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Ludwik Leibler

Vitrimères : un nouveau type de polymères

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Matériaux
Société
Arkema France & CNRS
Grâce à l'invention de Ludwik Leibler, physicien français d'origine polonaise, la science des matériaux se rapproche de l'univers de la science-fiction. Ludwik Leibler et son équipe du Laboratoire Matière Molle et Chimie de l'ESPCI ParisTech ont créé un nouveau type de plastiques, les « vitrimères », qui sont à la fois robustes et moulables.

Lauréat du prix d'inventeur européen 2015 dans la categorie recherche

Grâce à leur capacité à durcir ou s'assouplir sous l'effet de changements de température, les vitrimères pourraient être employés comme un plastique auto-cicatrisant capable de se régénérer seul. Leurs applications futures pourront s'orienter vers la chirurgie et la médecine réparatrice.

Ludwik Leibler et son équipe, notamment ses collaborateurs François-Genes Tournilhac et Corinne Soulié-Ziakovic, ont réalisé cette innovation en combinant les propriétés de deux classes de matériaux distinctes pour former une substance « supramoléculaire ». Les vitrimères sont constitués de réseaux de molécules qui ne sont pas liées de manière rigide ou permanente mais plutôt selon un équilibre dynamique : certaines liaisons se rompent tandis que de nouvelles liaisons intramoléculaires se forment ailleurs. Ainsi, les vitrimères peuvent aussi bien être rigides et immuables (comme les plastiques « thermodurcissables », qui durcissent en prenant leur forme finale) qu'avoir des propriétés similaires à celles du verre (moulables ou soudés par chauffage). 

Impact social

Dans le segment des produits de consommation, les vitrimères pourraient réduire l'obsolescence des produits plastiques endommagés, en facilitant leur réparation. Certains plastiques mettent plusieurs siècles à se décomposer et, à l'heure actuelle, 90 % de tous les déchets flottant sur les océans sont en plastique. Chaque année, ils tuent pas moins de 1 million d'animaux marins. Avec les vitrimères, le plastique auto-cicatrisant permettrait de réduire fortement les déchets et leur impact sur l'environnement, ainsi que de diminuer les frais de remplacement pour les consommateurs.

Dans le domaine médical, les applications des vitrimères incluraient des nanogels à base d'eau capables de réaliser un « nano-pontage » entre des tissus biologiques. En d'autres termes, les propriétés moléculaires flexibles des vitrimères relieraient de manière dynamique les bords de blessures ouvertes, créant une « colle organique » pouvant être utilisée en bloc opératoire lorsque la situation ne permet pas de réaliser des points de suture.

Impact économique

Les matériaux autoréparateurs et thermo-réversibles à base de vitrimères pourraient bien révolutionner des industries tout entières, par exemple la fabrication de planches de surf et celle de composants d'avion en résine époxyde. Le marché mondial de la résine époxyde et des agents de durcissement a généré 6 milliards d'euros de recettes en 2014 et devrait suivre un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 6,3 % pour atteindre 8,24 milliards d'euros en 2019.

Une fois moulée, la résine époxyde classique ne peut plus être fondue ou dissoute. Cela exclut toute possibilité de recyclage et entraîne la mise au rebut de milliers de planches de surf cassées chaque année. Et ce, alors même que la production actuelle de nouvelles planches de surfs, totalisant 750 000 pièces par an selon des estimations de l'agence SurfScience, crée environ 220 000 tonnes de CO2. Une planche de surf « autoréparatrice » en résine époxyde additionnée de vitrimère pourrait réduire les volumes de production en prolongeant significativement la durée de vie des équipements existants.

Mode d’action

Au niveau moléculaire, les vitrimères accomplissent l'exploit de réorganiser de manière fluide les liaisons entre les molécules sans jamais réduire le nombre total de liaisons. Ainsi, la solidité de l'ensemble n'est jamais compromise. Dans un matériau thermodurcissable classique, les liaisons brisées ne sont pas remplacées, ce qui cause un affaiblissement progressif du matériau et aboutit à sa rupture. Les vitrimères en revanche permettent une réorganisation des liaisons entre les molécules, sans altération de la forme ou de l'intégrité du matériau.

Dans les vitrimères, le nombre de liaisons moléculaires actives reste constante tandis que l’organisation des liaisons en réseau évolue librement. Ces modifications du réseau moléculaire peuvent être induites par effet thermique (en appliquant de la chaleur, par exemple), afin de déclencher de nouvelles réactions d'échange ou de liaison selon les besoins. Il en résulte que le matériau devient malléable et peut être soudé comme du verre.
 

Inventeur

Après l'obtention de son doctorat en physique théorique à l'Université de Varsovie (Pologne) en 1976, Ludwik Leibler a passé un an en tant que chercheur-boursier au Collège de France, à Paris. Jusqu'en 2003, il a été directeur fondateur d'un laboratoire commun entre le CNRS et la société de l'industrie chimique Elf Atochem (aujourd’hui Arkema).

Expert de renommée internationale dans le secteur des matériaux polymères et de la chimie supramoléculaire, Ludwik Leibler a déposé 47 brevets et publié 169 articles scientifiques. Actuellement directeur de recherche au CNRS et membre de l'Académie des sciences, il a inventé une nouvelle classe de « caoutchouc auto-cicatrisant » et mène des consultations sur divers projets d'application pour les vitrimères dans le domaine des sciences et de la médecine.
 

Le saviez-vous ?

Une solution acqueuse arrêtant une hémorragie et soignant les blessures, comme dans les films de science-fiction ? Désormais, cela entre dans le domaine du possible, grâce à la technologie de Ludwik Leibler et de son équipe. Ajoutés à des hydrogels sous forme de nano-particules, les vitrimères améliorent le pouvoir d'adhérence entre des substances et des surfaces impossibles à lier autrement. Le principe est le même que pour les vitrimères : l’utilisation des liens échangeables.

En 2014, l’équipe a déjà réussi à réparer in vivo deux tissus, en utilisant une solution aqueuse de nano-particules. Cette technique est particulièrement intéressante pour les organes difficiles à suturer, qui peuvent se déchirer lors du passage de l’aiguille.
 

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