T 0399/92 27-01-1994
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Collier de serrage à réserve d'élasticité
Ajournement de la procédure orale à la requête de l'une des parties, en raison du décès d'un proche parent
Demande en répartition des frais (rejetée, l'exigence d'équité n'étant pas satisfaite)
Apportionment of costs - equity - request for oral proceedings postponement requested
I. L'intimée est titulaire du brevet européen n 0 280 598 délivré le 2 mai 1990 (n de dépôt : 88 400 229.6).
La revendication 1 du brevet s'énonce comme suit :
"1. Collier de serrage, notamment pour le raccordement étanche d'un tube souple emmanché sur un tuyau rigide, comportant une bande métallique (1) enroulée sur elle- même et munie à chacune de ses extrémités de moyens complémentaires de serrage et/ou d'accrochage et présentant une boucle sensiblement cylindrique, faisant saillie vers l'extérieur, caractérisé en ce qu'un ressort (3), constitué par un manchon, généralement cylindrique et fendu longitudinalement, entoure ladite boucle, les bords (4, 5) et la fente dudit manchon prenant appui sur les extrémités (2a, 2b) de la boucle dans les zones de raccordement de celle-ci à la partie de la bande constituant le collier."
II. La requérante a fait opposition et demandé la révocation complète du brevet européen.
L'opposition était fondée sur le défaut d'activité inventive et s'appuyait notamment sur les documents suivants :
- D1 : US-A-3 475 793, et
- D2 : US-A-3 579 754.
III. Par décision rendue à l'issue de la procédure orale en date du 5 février 1992 et signifiée par lettre remise à la poste le 27 février 1992, la division d'opposition a rejeté l'opposition et maintenu le brevet européen tel que délivré.
IV. Par lettre reçue le 24 avril 1992, la requérante (opposante) a formé un recours contre cette décision et réglé simultanément la taxe correspondante.
Le mémoire dûment motivé a été déposé le 4 juin 1992.
V. Les deux parties ont été régulièrement citées à une procédure orale fixée le mardi 7 septembre 1993.
Deux jours auparavant, le dimanche 5 septembre au matin, le mandataire de l'intimée a, par téléphone, informé le président de la Chambre et le mandataire de la requérante que, à la suite du décès subit de son père intervenu le samedi 4, il se trouvait dans l'impossibilité de comparaître aux deux procédures orales fixées le même jour pour la présente affaire et pour l'affaire T 432/92 3.2.1, dans laquelle la requérante et l'opposante sont aussi toutes deux parties. L'Office a ajourné les deux procédures orales et en a informé les deux parties par télécopie le 6 septembre 1993.
Par lettre en date du 6 septembre 1993, la requérante a fait savoir que le mandataire américain, responsable de l'ensemble des intérêts de propriété industrielle de la société requérante s'était déjà rendu à Munich par avion depuis les Etats-Unis, et que des frais avaient été ainsi occasionnés par le report de la procédure orale.
VI. Une audience à laquelle les deux parties ont participé, s'est tenue le 27 janvier 1994.
VII. La requérante sollicite l'annulation de la décision attaquée et la révocation complète du brevet européen.
Elle demande également que les frais que son mandataire européen avait dû exposer en vue de la préparation de la procédure orale qui a été reportée ainsi que les frais de déplacement de son mandataire américain soient mis à la charge de l'intimée.
VIII. L'intimée demande le rejet du recours formé et le maintien du brevet européen tel que délivré.
A l'appui de sa requête, elle développe pour l'essentiel l'argumentation suivante :
L'homme du métier, en appliquant l'enseignement du document D2 au collier de serrage connu décrit dans le document D1, ne pouvait pas, sans démarche a posteriori, aboutir à l'invention revendiquée.
En effet, dans le document D2, un élément élastique (55) pouvant se présenter sous la forme d'un cylindre creux en acier à ressort est introduit à l'intérieur de la boucle pour maintenir l'assemblage des deux portions de bande. Par conséquent, la fonction première de l'élément (55) est celle d'assemblage des deux portions de bande et de la boucle, même si, à titre auxiliaire, il renforce l'élasticité de la boucle. Il n'est pas dit que l'élément d'assemblage (55), lorsqu'il est en forme de cylindre creux en acier à ressort, puisse être fendu longitudinalement et être disposé autour de la boucle.
Au surplus, la solution proposée dans le document D2 exige un découpage de la bande en deux tronçons. La solution proposée dans le brevet européen en cause présente par rapport à celle du document D2 l'avantage d'une réalisation plus simple et par conséquent plus économique.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'aux règles 1(1) et 64 de la CBE ; il est recevable.
2. La nouveauté du dispositif revendiqué n'ayant pas été contestée pendant la procédure d'opposition ni pendant le recours, il est inutile de s'y attarder.
3. Activité inventive
3.1. Les deux parties sont d'accord pour considérer que c'est le document D1 cité et analysé dans le brevet européen en cause qui constitue l'état de la technique le plus proche.
Ce document décrit un collier de serrage à réserve d'élasticité en forme de bande métallique enroulée sur elle-même, les deux extrémités de la bande étant munies d'organes complémentaires de serrage et d'accrochage.
Pour permettre un serrage suffisant d'un tube souple sur un tuyau rigide en cas de fluage du tube souple sous les effets conjugués de la température et du serrage, le collier du document D1 comporte des moyens de réserve d'élasticité constitués par une boucle sensiblement cylindrique faisant saillie vers l'extérieur.
Ainsi que le fait ressortir le brevet européen en cause, en colonne 1 lignes 45 à 59, il est nécessaire, dans le document D1, d'utiliser pour le collier de serrage un métal dont les caractéristiques et notamment la limite d'élasticité doivent être situées dans des plages assez précises. De tels métaux conviendront peut être pour certaines applications mais seront inacceptables pour d'autres, rendant ainsi relativement onéreuse l'exploitation d'un tel collier.
3.2. Par conséquent, en partant de cet état de la technique le plus proche, le problème posé, qui est suggéré dans le brevet européen en cause est celui de réaliser un collier de serrage du type à réserve d'élasticité ne présentant pas l'inconvénient précité, c'est-à-dire pouvant être aisément adapté à différents types d'applications.
Un tel problème est résolu par les caractéristiques énoncées dans la partie caractérisante de la revendication 1.
En effet, grâce à la solution apportée par le brevet européen en cause, le métal constituant la bande du collier peut être de qualité ordinaire, compte tenu de l'utilisation prévue, cependant que la "réserve d'élasticité" résulte essentiellement des caractéristiques du manchon formant ressort (voir colonne 2, lignes 8 à 13 du brevet européen en cause).
3.3. Sur la question de savoir si la solution revendiquée découle d'une manière évidente de l'enseignement du document D2, il convient de remarquer ce qui suit :
3.3.1. L'idée ou le principe sur lequel repose la solution revendiquée se trouve divulgué dans le document D2. Ce dernier enseigne en effet de réaliser un collier dit "à réserve d'élasticité en deux métaux différents : le métal constituant le collier proprement-dit peut être un métal ordinaire tandis que la boucle en forme de oméga qui constitue le ressort peut être réalisé en acier à ressort. Il s'ensuit que le collier de serrage faisant l'objet du document D2 peut aussi être aisément adapté à différentes applications.
3.3.2. Dans le document D2, il est certes proposé de diviser la bande du collier en deux tronçons et de réunir les deux tronçons au moyen d'une boucle en forme de oméga. Toutefois, il y a lieu d'observer que le problème posé dans le brevet européen en cause est celui de remédier au défaut d'adaptabilité que présente le collier en une seule pièce faisant l'objet du document D1. Il s'agit donc d'améliorer ou de perfectionner le collier du document D1 constitué d'une seule bande de métal.
3.3.3. En l'espèce, le document D2 enseigne de renforcer la réserve d'élasticité constituée par une boucle sensiblement cylindrique au moyen d'un élément rapporté de forme complémentaire et qui est disposé de façon à limiter la déformation de la boucle.
Dans le document D2, il est expressément indiqué que l'élément d'assemblage (55) qui peut être réalisé sous la forme d'un cylindre creux en acier à ressort "contribue à l'élasticité" de la boucle en forme d'oméga (colonne 4 ligne 22).
Un tel enseignement ne pouvait qu'amener l'homme du métier à disposer le cylindre en acier à ressort élastique autour de la boucle du document D1 de manière à renforcer son élasticité et parvenir ainsi à la solution revendiquée.
3.3.4. Selon la jurisprudence bien établie des chambres de recours, il convient, dans l'appréciation de l'activité inventive de rechercher si l'état de la technique donne une indication à l'homme du métier susceptible d'appliquer une mesure connue au cas analysé en vue de résoudre le problème posé. Cette indication est dans le cas d'espèce quasiment donnée expressis verbis puisque, ainsi qu'il a été exposé, l'élément d'assemblage est décrit comme permettant d'accroître l'élasticité de la boucle.
3.3.5. Contrairement à ce que soutient l'intimée, l'enseignement du document D2 au collier de serrage connu, décrit dans le document D1 permettait d'aboutir, après adaptation, à l'invention revendiquée. Il n'est pas dit dans le document D2 que le cylindre élastique en acier à ressort soit fendu longitudinalement. Mais l'homme du métier a dans ses connaissances normales et ordinaires, notamment la technique d'assemblage élémentaire de deux pièces au moyen d'une goupille élastique formée par un cylindre fendu longitudinalement. Au surplus, il sait que, pour qu'un cylindre en acier à ressort puisse se déformer élastiquement, il est nécessaire qu'il soit fendu longitudinalement.
Au surplus, la boucle formant réserve d'élasticité du document D2 est sollicitée en compression de sorte qu'au serrage, la distance entre les extrémités de la boucle diminue. Dans ce cas, le cylindre en acier à ressort est disposé à l'intérieur de la boucle et s'oppose à la déformation de la boucle au serrage. Dans le cas du document D1, la boucle formant réserve d'élasticité est sollicitée en traction de sorte qu'au serrage, la distance entre les extrémités de la boucle augmente. Il est à la portée de l'homme du métier avec ses seules connaissances de disposer dans ce cas le cylindre en acier à ressort non pas à l'intérieur mais autour de la boucle, de façon qu'il puisse s'opposer à la déformation de la boucle au serrage et renforcer ainsi son élasticité.
3.3.6. Pour les motifs ci-dessus exposés, l'objet de la revendication 1 ne présente pas l'activité inventive requise au sens de l'article 56 CBE. La revendication 1 ne peut donc pas être maintenue.
4. Les revendications dépendantes 2 à 10 ne peuvent non plus être maintenues en l'absence de toute requête subsidiaire de la part de l'intimée.
5. Force est donc de constater que le motif d'opposition invoqué s'oppose au maintien du brevet européen tel que délivré.
6. Sur la requête en répartition des frais de la requérante.
6.1. L'article 104(1) pose le principe selon lequel chaque partie conserve à sa charge ses propres frais. Cependant, ce principe comporte une exception énoncée également à l'article 104(1) : une répartition des frais peut être ordonnée "dans la mesure où l'équité l'exige" et, dans la version allemande "wenn und soweit dies der Billigkeit entspricht" (lorsque et dans la seule mesure où l'équité l'exige).
Il s'impose donc de vérifier si l'exigence d'équité est, dans le cas d'espèce, satisfaite. Cette condition est remplie lorsque les frais occasionnés sont imputables à une faute commise par négligence ou dans l'intention de nuire (cf. R. Singer, Europäisches Patentübereinkommen, art. 104, point 6 ; décisions T 85/84, point 4 des motifs et T 154/90 JO OEB 1993, 505, point 3.5 des motifs).
6.2. La chambre estime qu'aucune négligence, volonté de nuire ou manoeuvre dilatoire ne peut être imputée à l'intimée. En effet, le mandataire de la requérante a exposé lui- même à l'audience du 27 janvier 1994 que le décès du père du mandataire de l'intimée devait être considéré comme un cas de force majeure. De plus, il n'a pas été contesté que le mandataire de l'intimée avait informé dès que possible, soit le dimanche matin, la chambre et le mandataire de la requérante qu'il se trouvait dans l'impossibilité de comparaître aux deux procédures orales prévues dans la journée du mardi. Enfin, contrairement aux allégations de la requérante, le mandataire de l'intimée ne pouvait pas, sans nuire aux intérêts de sa cliente, se faire remplacer par un membre de son cabinet parisien qui aurait dû dans la journée du lundi, non seulement préparer deux audiences mais encore se déplacer à Munich de manière à pouvoir comparaître le lendemain matin.
6.3. L'exigence d'équité est la seule condition qui permette à une division d'opposition ou à une chambre de recours d'ordonner une répartition différente des frais. Ainsi, si cette exigence n'est pas remplie, comme c'est le cas en l'espèce, une répartition différente des frais ne peut pas avoir lieu, même si l'une des parties en déplaçant la date de l'audience a occasionné des frais inutiles à l'autre partie.
6.4. Pour les motifs ci-dessus exposés, la requête en répartition des frais est rejetée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.
3. La requête en répartition des frais est rejetée.