T 0007/86 (Xanthines) 16-09-1987
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Nouveauté d'un composé spécifique répondant à une formule générique
Première application thérapeutique
Activité inventive - choix parmi de nombreuses possibilités
Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n° 11 609 contenant 4 revendications a été délivré à l'intimé le 13 avril 1983 sur la base de la demande de brevet européen n° 79 850 091.4, déposée le 28 septembre 1979, pour laquelle était revendiquée la priorité d'une demande du 21 octobre 1978 (SE 7 810 946).
II. Le 9 janvier 1984, s'appuyant sur de nouveaux documents, le requérant a fait opposition au brevet et demandé qu'il soit intégralement révoqué pour absence de nouveauté et d'activité inventive.
III. Par décision intermédiaire du 21 octobre 1985, la Division d'opposition a maintenu le brevet sous une forme modifiée comportant 2 revendications :
Les revendications indépendantes 1 et 2 s'énoncent comme suit :
"1. Préparation pharmaceutique destinée à servir au traitement des obstructions chroniques des voies aériennes ou des maladies cardiaques, caractérisée en ce qu'elle comprend comme ingrédient actif une quantité efficace d'un composé de formule :
(FORMULA)
ou bien un sel thérapeutiquement acceptable de ce composé, en association avec un excipient ou véhicule pharmaceutique acceptable.
2. Composé de formule
(FORMULA)
ou un sel thérapeutiquement acceptable de ce composé, destiné à servir au traitement des obstructions chroniques des voies aériennes ou des maladies cardiaques."
IV. La décision de maintenir le brevet sous une forme modifiée était fondée sur la constatation de la nouveauté de l'objet des deux revendications, eu égard aux documents cités. En particulier, "Bull. Chem. Soc. Jap.", 1973, Vol. 46, p. 506 - 509, décrit la 3-propylxanthine, mais n'indique aucune donnée ni application pharmacologique en ce qui la concerne.
Il a été considéré en outre que, par rapport à l'état le plus proche de la technique représenté par les documents (12) et (13) qui décrivent la 3-méthylxanthine (cf. la liste fournie ci-après au paragraphe VII), il y a activité inventive du fait notamment que les effets secondaires de la 3-propylxanthine (enprofylline) sont beaucoup moins nombreux que ceux de la 1,3-diméthylxanthine (théophylline).
V. Le 17 décembre 1985, le requérant a introduit un recours contre cette décision et acquitté la taxe correspondante. Un mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 15 février 1986.
Le requérant a essentiellement développé les arguments suivants :
L'objet du brevet litigieux serait évident parce que l'homme du métier peut s'attendre à ce que l'enprofylline possède les qualités nécessaires pour exercer une action similaire à celle déjà connue de la 3-méthylxanthine : l'enprofillyne entrait donc à l'évidence en ligne de compte pour des tests. En outre :
(i) il n'apparaîtrait pas clairement que la 3-méthylxanthine entraîne des effets secondaires semblables à ceux de la théophylline ; et
(ii) il serait douteux que les effets secondaires de l'enprofillyne sont moins nombreux que ceux de la théophylline ; il semblerait plutôt que ces deux composés entraînent des effets secondaires de nature différente.
Au demeurant, l'objet du brevet litigieux ne serait pas nouveau puisque le document (20) divulgue l'utilisation de l'enprofylline comme diurétique.
VI. Dans sa réplique au mémoire du requérant, l'intimé a argué que le problème que l'invention se propose de résoudre ne consiste pas seulement à obtenir un composé agissant de manière plus efficace que la théophylline en tant que bronchodilatateur et en tant que remède contre les maladies cardiaques, mais aussi à obtenir un composé combinant ces deux actions favorables sans entraîner les effets secondaires néfastes de la théophylline.
Il a fait valoir que le choix de l'enprofylline pour résoudre ce problème n'était pas évident, puisque le composé dont la structure est la plus proche, à savoir la 3-butylxanthine, était connue pour les puissants effets diurétiques qu'elle exerce (cf. document (9), p. 4, tableau I et p. 6, tableau II).
Motifs de la décision
(...)
3. Selon la Chambre, le document (12 ) représente l'état le plus proche de la technique. Il ressort de ce document que la 1,3- diméthylxanthine (théophylline), ainsi que son métabolite, la 3-méthylxanthine, sont connues pour leur action en tant que bronchodilatateurs, et que la 1,3-diméthylxanthine est fréquemment mise en oeuvre dans le traitement des obstructions des voies aériennes (cf. p. 534, dernier paragraphe). Le document (12) décrit en outre la théophylline comme un agent plus efficace que la 3-méthylxanthine (cf. p. 531, tableau 1 ; p. 533, parag. 2 et p. 535).
Compte tenu de ce document, et vu que la 3-méthylxanthine n'a pas en fait été proposée comme remède pour le traitement des obstructions chroniques des voies aériennes, il n'apparaît pas judicieux de s'appuyer sur ce composé, comme le suggère le requérant, pour démontrer le caractère prétendument évident de l'invention. Ce point de vue est d'ailleurs également défendu dans le document (18), dont les auteurs ont pris la théophylline comme critère pour comparer les effets pharmacologiques de l'enprofylline.
Ce document enseigne cependant que la théophylline provoque certains effets secondaires graves, en particulier des attaques ou des convulsions pouvant entraîner la mort (cf. page 2, onzième ligne de la description) et une stimulation du système nerveux central se traduisant par une agitation et par des tremblements qu'il y a lieu de considérer comme un inconvénient dans le traitement des obstructions chroniques des voies aériennes.
4. Par rapport au document (12), le problème technique que l'invention se propose de résoudre consiste donc à obtenir une préparation pharmaceutique destinée à être utilisée dans le traitement des obstructions chroniques des voies aériennes, et qui soit au moins aussi efficace que la théophylline, mais ne suscite pas les effets secondaires néfastes susmentionnés.
Afin de résoudre ce problème technique, le titulaire du brevet propose d'utiliser la 3-propylxanthine (enprofillyne) pour traiter les obstructions chroniques des voies aériennes ou les maladies cardiaques.
4.1. La Chambre est convaincue que le problème technique a été résolu. Les documents (7) p. 337, les trois dernières lignes, (8), Abstract et (17) p. 400, colonne de droite, lignes 24-28, tous publiés après la date de dépôt de la demande, prouvent qu'en tant que bronchodilatateur, l'enprofylline a une efficacité quatre à cinq fois plus grande que la théophylline. D'autres documents ultérieurement publiés et mentionnés ci-après démontrent que l'utilisation de l'enprofylline n'entraîne pas les graves inconvénients cités et qu'en outre elle comporte beaucoup moins d'effets secondaires tels qu'action diurétique, sécrétion anormale de suc gastrique ou tremblements.
5. L'examen des antériorités citées révèle qu'elles ne divulguent pas cet enseignement technique. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux est nouveau par rapport à l'état antérieur de la technique.
5.1. Le requérant allègue que le document (20) décrit notamment l'utilisation de la 3-propylxanthine en tant que diurétique, et suggère qu'il s'agit d'une divulgation antérieure de la mise en oeuvre de la 3-propylxanthine dans une méthode de traitement thérapeutique du corps humain ou animal ; et que, de ce fait, eu égard à l'article 54(5) CBE, l'objet des revendications 1 et 2 ne serait pas nouveau. Bien que le document (20) n'ait pas été invoqué devant la Division d'opposition, la Chambre le prend en considération en vertu de l'article 114(1) CBE. La partie pertinente de l'exposé fourni dans le document (20) est formulée en ces termes : "Les xanthines I (R = Me, Et, Pr, Bu, alkyle de groupe inférieur, R1 = H, alkyle de groupe inférieur), qui sont des diurétiques efficaces, ont été obtenues par ..."
Le document (20) divulgue en fait des xanthines bisubstituées dans lesquelles les substituants doivent être choisis dans deux listes différentes. Ces listes indiquent l'hydrogène et l'alkyle de groupe inférieur pour la position 8, et le Me, l'Et, le Pr, le Bu et l'alkyle de groupe inférieur pour la position 3.
Dans sa décision T 12/81 (Diastéréoisomères, JO OEB 1982, 296), la Chambre avait observé "obiter dictum" que, si la préparation d'un produit nécessite deux classes différentes de produits de départ et si des exemples en sont fournis sous forme de deux listes d'une longueur déterminée, on peut considérer comme nouveau un produit obtenu par réaction d'un couple particulier de produits provenant des deux listes (cf. notamment point 13). La Chambre estime que ce principe peut à l'évidence s'appliquer non seulement dans le cas des produits de départ entrant dans des réactions chimiques, mais également dans le cas de produits chimiques polysubstitués, dans lesquels les différents substituants doivent être sélectionnés dans deux ou plusieurs listes d'une longueur déterminée, comme dans la présente espèce. C'est pourquoi, en s'appuyant sur ce qui précède, il n'est pas possible d'interpréter le document (20) comme divulguant spécifiquement la 3-propylxanthine, ni, par conséquent, une utilisation pharmacologique de ce composé (en tant que diurétique). Du point de vue de la Chambre, le document (20) ne saurait donc nuire à la nouveauté de l'objet des revendications.
En application de ce principe dans une affaire précédente, la Chambre avait refusé de considérer comme antérieurement divulgués des composés résultant de la réaction d'un composé arbitrairement sélectionné parmi un groupe de réactifs définis sous une forme générique, avec un seul produit de réaction. Par conséquent, elle avait jugé nouveau le N-propyl-2.2.4.4.-tétraméthyl-7-oxa-3.20-diaza-21-oxo-dispiro [5.1.11.2] hénéicosane avec l'un des groupes de composés bromures d'alkyle en C1-C4 (cf. décision T 181/82, JO OEB 1984, 401, 410). Mais si une classe de composés chimiques, dont seule la structure (décrite par une réaction chimique) est définie avec précision, et ne comportant qu'un seul substituant défini sous une forme générique, ne représente pas une divulgation antérieure de tous les composés pouvant théoriquement résulter d'un choix arbitraire quant à la définition du substituant, il en va à l'évidence de même pour ce qui concerne un groupe de substances chimiques dont la formule générale comporte deux groupes variables. Par conséquent, dans la présente espèce, une classe de composés chimiques définie uniquement par une formule générale de constitution et qui comporte au moins deux groupes variables, ne divulgue pas spécifiquement chacun des composés pouvant résulter de la combinaison de toutes les variantes possibles à l'intérieur de tels groupes.
6.7. Pour les raisons susmentionnées, et compte tenu du problème qui sous-tend la méthode revendiquée, la Chambre considère que ni les antériorités citées, ni les connaissances générales de l'homme du métier ne fournissaient le moindre indice quant à la résolution grâce à l'enprofylline, choisie parmi les nombreuses :li.anthines existantes, du problème technique que l'invention se propose de résoudre. Par conséquent, la Chambre considère que l'objet du brevet litigieux tel que défini par les revendications 1 et 2 implique bien une activité inventive.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.