T 0148/06 08-01-2008
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Distributeur de papier comportant une cassette amovible
Dépôt de plusieurs jeux de revendications soumis indivisément non pas à titre de requête principale et de requêtes subsidiaires, mais à titre de requêtes du même rang (irrecevable)
Revendication 1 selon la première requête - extension inadmissible
Revendication 1 selon la deuxième requête - nouveauté (oui)
Renvoi devant la première instance
I. Le 26 janvier 2006 la requérante (titulaire) a formé un recours contre la décision de la Division d'opposition, signifiée par voie postale le 6 décembre 2005, de révoquer le brevet.
La taxe de recours a été acquittée le 24 janvier 2006.
Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 4 avril 2006.
II. L'opposition était fondée sur les motifs énoncés à l'article 100(a) CBE (absence de nouveauté et d'activité inventive). La Division d'opposition est arrivée à la conclusion que les modifications apportées à la revendication 1 selon la requête principale ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 123(2) CBE et que l'objet des revendications 1 selon les première et seconde requêtes auxiliaires n'était pas nouveau.
III. Les documents suivants ont joué un rôle dans la présente procédure :
D1 : US-A-5 322 186
D2 : US-A-1 579 429
D3 : US-A-3 028 047
IV. Une procédure orale a eu lieu devant la chambre le 8 janvier 2008.
Bien que régulièrement citée, l'intimée (opposante) n'a pas comparu. Par lettre du 3 janvier 2008, elle a fait savoir qu'elle ne prendrait pas part à l'audience. Conformément aux dispositions de la règle 115(2) CBE, la procédure a été poursuivie en son absence.
V. La requérante a demandé, à titre de requête principale, l'annulation de la décision contestée et le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition pour l'examen de l'activité inventive sur la base de l'ensemble des requêtes qui auraient été considérées comme satisfaisant à l'article 123(2) CBE et à l'exigence de nouveauté, ou à titre subsidiaire, l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet européen sous forme modifiée sur la base de l'un des jeux de revendications selon la première, deuxième, troisième ou quatrième requête déposées par lettre du 7 décembre 2007 avec la modification apportée à la deuxième requête pendant la procédure orale.
La revendication 1 selon la première requête se lit comme suit :
"1. Distributeur de papier comportant un boîtier (12) dans lequel le papier est stocké, sous la forme d'une pile verticale de feuilles pliées (f), en vue de sa distribution au travers d'un orifice de distribution, le distributeur comportant un élément interchangeable amovible (22), qui est rapporté dans le boîtier (12) et qui comporte une paroi inférieure de fond (26), agencée en regard d'une ouverture (18) formée dans une paroi inférieure (20) du boîtier (12), et dans laquelle est agencé l'orifice (28) de distribution qui est de forme adaptée aux feuilles de papier à distribuer, caractérisé en ce que l'élément interchangeable amovible (22) est une cassette compatible avec les dimensions de papier, qui contient la pile de feuilles pliées (f), les feuilles de papier (f) s'appuyant sur la paroi inférieure de fond (26) de la cassette (22), qui comporte des parois de guidage (24, 25) de la pile de feuilles pliées comprenant une paroi arrière (25) et deux parois latérales (24), et en ce que la paroi inférieure de fond (26) de la cassette (22) comporte, sur sa face externe (32), un bossage (34) dont la forme est complémentaire de celle de l'ouverture (18) de la paroi inférieure (20) du boîtier (12) dans laquelle (18) le bossage (34) est reçu pour centrer la cassette (22)."
La revendication 1 selon la deuxième requête se lit comme suit :
"1. Distributeur de papier comportant un boîtier (12) dans lequel le papier est stocké, sous la forme d'une pile verticale de feuilles pliées (f), en vue de sa distribution au travers d'un orifice de distribution, le distributeur comportant un élément interchangeable amovible (22), qui est rapporté dans le boîtier (12) et qui comporte une paroi inférieure de fond (26), agencée en regard d'une ouverture (18) formé dans une paroi inférieure (20) du boîtier (12), et dans laquelle est agencé l'orifice (28) de distribution qui est de forme adaptée aux feuilles de papier à distribuer, caractérisé en ce que l'élément interchangeable amovible (22) est une cassette compatible avec les dimensions de papier, qui contient la pile de feuilles pliées (f), les feuilles de papier (f) s'appuyant sur la paroi inférieure de fond (26) de la cassette (22), qui comporte des parois de guidage (24, 25) de la pile de feuilles pliées comprenant une paroi arrière (25) et deux parois latérales (24), en ce que la paroi inférieure de fond (26) de la cassette (22) comporte, sur sa face externe (32), un bossage (34) dont la forme est complémentaire de celle de l'ouverture (18) de la paroi inférieure (20) du boîtier (12) dans laquelle (18) le bossage (34) est reçu pour centrer la cassette (22) et en ce que la cassette (22) est maintenue à l'intérieur du boîtier (12) par emboîtement élastique."
La requérante a principalement argumenté de la façon suivante :
Dans un but d'économie de procédure il y a lieu, pour chacune des requêtes présentées de statuer sur l'admissibilité au titre de l'article 123(2) CBE et sur la nouveauté des revendications.
Les modifications apportées à la revendication 1 selon la première requête satisfont aux exigences de l'article 123(2) CBE. En effet, la demande telle que déposée ne décrit ni ne suggère une simultanéité du centrage et de l'emboîtement élastique. Au contraire le centrage et l'emboîtement élastique sont abordés dans des passages distincts et il ressort aussi bien de la description que des dessins que ces deux fonctions sont réalisées successivement par des moyens différents. Il n'y a donc pas de lien fonctionnel ou structurel manifeste entre les éléments qui assurent ces deux fonctions.
La revendication 1 selon la deuxième requête précise qu'il y a centrage et emboîtement élastique. Les exigences de l'article 123(2) sont donc satisfaites. De plus aucun des documents cités ne divulgue une cassette centrée par coopération d'un bossage et d'une ouverture et maintenue par emboîtement élastique.
L'intimée (opposante) a contesté les arguments avancés par la requérante et a pour l'essentiel fait valoir par écrit ce qui suit :
La revendication 1 selon la première requête ne satisfait pas aux exigences de l'article 123(2) CBE. Dans la description du brevet contesté, le centrage de la cassette obtenu par coopération du bossage de la cassette avec l'ouverture du boîtier n'est jamais décrit indépendamment de l'emboîtement élastique entre cassette et boîtier. Les modifications apportées résultent en une généralisation intermédiaire inadmissible, du fait que la revendication 1 ne mentionne pas la présence d'un emboîtement élastique.
S'agissant de la deuxième requête, l'intimée n'a soulevé aucune objection au titre de l'article 123(2) CBE ou de la nouveauté. Elle a demandé que l'affaire soit renvoyée à l'instance du premier degré afin d'examiner l'activité inventive sur la base de cette deuxième requête.
1. Le recours est recevable.
2. Requête principale :
2.1 La requête principale vise à demander à la chambre de donner un avis sur la conformité des revendications 1 de chacune des requêtes aux dispositions des articles 123(2) et 54(1) CBE.
2.2 La chambre rappelle à cet égard, que selon les termes de l'article 113(2) CBE l'Office européen des brevets n'examine et ne prend de décision sur la demande de brevet européen ou le brevet européen que dans le texte proposé ou accepté par le demandeur ou par le titulaire du brevet. Ces dispositions non seulement définissent un droit de la requérante, mais en même temps le devoir d'identifier avec précision l'étendue de la protection recherchée. Même s'il est fait usage de la possibilité procédurale de déposer des requêtes multiples, l'article 113(2) CBE ne dégage pas la requérante de la responsabilité d'établir l'ordre dans lequel ses requêtes doivent être examinées. Ce devoir, qui incombe à la requérante, ne peut être circonvenu par le refus de définir une hiérarchie des requêtes, comme elle l'a fait par écrit ou durant la procédure orale.
En fait, la requête de la requérante est une illustration du processus qui conduit à ce qu'une possibilité procédurale bien établie soit soudainement perçue comme le fond de l'action.
Il convient, à cet effet, de rappeler les dispositions légales sur lesquelles se fonde la procédure d'opposition. Cette procédure est régie, entre autres, par l'article 101 paragraphes (1) et (2) CBE, qui définit les décisions pouvant être prises en opposition, à savoir : le rejet de l'opposition, le maintien du brevet tel qu'il a été modifié et la révocation du brevet. En conséquence, dans une procédure d'opposition, toute requête quant au fond, doit viser à obtenir l'un de ces trois effets juridiques. Il est évident que normalement seules les deux premières dispositions sont requises par la titulaire. Une requête telle que celle déposée par la requérante serait clairement irrecevable devant une division d'opposition.
Ce cadre légal ne change pas devant les chambres de recours. Tout recours sur opposition doit également viser à obtenir l'un de ces trois effets juridiques, du fait que les chambres de recours, en vertu des dispositions de l'article 111(1) CBE, exercent les compétences de l'instance qui a rendu la décision attaquée. Ceci n'est pas altéré par la possibilité donnée aux chambres de renvoyer l'affaire à l'instance du premier degré pour suite à donner, même si la chambre a préalablement informé les parties de son intention de faire usage de cette procédure. L'expression "suite à donner" n'étend pas la portée des décisions des chambres, mais ouvre la possibilité aux chambres de ne pas prendre de décision finale au sens de l'article 101 paragraphes (1) et (2) CBE, par rapport à une requête du titulaire du brevet (la dernière à avoir été examinée), et permet à l'instance du premier degré de décider du respect des exigences de la CBE qui n'ont pas encore été prises en compte, afin d'aboutir à une décision finale.
Dans le cas présent, la requérante demande à la chambre de considérer que l'objet du recours porte indivisément sur l'ensemble de ses requêtes et non sur le maintien du brevet (ou le rejet de l'opposition).
La chambre constate que le simple fait d'indiquer à la requérante quelles sont, parmi ses requêtes, celles qui satisfont à certaines conditions de la CBE ne définit en rien le texte sur la base duquel la requérante compte poursuivre la procédure.
C'est à la requérante (titulaire) qu'il incombe de proposer un texte qui satisfait aux conditions prévues par la CBE, c'est-à-dire de déterminer l'objet du brevet. A cette fin, il revient au titulaire de définir l'ordre dans lequel doivent être examinées ses requêtes, en précisant quelle est sa requête principale et quelles sont ses requêtes subsidiaires ainsi que leur rang.
La requérante ne saurait rejeter en fait cette responsabilité sur l'OEB en présentant plusieurs requêtes de même rang.
Il n'incombe pas à la chambre de donner un avis juridique sur l'admissibilité de plusieurs requêtes afin de guider la requérante dans la définition de l'ordre dans lequel elle voudrait que ses requêtes soient examinées.
Outre les considérations légales rappelées ci-dessus, des raisons pratiques s'opposent également à une telle requête. Celle-ci constitue un abus de procédure, car l'OEB se verrait submergé par des tâches qui ne lui incombent pas, ce qui ferait obstacle au bon déroulement de la procédure. En effet suivant la pratique de l'OEB, une requête subsidiaire ne peut normalement pas être prise en considération s'il est fait droit à la requête principale ou à une requête subsidiaire de rang supérieur. Cette pratique de longue date qui est clairement décrite dans l'avis juridique 15/05 (JO OEB, 2005, 357) avait déjà fait l'objet des avis juridiques précédents 15/84 et 15/98. Même si ces avis se réfèrent aux procédures d'examen et d'opposition, de multiples décisions des chambres de recours confirment que ces mêmes principes s'appliquent aux procédures devant les chambres de recours.
Une partie à la procédure ne peut donc jamais être sûre qu'une requête subsidiaire puisse être considérée. Il est compréhensible que la requérante cherche à clarifier sa position à l'avance, afin d'éviter un éventuel rejet de ses requêtes par la division d'opposition. Cependant, ce qui semble être avantageux pour la requérante, représente une charge indue pour l'OEB, qui serait amené à décider sur des requêtes qui finalement, compte tenu de leur rang, ne devraient jamais être débattues au cours de la procédure.
Finalement, la chambre note que la crainte de la requérante de ne pas pouvoir déposer d'autres revendications devant la division d'opposition n'est pas fondée. Il n'y a pas de raisons de croire que la titulaire a plus de droits ou simplement de meilleures chances de déposer de nouvelles revendications devant la chambre que devant la division d'opposition. Les principes qui régissent la recevabilité de nouvelles requêtes sont les mêmes, qu'elles soient déposées devant la chambre ou l'instance du premier degré.
Dans le cas présent toutefois, aucune nouvelle requête, qui rouvrirait la discussion concernant les articles 100(c) et 100(a) CBE par l'introduction d'autres caractéristiques à la place de celles déjà examinées par la chambre ne saurait être recevable. D'autre part, toute limitation supplémentaire des revendications afin de répondre à une objection de manque d'activité inventive devrait normalement être recevable (sans préjuger du respect d'autres exigences procédurales comme celles régissant le dépôt tardif d'une requête).
2.3 En conséquence, la requête principale doit être rejetée comme irrecevable.
3. Revendication 1 selon la première requête :
3.1 Par rapport au libellé de la revendication 1 telle que délivrée, la caractéristique suivante a été introduite dans la revendication 1 selon la requête principale : "la paroi inférieure de fond (26) de la cassette (22) comporte, sur sa face externe (32), un bossage (34) dont la forme est complémentaire de celle de l'ouverture (18) de la paroi inférieure (20) du boîtier (12) dans laquelle (18) le bossage (34) est reçu pour centrer la cassette (22)".
2.2 La requérante s'est basée sur le passage de la description telle que déposée (WO-A-98/02078) page 4, ligne 14 à page 5, ligne 4 ; figures 5 à 8, qui décrit la mise en place de la cassette dans le boîtier, pour montrer que le centrage et l'emboîtement étaient deux fonctions différentes réalisées successivement avec des moyens différents.
2.3 Ce point de vue ne peut être partagé.
Le passage en question indique que dans un premier temps un bord de la paroi inférieure de la cassette est mis en appui contre la paroi de fond du boîtier autour duquel la cassette est basculée. Le bossage et le bec arrière de la cassette viennent alors naturellement en regard de l'ouverture et de la lumière du boîtier ; cette position est représentée à la figure 6. En continuant le mouvement de basculement, le bossage pénètre progressivement dans l'ouverture ; cette position est représentée à la figue 7. Ensuite l'ergot de la paroi arrière de la cassette vient se bloquer sous le bord de la face arrière du boîtier ; cette position est représentée à la figue 8.
Un emboîtement élastique est par définition obtenu par déformation élastique d'une pièce (ce point de vue a été confirmé par la requérante durant la procédure orale). En partant de la position montrée à la figure 7, une force doit être exercée au niveau de l'ergot pour obtenir une déformation élastique et l'amener à se bloquer sous le bord de la face arrière du boîtier, c'est-à-dire pour obtenir l'emboîtement élastique. Cette force doit être équilibrée par une force de réaction. Dans la position de la figure 7, cette force de réaction ne peut être engendrée qu'au niveau du bossage, qui lui seul est apte à s'opposer au déplacement de la cassette vers l'avant du boîtier (c'est-à-dire vers la droite dans la figure 7) lorsqu'une force est appliquée au niveau de l'ergot. Le bossage participe donc à l'emboîtement élastique.
D'autre part, il est précisé page 4, lignes 14 et 15 "Avantageusement, la cassette 22 selon l'invention est insérée et maintenue à l'intérieur du boîtier par un simple emboîtement élastique." Ce passage indique clairement que l'emboîtement assure le maintien en place de la cassette, c'est-à-dire assure le maintien du centrage.
Il découle de ce qui précède que le bossage participe à l'emboîtement élastique et que l'emboîtement élastique assure le maintien du centrage. Ces deux fonctions présentent donc des liens fonctionnels et structurels.
Or, selon la jurisprudence des chambres de recours, l'introduction d'une caractéristique technique tirée isolément d'un ensemble de caractéristiques qui avaient été initialement exposées les unes combinées aux autres pour un mode de réalisation spécifique n'est admissible en vertu de l'article 123(2) CBE que si, pour un homme du métier, il ressort sans le moindre doute des pièces de la demande telle que déposée qu'il n'existe aucun lien fonctionnel ou structurel manifeste entre ces caractéristiques. Tel n'est pas le cas ici, comme il a été exposé ci-dessus.
2.4 En conséquence, les modifications apportées à la revendication 1 ne satisfont pas aux exigences de l'article 123(2) CBE.
3. Revendication 1 selon la deuxième requête :
3.1 Par rapport au libellé de la revendication 1 selon la première requête, cette revendication comporte également les caractéristiques de la revendication 3 telle que délivrée. Elle précise donc que la cassette est non seulement centrée par le bossage mais également maintenue à l'intérieur du boîtier par emboîtement élastique. Cette revendication n'a soulevé aucune objection au titre de l'article 123 CBE, ni de la part de la chambre, ni de la part de l'intimée.
3.2 Aucun des documents cités (D1 à D3) ne montre en combinaison avec les autres caractéristiques revendiquées une cassette dont la paroi inférieure de fond comporte, sur sa face externe, un bossage dont la forme est complémentaire de celle de l'ouverture de la paroi inférieure du boîtier dans laquelle le bossage est reçu pour centrer la cassette qui est maintenue à l'intérieur du boîtier par emboîtement élastique.
3.3 La nouveauté est donc donnée par rapport aux documents cités.
4. Suite de la procédure :
4.1 Dans le cas présent, la chambre est arrivée à la conclusion que la revendication 1 selon la deuxième requête permettait de surmonter les objections sur lesquelles la décision attaquée était fondée. Etant donné que la procédure de recours sert en premier lieu à établir l'exactitude de la décision attaquée et que la première instance n'a pas eu l'occasion d'examiner le respect des autres conditions prévues par la CBE, la chambre considère qu'un renvoi de l'affaire devant la première instance en vertu de l'article 111(1) CBE est approprié.
4.2 La chambre décide donc de renvoyer l'affaire à la division d'opposition afin de procéder à l'examen de l'activité inventive sur la base des revendications selon la deuxième requête.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré pour suite à donner.