T 0963/94 09-04-1999
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Circuit intégré protégé contre des décharges électrostatiques, avec seuil de protection variable
I. La requérante est la demanderesse de la demande de brevet n 88 402 730.1 (numéro de publication 0 316 211) qui a été déposée avec 5 revendications.
Les revendications 1 et 2 ont le texte suivant :
"1. Dispositif de protection de circuit intégré, comprenant une diode (D) connectée entre une borne (B) à protéger et une borne (M) de référence, caractérisé en ce qu'il comporte un moyen (G, R, C) pour modifier la répartition des lignes équipotentielles dans une région de déclenchement de la conduction en avalanche de la diode, ce moyen étant connecté à la borne à protéger et étant sensible à la pente de croissance des surtensions se présentant sur cette borne, de telle sorte que la tension de déclenchement d'avalanche soit plus faible lorsque la pente est plus forte et plus forte lorsque la pente est plus faible."
"2. Dispositif selon la revendication 1 caractérisé en ce que le moyen pour modifier la répartition des équipotentielles comporte une grille isolée (G) entourant complètement la périphérie d'une région (12) diffusée dans un substrat semi-conducteur et reliée à la borne à protéger, la grille étant reliée à la borne à protéger, par l'intermédiaire d'un circuit intégrateur (R,C)."
La revendication 3 dépend de la revendication 2 et les revendications 4 et 5 dépendent, directement ou indirectement, de la revendication 3.
II. Au cours de la procédure d'examen, la requérante a accepté, par lettre du 11 octobre 1993, de modifier la demande de brevet pour indiquer l'état de la technique antérieure connu de deux documents cités dans le Rapport de recherche européenne, D1 = US-A-4 408 245 et D2 = IBM Technical Disclosure Bulletin, vol. 23, no 2, juillet 1980, pages 594-595, en insérant le passage suivant, ajouté page 2, ligne 6, à la fin du premier paragraphe :
"Les documents US-A-4 408 245 et IBM TDB vol. 23 no 2, juillet 1980, p. 594 décrivent une telle diode avec une grille pour protéger une borne d'alimentation contre les surtensions."
III. A l'issue de la procédure d'examen, la demande de brevet a été rejetée au motif que la revendication 1 n'était pas claire.
Il ressort de la décision de la Division d'examen que le rejet est basé en substance sur l'argumentation suivante :
La revendication 1 est définie par le résultat à obtenir. Cette formulation n'est pas admissible parce que le résultat désiré ne peut être obtenu que dans le cas d'une jonction diffusée présentant une courbure et à l'aide d'un circuit intégrateur. C'est la raison pour laquelle la combinaison des revendications 1 et 2 est indispensable et a été suggérée préalablement dans la première et la seconde notification. La requérante a refusé de clarifier par une telle combinaison la revendication 1 en ce qui concerne les caractéristiques essentielles. Par conséquent, la revendication 1 ne remplit pas les exigences de l'article 84 CBE.
Il ressort aussi de l'ensemble de la décision de la Division d'examen que les raisons suivantes ont été prises en compte pour arriver à la conclusion ci-dessus :
D'après une étude du contenu de D1 et de celui de la présente demande, respectivement, il semble que la technique de protection de D1 comprend la caractéristique selon laquelle la grille associée à la diode de protection serait sensible à la pente de croissance des surtensions se présentant sur la borne à protéger, c'est-à-dire l'effet utilisé dans la présente demande ; de même, il semble que, selon la présente demande, l'invention est basée sur une jonction ayant une courbure 20, parce qu'on "sait que c'est dans la région de cette courbure 20 que se déclenche initialement le régime d'avalanche lorsque la diode est soumise à une forte tension inverse".
La jonction décrite dans D1 ne présente aucune courbure. La présente demande ne permet donc pas de résoudre le problème d'une variation de la tension de seuil dans le cas d'une construction selon D1. C'est pour cette raison que l'inclusion dans la revendication 1 d'une jonction diffusée sous la grille a été demandée.
Par ailleurs, la description de la présente demande décrit uniquement l'utilisation d'un circuit intégrateur pour obtenir le résultat désiré, et ceci entraîne qu'il s'agit d'une caractéristique essentielle de l'invention, qui doit donc figurer dans la revendication 1.
IV. La requérante a formé un recours à l'encontre de cette décision et requiert l'annulation de la décision contestée et, implicitement, la délivrance d'un brevet sur la base des pièces présentes dans le dossier.
La requérante a présenté les arguments suivants à l'appui de sa requête :
L'invention est définie par une formulation faisant intervenir le résultat à obtenir. Rien ne permet de déduire de la Convention qu'une telle formulation soit interdite.
Concernant la technique en question, les différences entre la présente demande, d'une part, et D1, d'autre part, ressortent des dessins fournis en annexe au mémoire de recours ; on y voit en effet que les différents types de surtensions, à croissance plus ou moins rapide, ont des effets sur le seuil de déclenchement du dispositif de protection qui dépendent en particulier du retard de transmission des signaux à la diode de protection. L'analyse du dispositif de D1 qui est faite dans la décision contestée est arbitraire, car la Division d'examen, qui utilise l'expression "il semble", n'a donc pas été capable de montrer clairement l'existence des capacités et résistances telles que nécessaires dans la présente invention.
La présente revendication est donc claire.
La nouveauté de la revendication 1, reconnue par la Division d'examen, provient en fait de ce que le dispositif de D1 ne comporte pas de moyens tels que ceux utilisés dans la présente invention pour que la tension de déclenchement d'avalanche soit plus faible lorsque la pente de la surtension est plus forte et plus forte lorsque ladite pente est plus faible. L'invention repose sur l'utilisation de moyens entraînant un tel retard de transmission des signaux à surveiller à la diode de protection ; comme on le voit sur les dessins en annexe au mémoire de recours, ceci résulte en un abaissement supplémentaire du seuil de déclenchement du dispositif de protection qui n'est pas suggéré par l'état de la technique.
1. Le recours est recevable.
2. Admissibilité des modifications
La seule modification apportée à la demande telle que déposée initialement concerne la citation dans la description de deux documents servant à refléter l'état de la technique. De l'avis de la Chambre, cette modification, qui n'a d'ailleurs pas été objectée par la Division d'examen, satisfait aux conditions de l'article 123(2) CBE selon lequel la demande de brevet européen ne peut être modifiée de manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.
3. Exposé de l'invention
L'invention est exposée de façon générale. Un exemple particulier correspond au contenu de la revendication dépendante 2, d'autres exemples pouvant être construits sur la base des revendications 3 à 5. Un exemple particulier, correspondant à la revendication 2 et dans lequel la région (12) diffusée dans le substrat semi-conducteur forme une jonction diffusée présentant une courbure, est aussi présenté par la description et les dessins, en particulier les figures 3 et 4. La Chambre est d'avis que la présente demande satisfait aux conditions de l'article 83 CBE selon lequel l'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme de métier puisse la réaliser, et ceci n'a d'ailleurs pas été objecté dans la décision contestée, dont il ressort simplement qu'une définition de l'invention basée sur une combinaison des revendications 1 et 2 est préconisée pour la revendication 1.
4. Clarté des revendications
4.1. La décision contestée mentionne à juste titre que, dans la formulation de la présente revendication 1, la définition de l'invention fait intervenir le résultat à obtenir. En effet, le dispositif de protection de circuit intégré comprend une diode (D) connectée entre une borne (B) à protéger et une borne (M) de référence et comporte un moyen (G, R, C) pour modifier la répartition des lignes équipotentielles dans une région de déclenchement de la conduction en avalanche de la diode, ce moyen étant connecté à la borne à protéger et étant sensible à la pente de croissance des surtensions se présentant sur cette borne, de telle sorte que la tension de déclenchement d'avalanche soit plus faible lorsque la pente est plus forte et plus forte lorsque la pente est plus faible.
Il est crédible que, comme cela ressort de la décision contestée, un tel résultat peut être obtenu dans le cas d'une jonction diffusée présentant une courbure et à l'aide d'un circuit intégrateur, c'est-à-dire dans le cas correspondant à l'exemple de réalisation illustré par les figures 3 et 4. Dans ce cas, la diode du dispositif de protection polarisée en inverse peut passer à l'état d'avalanche à partir d'un certain seuil de tension Vs, et ledit seuil de tension Vs est modulable en fonction de la nature des surtensions, les surtensions électrostatiques dont la montée en tension est plus raide que les surtensions courantes résultant en un abaissement dudit seuil de déclenchement du régime d'avalanche de la diode. Pour cela, il est crédible que, comme dans l'exemple de réalisation illustré par les figures 3 et 4, la grille G influençant la jonction diffusée est soumise à un potentiel qui suit le potentiel de la borne à protéger avec un certain retard en raison du dispositif intégrateur interposé entre ces deux éléments. Une discrimination selon la nature des surtensions sur la borne à protéger résulte en une réponse différente du circuit de protection.
Par conséquent, la revendication 1 formule sans ambiguïté la définition de l'invention, et un exemple de réalisation illustratif, qui est contenu dans la description et les dessins, correspond sans contradiction au dispositif de la revendication dépendante 2 et donc de la revendication 1, puisque la revendication 2 concerne un cas particulier de la revendication principale 1.
Or, comme l'a fait justement remarquer la requérante, rien dans la Convention n'interdit de formuler les revendications en utilisant une forme fonctionnelle, par le résultat à obtenir.
En effet, une telle formulation peut être justifiée par le cas d'espèce. C'est ainsi que, selon la jurisprudence constante des Chambres de recours (voir par exemple T 68/85, JO OEB 1987, 228 ; T 139/85 ; T 707/89 ; T 104/93), il convient d'admettre des caractéristiques fonctionnelles, c'est-à-dire des caractéristiques qui définissent un résultat technique, s'il n'est pas possible sinon d'exposer ces caractéristiques de manière plus précise, objectivement parlant, sans limiter pour autant l'enseignement de l'invention, et si elles constituent pour l'homme du métier un enseignement technique suffisamment clair, qu'il peut mettre en oeuvre en faisant un effort raisonnable de réflexion - par exemple en effectuant des essais de routine.
4.1.1. En l'espèce, selon la décision contestée, cette formulation par le résultat à obtenir ne serait pas admissible parce que le résultat désiré ne peut pas être obtenu dans un cas autre que celui d'une jonction diffusée présentant une courbure et à l'aide d'un circuit intégrateur.
La décision contestée contient en effet une objection selon laquelle la revendication 1 n'énonce pas toutes les caractéristiques essentielles de l'invention (règle 29(3) CBE).
Concernant une jonction diffusée présentant une courbure des lignes équipotentielles, la Chambre accepte les explications fournies par la requérante sur la base de l'annexe 1. Il ressort clairement de ces explications et de l'annexe 1 qu'une jonction MESA ou une jonction verticale selon D1 possède elle aussi des lignes équipotentielles courbes afin que l'électrode 43 de D1 ait une influence sur la tension de claquage. En conséquence, l'inclusion dans la revendication 1 d'une jonction diffusée n'est pas justifiée.
Quant au circuit intégrateur, rien ne permet à priori de conclure qu'il ne peut pas être remplacé par un autre dispositif ayant la même fonction, c'est-à-dire permettant à la tension sur la grille (G) de suivre le potentiel sur la borne à protéger (B) avec un certain retard. D'ailleurs, il est crédible que, comme cela est suggéré dans le mémoire de recours, une ligne à retard puisse jouer le même rôle.
Par conséquent, de l'avis de la Chambre, cette objection n'est pas justifiée.
4.2. La décision contestée contient également des objections qui sont basées sur la comparaison entre l'invention, d'une part, et le dispositif connu de D1, d'autre part, et il en ressort que, en particulier, l'invention selon la présente revendication 1 ne permet pas de résoudre le problème de la variation de la tension de seuil dans le dispositif selon D1.
Dans le cas présent, la Chambre est d'avis que, pour les raisons suivantes, il n'est pas pertinent de prendre en considération une telle comparaison entre le contenu de la demande de brevet et celui d'un document de l'art antérieur.
En effet, concernant tout d'abord l'effet utilisé dans la présente demande, on peut remarquer qu'il est mentionné dans la décision contestée (voir le point 3.1) qu'il semble que la technique de protection de D1 comprend la caractéristique selon laquelle la grille associée à la diode de protection serait sensible à la pente de croissance des surtensions se présentant sur la borne à protéger ; il est alors argumenté que la jonction telle que décrite dans D1 ne montre aucune courbure et que la présente demande ne permet donc pas de résoudre le problème d'une variation de la tension de seuil dans le cas d'une construction selon D1 ; c'est pour cette raison que l'inclusion dans la revendication 1 d'une jonction diffusée sous la grille a été demandée.
De plus, comme déjà souligné ci-dessus, selon la décision contestée (voir point 3.2), au vu de la présente demande (voir page 10, lignes 20 à 35 et page 11, lignes 25 à 31), il semble que l'invention est basée sur une jonction ayant une courbure 20, parce qu'on "sait que c'est dans la région de cette courbure 20 que se déclenche initialement le régime d'avalanche lorsque la diode est soumise à une forte tension inverse" (page 10, lignes 28 à 31).
Il ressort de la décision contestée que des incertitudes subsistent quant au contenu de la demande et quant à celui de D1. Comme déjà souligné ci-dessus au vu des arguments de la requérante, il serait arbitraire de conclure dans ces conditions sur la nécessité d'inclure certaines caractéristiques dans la présente revendication 1. Ceci est d'ailleurs confirmé par l'analyse des documents ; en effet, il est crédible que la grille associée à la diode de protection de D1 est "sensible" à la pente de croissance des surtensions se présentant sur la borne à protéger, car un tel effet est généralement possible en raison de l'influence mutuelle entre les parties du dispositif; on ne peut cependant déduire directement et sans ambiguïté de D1, et la décision contestée ne contient d'ailleurs aucun argument en ce sens, que cette "sensibilité" de la grille est "de telle sorte que la tension de déclenchement d'avalanche soit plus faible lorsque la pente est plus forte et plus forte lorsque la pente est plus faible", comme cela est requis dans la présente revendication 1.
4.3. Par conséquent, les objections dans la décision contestée ne sont pas considérées comme pertinentes et, étant donné que pour les raisons données ci-dessus la formulation de la revendication 1 ne présente pas d'ambiguïté, cette revendication est claire au sens de l'article 84 CBE. Il en est de même en ce qui concerne les revendications 2 à 5.
5. Nouveauté et activité inventive
Il ressort de la décision contestée que les objections ne concernaient que la formulation de la revendication, en particulier de la nécessité d'ajouter certaines caractéristiques dans ladite revendication. Il en ressort aussi que l'art antérieur a déjà été pris en considération, mais qu'aucune objection concernant la brevetabilité de l'objet de la demande n'a été émise.
De plus, il ressort de l'examen des documents cités dans le rapport de recherche européenne que l'objet de la revendication 1 n'est pas compris dans l'état de la technique, et cet objet est donc nouveau. Il ressort également de cet examen que, pour un homme du métier, cet objet ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique car, comme souligné dans le mémoire de recours, les documents de l'art antérieur, en particulier D1, ne comportent pas l'ensemble des moyens nécessaires pour obtenir une tension de déclenchement d'avalanche plus faible lorsque la pente est plus forte et plus forte lorsque la pente est plus faible. Par conséquent, cet objet implique aussi une activité inventive au sens de l'article 56 CBE.
6. Il en résulte que l'objet de la revendication 1 est brevetable au sens de l'article 52(1) CBE et qu'un brevet européen peut être délivré sur cette base (art. 97(2) CBE).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance afin de délivrer un brevet sur la base des pièces suivantes :
Description : Pages 1 à 13 de la demande telle que déposée initialement, avec, conformément à la lettre de la demanderesse du 11 octobre 1993, le passage suivant, ajouté page 2, ligne 6, à la fin du premier paragraphe : "Les documents US-A-4 408 245 et IBM TDB vol. 23 n 2, juillet 1980, p. 594 décrivent une telle diode avec une grille pour protéger une borne d'alimentation contre les surtensions."
Revendications : N 1 à 5 de la demande telle que déposée initialement ;
Dessins : Feuilles 1/2 à 2/2 de la demande telle que déposée initialement.