T 0028/81 11-06-1985
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Procédé écononmique de chauffage du béton par voie électrique directe et installation le mettant en oeuvre.
Renvoi l'affaire à la première instance
Non remboursement de la taxe de recours
Remittal to the first instance
No reimbursement of appeal fee
I. La demande de brevet européen n° 78 400 007.7 déposée le 1er juin 1978 et publiée le 10 janvier 1979 sous le numéro 0 000 298, pour laquelle sont revendiquées les priorités du 24 juin 1977 et du 22 mai 1978 fondées sur deux dépôts antérieurs en France a été rejetée par décision du 15 avril 1981 de la division d'examen 028 de l'Office européen des brevets. Cette décision a pour base la revendication 1 reçue le 8 novembre 1980 et les revendications 2 à 15 reçues le 17 octobre 1980.
Les revendications indépendantes 1 et 8 sont les suivantes :
"1. Procédé pour chauffer du béton en cours de prise dans un moule en vue d'accélérer son durcissement, ledit béton comportant dans sa masse au moins une armature traversant le moule dans sa longueur, ledit procédé consistant à chauffer le béton par effet Joule en faisant circuler un courant électrique alternatif dans sa masse, ledit procédé étant caractérisé en ce qu'il consiste à :
- isoler électriquement de tout élément autre que le béton au moins une armature parmi l'ensemble de celles qui traversent le moule dans sa longueur ;
- établir directement une différence de potentiel entre chaque armature isolée et un élément métallique conducteur en contact avec le béton de façon à faire circuler un courant électrique entre cet élément et cette armature isolée à travers le béton humide ;
- maintenir ladite différence de potentiel aussi longtemps que le béton ainsi chauffé n'aura pas atteint une résistance suffisante pour le démoulage.
8. Installation de chauffage électrique du béton en cours de prise dans un moule mettant en oeuvre le procéde selon l'une des revendications précédentes, ladite installation comprenant .
- une alimentation générale en courant secteur comportant un disjoncteur et sa commande ;
- un transformateur de courant dont le primaire est relié à ladite alimentation générale ;
- un ensemble de câbles électriques reliés au secondaire dudit transformateur et destinés à l'alimentation en courant du béton humide ; ladite installation étant caractérisée en ce qu'elle comprend un certain nombre de relais à maximum d'intensité, couplés chacun à un ampéremètre de contrôle et de sécurité, branché chacun sur un dit câble électrique et relié chacun à ladite commande de disjoncteur (de sorte que l'intensité dans lesdits câbles reliée à chaque dite armature isolée peut être contrôlée et ladite alimentation générale peut être coupée lorsque cette intensité dépasse une certaine valeur).
II. Le rejet a été motivé par le défaut d'activité inventive, et basé sur les divulgations suivantes :
(1) US-A-2 152 365
(2) GB-A-666 583
(3) US-A-2 841 856
Selon la division d'examen, l'objet de la revendication 1 serait le résultat de l'utilisation de l'armature connue du document (2) en remplacement d'un des éléments métalliques conducteurs de l'objet connu de (1). Or, cette utilisation serait suggérée par le document (3), et l'objet de la revendication 1 découlerait de manière évidente de l'état de la technique.
En ce qui concerne l'installation de la revendication 8 et des sous-revendications, il ne s'agirait que d'un assemblage d'éléments connus dans lequel ne peut être vu aucune activité inventive.
III. La demanderesse a formé un recours contre cette décision le 11 juin 1981, et payé la taxe de recours le même jour. Dans son mémoire reçu le 27 juillet 1981, la requérante tente de réfuter les arguments de la première instance, en mettant l'accent sur les difficultés de mise en oeuvre de principes, même connus, dans les conditions de travail des chantiers de bétonnage, sur les inconvénients de l'art antérieur en matière de rendement, ainsi que sur les qualités d'homogénéisation du traitement proposé dans la demande et l'abaissement des coûts énergiques qui en résultent.
En outre, en soulignant l'ancienneté des documents opposés, la requérante considère qu'un préjugé a été surmonté, l'homme du métier ayant normalement évité d'utiliser les armatures comme résistance et, bien plus, comme électrode, car l'élévation de température en abaissait les qualités mécaniques.
IV. Après citation par la chambre de recours d'un nouveau document opposé au titre de l'article 54(2), la requérante a présenté de nouvelles revendications qu'elle a ultérieurement modifiées sur suggestion de la chambre. La demanderesse a donné son accord le 6 octobre 1984, à une série de revendications dont les principales sont les suivantes :
"1. Procédé pour chauffer un élément en béton en cours de prise dans un moule par effet Joule en faisant circuler un courant électrique alternatif dans sa masse, en vue d'accélérer son durcissement, ledit béton comportant dans sa masse au moins une armature allongée traversant le moule dans sa longueur, ledit procédé destiné à chauffer le béton, consistant à :
- isoler électriquement de tout élément autre que le béton au moins une armature
- établir directement une différence de potentiel entre chaque armature isolée et un autre élément métallique conducteur en contact avec le béton de façon à faire circuler un courant électrique entre cet élément et cette armature isolée, à travers le béton humide au moyen d'un générateur de tension
- et maintenir ladite différence de potentiel aussi longtemps que le béton ainsi chauffé n'a pas atteint une résistance suffisante pour le démoulage.
ledit procédé étant caractérisé en ce que :
- l'autre élément métallique est constitué par le moule ;
- l'on réalise une jonction électrique en plusieurs zones de ladite au moins une armature isolée, chacune de ces zones étant reliée directement à une même borne du générateur ;
- l'on répartit lesdites zones de jonction sur la longueur de cette armature isolée, de façon à répartir l'intensité du courant dans chacune des dérivations.
4. Installation de chauffage électrique du béton en cours de prise dans un moule, selon le procédé d'une des revendications 1 à 3, cette installation comprenant :
- une alimentation générale en courant secteur comportant un disjoncteur et sa commande,
- un transformateur de courant dont le primaire est relié à ladite alimentation générale,
- un ensemble de câbles électriques reliés au secondaire dudit transformateur et destinés à l'alimentation en courant électrique desdites armatures métalliques allongées et du moule
- un dispositif de sécurité préprogrammable destiné à limiter l'intensité du courant dans chacun desdits câbles électriques et relié d'une part, au disjoncteur de l'alimentation électrique des câbles électriques et, d'autre part, à un dispositif d'information sur l'intensité électrique traversant au moins un des câbles de l'alimentation en courant du béton humide, ladite installation étant caractérisée en ce que son dispositif de sécurité est préprogrammé pour effectuer
- une disjonction momentanée de l'alimentation lorsque ladite intensité électrique atteint une première valeur prédéterminée en deçà de laquelle l'intensité est considérée comme normale et admissible en régime permanent
- et une disjonction définitive lorsque ladite intensité électrique dépasse une seconde valeur prédéterminée au-delà de laquelle l'installation est considérée comme le siège d'un court-circuit franc.
V. La requérante sollicite, en substance,l'infirmation de la décision incriminée et la délivrance du brevet sur la base des dernières revendications, ou, à défaut, le renvoi de l'affaire à la 1ère instance.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 et à la règle 64 de la CBE ; il est donc recevable.
2. L'objet des revendications ne s'étend pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée à l'origine.
La revendication 1 trouve son support dans les revendications 1, 2, 3 et 5 initiales. Le caractère alternatif du courant électrique est indiqué dans la description originale (voir page 15, lignes 22 et 23).
La revendication 4 est supportée par la revendication 13 d'origine, et la description en ce qui concerne le dispositif de sécurité (voir page 8, lignes 24 à 35).
Les revendications 2 et 3, ainsi que 5 à 9 trouvent leur support ou correspondent respectivement aux revendications initiales 4 et 11, ainsi que 16 à 20.
3. L'état de la technique le plus proche est illustré par le document "The chemistry of Cement and Concrete" chemical publishing company, 3rd edition (1971).
Selon ce document, le chauffage d'éléments en béton pour accélérer leur durcissement est un procédé connu. A cet effet, un courant alternatif circule dans la masse du béton, et des plaques en tôle appliquées en surface, ou tout élément de renforcement, sont utilisés comme électrodes (voir page 395).
4. Toutefois, dans ce document, aucun moyen pratique d'utilisation des électrodes n'est décrit. La demanderesse met en évidence cette absence de tout mode de réalisation, et rappelle en outre les difficultés inhérentes au réchauffage électrique du béton. Elle souligne, notamment, que la résistance mécanique après durcissement du béton subit une considérable réduction lorsque la température dépasse une certaine valeur.
En conséquence, vis-à-vis de ce document, le problème technique est de trouver des moyens pratiques pour l'utilisation des plaques et des éléments de renforcement, en application du principe divulgué dans le document nouvellement cité, et tenant compte des limites thermiques à ne pas dépasser.
Pour résoudre ce problème, la demanderesse propose d'une part, d'utiliser le moule en tant que l'une des électrodes, d'autre part, de réaliser une jonction électrique en plusieurs zones de l'armature (ou des armatures) isolée constituant l'autre électrode, et de répartir ces zones de jonction sur la longueur de cette armature isolée. Cette solution fait l'objet de la partie caractéristique de la revendication 1.
5. Aucun des documents considérés jusqu'ici ne décrit l'ensemble des caractéristiques qui font l'objet de la revendication 1. Comme le souligne la demanderesse, le document nouvellement cité ne décrit aucun moyen d'utiliser les électrodes préconisées. En ce qui concerne les documents considérés par la première instance, la chambre n'y voit pas de raison de mettre en question la nouveauté de la revendication 1. En effet,
- le brevet (1) montre effectivement l'utilisation de plaques de contact, comme électrodes, pour le chauffage du béton par effet Joule. Toutefois, l'utilisation d'armatures du béton n'est ni décrite, ni suggérée.
- le brevet (2) utilise bien les armatures du béton pour son chauffage par voie électrique, mais ces armatures sont utilisées comme résistances électriques.
- le brevet (3) montre qu'il est connu d'utiliser des électrodes enfoncées dans le béton, ainsi que les parois du moule, en tant qu'électrodes pour le chauffage du béton par passage du courant électrique. Cependant, les électrodes, plantées dans le béton, sont amovibles et retirées après le processus de refroidissement. Il s'agit là d'ailleurs, d'un refroidissement périphérique pour obtenir un durcissement sur une épaisseur limitée des parties extérieures du bloc du béton.
L'objet de la revendication 1 est donc nouveau.
6. L'examen de l'activité inventive implique l'examen du problème soulevé par la demande. Or, ce problème se distingue fondamentalement du problème que cherchait à résoudre la demande initiale.
En effet, le problème initial était de trouver un procédé amélioré pour chauffer du béton en cours de prise dans un moule en vue d'accélérer son durcissement. Sa solution consistait, selon la demande initiale, à faire passer un courant électrique dans la masse du béton en établissant une différence de potentiel entre un élément en contact avec le béton, et, au moins, une armature du béton, traversant le moule dans sa longueur. Or, ce procédé était en son principe, connu à la date de priorité de la demande (voir The Chemistry of Cement and concrete, page 395).
Le problème initial n'est plus du tout le problème actuel à examiner (voir point 4, 2e alinéa).
Dans la situation, nouvelle, créée par la citation d'un document mettant en cause la brevetabilité de l'objet de sa demande, la demanderesse a considérablement modifié la portée de celle-ci en mettant en évidence un problème différent du problème initial (voir point 4, 2e alinéa).
7. Dans l'ignorance du document particulièrement pertinent cité par la chambre, la première instance n'a pu se prononcer ni sur le problème actuel, ni sur la solution actuellement soumise à l'examen avec le nouveau jeu de revendications.
C'est donc à la requête subsidiaire visant au renvoi de l'affaire à la division d'examen, que la chambre a décidé de faire droit.
8. Il est vrai que la chambre aurait pu envisager de poursuivre l'examen en vue de la délivrance du brevet.
Cependant, finalement, en tenant compte de la situation exceptionnelle présente, elle a préféré ne pas poursuivre ses investigations au regard des conditions de la CEB autre que l'article 54. En effet, la chambre estime qu'il est préférable de ne pas priver un demandeur de la possibilité d'examen devant deux instances, ce qui aurait été le cas ici, si une décision de délivrance ou de rejet avait été prise par elle.
9. La requérante a demandé le bénéfice de la procédure orale en prévention d'une éventuelle confirmation, par la chambre de recours, de la décision incriminée.
Compte tenu du renvoi de l'affaire à la 1ère instance, il n'y a pas lieu d'organiser une telle procédure.
10. La requérante a demandé le remboursement de la taxe de recours.
D'une part, elle a prétendu que l'ancienneté des documents sur lesquels a été fondé le rejet par la 1ère instance serait plutôt, pour la demande, un indice d'activité inventive, au regard du progrès technique.
D'autre part, elle a allégué les frais considérables rendus inutiles par la citation d'un seul nouveau document par la chambre de recours. Or, une telle citation par la chambre de recours ne serait pas autorisée par la Convention.
11. Le remboursement de la taxe de recours ne peut être ordonné qu'au titre de la règle 67 CBE. La question se pose, donc, de savoir s'il y a eu vice substantiel de procédure.
En ce qui concerne le premier argument de la requérante, la chambre n'y reconnaît pas de motif valable pour soutenir la requête. Il ne saurait y avoir violation des normes procédurales dans une évaluation éventuellement erronée de l'état de la technique. L'évaluation objective de la pertinence de tout document de l'état de la technique relève de l'activité normale d'examen, et ne peut, en aucun cas, constituer un vice de procédure, au sens de la règle 67 CBE.
En ce qui concerne le second argument de la requérante, il est rappelé à la demanderesse que la procédure devant la chambre obéit à certaines dispositions générales de la CEB. Ainsi, l'article 114(1) CBE précise que l'examen devant l'OEB n'est limité ni aux moyens invoqués ni aux demandes présentées par les parties. En outre, la règle 66(1) CBE précise qu'à moins qu'il n'en soit disposé autrement, les dispositions relatives à la procédure devant l'instance qui a rendu la décision faisant l'objet du recours sont applicables à la procédure de recours. En conséquence, la citation d'un nouveau document est encore possible à tout moment de la procédure, même en dernière instance.
La chambre admet l'existence d'une lacune, puisqu'un document pertinent au point d'attaquer la nouveauté des revendications n'a pas été allégué jusqu'à la phase de décision de la première instance. Bien que cela soit regrettable, toute recherche documentaire est soumise à des risques d'erreur et d'omission, comme il est bien connu des organismes de recherche. Bien que la chambre reconnaisse qu'il y a eu insuffisance au stade de la recherche, puisqu'il y a eu omission du document de l'état de la technique le plus pertinent, elle ne peut pas qualifier cette lacune de vice substantiel de procédure.
En conséquence, la chambre ne voit pas de raison suffisante pour ordonner le remboursement de la taxe de recours.
DISPOSITIF
1. La décision attaquée est annulée, l'affaire renvoyée à la première instance pour la poursuite de l'examen.
L'examen portera sur :
- les revendications du 14 août 1984 acceptées par la demanderesse le 6 octobre 1984 ;
- la description, pages 1 à 5, et 13 à 15 du 14 août 1984, modifiées, et acceptées par la demanderesse le 6 octobre 1984, les pages 6 à 12 originales, ainsi que les pages 16 à 25 originales ;
- les dessins originaux ;
- en tenant compte des corrections matérielles requises dans la note reçue le 4 février 1984, pour la description et les dessins.
2. La demande de remboursement de la taxe de recours est rejetée.