T 1016/06 (Extraction TCA du liège/CEA-OENEO) 22-04-2009
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Procédé de traitement et d'extraction de composés organiques du liège, par un fluide dense sous pression
Chouchi, Dalida
Cork Supply Portugal, S.A.
Landanger Patrick
Ferreira Gil, Jorge Manuel
Requête principale : nouveauté (non)
Requête subsidiaire : clarté (oui)
Nouveauté (oui) plage de valeurs non dérivable directement et sans équivoque de l'état de la technique
Activité inventive (oui) : extraction améliorée du TCA sans détérioration des propriétés mécaniques du liège - amélioration prouvée
I. Par la décision intermédiaire signifiée par voie postale le 2 mai 2006, la division d'opposition a maintenu le brevet européen nº 1 216 123 sur la base du jeu de revendications selon la requête subsidiaire 2 datée du 20 janvier 2006, dont la revendication 1 est libellée comme suit :
"1. Procédé de traitement du liège ou d'un matériau à base de liège, dans lequel on met en contact le liège ou ledit matériau à base de liège avec un fluide dense sous pression, à une température de 10 à 120ºC et sous une pression de 10 à 600 bars, un cosolvant étant ajouté au fluide dense sous pression, ledit cosolvant étant choisi parmi l'eau et les solutions aqueuses."
II. Au cours de la procédure d'opposition, les parties se sont notamment appuyées sur les documents suivants :
Dl : D. Chouchi et al., "SFE of trichloroanisole from cork", The 4th International Symposium on Supercritical Fluids, Sendai, Japon, 11-14 mai 1997
D3 : A. Miranda et al., "High-pressure extraction of cork with CO2 and 1,4-dioxane", High Pressure Chemical Engineering. Proceedings 12: pages 417 à 422 (1996)
D4 : WO 98/16288
D7 : A.K. Dillow et al., "Bacterial inactivation by using near- and supercritical carbon dioxide", Proc. Natl. Acad. Sci. USA, volume 96, pages 10344 à 10348 (1999)
III. Dans sa décision, la division d'opposition a conclu que l'objet de la susdite revendication 1 impliquait une activité inventive en partant de D1 comme état de la technique le plus proche, en particulier pour les raisons suivantes :
- Les essais comparatifs produits par les propriétaires du brevet montrent qu'un traitement avec addition d'eau ou de solution aqueuse permettait d'obtenir un liège présentant de bonnes propriétés mécaniques.
- L'ajout d'eau ou de solution aqueuse à titre de cosolvant ne découle pas de manière évidente du document D4, car l'homme du métier aurait dû y effectuer un choix parmi les divers composés cités, à savoir les alcools, les cétones ou encore l'eau. En outre, les tests comparatifs montraient que le choix du breveté n'était pas arbitraire, le composé choisi ayant pour effet de préserver les propriétés mécaniques du liège utiles pour son application ultérieure en tant que bouchon.
- Le document D7, qui stipule qu'une désinfection au dioxyde de carbone n'a pas d'effet néfaste sur le matériau traité, ne traite pas de l'addition d'un cosolvant.
IV. L'opposante IV (ci-après requérante I) et les titulaires du brevet (ci-après requérantes II) ont formé recours à l'encontre de la décision susmentionnée.
V. Dans son mémoire de recours daté du 1**(er) septembre 2006, la requérante I a contesté la nouveauté de l'objet selon la revendication 1 susmentionnée par rapport au contenu du document D1.
Elle a également contesté l'activité inventive de celle-ci au vu de l'enseignement de D1 pris en combinaison avec les connaissances générales de l'homme du métier, ou alternativement par rapport à l'enseignement de D1 pris en combinaison avec celui de D4 ou D7.
VI. Avec leur mémoire de recours daté du 11 septembre 2006, les requérantes II ont soumis une note d'observations accompagnée d'essais complémentaires et de trois jeux de revendications à titre respectivement de requêtes principale et subsidiaires 1 et 2.
VII. En annexe des courriers datés respectivement des 23 août 2007 et 12 juin 2008, la requérante I a soumis deux rapports expérimentaux.
VIII. Dans une notification accompagnant la citation à une procédure orale, la chambre a soulevé la question de l'interprétation de la caractéristique "un cosolvant est ajouté au fluide dense sous pression".
IX. Par lettre datée du 20 mars 2009, les requérantes II/ titulaires ont soumis une note d'observations accompagnée de nouveaux essais et de 5 nouveaux jeux de revendications à titre respectivement de requêtes subsidiaires 1 à 5.
X. La requérante I/opposante IV a pour sa part répondu à la notification de la chambre par une note d'observations datée du 23 mars 2009 accompagnée en particulier du document
D57 : DE 690 06 767 T2
XI. Par télécopie reçue le 14 avril 2009, l'opposante I (partie de droit) a déposé des observations et a annoncé qu'elle n'assisterait pas à la procédure orale.
XII. A l'audience qui s'est tenue le 22 avril 2009, les titulaires ont annoncé qu'elles renonçaient dans toutes les requêtes à la revendication indépendante portant sur un procédé de désinfection et qu'elles retiraient leurs requêtes principale et subsidiaires 1, 2 et 4 ainsi que leur recours, en conséquence de quoi, elles ont transformé les requêtes subsidiaires 3 et 5 en instance respectivement en requêtes principale et subsidiaire 1, et soumis une nouvelle requête subsidiaire 2.
La revendication 1 selon la requête principale correspond à la revendication 1 telle que maintenue par la division d´opposition (voir point I.) et la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 présente le libellé suivant :
"1. Procédé de traitement du liège ou d'un matériau à base de liège, dans lequel on met en contact le liège ou ledit matériau à base de liège avec un fluide dense sous pression, à une température de 10 à 120ºC et sous une pression de 10 à 600 bars, un cosolvant étant ajouté au fluide dense sous pression à raison de 0.01 à 10% en poids, ledit fluide étant du dioxyde de carbone et ledit cosolvant étant choisi parmi l'eau et les solutions aqueuses."
La requérante I/opposante IV a de son côté contesté la nouveauté de l'objet de la revendication 1 selon la requête principale, soutenant que le contenu du document D1 antériorisait l'objet de celle-ci.
Concernant la requête subsidiaire 1, elle a déclaré ne pas avoir d'objection formelle à l'encontre des modifications mais qu'elle en contestait la clarté, car il n'était pas explicite du libellé de la revendication 1 si le pourcentage en poids d'eau ou de solution aqueuse faisait référence au liège ou au dioxyde de carbone. Elle a en outre contesté aussi bien la nouveauté de l'objet de celle-ci (par rapport à D1) que son activité inventive, soutenant en particulier que l'objet revendiqué découlait de manière évidente du document D1 pris isolément ou en combinaison avec l'un des documents D4 et/ou D7.
XIII. L'opposante I - partie de droit à la procédure de recours - a en particulier soutenu que l'effet cosolvant de l'eau était prévisible pour l'homme du métier, citant en particulier le document D3, et a plaidé en faveur d'un défaut de nouveauté.
XIV. L'opposante IV (à présent seule requérante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
Les titulaires (ci-après intimées) ont demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base des revendications selon la requête principale, ou alternativement sur la base des revendications selon l'une des requêtes subsidiaires 1 ou 2, les trois requêtes ayant été soumises pendant la procédure orale.
1. Sur la nouveauté de l'objet de la revendication 1 selon la requête principale par rapport au document D1
1.1 Le document D1 décrit un procédé d'extraction par CO2 supercritique de trichloroanisole (ci-après TCA) contenu dans deux types de bouchons de liège :
a) des bouchons ayant macéré dans un mélange d'acide tartrique, d'acide malique et d'alcool ;
b) des bouchons placés 3 semaines dans une étuve à 37ºC à macérer dans un milieu de culture à base d'acide tartrique, d'acide malique et de glucose et ensemencé, selon le cas, de bactéries de type non identifié ou de moisissures de souches Penicillium glabrum, Mucor plubens et Chrysonnilia sitophila.
L'extraction a été réalisée à une température de 40ºC et sous une pression de 14 MPa (140 bars) et a généré des rendements d'extraction du TCA variant de 75 à 97%.
1.2 L'intimée, qui n'a pas contesté que le milieu de culture dans lequel avaient macéré les bouchons de liège de type b) contienne de l'eau, a plaidé en faveur de la nouveauté du procédé revendiqué, faisant valoir qu'aucun ajout d'eau ou de solution aqueuse au CO2 supercritique n'était opéré dans le procédé d'extraction selon D1.
1.3 La chambre ne partage pas l'opinion de l'intimée sur ce point car, tel que soutenu par la requérante :
- le liège est un matériau naturel contenant toujours une certaine humidité et les bouchons de liège de type b) ayant en outre séjourné dans un milieu de culture non-exempt d'eau ainsi que dans l'atmosphère humide d'une étuve, ceux-ci auront inévitablement renfermé une certaine quantité d'eau avant leur mise en oeuvre dans le procédé d'extraction selon D1 ;
- le rapport expérimental, en particulier le Tableau 1, soumis par la requérante en date du 23 août 2007 montre que le traitement par du CO2 supercritique non-additivé d'eau de différents types de bouchons de liège (agglomérés ou non et d'humidité de 3 ou 8%) conduit à une diminution du taux d'humidité du liège.
Dans ces circonstances, et l'extraction de TCA selon le document D1 par du CO2 supercritique non-additivé d'eau étant en particulier mis en oeuvre sur du liège contenant une certaine quantité d'eau (bouchons de type b), il apparaît inévitable qu'une partie de cette eau ne soit pas entraînée par le CO2 lors de la mise en contact de ce dernier avec le liège, de sorte qu'implicitement il y ait migration d'une partie de l'eau absorbée par le liège vers le fluide supercritique. En conclusion, et même si cette migration est involontaire et fortuite, force est de constater que du fait de celle-ci, une certaine quantité d'eau aura été ajoutée au CO2 supercritique.
1.4 La chambre observe au demeurant qu'au vu du paragraphe [0098] du brevet en litige qui stipule que "le cosolvant, s'il s'agit d'eau, peut se trouver déjà présent dans le liège", elle ne partage pas l'avis des intimées selon lequel il serait clairement établi du libellé de la revendication 1 en litige que l'ajout de cosolvant au fluide dense sous pression serait effectué avant sa mise en contact avec le liège, ledit libellé n'excluant pas l'ajout d'eau pendant la mise en contact.
1.5 Des considérations ci-dessus il ressort que la combinaison des caractéristiques selon la revendication 1 en litige découle directement et sans équivoque du contenu du document D1. Il s'ensuit que ladite revendication 1 ne répond pas au critère de nouveauté exigé par l'Article 54(1) (2) CBE.
2. Sur la clarté des modifications apportées à l'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1
La revendication 1 tel que modifiée diffère de celle du brevet délivré en ce qu'un solvant est ajouté au fluide dense sous pression à raison de 0,01 à 10% en poids, ledit fluide étant du dioxyde de carbone et ledit cosolvant étant choisi parmi l'eau et les solutions aqueuses.
Le défaut de clarté soulevé par la requérante reposait sur l'allégation selon laquelle il ne serait pas clairement établi du libellé de la revendication 1 si le pourcentage en poids dont il y est fait référence se rapportait au liège ou au dioxyde de carbone.
Attendu que l'objet défini à la revendication 1 résulte de la combinaison de caractéristiques issues des revendications 1, 6, 7, 8 et 10 du brevet contesté, avec les revendications 6, 7, 8 et 10 dépendant de la revendication 1, celui-ci concerne par conséquent un objet spécifique qui, en soi, était déjà revendiqué dans le brevet tel que délivré.
Dans ces circonstances, et selon la jurisprudence établie en particulier dans les décisions T 0367/96 (voir point 6.2) et T 1223/04 (voir point 2.4), l'objection de défaut de clarté soulevée à l'encontre de la revendication 1 de la présente requête n'est pas pertinente.
3. Sur la nouveauté de l'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1
Tel qu'indiqué au point 1.3, D1 décrit de manière directe et sans équivoque l'ajout d'eau au CO2 supercritique au cours de la mise en contact de ce dernier avec du liège de type b), une partie de l'eau stockée dans le liège migrant vers le CO2 supercritique.
La requérante n'ayant toutefois pas été en mesure d'établir que la quantité d'eau migrant du liège vers le CO2 supercritique tombait dans l'intervalle de valeurs revendiqué, à savoir "0.01 à 10 % en poids", et le document D1 ne donnant aucune précision aussi bien sur les quantités de CO2 supercritique utilisées que sur le taux d'humidité du liège avant et après mise en contact de celui-ci avec le CO2 supercritique, la valeur de la quantité d'eau ajoutée à ce dernier n'est donc pas dérivable directement et sans équivoque du document D1.
Dans ces circonstances, il y a lieu de reconnaître la nouveauté de l'objet de la revendication 1, qui par conséquent répond aux exigences de l'Article 54(1)(2) CBE.
4. Sur l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1
4.1 L'objet du brevet contesté est relatif à un procédé d'extraction du liège de composés organiques - notamment ceux responsables du "goût de bouchon" dans les bouteilles de vin - par un fluide dense sous pression, en particulier un fluide supercritique (paragraphes [0001], [0007] et [0008]).
4.2 Les parties étant en désaccord concernant l'état de la technique le plus proche, il y a lieu de statuer sur le document qui constituera le point de départ le plus prometteur pour effectuer un développement menant à l'invention.
A cet effet, les intimées ont soutenu que D1 était une publication scientifique ayant pour seul but de quantifier la quantité de TCA produite par des micro-organismes inoculés sur des bouchons de liège et, de ce fait, l'état de la technique le plus proche était représenté par D57, car le but avéré de ce document était le même que celui du brevet contesté, à savoir d'éliminer le goût de bouchon du liège.
La chambre ne partage pas cet avis car, tel qu'avancé par la requérante, au vu en particulier du Tableau 1 et des Figures 1 et 2 (qui résument les rendements de l'extraction de TCA effectuée aussi bien sur des rondelles de bouchon de liège contaminé par des micro-organismes que sur des rondelles de bouchon de liège sain) et de la conclusion (qui stipule que l'extraction du liège des contaminants responsables du goût de bouchon par du CO2 supercritique était très efficace et plus rapide que les techniques de l'art antérieur), il est manifeste que le document D1 vise - tout comme le brevet contesté - l'élimination efficace et rapide d'un composé organique indésirable du liège : le TCA.
Attendu que les documents D1 et D57 réalisent tous deux cette élimination par mise en oeuvre d'un fluide dense sous pression, mais que D57 utilise un fluide (vapeur d'eau) et une pression (>= 101,1 kPa, i.e. 1,01 bar) différents de ceux requis par l'objet revendiqué, la chambre juge que D1 représente le point de départ le plus approprié pour apprécier l'activité inventive de l'objet revendiqué.
D1 décrit en effet (voir point 1.1 ci-dessus) un procédé mettant en oeuvre non seulement le même fluide que revendiqué mais également des conditions opératoires de température et de pression tombant dans les intervalles de valeurs revendiqués.
4.3 Partant du procédé d'extraction du TCA du liège par CO2 supercritique selon D1, le problème à résoudre serait donc - tel qu'indiqué par les intimées - la mise à disposition d'un procédé permettant d'améliorer les rendements d'extraction du TCA tout en conservant les qualités mécaniques indispensables au liège pour la fabrication de bouchons (voir aussi en particulier les paragraphes [0110] et [0111] du brevet contesté).
4.4 La solution proposée par le brevet contesté telle que définie dans le procédé selon la revendication 1 se caractérise en ce que de l'eau ou une solution aqueuse est ajoutée à raison de 0,01 à 10% en poids au dioxyde de carbone sous pression.
4.5 Concernant la question de savoir si le problème a bien été résolu :
4.5.1 Les exemples 1 et 2 du brevet contesté (paragraphes [0188] à [0217]) montrent qu'un ajout d'eau distillée d'environ 0.02 % au CO2 supercritique entraîne l'extraction quantitative (100%) du TCA (voir Figure 2 et paragraphe [0207]). En outre, les bouchons traités par le fluide supercritique additivé d'eau présentent une tenue mécanique du même ordre de grandeur que celle de bouchons témoins (voir Tableau 1 et paragraphes [0214] et [0215]) non traités.
4.5.2 Les essais soumis par les intimées avec la lettre datée du 11 septembre 2006 portent sur des échantillons émanant de lots de liège présentant des taux d'humidité de 3 et 15 % et le fluide supercritique utilisé était selon le cas, du CO2 "sec" (sans ajout d'eau) ou du CO2 auquel a été ajouté 0,2 % d'eau.
Les résultats de ces essais - reproduits ci-après - montrent qu'indépendamment du taux d'humidité du liège, la mise en oeuvre de CO2 supercritique additivé de 0,2 % permettait d'obtenir non seulement une meilleure efficacité d'extraction du TCA ( Tableau 1),
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
mais aussi de meilleures propriétés mécaniques, qu'en présence de CO2 "sec" (Tableau 2).
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
Les intimées ont expliqué que moins le rapport Fcomp/Fret était élevé, meilleures étaient les propriétés mécaniques du liège, ce dernier pouvant alors être aisément comprimé tout en conservant une importante force de retour indispensable au bouchage de liquides. En outre, la force de compression Fcomp plus élevée mesurée après extraction par du CO2 "sec" (voir Tableau 3) était représentative d'un bouchon plus dur, et donc moins élastique, que dans le mode de réalisation revendiqué.
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
4.5.3 Les essais soumis avec la lettre des intimées datée du 20 mars 2009 - supposés reproduire les conditions d'extraction mises en oeuvre dans le document D1 sur des bouchons de type a) - portent en particulier sur un lot de liège de taux d'humidité initiale de 8,5 % ayant macéré 2 heures dans l'éthanol avant d'être séché 1,5 heure à 32ºC, de sorte à obtenir un liège de taux résiduel d'éthanol de 3,2%. Les résultats soumis par les intimées montrent qu'après traitement selon le procédé de D1, à savoir avec du CO2 supercritique "sec", le liège ne présentait plus aucune élasticité, la force de retour de ce dernier n'étant plus mesurable.
4.5.4 La chambre constate que les différents essais produits par les intimées établissent non seulement une amélioration de l'élimination du TCA par rapport au procédé selon le document D1, mais également un maintien des propriétés mécaniques indispensables au liège utilisé à des fins de bouchage de liquides. Dans ce contexte, il est donc crédible que le problème identifié au point 4.3 ci-dessus a effectivement été résolu.
4.5.5 Ces résultats ont été contestés par la requérante qui, par référence aux deux rapports mentionnés au point VII. ci-dessus, a nié aussi bien l'amélioration de l'extraction du TCA que le maintien des propriétés mécaniques du liège.
La chambre ne peut toutefois pas suivre les allégations de la requérante, car du protocole expérimental mis en oeuvre dans ces deux rapports, il apparaît - tel que confirmé à la procédure orale par l'experte mandatée par la requérante - que l'extraction n'a été effectuée en présence d'eau (1% ou 2%) que durant les cinq premières minutes de la mise en contact avec le CO2, le traitement avec le fluide supercritique ayant ensuite été poursuivi pendant 8 minutes sans ajout d'eau. L'experte technique de la requérante a expliqué à la procédure orale que l'addition d'eau au CO2 avait été interrompue en raison d'une accumulation d'eau au bas du réacteur, mais que cette interruption n'avait toutefois aucune incidence sur les conditions de traitement du liège, le CO2 se chargeant d'humidité au contact de l'excédent d'eau présent au fond du réacteur.
Ces explications n'ont également pas convaincu la chambre, car même s'il n'est pas impossible qu'il y ait eu des transferts d'eau entre le liège et le CO2 après interruption de l'approvisionnement en eau du réacteur, il n'est pas prouvé que durant cette période l'ajout d'eau au CO2 était telle que revendiquée, à savoir d'au moins 0,01 % en poids. En outre, tel qu'expliqué par les intimées, il est crédible que l'interruption d'adjonction d'eau ait eu pour conséquence la poursuite du traitement dans des conditions telles que celles décrites dans le document D1, à savoir en présence de CO2 "sec", avec pour effet la détérioration des conditions d'extraction du TCA et des propriétés mécaniques du liège, de sorte à mener aux résultats confinés dans les rapports mentionnés au point VII.
Pour ces diverses raisons, les arguments de la requérante n'ont pas été retenus par la chambre.
4.5.6 Concernant la question de savoir si le problème est résolu sur l'ensemble de la plage revendiquée, la chambre constate que la limite inférieure de 0,01% est pleinement justifiée, la concentration en eau utilisée dans les exemples 1 et 2 du brevet contesté étant de 0,02% et celle des essais soumis par les intimées avec la lettre datée du 11 septembre 2006 de 0,2%.
Eu égard à la valeur supérieure de la plage (10%), celle-ci n'a pas été remise en question par la requérante, et la chambre n'a pas plus de raison de mettre en doute sa légitimité.
L'utilisation de solutions aqueuses - définies dans le brevet contesté (page 7, lignes 1 à 7) comme pouvant être des solutions tampons, d'antibiotiques ou d'antioxydants - n'a également pas été contestée et la chambre n'a pas de doute quant à leur utilisation pour résoudre le problème susmentionné.
4.6 Il convient à présent d'apprécier si, pour l'homme du métier chargé de résoudre le problème mentionné au point 4.3, la solution proposée par le brevet contesté découle ou non de manière évidente de l'état de la technique, en particulier du document D1 pris isolément ou en combinaison avec l'un des documents cités par les parties.
4.6.1 Concernant D1, la chambre souligne que la conclusion relative au défaut de nouveauté constaté par rapport à ce document (voir point 1.3) est liée à la migration involontaire et fortuite d'eau présente dans le liège vers le CO2 supercritique, migration que l'auteur de D1 n'a ni relatée, et encore moins quantifiée.
Il convient en outre de noter que D1 ne décrit ni ne suggère l'ajout d'eau ou de solution aqueuse au CO2 supercritique dans les proportions telles que revendiquées, à savoir à raison de 0,01 à 10% en poids, et encore moins ce document n'exprime-t-il la possibilité avec de telles proportions d'eau ou de solution aqueuse d'augmenter les rendements d'extraction en TCA tout en maintenant les propriétés mécaniques de liège utilisé à des fins de bouchage de liquides.
En l'absence d'une telle divulgation ou suggestion, l'homme du métier en charge du problème identifié au point 3.4 ne trouve donc aucune incitation à chercher la solution à son problème dans le document D1, si bien qu'il se doit d'être conclu que ce dernier ne peut, en soi, mener à l'objet revendiqué.
4.6.2 La requérante et la partie de droit/opposante 1, citant en particulier les documents D3, D4 et D7, ont argumenté que l'homme du métier cherchant à améliorer le procédé selon D1 se trouvait dans une situation "à sens unique" car, sachant que la présence d'un cosolvant polaire influençait les rendements d'extraction en particulier des composés chlorés, il devenait évident pour l'homme du métier que l'eau pouvait jouer ce rôle.
La chambre observe à cet égard qu'il existe en effet plusieurs documents, en particulier ceux susmentionnés, qui traitent de l'addition d'un cosolvant au CO2 supercritique, mais tel qu'expliqué ci-après (points 4.6.3 à 4.6.6), aucun de ces documents ne décrit ni ne suggère l'utilisation d'eau ou d'une solution aqueuse à titre de cosolvant pour extraire quantitativement le TCA du liège tout en maintenant à ce dernier ses qualités mécaniques nécessaires à son utilisation ultérieure dans la fabrication de bouchons.
En outre, il convient de noter qu'à la date de publication du brevet contesté, il existait une multitudes d'autres techniques alternatives potentiellement exploitables par l'homme du métier, le document D57 (voir en particulier les pages 2 à 5) divulguant à lui seul déjà pas moins de onze techniques différentes et dans de telles circonstances, la chambre ne peut se joindre à l'argument de la situation "à sens unique".
4.6.3 Concernant le document D3, celui-ci traite de l'extraction du liège par du CO2 additivé d'un cosolvant dans des conditions supercritiques (pression : 170 bars, intervalle de température : 160 à 180ºC), mais les résultats montrent qu'avec le cosolvant choisi - le 1,4-dioxane - l'extraction touche non seulement la lignine, les polysaccharides mais tout particulièrement la subérine avec une efficacité pouvant aller jusqu'à près de 46%.
Attendu que D3 enseigne l'utilisation d'un cosolvant favorisant l'extraction de la subérine qui - tel qu'indiqué au paragraphe [0110] du brevet contesté - est l'un des composés conférant au liège ses qualités indispensables à la fabrication des bouchons, et D3 n'effleurant même pas la possibilité d'extraire le TCA par le CO2 supercritique, la chambre est d'avis que l'homme du métier confronté au problème de l'extraction de ce composé particulier ne sera nullement incité à rechercher une solution dans ce document.
4.6.4 D4 décrit pour sa part un procédé d'extraction de composés inorganiques et/ou organiques à partir d'un matériau, caractérisé en ce que l'on met en contact ledit matériau avec un fluide dense sous une pression (p) et une température (t) telles que le fluide soit à l'état supercritique, en ce qu'un ou plusieurs additif(s) est (sont) ajouté(s) au fluide supercritique, un desdits additifs étant un agent tensioactif, et en ce que les composés à extraire comprennent au moins un composé inorganique (revendication 1).
Dans ses revendications 3 à 6, D4 décrit l'un des additifs comme étant un cosolvant présent à une concentration de 1 à 10% en poids par rapport au poids du matériau et choisi parmi les alcools, les cétones et leurs mélanges. Le cosolvant peut également être l'eau, auquel cas cette dernière est présente à une concentration totale de 1 à 300% en poids par rapport au poids du matériau.
S'agissant du bois à traiter, D4 vise à en extraire notamment des composés inorganiques à base de cuivre, chrome et arsenic connus sous le terme CCA, et des composés organiques, en particulier des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des chlorophénols et du lindane (page 2, ligne 32 à page 3, ligne 10).
Dans ses exemples, D4 décrit l'extraction par du CO2 supercritique additivé d'un agent tensioactif et d'eau :
- de CCA à partir de bois contaminé (Exemple 1),
- de nitrate d'uranyle à partir de sable pollué (Exemple 2).
Aucune extraction de composés organiques n'est toutefois exemplifiée dans D4, et même si ce dernier mentionne l'addition d'eau au fluide supercritique à titre de cosolvant à une concentration par exemple de 5 à 20 % en poids par rapport au poids du matériau à base de bois (page 22, lignes 18 à 25), ainsi qu'un poids de fluide-solvant supercritique mis en oeuvre par rapport au poids de matériau à base de bois de 10 à 100 kg de fluide/kg de matériau et des rendements d'extraction de composés chlorés de 98% (page 24, lignes 17 à 25), il convient de noter que D4 n'aborde ni l'extraction du TCA, ni le liège en tant que matériau à traiter, et encore moins l'addition d'eau ou de solution aqueuse au CO2 supercritique à raison de 0,01 à 10% en poids d'eau dans le but d'extraire sélectivement et quantitativement le TCA de liège tout en conservant à ce dernier ses propriétés mécaniques nécessaires à son utilisation ultérieure à des fins de bouchage de liquides.
En conséquence de quoi, la chambre considère que l'objection de défaut d'activité inventive basée sur le contenu de D4 procède d'une analyse a posteriori qui suppose la connaissance préalable de la solution telle que revendiquée, car - tel qu'indiqué par les intimées - le bois ne contenant ni TCA, ni la subérine responsable de la compressibilité et de l'élasticité du liège, ni les céroïdes responsables de l'imperméabilité du liège, il n'est pas possible de prévoir l'extraction sélective du TCA du liège, et encore moins que ce dernier puisse conserver ses propriétés mécaniques indispensables à la fabrication de bouchons, à partir de la divulgation de D4.
4.6.5 Eu égard au document D7 et tel qu'indiqué par la requérante, ce document décrit, d'une part, que de petites quantités d'eau amplifient l'effet stérilisant de CO2 supercritique (paragraphe à cheval sur les pages 10347 et 10348) et, d'autre part, qu'aucun dommage chimique et physique n'est engendré aux matériaux ayant été mis en contact avec ledit fluide supercritique (résumé et page 10347, colonne de gauche, fin du premier paragraphe).
La chambre observe toutefois que concernant le phénomène d'amplification lié à l'ajout d'eau, il y a lieu de souligner que celui-ci a trait à l'inactivation de bactéries et à la stérilisation de matériaux inoculés de bactéries, et non à l'amélioration des rendements dans un procédé d'extraction de TCA du liège. En outre, les matériaux mis en contact avec le fluide supercritique sont des microparticules à base soit d'acide polylactique soit de copolymère d'acide glycolique et lactique, c'est-à-dire des matériaux différents de par leur structure chimique et physique du liège, qui est un produit naturel contenant en particulier des céroïdes, de la subérine, des tannins, de la lignine ou encore de la cellulose, c'est-à-dire aucun des composés entrant dans la composition du matériau mis au contact de CO2 supercritique dans le document D7.
Dans ces circonstances, et attendu que D7 est, d'une part, totalement silencieux à l'égard de l'extraction d'un quelconque composé de quelque matériau que ce soit par du CO2 supercritique et, d'autre part, que les matériaux traités dans D7 sont très éloignés chimiquement et physiquement du liège à traiter dans le brevet contesté, la chambre est d'avis que l'homme du métier en charge du problème de l'amélioration des rendements d'extraction du TCA du liège n'est en rien enclin à explorer ce document, et quand bien même il prendrait connaissance du contenu de ce document, il n'y trouverait aucune incitation à utiliser une quelconque caractéristique technique pour résoudre le problème identifié au point 4.3 ci-dessus.
4.6.6 Les autres documents cités par les parties ne contiennent pas plus d'information susceptible de suggérer à eux seuls, ou en combinaison avec le document D1, le procédé de traitement de liège selon la revendication 1 de la présente requête.
4.7 De ces diverses considérations, il y a lieu de conclure que l'objet de la revendication 1 satisfait aux exigences de l'Article 56 CBE.
Les revendications 2 à 16 dérivent leur brevetabilité de l'objet de la revendication 1, dont elles dépendent.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance afin de maintenir le brevet sous forme modifiée sur la base des revendications 1 à 16 selon la requête subsidiaire 1 soumise pendant la procédure orale, la description et les figures devant être adaptées.