D 0001/81 (Etendue des pouvoirs de contrôle et de décision de de la Chambre de recours) 04-02-1982
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1. La Chambre de recours statuant en matière disciplinaire sur des questions d'examen a compétence, conformément à l'article 23(1) du règlement relatif à l'examen européen, pour examiner si les dispositions dudit règlement ne vont pas à l'encontre de dispositions légales qui prévalent, notamment celles de la Convention sur le brevet européen (CBE), et si la décision incriminée ne repose pas sur une violation de ce texte ou du règlement relatif à l'examen. Il y a en tout cas violation lorsque les dispositions en cause ne sont pas correctement appliquées ou sont l'instrument d'un détournement du pouvoir.
2. Le jury d'examen peut, en vertu du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 17(1)a) du règlement relatif à l'examen, faire dépendre la justification de connaissances d'un niveau équivalent de la nature des diplômes dont les candidats sont titulaires, et établir entre ces diplômes une distinction fondée sur la durée minimale des études, de même qu'il peut demander à un candidat ne possédant pas un diplôme adéquat de se prêter à un entretien en vue de justifier de connaissances d'un niveau équivalent.
Etendue des pouvoirs de contrôle et de décision de la Chambre de rec.
Classement des établissements d'enseignement
Entretien en vue de justifier des connaissances
I. Le jury de l'examen européen de qualification de l'Office européen des brevets a, par décision du 12 mai 1981, refusé d'admettre le requérant à subir les épreuves de l'examen européen de qualification. Il a fondé sa décision sur le motif que le candidat ne remplissait pas les conditions d'admission prévues à l'article 7(1)(a), 2ème membre de phrase du règlement relatif à l'examen européen de qualification des mandataires agréés près l'Office européen des brevets (cf. J.O. de l'OEB n° 2/1978, p. 101), ci-après dénommé "règlement relatif à l'examen européen", et qu'il n'avait pu justifier de ce qu'il avait acquis des connaissances scientifiques ou techniques de niveau équivalent au sens de cette disposition. Le jury d'examen a, pour les justifications de cet ordre, retenu le système exposé dans le J.O. de l'OEB n° 7/1980, p. 218 à 220, point 5.4.1b). Les établissements d'enseignement qui satisfont aux conditions requises pour la première possibilité visée dans le règlement précité sont inscrits sur une liste A et d'autres établissements sur une liste B. Les personnes justifiant d'un cycle complet d'études dans l'un des établissements de la liste B sont réputées satisfaire aux conditions posées par le règlement, sous réserve qu'elles aient exercé trois années supplémentaires d'activité dans le domaine des brevets. Sont inscrits sur la liste B les établissements d'enseignement qui ne délivrent de diplôme qu'au terme d'un cycle d'études d'une durée minimale de 15 ans (enseignement primaire, secondaire et supérieur compris). Le jury d'examen décide cas par cas de l'admission de candidats dont le diplôme ne figure pas sur la liste A ou B. Le requérant n'aurait pas été en mesure de justifier, dans le cadre de ce système, de connaissances équivalentes au sens de l'article 7(1)a), 2ème membre de phrase du règlement relatif à l'examen européen. En effet, il a accompli ses études dans un établissement d'enseignement supérieur technique autrichien qui ne répond pas aux critères de la liste B. Il s'ensuit qu'il n'aurait pas justifié de connaissances de niveau équivalent au sens du règlement susvisé en faisant état d'un cycle complet d'études et d'une expérience professionnelle supplémentaire de trois années. Il entrerait donc dans cette catégorie de candidats dont l'inscription doit être décidée cas par cas, conformément à la communication publiée au J.O. de l'OEB n° 7/1980, p. 218 à 221, point 5.4.1, dernier alinéa. Le jury d'examen a proposé au candidat de prouver ses connaissances au cours d'un entretien. Celui-ci, qui eût été dirigé par deux membres du jury et un examinateur de l'Office européen des brevets, devait porter sur les connaissances de base scientifiques ou techniques du candidat dans un domaine choisi par lui. Le candidat ayant décliné cette offre, sa demande d'inscription ne pouvait être que rejetée. De l'avis du jury d'examen, aucun autre moyen de preuve que l'entretien proposé n'était envisageable.
II. Le requérant a, par lettre du 19 mai 1981, introduit un recours contre cette décision. Il a fait valoir, dans le mémoire exposant les motifs du recours et dans des correspondances ultérieures, que c'était à tort que l'établissement d'enseignement par lui fréquenté ne figurait pas sur la liste B. En outre, il serait inadmissible de limiter à un entretien le mode de preuve en matière de connaissances équivalentes. Une telle limitation ne serait licite au regard du droit processuel que pour autant que la loi en a disposé ainsi. Seraient également envisageables en tant que preuve: les certificats de scolarité, l'exercice continu d'activités professionnelles qualifiées, les déclarations de témoins, les ouvrages de caractère scientifique ou technique. Les justifications circonstanciées produites par le requérant concernant ses études, sa longue pratique professionnelle, ses qualifications en tant que responsable du service des brevets d'une importante entreprise, ainsi que les inventions par lui réalisées répondraient, selon le requérant, aux exigences de l'article 7(1)a), 2ème membre de phrase du règlement relatif à l'examen européen. Par ailleurs, les établissements autrichiens d'enseignement supérieur technique feraient l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport à leurs homologues allemands et surtout suisses. La période de formation est, dans les établissements autrichiens, de 16 années au total, stage professionnel de trois ans compris. Seule cette formation complète donnerait droit au titre d'ingénieur. Le requérant a produit une lettre en ce sens émanant du ministre fédéral autrichien des bâtiments et de la technique, datée du 7 juillet 1981. Il en ressort notamment que le titre d'ingénieur est réservé aux personnes qui peuvent se prévaloir d'une formation d'une durée minimale de 16 ans (école primaire: 4 ans; établissement d'enseignement secondaire du premier cycle ou collège d'enseignement général: 4 ans; établissement technique supérieur: 5 ans; pratique professionnelle en qualité d'ingénieur: 3 ans). Pour ce qui a trait aux équivalences, des accords administratifs ont été conclus entre, d'une part, la République d'Autriche, et, d'autre part, la République fédérale d'Allemagne et la Confédération helvétique, en vue d'établir des équivalences au niveau des titres et des formations (établissements d'enseignement technique supérieur). Le ministère a fait savoir dans une nouvelle lettre datée du 4 décembre 1981 que seule est reconnue une pratique professionnelle de trois ans faisant suite à une formation technique supérieure. Il est vérifié dans chaque cas d'espèce si la pratique invoquée satisfait à ces conditions. Le requérant a présenté également des programmes d'études et des calculs aux fins de justifier du nombre total d'heures ainsi que des programmes de l'enseignement dispensé dans les établissements d'enseignement technique supérieur autrichiens, comparés aux établissements analogues dans les autres Etats contractants.
III. Le requérant a, au cours de la procédure orale du 4 février 1982, souligné en particulier que, compte tenu d'une période de formation de 16 ans jusqu'à l'octroi du droit au titre d'ingénieur, les établissements autrichiens d'enseignement technique supérieur satisfont à la condition posée pour figurer sur la liste B, à savoir un cycle minimal de formation de 15 ans. S'agissant d'une autre justification éventuelle de ses connaissances techniques et scientifiques au sens de l'article 7(1)a), 2ème membre de phrase du règlement relatif à l'examen européen, il a fait valoir que celles-ci avaient été attestées notamment par son employeur, et qu'il serait mal de l'inviter à en justifier de surcroît au cours d'un entretien.
IV. Il convient de se reporter par ailleurs au dossier, notamment en ce qui concerne les faits qui motiveraient la recevabilité du recours, de même que les justifications détaillées de qualifications et les autres moyens invoqués par le requérant.
V. Le requérant demande que soit annulée la décision du jury d'examen et qu'il lui soit donné acte de ce qu'il a fourni les justifications visées à l'article 7(1)a), 2ème membre de phrase ainsi qu'à l'article 16(2)a) du règlement relatif à l'examen européen.
1. Le recours satisfait aux conditions énoncées à l'article 23 du règlement relatif à l'examen européen et à l'article 6 du règlement de procédure additionnel de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire; il est donc recevable.
2. La Chambre de recours statuant en matière disciplinaire a, en vertu de l'article 23(1) et (3) du règlement relatif à l'examen européen, compétence pour examiner si les dispositions du règlement relatif à l'examen européen de qualification des mandataires agréés près l'Office européen des brevets ne vont pas à l'encontre de dispositions qui prévalent, notamment celles de la Convention sur le brevet européen, et si les décisions du jury d'examen n'enfreignent pas le règlement relatif à l'examen européen.
Dans la mesure où ce règlement confère au jury d'examen un pouvoir d'appréciation, la Chambre statuant en matière disciplinaire peut uniquement examiner la question de savoir s'il y a eu détournement de ce pouvoir. Le jury d'examen est investi d'un pouvoir d'appréciation par l'article 7(1)a) puisqu'aussi bien il lui appartient de définir et d'appliquer les principes dont il convient de s'inspirer en matière d'équivalence des connaissances et de préciser la nature des justifications qu'il exige. Il doit toutefois être guidé par des considérations tirées des faits et ne pas perdre de vue la finalité de l'article 7(1)a).
3. Il y aura donc lieu d'examiner de ce point de vue le bien-fondé des principes arrêtés par le jury d'examen pour l'application de l'article 7(1)a), 2ème membre de phrase du règlement relatif à l'examen européen tels qu'ils figurent dans la communication publiée au J.O. de l'OEB n° 7/1980 p. 218 à 222, point 5.4.1. La question se pose également de savoir si, dans le cas d'espèce, lesdits principes ont été correctement appliqués, c'est-à-dire conformément au règlement relatif à l'examen européen.
4. Ne peuvent être inscrits aux épreuves de l'examen de qualification que les candidats ayant, aux termes de l'article 7(1) du règlement relatif à l'examen européen, justifié
a) d'une certaine formation et
b) d'une expérience professionnelle déterminée.
Il ressort de la deuxième possibilité, article 7(1)a), deuxième membre de phrase, que la formation visée sous a) ne doit pas être obligatoirement sanctionnée par un diplôme d'enseignement supérieur.
Cela ne signifie pas pour autant qu'il puisse être fait totalement abstraction de l'exigence d'une formation ou qu'une formation quelconque suffise. C'est donc à bon droit que le jury d'examen a, en vertu des principes qu'il s'est fixés, considéré comme suffisants uniquement certains cursus scolaires en marge de l'enseignement supérieur, complétés par une expérience professionnelle de trois ans et qu'il les a inscrits sur ce qu'il est convenu d'appeler la liste B.
5. S'il est nécessaire de distinguer entre, d'une part, les établissements d'enseignement extra-universitaire inscrits sur la liste B et ouvrant la voie à l'inscription aux épreuves de l'examen européen de qualification sous réserve exclusivement de certaines conditions d'expérience et, d'autre part, ceux pour lesquels l'inscription doit être décidée cas par cas, il est également indispensable de définir un critère de sélection. Une durée minimale d'études est en principe un critère approprié. De même, la durée choisie de 15 ans ne peut être considérée comme étrangère à la finalité du règlement et, en tant que telle, constitutive d'un détournement de pouvoir. La question reste ouverte de savoir si une solution de rechange est possible, qui consisterait à abaisser la durée minimale mais à prendre en considération des critères complémentaires tels que le programme d'enseignement, le nombre d'heures d'études ou des stages sous contrôle à l'issue des études. Une solution de ce genre permettrait au requérant d'obtenir que soit pris en compte son cursus scolaire. Le jury d'examen n'a pourtant commis aucun détournement de pouvoir en n'adoptant pas une telle méthode, peut-être plus équitable à l'égard des candidats. En effet, le jury d'examen doit encore veiller à ce que sa méthode soit applicable dans la pratique, compte tenu de la diversité des établissements d'enseignement dans les Etats contractants, et puisse être considérée comme objective dans chacun de ces Etats.
6. De ce point de vue, le jury d'examen était parfaitement fondé à s'en tenir à la scolarité proprement dite et à ne pas prendre en compte la pratique professionnelle subséquente. Il s'agit en dernière analyse de justifier d'une formation préalable de type scolaire ainsi que le prévoit l'article 7(1)a) du règlement relatif à l'examen européen tandis qu'il est fait état, sous la lettre b) du même article, de justification concernant l'expérience professionnelle.
On ne peut considérer que la pratique professionnelle visée plus haut, acquise entre la fin des études et l'octroi du droit au titre d'ingénieur, a encore un caractère scolaire. Cette pratique ne relève manifestement plus de la responsabilité de l'école et ne s'intègre pas dans ses buts didactiques. En ce qui concerne la reconnaissance, dans le cadre d'accords interétatiques, de l'équivalence de formations donnant droit au titre d'ingénieur, il n'y a aucune raison d'admettre une équivalence identique pour l'inscription aux épreuves de l'examen européen de qualification. Le jury d'examen doit ajuster les critères de sélection choisis par lui au but de l'article 7(1)a), 2ème membre de phrase, du règlement relatif à l'examen européen et n'est pas tenu de prendre en compte des accords passés par d'autres instances avec des buts différents. Il convient toutefois de relever que, nonobstant l'accord germano-autrichien relatif à l'octroi du droit au titre d'ingénieur, l'équivalence des types d'établissements d'enseignement n'a pas été reconnue pour l'inscription aux épreuves de l'examen de qualification des conseils en brevets allemands (cf. art. 172, quatrième alinéa du règlement relatif aux conseils en brevets allemands, ainsi que Kelbel, "Commentaires sur le règlement relatif aux conseils en brevets", p. 442, point 6). La comparaison des horaires entreprise par le requérant en vue de démontrer l'intensité de la formation n'emporte pas la conviction de la Chambre car:
1) il compare des établissements d'enseignement technique où la durée des études varie entre 5, 4 et 3 années,
2) les années scolaires respectives correspondent à des âges différents,
3) le nombre hebdomadaire d'heures de cours est habituellement plus faible pour les élèves plus âgés.
Il s'ensuit que la distinction opérée par le jury d'examen entre les différents types d'établissements ne saurait être considérée comme étrangère à la finalité du règlement et par là constitutive d'un détournement de pouvoir.
7. Le jury d'examen n'a pas davantage outrepassé ses pouvoirs dans la manière dont il a appliqué l'article 7(1)a) du règlement relatif à l'examen européen en décidant de statuer cas par cas sur les candidatures qui n'auraient pas été retenues eu égard au cursus scolaire suivi. Il peut paraître à première vue surprenant, compte tenu de la personnalité d'un candidat et des justifications éventuellement produites par lui concernant ses qualifications, que la décision finale dépende d'un entretien portant sur ses connaissances scientifiques ou techniques de base. Il n'y a toutefois pas détournement de pouvoir si l'entretien est en principe exigé de tout candidat qui, compte tenu de la distinction opérée entre les établissements d'enseignement, ne répond pas aux conditions posées.
8. Enfin, le fait que le jury d'examen n'ait pas admis les autres justifications proposées par le candidat au lieu et place de l'entretien ne suscite aucune objection. Le requérant commet une erreur lorsqu'il confond les justifications au sens de l'article 7(1)a) du règlement relatif à l'examen européen avec les preuves ("Beweis") au sens de l'article 117 de la Convention sur le brevet européen. Les justifications représentent nécessairement une condition schématisée, une sorte de stéréorype auquel doivent pouvoir se conformer un grand nombre de candidats. Les autres justifications présentées par le candidat (nature et durée de l'expérience et confirmation professionnelle, attestation de ses connaissances par la société qui l'emploie, inventions) ne permettent qu'indirectement de conclure à l'existence de connaissances scientifiques ou techniques suffisantes. Une telle conclusion ne s'impose toutefois pas à l'évidence et pourrait apparaître aux autres candidats comme un traitement de faveur arbitrairement réservé au requérant. Cela vaut en particulier pour l'attestation des connaissances par l'employeur. L'article 7(1)a) du règlement relatif à l'examen européen exige que des justifications soient soumises au jury d'examen. Une justification indirecte des connaissances au moyen d'une attestation délivrée par un tiers est en tout cas à exclure lorsque le tiers en cause ne dispose pas de critères objectifs de comparaison et n'adopte pas une attitude neutre vis-à-vis du candidat.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
le recours dirigé contre la décision du jury de l'examen européen de qualification des mandataires agréés près l'Office européen des brevets en date du 12 mai 1981 est rejeté.