; ce n'est pas nécessairement un parfum, comme l'avance la titulaire du brevet. La Chambre note par ailleurs, de manière facultative, que cette lecture de la revendication 1 est confirmée par la description du brevet (paragraphes 1 et 6 du fascicule de brevet).
5.4 Par conséquent, la combinaison de caractéristiques de la revendication 1 découle directement et sans équivoque du document D1.
5.5 L'objet de la revendication 1 n'est donc pas nouveau vis-à-vis de D1 au sens de l'article 54(1),(2) CBE.
6. Requêtes subsidiaires 1, 2, 4 et 5 - Nouveauté
6.1 La revendication 1 selon chacune des requêtes subsidiaires 1, 2, 4 et 5 est inchangée par rapport à la revendication 1 selon la requête principale.
6.2 Son objet n'est par conséquent pas nouveau vis-à-vis de D1, pour les mêmes raisons.
7. Requête subsidiaire 3 - Nouveauté
7.1 La revendication 1 selon cette requête diffère de celle selon la requête principale en ce que la couche de polymère inorganique comprenant une matrice à base silice et des pigments comprend aussi "des minéraux choisis parmi du zircon ou du titane".
7.2 Contrairement à ce que soutiennent les opposantes, il n'est pas divulgué dans D1 que le revêtement décrit aux pages 40 et 41 présente cette caractéristique. En fait, il est précisé à la page 40, colonne 1, paragraphe 1 que la matrice du revêtement est formée avec un mélange de trois alcoxydes de silicium et un alcoxyde d'aluminium. Les tétraalcoxydes de titane sont mentionnés dans la figure 1 de D1 mais il n'est pas divulgué directement et sans équivoque qu'ils sont utilisés en combinaison avec les alcoxydes de silicium. À la page 40, colonne 1, paragraphe 2 il est fait référence à la figure 1 mais seulement en ce qui concerne l'ajout de pigments organiques ou inorganiques dans le revêtement.
7.3 L'objet de la revendication 1 est donc nouveau vis-à-vis de D1 au sens de l'article 54(1),(2) CBE.
8. Requête subsidiaire 3 - Activité inventive
8.1 Lors de la procédure orale, les opposantes ont présenté pour la première fois une objection de défaut d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 selon cette requête vis-à-vis de D1 pris isolément. Cette objection a été formulée en réaction à l'opinion de la Chambre quant à l'objection de défaut de nouveauté vis-à-vis de D1; il n'était pas nécessaire de la présenter plus tôt car cela aurait contredit les arguments présentés à l'appui de l'absence de nouveauté (cf. T 131/01, JO 2003, 115). En outre, puisque D1 avait été utilisé par l'opposante 1 dans son mémoire de recours pour attaquer l'activité inventive de la requête subsidiaire admise par la division d'opposition (point 6.2), on pouvait s'attendre à ce que D1 soit également utilisé pour attaquer l'activité inventive de la présente requête. La nouvelle objection pouvait donc être traitée par la Chambre et la titulaire du brevet sans que la procédure orale soit ajournée. La Chambre a donc estimé que la nouvelle objection était recevable (article 13(1) RPCR). Cela n'a pas été contesté par la titulaire du brevet.
8.2 Les opposantes sont d'avis que D1 constitue un point de départ réaliste pour l'évaluation de l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 selon l'approche problème-solution. La Chambre est du même avis. Bien que D1 ne mentionne pas expressément l'utilisation du flacon en cristal de la figure 4 pour conserver un produit cosmétique, le procédé divulgué dans D1 vise à atteindre le même objectif que l'invention revendiquée, à savoir décorer un flacon en verre tout en protégeant son contenu contre toute migration éventuelle nuisible à sa qualité. Il est également clair que le flacon en cristal de D1 est destiné à conserver des alcools précieux, et qu'il est donc conçu dans un but similaire à celui du flacon pour parfum qui forme le mode de réalisation préféré de l'invention revendiquée.
8.3 L'argument de la titulaire du brevet que les documents D2 et D4 constituent des points de départ plus prometteurs que D1 parce qu'ils se rapportent au flaconnage de produits cosmétiques et divulguent des flacons de parfum, n'est pas pertinent. Même si D1 semble à première vue être un point de départ moins prometteur que D2 ou D4 pour arriver à l'invention revendiquée, il reste objectivement un point de départ réaliste pour apprécier l'activité inventive.
8.4 Pour les raisons données au point 7 ci-dessus, le procédé selon la revendication modifiée diffère de celui divulgué dans D1 par la caractéristique additionnelle selon laquelle la couche de polymère inorganique comprenant une matrice à base silice et des pigments comprend aussi "des minéraux choisis parmi du zircon ou du titane".
8.5 En particulier, un mode de réalisation couvert par le libellé de la revendication 1 diffère du procédé divulgué dans D1 en ce que, dans la composition mentionnée à la page 40, colonne 1, l'alcoxyde d'aluminium est remplacé par un alcoxyde de titane.
8.6 Le brevet ne mentionne pas et la titulaire du brevet n'a pas démontré qu'un effet technique particulier est associé à cette différence.
8.7 Par conséquent le problème technique objectivement résolu ne peut être vu que dans la mise à disposition d'un revêtement alternatif à celui obtenu par le procédé sol-gel spécifiquement divulgué dans le mode de réalisation particulier de D1.
8.8 Les parties ont présenté des opinions divergentes quant à la définition de l'homme du métier compétent pour résoudre ce problème. En particulier, la titulaire du brevet soutient que l'homme du métier est un spécialiste du flaconnage qui a des connaissances générales de base en chimie, mais pas de connaissances spécifiques du procédé sol-gel. La Chambre ne partage pas cet avis. Comme le problème objectif suggère à l'homme du métier de rechercher la solution dans le domaine technique du procédé sol-gel, l'homme du métier compétent pour le résoudre est pour le moins spécialiste dans ce domaine. De manière générale, la revendication 1 s'adresse à un praticien qui dispose de connaissances générales dans les domaines techniques qui y sont mentionnés, à savoir le flaconnage (caractéristiques a) à c) et h)) et le procédé sol-gel pour produire un revêtement vitreux (caractéristiques d) à f)). La Chambre estime qu'en l'espèce l'"homme du métier" s'entend comme étant une équipe de praticiens appartenant à ces deux domaines techniques, et non pas un praticien du seul domaine du flaconnage.
8.9 D1 divulgue qu'il est généralement connu d'utiliser des alcoxydes métalliques, en particulier à base de titane, comme précurseurs pour former des revêtements sol-gel (page 38, colonne 3 et figure 1). Ainsi, une des alternatives mentionnées par D1 est l'utilisation d'un alcoxyde de titane à titre de précurseur. La composition revendiquée ne représente donc qu'un choix arbitraire d'alcoxyde métallique opéré au sein des compositions envisagées par D1.
8.10 Par conséquent, l'enseignement de D1 conduit à lui seul l'homme du métier de façon évidente à l'alcoxyde de titane et donc au revêtement alternatif revendiqué.
8.11 L'argument de la titulaire du brevet selon lequel la figure 1 de D1 n'inciterait pas à mélanger un alcoxyde de titane à un alcoxyde de silicium, n'est pas pertinent parce que D1 enseigne déjà d'utiliser comme précurseur un mélange de trois alcoxydes de silicium et d'un alcoxyde métallique, en l'occurrence un alcoxyde d'aluminium (page 40, colonne 1, paragraphe 1).
8.12 L'objet de la revendication 1 n'implique donc pas une activité inventive au sens de l'article 56 CBE.
9. Requête subsidiaire 6 - Activité inventive
9.1 La revendication 1 selon cette requête est inchangée par rapport à la revendication 1 selon la requête subsidiaire 3.
9.2 Son objet n'implique donc pas d'activité inventive vis-à-vis de D1, pour les mêmes raisons.
10. Requête subsidiaire 7 - Activité inventive
10.1 La revendication 1 selon cette requête diffère de celle selon la requête principale en ce que la caractéristique a été ajoutée selon laquelle "la pulvérisation du liquide pour réaliser la couche de décoration interne inerte faisant barrage est réalisée à température ambiante dans le flacon chaud et, dans une étape précédant la pulvérisation, il est procédé au chauffage du flacon".
10.2 Cette caractéristique additionnelle n'est pas divulguée dans D1.
10.3 Pour les raisons données au point 8 ci-dessus, D1 constitue un point de départ réaliste pour l'évaluation de l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 modifiée.
10.4 La titulaire du brevet a soutenu que l'étape de préchauffage du flacon qui distingue l'invention revendiquée du procédé divulgué dans D1 a pour effet d'accélérer l'activation des réactions et d'améliorer l'accrochage du revêtement sur la surface interne du flacon, comme cela est mentionné au paragraphe 15 du fascicule de brevet. Elle en conclut que, partant de D1, le problème technique objectif à résoudre est d'éviter des défauts de coulures ou craquelures et d'obtenir un revêtement interne plus homogène sur le flacon.
10.5 La titulaire du brevet n'a pas présenté de preuves à l'appui de ces allégations. La Chambre partage donc les réserves des opposantes quant à savoir si le problème technique à résoudre tel que formulé par la titulaire du brevet a effectivement été résolu. Toutefois, au vu de la conclusion qui suit, la Chambre laisse en suspens la question de la formulation du problème objectif.
10.6 L'homme du métier compétent pour résoudre le problème formulé par la titulaire du brevet est une équipe de praticiens appartenant aux deux domaines techniques du flaconnage et du procédé sol-gel (cf. point 8.8 ci-dessus).
10.7 Le document D12 décrit le dépôt par procédé sol-gel d'un revêtement à base de silice (colonne 2, lignes 40 à 48) sur une surface en verre quelconque pour qu'elle diffuse la lumière, le revêtement étant éventuellement coloré en ajoutant des pigments organiques ou inorganiques au sol (colonne 8, lignes 53 à 61). Il est expliqué dans D12 que, dans le cas de surfaces de verre horizontales, le revêtement peut être appliqué au pinceau, par pulvérisation ou par d'autres moyens sur une surface de verre qui est à température ambiante et laissée sécher à l'air libre, ou le séchage peut être accéléré par chauffage ou cuisson du revêtement, mais que, dans le cas de surfaces en verre verticales ou courbes, cette méthode conduit à une application inégale, et qu'il est alors préférable de pulvériser le revêtement sous forme de fines gouttelettes sur une surface en verre qui a été préalablement chauffée à une température suffisamment élevée pour provoquer une évaporation instantanée ou sensiblement instantanée de l'eau des gouttelettes lorsqu'elles atteignent la surface en verre chauffée (colonne 6, lignes 19 à 33). D12 précise que la pulvérisation de surfaces en verre préalablement chauffées à des températures de 350 à 400°C donne souvent des résultats supérieurs mais que d'autres températures peuvent être utilisées pour produire l'effet désiré, à savoir un revêtement sensiblement uniforme sur la surface du verre (colonne 6, lignes 33 à 41).
10.8 La Chambre partage l'avis des opposantes que l'homme du métier considérerait l'enseignement de D12 et qu'il serait évident pour lui que l'étape de préchauffage du substrat en verre divulguée dans D12 représente une solution simple et pratique au problème technique à résoudre. Enfin, il ne fait aucun doute que l'inclusion de cette étape de préchauffage dans le procédé de décoration d'un flacon en cristal connu de D1 ne lui poserait aucune difficulté technique.
10.9 La titulaire du brevet soutient que l'homme du métier est un flaconneur qui ne dispose que de connaissances générales de base en chimie et qu'il n'irait pas consulter le document D12 qui ne se rapporte aucunement au domaine du flaconnage et encore moins aux produits cosmétiques. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, le problème technique tel que formulé par la titulaire du brevet invite l'homme du métier à chercher une solution dans le domaine des revêtements sol-gel pour substrats en verre, dont D12 fait partie.
10.10 L'argument de la titulaire du brevet selon lequel le fait que D1 et D12 divulguent des compositions de revêtements différentes dissuaderait l'homme du métier de consulter l'enseignement de D12, n'est pas pertinent parce qu'il est apparent à la lecture de D12 que l'avantage apporté par l'étape de préchauffage du substrat en verre n'est pas lié de manière inextricable à la composition spécifique du revêtement divulguée dans D12.
10.11 La Chambre n'est pas non plus persuadée que le long espace de temps entre la date de publication de D12 (1er décembre 1953) et la date de priorité du brevet (15 décembre 2008) prouve l'existence d'une activité inventive. Des raisons diverses, par exemple économiques ou commerciales, peuvent expliquer que la solution évidente connue de D12 n'a pas été apportée plus tôt au problème technique à résoudre.
10.12 L'objet de la revendication 1 n'implique donc pas une activité inventive au sens de l'article 56 CBE.
11. Requête subsidiaire 8 - Activité inventive
11.1 La revendication 1 selon cette requête est inchangée par rapport à la revendication 1 selon la requête subsidiaire 7.
11.2 Son objet n'implique donc pas d'activité inventive vis-à-vis de D1, pour les mêmes raisons.
12. En conclusion,
- le motif d'opposition de défaut de nouveauté (articles 100a) et 54(1),(2) CBE) s'oppose au maintien du brevet tel que délivré et au maintien du brevet modifié selon les requêtes subsidiaires 1, 2, 4 et 5, et
- le motif d'opposition de défaut d'activité inventive (articles 100a) et 56 CBE) s'oppose au maintien du brevet modifié selon les requêtes subsidiaires 3, 6, 7 et 8.
13. Objection de vice de procédure selon la règle 106 CBE
13.1 L'objection selon la règle 106 CBE est infondée et de ce fait a été rejetée pour les raisons suivantes.
13.2 Le rejet de la requête principale pour défaut de nouveauté et le rejet de la requête subsidiaire 3 pour défaut d'activité inventive se fondent l'un et l'autre sur l'antériorité D1, au sujet de laquelle la titulaire du brevet a eu l'opportunité de prendre position:
13.2.1 L'attaque de défaut de nouveauté de la requête principale fondée sur D1 a été présentée par l'opposante 1 dans son acte d'opposition (point 5.1.1). Cette attaque a été discutée en détail devant la division d'opposition et traitée dans la décision attaquée (point 3.3.2 des motifs). En procédure de recours, les intervenantes ont de nouveau présenté cette attaque dans leur déclarations d'intervention et soumis de nouveaux arguments pour l'étayer (point 6.1.1). Ces arguments correspondent à ceux développés par l'opposante 1 dans son mémoire de recours à propos de D1 (point 6.2). La titulaire du brevet a pris position sur l'attaque de nouveauté fondée sur D1, en procédure écrite (point 4.5.1 du courrier daté du 10 août 2018; point 2.2.1 du courrier daté du 11 février 2019) et en procédure orale.
13.2.2 L'attaque de défaut d'activité inventive de la requête subsidiaire 3 vis-à-vis de D1 pris isolément a été présentée par les opposantes lors de la procédure orale. La titulaire du brevet a pris position sur cette attaque, sans objection quant à sa recevabilité.
13.3 La titulaire a expliqué qu'elle considérait que la Chambre avait enfreint son droit d'être entendu et son droit fondamental à un procès équitable car les attaques de défaut de nouveauté et d'activité inventive basées sur le seul document D1 avaient été formulées pour la première fois lors de la procédure orale du 19 mars 2018. Pourtant, tel qu'expliqué ci-avant ceci n'est pas le cas pour le défaut de nouveauté, et la Chambre a donné l'opportunité à la titulaire du brevet de prendre position sur ces deux points, en particulier sur le défaut d'activité inventive au cours de la procédure orale avant de rendre sa décision.
13.4 La titulaire a en outre expliqué qu'elle trouvait injuste que la Chambre ait décidé de ne pas renvoyer l'affaire devant la division d'opposition. À nouveau, la Chambre a donné l'opportunité à la titulaire du brevet de prendre position sur son avis provisoire de ne pas renvoyer l'affaire avant de trancher cette question (point 2 ci-dessus). Par ailleurs le renvoi de l'affaire est une décision laissée à la discrétion de la Chambre (article 111(1), deuxième phrase CBE)
14. Remboursement de la taxe de recours
14.1 L'opposante 1 a présenté une requête en remboursement de la taxe de recours en se prévalant d'un vice substantiel de procédure que la division d'opposition aurait commis en citant pour la première fois dans sa décision écrite deux publications internet pour justifier qu'elle considère que le titane n'est pas seulement un métal mais aussi un minéral (point 5.2 des motifs).
14.2 De manière générale, l'étendue des connaissances générales de base de l'homme du métier doit, en cas de litige, être prouvée. Dans le cas présent, en réponse à l'objection de l'opposante 1 que le titane en tant que tel n'est pas un matériau minéral, la division d'opposition s'est fondée dans sa décision sur des moyens de preuve au sujet desquels l'opposante 1 n'a pas pu prendre position. Celle-ci a donc été prise au dépourvu par des motifs qui renvoient à des éléments inconnus. Cela constitue une violation du droit d'être entendu au sens de l'article 113(1) CBE.
14.3 Toutefois, il est manifeste qu'il n'existe pas de lien de causalité entre ce vice substantiel de procédure et la formation du recours par l'opposante 1:
14.3.1 La partie de la décision incriminée concerne une objection de défaut de clarté que l'opposante 1 avait soulevée contre l'introduction de l'expression "et des minéraux choisis parmi du zircon ou du titane" dans la revendication de produit 13 selon la requête subsidiaire 4 alors pendante. La division d'opposition a décidé que cette modification n'enfreignait pas aux exigences de l'article 84 CBE (point 5.2 des raisons), mais qu'elle n'était pas admissible en application de l'article 123(2) CBE (point 5.3 des raisons). La requête subsidiaire 4 n'a donc pas été admise.
14.3.2 Cette objection de clarté n'avait pas été soulevée à l'encontre de la requête subsidiaire 6 qui a été finalement admise par la division d'opposition.
14.3.3 Le vice de procédure invoqué par l'opposante 1 ne concerne donc pas la décision de possible maintien du brevet sur la base de cette requête, et l'opposante 1 a été contrainte de former un recours indépendamment dudit vice de procédure.
14.4 Dans le cas en espèce, il n'est donc pas équitable d'ordonner le remboursement de la taxe de recours (règle 103(1)a) CBE).
14.5 La Chambre note en passant, à titre facultatif, que la revendication 13 selon la requête subsidiaire 4 traitée dans la décision contestée correspond à la combinaison des revendications 14 et 19 du brevet délivré. Pour cette raison, l'objection soulevée par l'opposante 1 au titre de l'article 84 CBE n'aurait pas dû être prise en considération par la division d'opposition (G 3/14, JO 2015, A102).
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.
3. L'objection de la titulaire du brevet en vertu de la règle 106 CBE est rejetée.
4. La requête de l'opposante 1 en remboursement de la taxe de recours est rejetée.