T 0238/93 10-05-1994
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Fixateur externe à biocompression pour ostéosynthèse
Activité inventive (oui)
Application nouvelle d'un moyen connu
Inventive step (yes) - known element - new purpose
I. Par décision du 22 octobre 1992, la Division d'examen a rejeté la demande de brevet européen n 87 810 452.o (publiée sous le n 0 256 984) au motif que la revendication 1 ne présentait pas d'activité inventive par rapport à l'enseignement du document :
(1) FR-A-2 517 535,
compte-tenu des connaissances générales de l'homme du métier.
II. La Division d'examen a estimé qu'il était à la portée de l'homme du métier de remplacer une lubrification par des moyens de roulement, dans le but d'améliorer le glissement entre deux barres télescopiques. En outre, l'amélioration de la distribution des forces de flexion par la présence du roulement ne pouvait être considérée que comme un effet supplémentaire avantageux, sans contribution inventive.
III. Le requérant a formé un recours contre cette décision le 17. décembre 1992 et déposé un mémoire accompagné d'une nouvelle revendication principale, dans les délais prescrits.
IV. En réponse à une notification de la Chambre formulant des objections au titre de l'article 123(2) et de la règle 29(1) CBE à l'encontre de la revendication 1, le requérant a soumis une nouvelle revendication principale dûment corrigée et une introduction de la description adaptée en conséquence.
V. La revendication 1 se lit :
"Fixateur externe comportant deux groupes d'au moins une fiche (21, 22) maintenant chacun un fragment d'os (11, 12) et un élément télescopique composé d'une barre mobile (42, 44 ; 142, 144) coulissant sans déplacement angulaire dans une barre fixe (41 ; 141) afin d'autoriser un mouvement de va-et-vient dit de biocompression, chaque groupe de fiches étant solidaire de l'une des barres mobile et fixe, dans lequel :
- la barre mobile est munie d'au moins une surface plane longitudinale (45 ; 145) sur une partie de sa longueur,
- la barre fixe (41 ; 141) est solidaire d'un corps (50 ; 150, 160) dans lequel coulisse la barre mobile (42, 44 ; 142, 144), ledit corps présentant au moins une surface coopérant avec la surface plane longitudinale (45 ; 145) pour éviter tout déplacement angulaire, caractérisé en ce que des moyens de roulement (70 ; 170) sont intercalés entre l'intérieur du corps et la barre mobile et en ce que le corps comporte une pièce de guidage (80 ; 180) présentant une surface (82 ; 181) coopérant avec la surface plane longitudinale (45 ; 145)."
VI. Dans ses écrits, le requérant a soutenu qu'une simple lubrification entre deux éléments coulissants ne pouvait être assimilée à des moyens de roulement beaucoup plus efficaces lorsqu'il s'agissait de rattraper des écarts de parallélisme ou d'encaisser des efforts de flexion entre les éléments coulissants. En outre, la distribution des forces de flexion ne pouvait être considérée comme un simple effet supplémentaire avantageux.
Dans sa réponse du 2 mars 1994, le requérant a proposé d'améliorer la clarté de la revendication 1 en suggérant de préciser que l'élément télescopique est "soumis à flexion", ainsi que cela figurait dans le document de priorité espagnol ES-8 603 667.
VII. Le requérant requiert
- l'annulation de la décision de la première instance
- la délivrance d'un brevet sur la base des pièces suivantes :
-- revendications 1 à 16 soumises le 4 mars 1994
-- description, pages 1 à 15 soumises le 4 mars 1994
-- figures 1 à 11 de la demande telle que déposée.
1. Le recours est recevable.
2. Aspects formels
2.1. L'objet des revendications 1 à 16 est basé sur le contenu des revendications 1 à 35 et de la description de la demande telle que déposée.
L'introduction de la description a été adaptée au contenu de la nouvelle revendication 1 et remaniée pour tenir compte de l'état de la technique le plus proche, sans que son objet s'étende au-delà de la demande d'origine.
Par conséquent, les exigences des articles 84 et 123(2) CBE sont satisfaites.
2.2. La proposition du requérant concernant l'insertion, dans le préambule de la revendication 1, des termes "soumis à flexion" à la suite de "un élément télescopique" ne peut être satisfaite, car cette précision n'est pas contenue dans la demande européenne telle que déposée. Son introduction serait contraire à l'article 123(2) CBE. Il est regrettable que la traduction française (page 5, dernier paragraphe) de la demande espagnole de priorité, qui fait effectivement état de forces de flexion, n'ait pas été reprise in extenso pour le dépôt de la demande européenne. Mais contrairement à l'opinion du requérant, le contenu de la demande de priorité ne fait pas partie des pièces du dépôt européen et ne peut donc être pris en considération pour fonder la modification demandée (T 260/85, JO OEB 1989, 105).
3. Etat de la technique le plus proche
La présente demande part du document (1) qui appartient au requérant et représente l'état de la technique le plus proche. En fait, le document (1) et la demande dérivent tous deux du même brevet de base espagnol n 483 191, cité dans la demande, en ce sens que le document (1) et la demande correspondent respectivement au premier et au second certificat d'addition du brevet espagnol de base.
Le document (1) décrit un dispositif de fixation externe à biocompression pour ostéosynthèse comportant toutes les caractéristiques du préambule de la revendication 1, à savoir deux groupes d'au moins une fiche 1 maintenant chacun un fragment d'os 5 et un élément télescopique composé d'une barre mobile 18 coulissant dans une barre fixe 21 afin d'autoriser un mouvement de va-et-vient dit de biocompression, chaque groupe de fiches étant solidaire de l'une des barres mobile et fixe. La barre mobile 18 présente au moins une surface plane 22 sur une partie de sa longueur et la barre fixe 21 est solidaire d'un corps 19 présentant au moins une surface coopérant avec la surface plane de la barre mobile, pour éviter tout déplacement angulaire (cf. en particulier fig. 3 et 7. et pages 9 à 11).
4. Problème et solution
Le dispositif décrit dans le document (1) comporte généralement plusieurs barres de biocompression s'étendant de chaque côté du membre fracturé, comme on le voit sur les figures 2 et 3. Cet assemblage forme un appareil d'immobilisation extérieur à double cadre, de manière à assurer la stabilité en rotation. Mais il présente l'inconvénient d'être lourd et encombrant pour le patient.
Du fait que la double structure formant les cadres est équilibrée, il suffit, pour assurer un glissement relatif satisfaisant des barres coulissantes, de prévoir entre elles une simple lubrification, par exemple à travers l'orifice 20 visible sur la fig. 7 (cf. page 11, ligne 1) ou d'utiliser des matériaux à bas coefficient de frottement (cf. page 14, lignes 16 à 20).
Lorsqu'un dispositif plus simple est utilisé, comportant une seule barre de biocompression, les éléments coulissants présentent une section prismatique pour éviter tout déplacement angulaire (cf. page 11, lignes 4 à 10) ; mais ils sont soumis également à des forces de flexion, notamment lorsque les éléments ne sont pas montés de façon rigoureusement parallèle à l'os fracturé. Ces forces de flexion augmentent la friction entre les deux éléments télescopiques et empêchent un glissement et un fonctionnement satisfaisants en compression.
Le problème technique à la base de la présente demande est donc de proposer un dispositif à une seule barre de biocompression moins encombrant et plus rapide à mettre en place, garantissant l'efficacité du glissement des éléments télescopiques, même en cas de fortes flexions.
La solution est donnée par les caractéristiques de la partie caractérisante de la revendication 1, à savoir :
- des moyens de roulement sont intercalés entre l'intérieur du corps et la barre mobile, et
- le corps comporte une pièce de guidage présentant une surface coopérant avec la surface plane longitudinale de la barre mobile.
5. Nouveauté
Aucun des documents de l'état de la technique considérés dans les différentes procédures ne mentionne l'existence d'un moyen de roulement interposé entre deux éléments télescopiques d'une barre de biocompression. L'objet de la revendication 1 est donc nouveau au sens de l'art. 54(1) CBE.
6. Activité inventive
6.1. La figure 1 du document (1) ne représente qu'une seule barre de biocompression, mais il ne s'agit que de la représentation schématique d'un principe de base, commun à tous les brevets de la même famille (cf. point 3 supra). Dans toutes les réalisations décrites dans ces brevets, il y a toujours plusieurs couples de barres, si bien qu'une seule barre de biocompression n'est jamais envisagée sérieusement. Bien que cette possibilité soit mentionnée à la page 11 du document (1), en référence à la figure 7, elle n'est citée qu'accessoirement et le seul problème qui se pose est d'éviter la rotation entre les éléments télescopiques.
6.2. L'homme du métier qui cherche à réduire l'encombrement du dispositif en utilisant une seule barre montée en porte- à-faux, d'un seul côté du membre fracturé, sera inévitablement confronté à l'augmentation de la friction entre les éléments coulissants du fait de l'apparition des forces de flexion.
Il est vrai que la demande telle que déposée ne fait pas état directement de l'existence de forces de flexion. Mais elle précise cependant que les moyens de glissement mis en oeuvre par l'invention sont destinés à diminuer la friction (page 6, lignes 19-20) et que le dispositif de fixation externe doit empêcher notamment les déplacements latéraux (page 2, ligne 28).
Par ailleurs, le document de priorité espagnol (traduction française, page 5, dernier paragraphe) expose : "le système glissant des barres du brevet principal et du premier certificat d'addition est basé sur le glissement par friction entre deux parties télescopiques, ce qui implique une perte de force par friction qui peut être très considérable et même bloquer complètement le glissement, si on applique simultanément une force de flexion perpendiculaire ou oblique à l'axe de la barre". Ce passage exprime clairement que l'augmentation de la friction est liée à l'apparition des forces de flexion. Bien que le document de priorité espagnol ne fasse pas partie du contenu de la demande telle que déposée, il peut néanmoins être utilisé en tant que preuve (T 260/85 déjà cité, point 3).
6.3. Pour compenser cette augmentation de la friction, aucun des documents de l'état de la technique ne suggérait à l'homme du métier d'intercaler un roulement entre les deux éléments télescopiques de la barre de compression.
La Division d'examen a considéré que le remplacement du lubrifiant utilisé dans le document (1) par des moyens de roulement représentait une mesure constructive à la portée de l'homme du métier, la distribution des forces de flexion ne devant être vue que comme un effet supplémentaire avantageux, dénué de signification inventive.
La Chambre ne partage pas cette opinion. Partant de l'enseignement du document (1), l'homme du métier n'avait aucune raison de prévoir un moyen de roulement entre les deux éléments mobiles, car dans les dispositifs à double cadre envisagés dans ce document, la friction est faible et une simple lubrification est suffisante. Le problème de la réduction des forces de friction dues à la flexion ne se posait donc pas. Dés lors, il importe peu pour l'appréciation de l'activité inventive que le moyen utilisé dans la demande (le roulement) soit classique et puisse être considéré comme faisant partie des connaissances de mécanique générale de l'homme du métier.
6.4. Dans le cas présent, l'invention réside dans l'application nouvelle d'un moyen connu. Dans un tel cas, l'appréciation de l'activité inventive requiert la prise en compte des problèmes à résoudre dans la réalisation connue et dans le cas à trancher (T 39/82, JO OEB 1982, 419, point 7.3). Or, comme on l'a vu, le problème posé dans la demande n'est jamais envisagé dans le document (1). Le fait qu'un roulement soit utilisé pour la première fois pour la réalisation d'un dispositif de fixation externe à une seule barre de biocompression, dans le but d'améliorer la distribution des forces de flexion, suffit à rendre la combinaison revendiquée inventive (dans le même esprit, voir aussi T 301/90, 23.07.1990, point 3.7, non publiée).
6.5. La décision T 21/81, JO OEB 1983, 15 citée par la Division d'examen à l'appui de son argumentation selon laquelle la distribution des forces de flexion au moyen d'un roulement ne représente qu'un effet supplémentaire avantageux, ne convient pas dans le cas présent. Car dans le cas T 21/81 l'état de la technique fournissait toutes les indications nécessaires au choix du matériau le plus approprié, connu pour ses propriétés, de sorte que l'utilisation de ce matériau se limitait à l'obtention d'un effet supplémentaire avantageux. Dans le cas présent aucune réalisation antérieure n'utilisait ni ne suggérait de roulement ; il ne peut donc s'agir d'un effet supplémentaire par rapport à ce qui était connu.
6.6. Pour les raisons qui précèdent, l'objet de la revendication 1 ne découle pas de façon évidente de l'état de la technique. Il est donc inventif au sens de l'article 56 CBE.
En conséquence, les revendications 2 à 16 qui dépendent de la revendication 1, sont également acceptables.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance en vue de la délivrance d'un brevet européen sur la base des pièces mentionnées au point VII.