T 0146/13 30-01-2015
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PROCEDE DE FABRICATION D'UNE PIECE COMPOSITE
brochure commerciale - état de la technique
brochure commerciale - (oui)
Nouveauté - (oui)
Activité inventive - (oui)
I. Le brevet européen n° 1 722 908 au nom de la société ArcelorMittal France a été délivré le 7 juillet 2010 (Bulletin 2010/27). Le brevet a été délivré sur la base de treize revendications. La revendication 1 est rédigée comme suit:
"1. Procédé de fabrication d'une pièce composite stratifiée comprenant les étapes consistant à:
- revêtir au moins une face d'une tôle d'acier dont l'épaisseur Ea est inférieure à 0,65 mm par un ou plusieurs films adhérents de polymère dont l'épaisseur totale Ep est supérieure ou égale à 0,1 mm pour former une tôle d'acier composite stratifiée présentant une épaisseur E, selon laquelle E=Ea+Ep,
- éventuellement découper la tôle pour former un flan, puis
- à mettre en forme par emboutissage la tôle ou le flan de tôle composite stratifiée pour obtenir ladite pièce composite, l'emboutissage étant réalisé dans un outil d'emboutissage comprenant un poinçon, une matrice et un serre-flan, en réglant la valeur du passage matière Pm entre le poinçon et la matrice, de telle sorte que:
E - 0,80 x Ep <= Pm <= E."
II. Une opposition a été formée par la société ThyssenKrupp Steel Europe AG demandant la révocation intégrale du brevet sur la base de l'article 100(a) CBE (défaut de nouveauté et d'activité inventive).
Les documents suivants ont été déposés, entre autres, par les parties au cours de la procédure d'opposition:
Par l'opposant
D1: EP 0 648 600 A2;
D6:"Bandbeschichtetes Feinblech. Continuously organic coated (coil coated) sheet. PLATAL**(®)/PLADUR**(®)", brochure de la société ThyssenKrupp Stahl, janvier 2002, pp 1-40;
D7: DE 1 254 110 A;
D16:"Charakteristische Merkmale 093 Organisch bandbeschichtete Flacherzeugnisse aus Stahl", brochure de Stahl-Informations-Zentrum, 1998, pp 1-42; et
D17:"Bandbeschichtetes Feinblech. Continuously organic coated (coil coated) sheet. PLATAL**(®)/PLADUR**(®)", brochure de la société ThyssenKrupp Stahl, juillet 2002, pp 1-39.
Par le titulaire
D12:"Coil coated sheets; Recommendations for the use of coil coated sheets", brochure de la société USINOR, 1997, pp 1-45;
D13: S. Mathieu, "Tôles d'acier prélaquées", Techniques de l'Ingénieur, référence M 1509, mars 2002, pp 1-11;
D14:"Corus Colors; Design Solutions; Designing with pre-finished steel", brochure de la société Corus, 2007, pp 1-33; et
D15: S. Mathieu et R. Hellouin, "Tôles d'acier prélaquées", référence M 1509v2, Techniques de l'Ingénieur, 5 avril 2012, pp 1-13.
III. Par décision rendue à l'issue de la procédure orale tenue le 18 octobre 2012 devant la division d'opposition et notifiée par écrit le 7 novembre 2012 la division d'opposition a rejeté l'opposition.
La division d'opposition, contrairement à l'opposant, a considéré que l'objet de la revendication 1 telle que délivrée était nouveau au vu de la divulgation de D6. Pour arriver à cette conclusion elle a considéré que D6 faisait partie de l'art antérieur, ce qui avait été contesté par le titulaire. Elle a aussi considéré que D6, qui décrivait des tôles et des films de diverses épaisseurs, ne divulguait pas la combinaison spécifique de la revendication 1, c'est-à-dire d'une pièce composite stratifiée dont la tôle d'acier a une épaisseur de moins de 0,65 mm et dont l'un ou plusieurs films de polymère ont une épaisseur totale supérieure à 0.1 mm. Elle a aussi considéré que D6 ne divulguait pas clairement l'équation de la revendication 1.
Quant à la question de l'activité inventive la division d'opposition a considéré que l'invention revendiquée n'était pas évidente ni au vu de D6 ni au vu de D7. D'après elle, les arguments de l'opposant découlaient d'une analyse a posteriori. Le problème à résoudre était celui défini dans le brevet, c'est-à-dire éviter de plis et de déchirures sur des pièces en acier obtenues par mise en forme de tôles ou de flans de tôle en acier ayant une épaisseur inférieure à 0,65 mm. La solution de ce problème n'était ni mentionnée ni suggérée dans D6. Il n'était donc pas raisonnable de considérer que l'homme du métier serait inévitablement arrivé à la valeur Pm de la revendication 1.
IV. L'opposant ThyssenKrupp Steel Europe AG (ci-après le requérant) a introduit un recours contre la décision de la division d'opposition le 15 janvier 2013 et a payé la taxe correspondante le même jour. Le mémoire de recours a été reçu le 18 mars 2013. Le requérant a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et la révocation du brevet litigieux.
V. Avec ses écritures du 14 juin 2013 le titulaire (ci-après l'intimé) a formulé ses observations sur le recours et a demandé son rejet. En outre, il a demandé que l'opposition soit jugée irrecevable.
VI. Par notification datée du 28 octobre 2014 la chambre a exprimé son opinion préliminaire sur les questions soulevées par le recours.
VII. Avec ses écritures du 9 décembre 2014 l'intimé a répondu à l'opinion préliminaire de la chambre fournissant une interprétation différente du document D6 et l'impact de cette interprétation sur la question de la nouveauté et de l'activité inventive.
VIII. Par ses écritures du 30 décembre 2014 le requérant a réitéré ses objections de défaut de nouveauté et d'activité inventive sur la base de D6.
IX. Une procédure orale a eu lieu devant la chambre le 30 janvier 2015. Au début de la procédure orale l'intimé a retiré son objection concernant la recevabilité de l'opposition.
X. Les arguments du requérant (opposant) présentés par écrit et au cours de la procédure orale peuvent être résumés comme suit:
- Contrairement aux arguments du titulaire, D6 fait partie de l'état de la technique. Il s'agit d'une brochure commerciale qui, conformément à la pratique industrielle usuelle, a été préparée pour être envoyée aux clients potentiels et par conséquent a été communiquée au public. D6 fait donc partie de l'état de la technique. A noter que D6 a été préparé plus de deux ans avant la priorité du brevet litigieux et donc suffisamment de temps avant pour être porté à la connaissance du public.
- D6 est pertinent pour la nouveauté de l'objet de la revendication 1. D6, comme la revendication 1, divulgue des films adhérents de polymère avec une épaisseur d'au moins 0,1 mm (page 23, tableau 2, dernière partie; page 24, tableau 3, films: PVC(P), PVC(F) et PVF(F); page 25, tableau 4, section PLATAL**(®); page 30, colonne de droite, "Schutzfolie"). Ces films qui sont solides (les autres polymères du tableau 2 de la page 23 sont des couches liquides "Flüssigbeschichtungen" et ne devraient pas être pris en compte) sont déposés sur une tôle d'acier dont l'épaisseur est inférieure à 0,65 mm (tableaux des pages 12, 20 et 21) pour former une tôle d'acier composite stratifiée.
- Même s'il y a des plages de valeurs du tableau 2 qui s'étalent parfois à des valeurs inférieures à 0,1 mm, les valeurs nominales d'épaisseur, "Nennschichtdichte", que le fabricant/rédacteur de D6 aurait utilisées en l'absence de précision particulière de la part du client, sont elles toutes supérieures ou égales à 0,1 mm.
- Quant au film de PVF(F) qui est divulgué comme ayant une épaisseur de 0,038 mm, donc inférieure à l'épaisseur revendiquée, il est protégé par une couche supplémentaire qui amène l'épaisseur totale des films à plus de 0,1 mm, c'est-à-dire dans la plage revendiquée. Ceci est indiqué à l'annotation du tableau 2 de la page 23 en combinaison avec la divulgation à la page 30, colonne de droite, deuxième paragraphe.
- La tôle revêtue est mise en forme par emboutissage (tableau page 24; page 30, colonne du milieu, point 5) qui est réalisé avec un outil d'emboutissage dont la valeur de passage matière se place dans le domaine de la revendication 1 car seulement 75% de l'épaisseur du film est pris en considération (page 30, colonne du milieu, point 5). En outre, même si ce passage était considéré ambigu, l'homme du métier l'interpréterait comme définissant un jeu négatif pour l'outil d'emboutissage au vu de D7.
- Par ailleurs, si D6 n'est pas considéré comme pertinent pour la nouveauté de l'objet de la revendication 1, il représente le document de l'état de la technique le plus proche. Le problème technique que l'invention revendiquée se propose à résoudre consiste à mettre en ½uvre un procédé pour la fabrication d'une pièce composite stratifiée qui évitera la formation de plis et les risques de déchirures.
- Ceci semble toutefois évident au vu de D6 et les connaissances générales de l'homme du métier. Ainsi, les diverses formes de gobelets illustrés par ce document (page 27, colonne de gauche, deuxième figure) ne peuvent être produites que par étirage, qui n'est mis en ½uvre que par l'utilisation d'un jeu négatif. Bien que l'étirage ne soit pas divulgué dans D6 (page 29, colonne de gauche, premier paragraphe) il est toujours une des possibilités dont dispose l'homme du métier. Par conséquent l'objet revendiqué n'implique pas d'activité inventive.
- L'objet de la revendication 1 est également dépourvu d'activité inventive au vu de la combinaison de D6 avec D7. L'homme du métier qui chercherait à éviter les plis et les déchirures au cours de l'emboutissage trouverait dans D7 l'incitation à appliquer un jeu négatif afin de résoudre le problème posé (colonne 1, lignes 11-24). L'optimisation de la valeur du jeu négatif afin qu'il soit en accord avec la formule de la revendication fait partie des compétences de l'homme du métier (colonne 2, lignes 26-30) qui arriverait donc au procédé de la revendication 1 sans exercer d'activité inventive. Le requérant a admis que D7 concerne des composites de type sandwich (colonne 1, lignes 1-7), toutefois, d'après lui, D7 n'exclut pas l'utilisation du jeu négatif pour l'emboutissage d'un composite de type simple tel que le composite revendiqué.
- Le requérant a soutenu, contrairement à l'intimé, que l'objet de la revendication 1 comprend aussi des composites de type sandwich tels que divulgués dans D7. Bien que cela ne soit pas explicitement mentionné dans l'énoncé de cette revendication, cette éventualité est décrite dans le brevet litigieux (voir paragraphe [0038]), qui divulgue que la tôle composite stratifiée peut être renforcée localement en appliquant sur le film adhérent des flans de tôle d'acier de manière à former des tôles de types patchwork. Ces dernières ne sont pas différentes de tôles de type sandwich.
XI. Les arguments de l'intimé (titulaire) présentés par écrit et au cours de la procédure orale peuvent être résumés comme suit:
- D6 ne fait pas partie d'état de la technique. Cette brochure commerciale émane du requérant qui doit apporter la preuve incontestable de sa mise à la disposition du public. Il n'y a pas de doute que la brochure a effectivement été produite, mais c'est au requérant d'apporter la preuve qu'elle a été effectivement diffusée.
- Même si D6 était considéré comme faisant partie de l'état de la technique, il n'antériorise pas l'objet de la revendication 1. En réalité, pour arriver à la pièce composite stratifiée de l'invention, il faut faire deux sélections. D'une part, une sélection concernant l'épaisseur de la tôle d'acier et d'autre part, une sélection concernant l'épaisseur du film de polymère. Cette double sélection assure la nouveauté de l'objet revendiqué.
- Quant aux valeurs nominales du film adhérent de polymère, "Nennschichtdicke", elles sont simplement indicatives et ne limitent aucunement le contenu de D6, tableau 2, dernière partie. Semble peu convaincant l'argument du requérant, selon lequel dans cette technologie de précision le client laisserait au fabricant de la pièce composite la décision sur l'épaisseur du produit désiré.
- Quant au film de PVF(F), qui est divulgué comme ayant une épaisseur de 0,038 mm et donc inférieure à l'épaisseur revendiquée, l'annotation concernant la nécessité d'une couche supplémentaire ne concerne qu'une couche protectrice à ajouter ultérieurement pour protéger le produit finalisé au cours de sa livraison. Cette couche protectrice ne fait donc pas partie de l'épaisseur de la pièce composite stratifiée à emboutir.
- Concernant le jeu de l'emboutissage, D6 (page 30, colonne du milieu, point 5) est tout à fait imprécis. La divulgation de ce passage peut être interprétée de plusieurs façons. Toutefois, il ne peut concerner qu'un jeu positif car D6 se réfère à des produits laqués dont l'aspect extérieur doit être impeccable (couleur, brillance); cet effet ne pouvant être assuré que par un jeu positif. En outre, un jeu positif pour des pièces composites simples est divulgué par D7 (colonne 1, lignes 25-30).
- De toute façon, l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive. Si D6 est considéré comme le document représentant l'état de la technique le plus proche, ce qui est contesté, le problème que l'invention propose à résoudre consiste à la mise en ½uvre d'un procédé d'emboutissage qui évitera les plis et les risques de déchirures de la tôle d'acier. Toutefois, il n'y a aucune indication dans l'état de la technique qui inciterait l'homme du métier vers la solution revendiquée, c'est-à-dire un jeu neutre ou négatif. La solution revendiquée n'est pas suggérée par D7 qui concerne un emboutissage au moyen de jeu négatif mais pour un tout autre composite, notamment de type sandwich. Extraire sélectivement le jeu négatif de D7 pour l'utiliser dans D6 signifie ignorer le contexte technique de ce document. Une combinaison de D6 avec D7 serait donc basée sur une approche a posteriori. A noter que D7 conseille à l'homme du métier de ne pas utiliser un jeu négatif pour une tôle composite simple telle que de la revendication 1. Toutefois, même en supposant que l'homme du métier procéderait à cette combinaison artificielle de D6 avec D7, elle ne conduirait pas à l'objet de la revendication 1, au contraire elle conduirait à un composite de type sandwich que l'invention veut éviter. Effectivement, il est divulgué au paragraphe [0010] que ce type de composite risque de subir un délaminage.
- Par ailleurs, un composite de type sandwich n'est pas couvert par l'objet revendiqué. Dans le procédé tel que revendiqué, c'est la tôle stratifiée formée dans la première étape qui est utilisée pour l'étape suivante d'emboutissage, et cette tôle stratifiée comprend une seule tôle d'acier. De plus, l'équation de la revendication ne laisse aucune place pour une autre tôle. En outre, selon la description ce n'est que le polymère sacrificiel qui est "en contact" avec l'outil d'emboutissage et non pas une deuxième tôle (paragraphe [0044]). Finalement l'emploi du terme "comprenant" dans l'énoncé de la revendication 1 permet d'ajouter des étapes supplémentaires au procédé mais ne permet pas d'ajouter des couches supplémentaires au composite.
- Quant au paragraphe [0038] qui se réfère à des tôles de type patchwork, il ne concerne pas des composites de type sandwich. Le patchwork ne contient pas une deuxième tôle entière mais de petits bouts de tôle par ici et par là (essentiellement exclusivement dans le domaine de la construction d'automobile) afin de renforcer localement le comportement mécanique du composite.
- Pour ce qui concerne le défaut d'activité inventive exclusivement sur la base de D6 (les gobelets de la figure à la page 27), ce document ne divulgue pas d'étirage. Un étirage est un procédé différent de l'emboutissage.
XII. Le requérant demande l'annulation de la décision de la division d'opposition et la révocation du brevet litigieux.
XIII. L'intimé demande le rejet du recours.
1. Le recours est recevable.
2. Etat de la technique et document D6
2.1 D6 est une brochure commerciale du requérant qui contient à la page 39 la mention de sa date d'édition, notamment "janvier 2002". D'après le requérant, D6 est un document qui appartient à l'état de la technique et qui est pertinent tant pour la nouveauté que l'activité inventive de l'objet de la revendication 1.
2.2 L'intimé a contesté l'appartenance de D6 à l'état de la technique. L'intimé n'a pas contesté que D6 a été effectivement imprimé ni que la date d'impression de janvier 2002 était correcte. Ce que l'intimé a contesté est que le requérant n'a pas apporté la preuve incontestable que D6 avait été diffusé avant la date de priorité du brevet litigieux. D'après l'intimé la charge de cette preuve incombait au requérant car D6 émanait de lui et par conséquent ce n'était que lui qui pouvait démontrer la date de diffusion effective de D6 sur la base par exemple d'extraits de ses archives.
2.3 La chambre constate que le laps de temps entre la date d'impression de D6 (janvier 2002) et la date de priorité du brevet litigieux (19 février 2004) est de plus de 24 mois. D'après la jurisprudence constante des chambres de recours de l'OEB sur l'appartenance des brochures commerciales à l'état de la technique, il s'agit d'un laps de temps suffisamment long pour conclure que D6 a été véritablement mis à la disposition du public. Référence est faite aux décisions suivantes:
T 287/86 du 28 mars 1988 qui énonce au paragraphe 2.4:
"The Board regards document D17 as belonging to the state of the art in the sense of Article 54(2) EPC. A prospectus for a product is usually accessible to the public since the impressed year of its copyright (1977)".
T 743/89 du 27 janvier 1992 qui énonce au paragraphe 3:
"In the present case, document (1) is a commercial pamphlet, ...It is self-evident that it was in the Respondent's own interest to ensure wide-spread distribution of the brochure in order to inform as many potential customers as possible of this latest developement in a highly competitve field. Even if it cannot be specified now, i.e. 10 years later, how much time elapsed after October 1981 before the actual distribution occurred, it can reasonably be assumed that it took place within less than 7 months and had thus been completed well before the priority date of the patent in suit...For these reasons, on the balance of probabilities, the Board concludes that document (1) was available to the public before the priority date of the patent in suit and is, consequently, comprised in the state of the art".
T 804/05 du 16 octobre 2007 qui énonce au paragraphe 2:
"Im vorliegenden Fall liegt das entsprechende Datum von E1, 18 Monate vor dem Prioritätszeitpunkt des Streitpatents (3. September 1996), und es kann daher erwartet werden, dass der Katalog in diesem Zeitraum verteilt wurde".
2.4 La chambre est également convaincue que selon la pratique usuelle, une brochure commerciale n'est imprimée que pour être distribuée aux cercles intéressés afin d'attirer l'attention des clients potentiels. Ceci est nécessairement la raison pour laquelle l'éditeur de D6 (le requérant dans le cas présent) a fait imprimé D6, par lequel il s'adresse au public visé en exposant ses produits et leurs avantages (page 6, dernier paragraphe):
"Die vorliegende Schrift informiert über die Herstellung des Vormaterials, den Prozess der Bandbeschichtung und gibt einen Einblick in die Qualitätssteuerung und Gütesicherung. Hinweise über die Eigenschaften der verschiedenen Beschichtungssysteme und die Verarbeitbarkeit helfen, aus unserem Lieferprogramm den für Ihren Einsatzzweck passenden Trägerwerkstoff und die Beschichtungsart zu finden". (Le présent document apporte des informations sur la production des matériaux de départ, le procédé de revêtement du support et donne un aperçu du contrôle et de la garantie de qualité. Des informations sur les propriétés de différents systèmes de revêtement et sur leur traitement vous aideront à choisir à partir de notre gamme de produits ce qui est adapté pour votre matériau de support et le type de revêtement.)
[traduction par la chambre]
Cette volonté du requérant de faire circuler l'information contenue dans D6 parmi les cercles potentiellement intéressés est confirmée par la publication de sa part d'autres documents avec un contenu très similaire à celui de D6, tels que D16 (date d'édition 1998) et D17 (date d'impression juillet 2002).
2.5 Sur la base de ces différents éléments, la chambre conclut que D6 fait partie de l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE.
3. Nouveauté
3.1 Le requérant a contesté la nouveauté de l'objet de la revendication 1 sur la base de D6.
3.2 D6 divulgue une pièce composite stratifiée qui est produite en revêtant au moins une face d'une tôle d'acier dont l'épaisseur varie entre 0,15 et 3,00 mm (voir tableaux des pages 12 et 20) par un film adhérent de polymère préfabriqué dont l'épaisseur varie entre 38 et 400 mym (tableaux des pages 23 et 24) pour former une tôle d'acier composite stratifiée qui est ensuite mise en forme par emboutissage (tableau 3 de la page 24; page 30, colonne du milieu, point 5). Cette étape est réalisée dans un outil d'emboutissage, en réglant la valeur de passage matière de manière à ce que l'épaisseur du film adhérent de polymère soit prise en considération comme suit:
<= 60 mym 100% de l'épaisseur
> 60 mym 75% de l'épaisseur (page 30, colonne du milieu, point 5).
3.3 Pour la question de nouveauté il est décisif de savoir si D6 divulgue la valeur du passage matière Pm telle que définie par l'objet de la revendication 1. Suivant cette revendication (voir point I ci-dessus) l'emboutissage est réalisé en réglant la valeur de passage matière Pm de telle sorte qu'elle satisfait la formule:
E - 0,80 x Ep <= Pm <= E,
E étant la somme de Ea et Ep,
Ea étant l'épaisseur de la tôle d'acier et
Ep étant l'épaisseur totale du ou des films adhérents de polymère.
Cela veut dire que la valeur maximale de passage matière est égale à l'épaisseur totale E de la pièce composite, ce qui dans ce domaine technique correspond à un jeu neutre entre le poinçon et la matrice de l'outil d'emboutissage, ou à un jeu plus petit que E (mais pas moins que E-0.8 x Ep), ce qui dans ce domaine technique correspond à un jeu négatif.
Un tel jeu n'est pas divulgué de façon claire et non ambiguë dans le passage de la page 30 de D6 cité ci-dessus. Ce passage divulgue seulement que pour une épaisseur E donnée de la pièce composite si l'épaisseur du film adhérent de polymère est > 60 mym (ce qui est le cas dans la revendication 1) ce sont 75% de cette épaisseur du film adhérent de polymère qui sont pris en compte pour le calcul de la valeur du passage matière, sans pour autant fournir une information quelconque sur la prise en compte de l'épaisseur de la tôle d'acier. Le seul fait que D6 divulgue le % de la prise en compte de l'épaisseur du film adhérent de polymère pour le calcul de la valeur du passage matière ne veut pas nécessairement dire que le passage matière devra être égal à l'épaisseur de la tôle plus l'épaisseur de 75% du film adhérent de polymère (épaisseur fictive). Il pourrait être envisageable qu'elle soit plus grande que cette épaisseur fictive et même plus grande que l'épaisseur E de la pièce composite, ce qui correspondrait à un jeu positif.
Sur cette base, la chambre est arrivée à la conclusion que le passage à la page 30 de D6 ne divulgue pas de manière claire et non ambiguë un jeu neutre ou négatif tel que requis par le procédé revendiqué.
3.4 La chambre n'ignore pas qu'à la date de priorité du brevet litigieux, emboutir avec un jeu négatif ou neutre était déjà connu. Référence est faite à D7 qui illustre un jeu négatif utilisé dans le cas particulier de l'emboutissage des pièces composites de type sandwich (colonne 1, lignes 1-8 et 16-24). La chambre remarque, pourtant, que la méthode standard d'emboutissage appliquée aux pièces composites de type simple, telles que les pièces composites revendiquées, tant avant la date de priorité qu'après celle-ci, impliquait un passage matière avec jeu positif. Référence est faite à:
- D7 publié en 1965 (colonne 1, lignes 25-30),
- D12 publié en 1997 (page 20, colonne de gauche, dernière phrase) ,
- D13 publié en 2002 (page 6, colonne de droite, point 2 "Emboutissage"),
- D14 publié en 2007 (page 29, colonne de droite) et
- D15 publié en 2012 (page 8, colonne de droite, point 1 "Emboutissage).
Par conséquent, le lecteur avisé de D6 qui devrait interpréter le passage ambigu de la page 30 considérerait plus probable que ce passage concerne une procédé d'emboutissage mise en ½uvre au moyen d'un jeu positif. Il s'ensuit que sur la base de cette différence l'objet revendiqué est nouveau vis-à-vis de D6.
3.5 Pendant la discussion de l'activité inventive, le requérant a soutenu qu'une pièce composite de type sandwich telle que divulguée par D7, qui comprend deux tôles d'acier, est couverte par l'objet revendiqué. Toutefois, la revendication 1 concerne seulement une pièce composite stratifiée avec une seule tôle d'acier car la formule qu'elle contient n'a de sens que dans le cas d'une pièce composite avec une tôle d'acier. De plus, selon le procédé revendiqué, c'est la tôle stratifiée formée au cours de la première étape qui est utilisée pour l'étape suivante d'emboutissage, et cette tôle stratifiée ne comprend qu'une seule tôle d'acier. Par conséquent, selon la revendication 1 il n'y a pas de doute que la pièce stratifiée formée par emboutissage comprend exclusivement une tôle d'acier et qu'elle est différente d'une pièce de type sandwich.
En outre, il est clairement expliqué dans la description que c'est le film adhérent de polymère qui est en contact avec l'outil d'emboutissage en s'écoulant de façon sacrificielle (page 5, lignes 12-13) et non pas la tôle (comme ce serait le cas avec une pièce composite de type sandwich). Quant au paragraphe [0038], qui a été cité par le requérant, il mentionne des tôles de type patchwork qui sont structurellement différentes des composites de type sandwich. Les tôles de type patchwork servent à renforcer localement la pièce composite stratifiée (renforcement du comportement mécanique) ce qui est obtenu par l'application des bouts de tôle d'acier sur le film adhérent de polymère. Quant aux composites de type sandwich, ils comprennent une couche polymère entre deux tôles (entières) d'acier ce qui évite au polymère de venir en contact avec le poinçon et la matrice de l'outil d'emboutissage. Par conséquent, même si la description est prise en compte, la revendication 1 doit être comprise comme ne couvrant pas une pièce composite de type sandwich telle que divulguée dans D7.
Par conséquent, l'objet revendiqué est nouveau
vis-à-vis de D7.
4. Activité inventive
4.1 L'invention concerne un procédé de fabrication d'une pièce composite stratifiée par emboutissage (page 2, ligne 1, et toutes les revendications).
4.2 Comme expliqué ci-dessus, D6 divulgue un procédé de fabrication d'une pièce composite stratifiée par l'emboutissage d'une tôle d'acier revêtue d'un film adhérent de polymère. D6 appartient par conséquent au même domaine technique que le brevet litigieux. Ce document peut donc être considéré comme l'état de la technique le plus proche. Bien que l'intimé n'ait pas reconnu ce document comme état de la technique le plus proche, il n'a pas proposé un autre document comme alternative.
4.3 Le problème technique objectif au vu de D6 consiste à trouver un procédé qui permettra la fabrication de tôles ou de flans de tôles en acier ayant une épaisseur inférieure à 0,65 mm tout en évitant la formation de plis et/ou des déchirures sur les pièces obtenues par leur mise en forme (voir brevet litigieux paragraphe [0014]). Toutes les parties étaient d'accord sur ce point.
4.4 La solution au problème technique proposée par le brevet est le procédé de la revendication 1, caractérisé par un passage matière selon la formule E - 0,80 x Ep <= Pm <= E (jeu négatif ou neutre). Comme expliqué ci-dessus, cette caractéristique n'est pas divulguée dans D6.
4.5 La solution effective du problème est illustrée par la partie expérimentale du brevet litigieux (paragraphes [0061] à [0067] et la figure de la page 12). La partie expérimentale montre que l'utilisation d'un passage matière tel que revendiqué (jeu négatif ou neutre), conduit à la fabrication d'un godet qui est bien formé et qui n'a ni pli ni arrachement du pré-revêtement de zinc (cotation "1") (voir tableau 1 du brevet litigieux, godets A1, A2, A3). Par contre, l'utilisation d'un passage matière qui est égal à E+0.1 mm, (jeu positif), conduit à la fabrication d'un godet qui a des plis et présente un début de rupture (cotation "3") (voir tableau 1 du brevet litigieux, godet A4). Au vu de ces résultats, la chambre est convaincue que le problème technique que le brevet litigieux propose de résoudre est effectivement résolu.
4.6 L'homme du métier qui partant de D6 chercherait à trouver une solution au problème technique posé ne trouverait pas dans D6 la solution apportée par l'objet de la revendication 1.
4.6.1 Il n'y a aucune indication dans D6 que c'est l'utilisation d'un emboutissage au moyen d'un jeu négatif ou neutre qui résoudrait le problème technique et encore moins que ce serait la valeur spécifique du passage matière telle que revendiquée. Quant au passage de la page 30 de D6 (colonne du milieu, point 5), il n'est d'aucune utilité car comme déjà expliqué précédemment il est dépourvu d'un enseignement clair et non ambigu.
4.6.2 Le requérant a soutenu que les gobelets illustrés dans la figure de la page 27 de D6 seraient fabriqués par étirage et donc par application de jeu négatif. Toutefois, cette figure de D6 illustre des gobelets de hauteur variable sans pour autant fournir une quelconque explication précise sur leur procédé de fabrication. La divulgation à la page 28, colonne de gauche, premier paragraphe, se réfère de manière très générale à l'emboutissage et elle est par conséquent également sans utilité particulière. Par conséquent, l'interprétation du requérant selon laquelle les gobelets seraient fabriqués par étirage et donc par application d'un jeu négatif ne trouve pas de fondement dans D6 et cette interprétation est donc purement spéculative.
4.6.3 L'homme du métier ne trouverait pas non plus la solution du problème posé dans les autres documents de l'état de la technique fournis au cours de la procédure. D7, cité par le requérant, divulgue l'emploi d'un jeu négatif au cours de l'emboutissage d'une pièce composite stratifiée (colonne 1, lignes 1-7 et 16-24). Mais comme déjà indiqué (voir point 3.4 ci-dessus), D7 propose l'application d'un jeu négatif exclusivement pour une pièce stratifiée de structure différente, notamment de type sandwich, alors que celle revendiquée est de type simple. Par ailleurs, D7 reconnaît que pour une structure de type simple l'emboutissage est effectué en suivant une règle de base qui impose l'application d'un jeu positif (colonne 1, lignes 25-30). Par conséquent D7 ne suggère pas l'utilisation d'un jeu neutre ou négatif pour la structure simple telle que revendiquée, contrairement aux allégations du requérant. En outre, même si l'homme du métier combinait D6 avec D7, il arriverait à un procédé qui serait différent du procédé revendiqué car il concernerait l'emboutissage d'une pièce composite de type sandwich, ce type de composite n'étant pas couvert par l'objet revendiqué (voir point 3.5 ci-dessus). A noter que ce type de pièce composite serait à éviter à cause de risques de délamination (brevet litigieux, paragraphe [0010]).
4.7 La chambre est donc arrivée à la conclusion que l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive.
5. Les revendications dépendantes 2-13 qui concernent des modes de réalisation particuliers de l'objet de la revendication 1 impliquent mutatis mutandis une activité inventive.
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.