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T 0146/95 23-07-1996
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Surf à neige
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Novelty - prior use
Inventive step
I. La requérante (opposante) a formé un recours, reçu le 9. février 1995, contre la décision de la Division d'opposition, remise à la poste le 16 janvier 1995, relative au rejet de l'opposition contre le brevet n° 0 325 546.
Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 13. avril 1995 et la taxe de recours a été acquittée le 8. février 1995.
II. La revendication 1 telle que délivrée s'énonce comme suit :
"Surf à neige, du type comportant un profil en taille de guêpe, c'est-à-dire dont les lignes de cote (6,7) sont incurvées en direction de l'axe médian longitudinal du surf dans la zone de patin de celui-ci, caractérisé en ce que les fixations (12, 13) forment chacune un angle non nul avec une ligne perpendiculaire à l'axe longitudinal du surf, et en ce que les deux lignes de cote (6, 7) sont décalées longitudinalement l'une par rapport à l'autre et sont positionnées de telle sorte que le point le plus incurvé de chaque ligne de cote se trouve situé sur l'axe de symétrie des axes passant par les deux fixations."
III. L'opposition avait été formée contre le brevet dans son ensemble et fondée sur l'article 100(a) CBE.
La Division d'opposition a estimé que les motifs d'opposition invoqués ne s'opposaient pas au maintien du brevet sans modification eu égard d'une part à l'état de la technique divulgué dans les documents suivants :
(D1) : US-A-4 163 565
(D2) : US-A-4 405 139
(D3) : RE 33 544 de US-A-4 652 007
(D4) : US-A-4 533 150
(D5) : US-A-3 900 204 et
(D6) : US-A-3 758 127
et d'autre part à l'utilisation antérieure de plusieurs surfs à neige dont le surf "Hooger Booger 83 3/87" (surf n° 83) déposé à l'Office. L'utilisation publique de ce surf au cours de compétitions avait été confirmée par des photographies et des déclarations de plusieurs participants.
IV. A son mémoire de recours la requérante a joint diverses annexes et des extraits du document intitulé "Le surf des neiges" de Jo Maruzzi et J.F. Causse aux Editions Glénat (D7).
Elle a notamment fait valoir que :
- la caractéristique de la revendication 1 selon laquelle : "le point le plus incurvé de chaque ligne de cote se trouve situé sur l'axe de symétrie des axes passant par les deux fixations" serait une pure proposition mathématique (article 52(2)a) CBE) ne pouvant être considérée de plus comme une invention susceptible d'application industrielle (article 57 CBE),
- cette caractéristique ne serait pas nouvelle par rapport au surf n° 83 utilisé publiquement avant la date de priorité du brevet (article 54 CBE), et
- l'objet de la revendication 1 serait dépourvue d'activité inventive (article 56 CBE) par rapport aux enseignements tirés du surf n° 83 et de D5 ajoutés aux connaissances générales de l'homme du métier exprimées dans D7.
Le requérant a en outre formulé des nouveaux motifs d'opposition selon l'article 100 b) et c) CBE.
V. Dans une annexe à la convocation à la procédure orale, la Chambre a exprimé un avis provisoire selon lequel les objections de la requérante basées sur les motifs selon l'article 100 a), b) et c) CBE ne paraissaient pas fondées en l'état du dossier.
VI. Une procédure orale a eu lieu le 23 juillet 1996. Elle s'est poursuivie en l'absence du titulaire du brevet (règle 71(2) CBE) qui, bien que régulièrement cité, n'était pas représenté.
Au cours de l'audience, la requérante a notamment fait observer qu'à la date de priorité du brevet les deux premières caractéristiques de la partie caractérisante de la revendication 1 délivrée, qui concernent respectivement la position angulaire des fixations et le décalage longitudinal des lignes de cote l'une par rapport à l'autre, étaient divulguées par le surf n° 83 utilisé publiquement avant cette date.
La requérante a en outre fait valoir que, parmi les multiples possibilités de positionnement des axes de fixations offertes sur le surf n° 83, l'homme du métier pouvait retrouver aisément le montage décrit dans la revendication 1 du brevet.
Selon la requérante un tel montage ne serait donc pas nouveau au sens de l'article 54 CBE et ne pourrait pas être considéré comme inventif du fait notamment de l'absence d'un effet technique inattendu.
VII. En fin de procédure orale, la requérante a requis l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet dans son ensemble pour défaut de nouveauté ou d'activité inventive de son objet (articles 54, 56 et 100 a) CBE). Elle n'a pas maintenu les autres requêtes qu'elle avait exprimées précédemment par écrit.
VIII. Aucune requête n'a été présentée par l'intimée.
1. Recevabilité du recours
Le recours est recevable.
2. Interprétation de la revendication 1
2.1. Certaines caractéristiques de la revendication 1 telle que délivrée peuvent paraître ambiguës et obscures. Toutefois, le manque de clarté n'étant pas un motif d'opposition, la Chambre n'a pas pouvoir d'exiger que la revendication délivrée soit reformulée pour ce seul motif.
L'appréciation de la brevetabilité de l'objet de la revendication 1 ne peut se faire que sur la base de l'interprétation que l'homme du métier en aurait faite à la lumière de la description et des dessins conformément à l'article 69(1) CBE, deuxième phrase (cf. décision T 23/86, JO OEB 1987, 316).
2.2. C'est ainsi que la caractéristique : "les fixations (12, 13) forment chacune un angle non nul avec une ligne perpendiculaire à l'axe longitudinal du surf" (cf. colonne 4, lignes 40 à 42 du fascicule), doit être comprise comme signifiant que les fixations (8, 9) sont tournées vers l'avant du surf, ce qui est confirmé par la description (cf. colonne 3, lignes 21 à 24) et par la figure 1.
De même, l'expression : "le point le plus incurvé de chaque ligne de cote" (cf. colonne 4, ligne 45) désigne le "point d'incurvation maximale" mentionné dans la description (cf. colonne 3, lignes 34 et 35 du fascicule), c'est-à-dire le point de la ligne de cote qui est le plus rapproché de l'axe longitudinal du surf dans la zone du patin (voir aussi figure 1). En outre, il ressort implicitement de ces expressions que chaque ligne de cote est censé ne comporter qu'un seul point "le plus incurvé" au sens du brevet.
Enfin, l'expression : "axes passant par les deux fixations" (cf. colonne 4, lignes 46, 47) ne doit pas être comprise comme désignant tous les axes possibles passant à la fois par les deux fixations mais seulement les deux axes médians longitudinaux (12, 13) de celles-ci (cf. figure 1).
3. Etat de la technique
3.1. L'utilisation publique de surfs profilés "en taille de guêpe" (et notamment du surf n° 83) au cours de compétitions antérieures à la date de priorité du brevet a été confirmée par des déclarations concordantes de plusieurs participants à ces épreuves. Le titulaire du brevet n'ayant pas contesté ces déclarations par ailleurs, la Chambre n'a pas de raison de douter de l'exactitude des faits invoqués par la requérante.
L'appartenance du surf n° 83 à l'état de la technique à la date de priorité du brevet est donc reconnue.
3.2. Or, le surf n° 83 présente indiscutablement en combinaison non seulement la totalité des caractéristiques du préambule mais également celles de la partie caractérisante de la revendication 1 qui concernent l'inclinaison des fixations sur l'axe longitudinal du surf et le décalage longitudinal des lignes de cote l'une par rapport à l'autre.
Selon la jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB (cf. décision T 99/85, JO OEB 1987, 413), après la délivrance d'un brevet européen, ni la Division d'opposition ni la Chambre de recours n'a pouvoir d'exiger que le libellé d'une revendication soit modifié seulement pour satisfaire à la règle 29(1)a) CBE.
4. Nouveauté (article 54 CBE)
4.1. Les caractéristiques d'une revendication sont toujours à considérer en combinaison sauf si le contraire est spécifié (cf. décision T 175/84, JO OEB 1989, 71).
Pour que l'utilisation antérieure du surf n° 83 détruise la nouveauté de l'objet de la revendication 1 comme l'a soutenu la requérante, il aurait fallu que ce surf divulgât clairement, en combinaison, la caractéristique concernant la symétrie des fixations par rapport à la ligne joignant les points des lignes de cote les plus rapprochés de l'axe du surf (cf. colonne 4, lignes 44 à 47. du fascicule de brevet).
4.2. Or, l'existence d'une telle divulgation n'a pas été démontrée par la requérante avec certitude comme l'exige une jurisprudence constante des Chambres de recours de l'OEB selon laquelle il est impératif que la divulgation d'un état de la technique soit "claire et non ambiguë" (cf. décision T 450/89, non publiée) de telle sorte que l'objet de l'invention dérive "directement et sans aucune équivoque" de cet état de la technique (cf. décision T 511/92, non publiée) et que l'enseignement divulgué soit suffisant pour qu'un homme du métier puisse reproduire ledit objet, les exigences concernant le caractère suffisant correspondant à celles de l'article 83 CBE.
Or, comme la requérante l'a reconnu dans son mémoire du 10. avril 1995 (cf. page 5, dernier paragraphe) et son annexe V, le surf n° 83 (surf Hooger Booger 83 3/87) offre une multitude de possibilités de positionnement des fixations par rapport à ses deux lignes de cote sans privilégier un montage particulier et, comme indiqué dans le rapport n° 01612202701 du Technischer Uberwachungs-Verein (TUV) Product Service GmbH déposé avec la lettre de la requérante du 15 octobre 1992, la ligne de cote gauche de ce surf ne comporte pas un unique point qui soit "le plus incurvé" mais une infinité de points formant une partie resserrée rectiligne d'environ 100 mm (cf. partie l : "gleicher Bereich"), ce qui n'est pas suffisamment précis pour amener l'homme du métier à positionner directement les fixations conformément à l'invention.
4.3. Dans ces conditions, l'objet de la revendication 1 ne peut être considéré comme antériorisé par l'usage antérieur public du surf n° 83 et comme, par ailleurs, aucun des documents cités au cours de la procédure ne révèle une tel repérage des axes des fixations par rapport aux points "les plus incurvés" des lignes de cote, la nouveauté de l'objet de la revendication 1 au sens de l'article 54 CBE du brevet en cause doit être reconnue.
5. Etat de la technique le plus proche
La Chambre ne voit pas d'objection pour considérer, en accord avec la requérante, que l'état de la technique le plus proche de l'invention est constitué par le surf n° 83 qui, à l'exception de la caractéristique relative à la symétrie des fixations par rapport à la ligne joignant les points des lignes de cote les plus rapprochés de l'axe longitudinal, révèle l'ensemble des autres caractéristiques de la revendication 1 prises en combinaison.
6. Problème et solution
6.1. En vue d'une appréciation objective de l'activité inventive selon l'approche problème-solution il y a lieu de comparer l'invention avec l'état de la technique le plus proche et de déduire objectivement le problème à résoudre des différences existantes (cf. décision T 24/81, JO OEB 1983, 133). En l'espèce, le problème à résoudre apparait résider dans l'amélioration de l'équilibre du surf dans les virages.
6.2. La requérante n'ayant pu prouver l'allégation selon laquelle l'effet technique annoncé dans le brevet (cf. colonne 2, lignes 9 à 14) n'était pas obtenu, la Chambre n'a pas de raison de douter de l'amélioration que l'invention est supposée apporter à l'équilibre du surf revendiqué.
7. Activité inventive
7.1. La première condition pour qu'une combinaison de moyens puisse être éventuellement considérée comme évidente, est que les moyens essentiels de la combinaison soient déjà connus en soi. Bien que nécessaire, cette condition n'est pas suffisante et ne permet pas à elle seule de conclure à l'évidence. Encore faut-il qu'il existe dans l'état de la technique des indices suggérant de réunir lesdits moyens et/ou des incitations à le faire (cf. notamment les décisions T 2/83, JO OEB 1984, 265 et T 37/85, JO OEB 1988, 86). En d'autres termes, il ne suffit pas qu'à la date de priorité l'homme du métier ait eu à sa disposition les moyens (et de ce fait la possibilité de réaliser l'invention) encore faut-il qu'il ait été incité à les utiliser conformément à l'invention.
7.2. En l'espèce, et comme déjà exprimé ci-dessus à la section 4, la chambre de recours a pu constater que le montage symétrique des fixations par rapport à l'axe joignant les deux points des deux lignes de cote les plus rapprochés de l'axe longitudinal du surf n'était pas divulgué en soi.
En effet, D1 à D3 concernent des surfs ne comportant pas de profil en taille de guêpe et, par conséquent, pas de point de ligne de cote "le plus incurvé" au sens de l'invention. Ils ne peuvent donc pas suggérer à l'homme de métier d'utiliser ces points comme repères de positionnement des fixations.
D4 concerne un surf à profil resserré dans la zone du patin ne comportant pas de fixation pour les deux pieds du surfeur, seule une fixation de sécurité optionnelle étant proposée sur le mode de réalisation représenté sur la figure 7. Dans ce document l'homme du métier ne peut donc pas non plus trouver une quelconque indication susceptible de l'orienter en direction du montage revendiqué.
Le surf à neige faisant l'objet de D6 comporte un profil en taille de guêpe et deux fixations mais le positionnement côte-à-côte de celles-ci de part et d'autre de l'axe longitudinal du surf (cf. D6 : figure 1) n'a strictement rien de commun avec le montage revendiqué dans la revendication 1 du brevet européen. D5 divulgue un surf à profil en taille de guêpe et fournit des indications précises sur la position des fixations. Toutefois, selon l'enseignement de ce document, la fixation avant doit être positionnée de telle sorte que le centre de la chaussure du surfeur coïncide avec le centre de gravité du surf (cf. D5 : colonne 1, lignes 52 à 55; colonne 3, lignes 19 à 21 et revendication 2).
7.3. Par conséquent, les enseignements des deux seules publications (D5 et D6) qui s'intéressent au positionnement des fixations sur un surf à neige à profil en taille de guêpe, non seulement ne fournissent aucune indication susceptible d'amener l'homme du métier à choisir un montage conforme à l'invention mais comportent plutôt des recommandations tendant à l'en écarter en faveur de positions relativement différentes (D5 : centre de gravité de la chaussure avant et du surf confondus et D6 : fixations symétriques par rapport à l'axe longitudinal du surf).
7.4. De ce qui précède la Chambre tire la conclusion que l'invention ne découle pas manifestement et logiquement de l'état de la technique et que l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive (article 56 CBE).
8. La Chambre considère donc que les motifs d'opposition présentés par la requérante dans la procédure de recours (article 100 a) CBE) ne s'opposent pas au maintien du brevet européen n° 325 546 sans modification (article 102(2) CBE).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.