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Luke Alphey

Moustiques génétiquement modifiés pour enrayer la dengue

Catégorie
Recherche
Domaine technique
Biotechnologie
Organisation
Isis Innovation Limited, Oxitec
Maladie très douloureuse et souvent mortelle, la dengue fait des millions de victimes chaque année. Son vecteur est un moustique très difficile à contrôler, mais cela pourrait changer grâce au Britannique Luke Alphey, à qui l'on doit un procédé ingénieux qui induit le moustique à se retourner contre ceux de son espèce. Un gène supplémentaire est programmé dans l'ADN du moustique et empêche ses larves de jamais atteindre le stade de la maturité reproductrice.

Finaliste du Prix de l'inventeur européen 2015

Pendant plus de dix ans, Luke Alphey a perfectionné une méthode vielle de plusieurs décennies appelée "Technique de l'Insecte Stérile (TIS), dont le principe consiste à détourner l'instinct reproductif du moustique. Au terme de recherches à l'université d'Oxford et au sein de la société spin-off Exitec, Alphey a mis au point avec l’aide de son collègue Dean Thomas un procédé de modification génétique pour "stériliser" le mâle de Aedes aegypti de sorte qu'une fois relâché, il donne naissance à une progéniture incapable de survivre jusqu'à l'âge adulte.

Au fur et à mesure des lâchers successifs, le nombre des insectes nuisibles diminue, les piqûres de moustiques se font plus rares et le taux de transmission chute. Cette technique ingénieuse donne de bien meilleurs résultats que les méthodes classiques puisqu'elle peut réduire de plus de 90% les populations de moustiques ciblées, ouvrant la voie à une lutte anti-moustiques efficace sans pesticides potentiellement toxiques.

Impact social

Après le paludisme, la dengue est la deuxième maladie la plus répandue au monde transmise par un moustique. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que chaque année, entre 50 et 100 millions de personnes en souffrent et environ 25 000 en meurent, chiffres malheureusement en augmentation constante. Depuis les années 1970, le nombre de pays touchés a été multiplié par dix, ce qui fait de la dengue la maladie dont la croissance est la plus rapide au monde parmi les maladies véhiculées par un moustique.

Le problème sanitaire est énorme, car il n'existe actuellement ni remède ni moyen d'éviter la transmission à la base. La quête d'un vaccin efficace est demeurée vaine du fait que la dengue est causée par quatre types de virus. En fait, un patient infecté par une souche du virus risque de développer une forme plus invalidante de la maladie s'il s'infecte ultérieurement au contact d'une autre souche.

Impact économique

D'après l'OMS, 40% de la population mondiale, soit 2,5 milliards d'êtres humains, seraient exposés à la dengue. Le coût économique annuel de la maladie a été évalué à quelque 1,72 milliard d'euros (2,1 milliards de dollars), rien que sur le continent américain.

Oxitec a l'appui du Biotechnology and Biological Sciences Research Council (BBSRC) - principal organisme de financement de la recherche en biologie non médicale au Royaume-Uni - ainsi que de la Fondation Bill et Melinda Gates. Un investissement de 7,7 millions d'euros (6,1 millions de livres sterling) a eu lieu en juin 2014 et la technologie est désormais sur le point d'être commercialisée.

Le Florida Keys Mosquito Control Department, chargé de la lutte anti-moustiques en Floride, a sollicité l'autorisation d'effectuer un lâcher expérimental en 2015 auprès de la FDA, l'agence américaine du médicament.

Mode d'action

Des quantités infimes d'ADN génétiquement modifié sont injectées dans des œufs de moustiques. Les larves intègrent cet ADN transgénique dans leurs cellules et le copient dans leur génome. La plupart des larves rejettent l'ADN exogène mais il suffit qu'un œuf sur mille l'accepte pour donner naissance à une colonie entière.

Une fois recopié dans chaque cellule, l'ADN préside à la synthèse d'une protéine tTAV qui entrave le fonctionnement des cellules.

En captivité, les moustiques sont nourris à un régime contenant de la tétracycline, laquelle fait office d'antidote en empêchant la protéine tTAV d'agir. Les moustiques peuvent ainsi se développer et se reproduire normalement.

Dans la nature, l'absence de tétracycline entraîne la production de la protéine tTAV, qui inhibe les processus cellulaires normaux, de sorte que les gènes indispensables à la survie des cellules des moustiques sont désactivés.

L’inventeur

Luke Alphey, avec l’aide de Dean Thomas, fut le premier chercheur à utiliser de la sorte des insectes génétiquement modifiés. Le premier brevet dans le domaine des moustiques transgéniques fut déposé en novembre 1999 par Isis Innovation (filiale de commercialisation technologique de l'université d'Oxford), avec Alphey et Thomas comme inventeurs. Des brevets équivalents furent aussi déposés dans d'autres pays, dont les États-Unis, le Mexique et la Chine. Alphey est également mentionné comme inventeur dans six autres brevets portant sur des technologies OGM.

Alphey a d'abord travaillé comme administrateur scientifique en chef à Oxitec, la société qu'il a cofondée, et est aujourd'hui l'un de ses membres d'administrateurs non exécutifs. Alphey a obtenu un doctorat en biochimie de l'Université de Dundee. Il a ensuite occupé des postes de recherche à l'Imperial College de Londres et l'Université de Dundee. En 1997, il est devenu Agrégé supérieur de recherche et plus tard Lecteur en génétique au département de zoologie de l'Université d'Oxford, où il exerce actuellement en tant que professeur invité. Il travaille à l'Institut de Pirbright où il promeut la recherche du contrôle génétique des insectes nuisibles.

Le saviez-vous ?

Aedes aegyptia plusieurs caractéristiques qui le rendent difficile à maîtriser et en font un vecteur redoutable pour répandre la dengue, la fièvre jaune et le chikungunya. Contrairement à bien d'autres espèces de moustiques, il préfère pondre dans des mini-flaques d'eau telles que celles qui se forment à l'intérieur des vieux pneus et des caniveaux. Dormir sous moustiquaire ne sert à rien : contrairement à son cousin nocturne Anopheles- vecteur du paludisme - Aedes aegyptiest actif durant le jour et est attiré par le sang humain plutôt que par le sang animal.

 

Inventors revisited

En 2020, l'OEB a repris contact avec d'anciens finalistes et lauréats pour connaître leurs points de vue sur les tendances de l'innovation et de la propriété intellectuelle : un regard unique sur la recherche et les inventions nouvelles à la pointe de la technologie.

Luke Alphey
Une minute de changement pour un impact massif

Les insecticides peuvent certes aider à empêcher la propagation des maladies transmises par des moustiques mais Luke Alphey sait que la meilleure solution consiste à contrôler les moustiques sur le plan génétique. En empêchant les insectes de se multiplier et en leur évitant de contracter une maladie en premier lieu, on peut ralentir la transmission de la fièvre jaune ou la maladie à virus Zika.

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La moitié de la population mondiale présente un risque de contracter la dengue, infection virale mortelle transmise par un moustique. Depuis vingt ans, Luke Alphey développe des solutions basées sur l'ADN pour ralentir la propagation de la maladie. Ses recherches actuelles portent sur des forçages et techniques génétiques assurant la transmission aux moustiques de caractéristiques bénéfiques.

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