T 1900/14 05-12-2017
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Véhicule comportant une vitre revêtue d'un film de sécurité et procédé de fabrication
I. Le présent recours a été formé par la titulaire à l'encontre de la décision de la division d'opposition de révoquer le brevet européen n° EP 2 001 669.
II. Le brevet en litige a été délivré sur la base de 10 revendications, dont les revendications indépendantes 1 et 9 s'énoncent comme suit:
"1. Véhicule comportant une vitre (14) fixée sur une paroi (10) de carrosserie, la vitre (14) étant revêtue d'un film (20) de sécurité adhérant sur une face intérieure de la vitre, caractérisé en ce qu'une bordure (16B) à la périphérie de la vitre (14) est libre de film (20) de manière qu'une limite périphérique (22) du film soit située à distance du bord (18) de la vitre, la distance séparant le bord (18) de la vitre (14) et la limite (22) du film étant alternativement variable de manière que des premières portions périphériques du film (20) soient en contact avec une bande d'adhésif (30) fixant la vitre (14) sur une paroi (10) de carrosserie du véhicule et des secondes portions périphériques du film (20) soient libres par rapport à la bande d'adhésif (30)."
"9. Procédé de fabrication d'un véhicule selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il comporte au moins une étape de découpe de film (20) et une étape de mise en adhérence du film sur la vitre (14) préalablement au montage de la vitre sur le véhicule, en ce qu'il comporte, dans une première phase de montage de la vitre sur le véhicule, une étape dans laquelle la bande d'adhésif (30) est encollée sur la vitre et en ce qu'il comporte, dans une deuxième phase de montage de la vitre sur le véhicule, une étape dans laquelle la vitre est plaquée contre la paroi (10), les premières portions périphériques du film (20) étant en contact avec la bande d'adhésif et les deuxièmes portions périphériques étant libres par rapport à la bande d'adhésif."
Les revendications 2 à 8 et 10 sont des revendications dépendantes.
III. L'opposante a fait opposition au brevet dans sa totalité, au titre des motifs énoncés à l'article 100a) CBE, en invoquant l'absence d'activité inventive.
Les documents suivants ont été cités pendant la procédure d'opposition:
D1: Dessin technique censé représenter une vitre dit "FRGP GLASS PANEL 3 PROTEC V221", de la société Webasto AG, 6 pages, la page D1#1 étant le dessin technique réduit et les pages D1#2 à D1#6 étant des agrandissements des parties extraites du dessin de la page D1#1;
D2: Webasto Glass ProTec**(®) - Description, schéma, daté du 29 août 2006, 1 page;
D3: "Aller guten Dinge sind drei"; Webasto World, Zeitung der Webasto AG, 3/2005, 3 pages;
D4: "Sustainable Growth Through Science", DuPont 2005 Annual Review, Copyright**(©) 2006 DuPont, page 17;
D5: Extrait de la page Wikipedia "Mercedes-Benz Baureihe 221", non-daté, 1 page;
D6: Reproduction d'une annonce internet pour la vente d'un véhicule "Mercedes-Benz S 500 L, VOLL, Panorama, Nightvision, Multisitze", non-daté,1 page;
D8: Extraits d'un plan avec le titre "FRAME ASSY V221", dit du toit panoramique livré par Webasto pour le véhicule Mercedes S-Klasse, Série V221, 20 octobre 2005, 7 pages, numérotés D8#1 à D8#7;
D9: Extrait de la banque de données SAP de Webasto, non-daté, 3 pages; et
D10: Ensemble de factures datées entre le 6 avril 2005 et le 21 décembre 2005 et attestant la vente des toits panoramiques pour le véhicule Mercedes S-Klasse, Série V221 par la société Webasto AG à la société Daimler, 71 pages.
IV. Dans sa décision, la division d'opposition:
- a admis dans la procédure d'opposition les documents D8 à D10, déposés après le délai de neuf mois à compter de la publication de la mention de la délivrance du brevet, en raison de leur pertinence;
- a estimé que les moyens de preuve soumis au soutien de l'allégation d'un usage antérieur public ainsi que le témoignage de M. Lorenz suffisaient à prouver cet usage antérieur public;
- a reconnu la nouveauté de l'objet de la revendication 1 du brevet par rapport à l'objet de l'usage antérieur public car il en différait par l'utilisation d'une seule et même bande d'adhésive pour fixer la vitre sur la paroi de la carrosserie; et
- a révoqué le brevet car l'objet de la revendication 1 n'impliquait pas d'activité inventive au vu de cet usage antérieur public et les connaissances techniques générales de l'homme du métier. En partant de l'usage antérieur, le problème à résoudre par le brevet serait de simplifier la fabrication du véhicule. La solution selon la revendication 1 par le dépôt d'un cordon de colle continu tout au long des bords de la vitre serait la solution la plus simple à laquelle l'homme du métier aurait de préférence recouru, car la plus facile à mettre en oeuvre de façon automatisée.
V. La titulaire du brevet (ci-après, la requérante) a introduit un recours contre la décision de la division d'opposition. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, déposé le 13 novembre 2014, elle a demandé à titre principal l'annulation de la décision de la division d'opposition et le maintien du brevet tel que délivré ou, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base des revendications 1 à 7 déposées avec ce mémoire de recours. Elle a demandé également que les documents D2 et D9 soient écartés de la procédure de recours.
VI. Dans ses écritures en réponse au mémoire de recours, l'opposante (ci-après, l'intimée) a demandé le rejet du recours. L'intimée a requis également que M. Lorenz soit entendu à nouveau comme témoin, si nécessaire, et a proposé de présenter à nouveau les originaux de D1 et de D8.
VII. Dans sa communication aux fins de la préparation à la procédure orale, la chambre a indiqué les principaux points à discuter pendant la procédure orale.
VIII. Par lettre datée du 16 octobre 2017, la requérante a répondu à la communication de la chambre et a demandé que les documents D8 à D10 soient écartés de la procédure et à consulter les originaux de D1 et D8 au cabinet du mandataire de l'intimée, ce qu'elle a fait la veille de la procédure orale.
IX. La procédure orale devant la chambre a eu lieu le 5 décembre 2017 en présence des deux parties.
Pendant la procédure orale la requérante a retiré son objection quant à la recevabilité de D2 et l'intimée a retiré la requête d'audition du témoin.
X. Les arguments pertinents pour la présente décision développés par la requérante, au cours de la phase écrite et lors de la procédure orale, peuvent être résumés comme suit:
- Les documents D8 à D10 ont été fournis tardivement par l'intimée sans aucune explication justifiant leur introduction tardive dans la procédure. Les documents sont des documents internes de l'intimée qu'elle aurait pu produire avec le mémoire d'opposition. De plus, les documents ne sont nullement pertinents et la division d'opposition n'aurait pas dû les admettre comme prima facie pertinents. De plus, la date de la mise à disposition du public et les circonstances n'ont pas été établies de manière indubitable.
- L'analyse de la division d'opposition concernant les enseignements techniques du prétendu usage antérieur n'est pas correcte. La caractéristique selon laquelle "la distance séparant le bord ... et la limite du film étant alternativement variable de manière que..." signifie que la limite périphérique du film n'est pas rectiligne. Par contre, selon le prétendu usage antérieur la distance séparant le bord de la vitre et la limite du film n'est pas alternativement variable comme requis par la revendication 1.
- L'objet de la revendication 1 ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique. Le problème technique objectif à résoudre est le suivant: comment fixer la périphérie du film tout en préservant la qualité de fixation de la lunette sur la carrosserie. L'homme du métier n'aurait pas trouvé dans l'art antérieur la solution revendiquée selon laquelle un film selon la revendication 1 pourrait assurer un collage efficace tout en évitant les amorces de décollage. Dans le prétendu usage antérieur le film ProTec n'était pas collé le long de toute sa périphérie sur la carrosserie puisqu'au moins deux des bords du film n'étaient pas collés au moyen de la bande adhésive. Les arguments de l'intimée relèvent d'une analyse a posteriori de l'état de la technique à la lumière du brevet.
XI. Les arguments de l'intimée peuvent en substance être résumés ainsi:
- Les documents D8 à D10 ont été déposés dans le délai prévu à la règle 116(1) CBE en réponse à l'avis provisoire de la division d'opposition. De plus le document D8 complétait l'enseignement de D1. La pertinence de ces trois documents justifiait leur recevabilité dans la procédure d'opposition. La division d'opposition a donc correctement exercé son pouvoir d'appréciation en admettant les documents.
- Les éléments de preuve fournis montrent que le véhicule Mercedes S-Klasse Lang, était sans doute équipé avec un toit panoramique présentant les caractéristiques techniques divulguées par D1 et D8. Au vu de la référence V221, présente dans ces deux documents, et des explications du témoin M. Lorenz, le toit selon D8 était équipé avec la vitre divulguée par D1. Les factures du document D10 prouvent que le toit a été vendu avant la date de dépôt du brevet attaqué.
- La division d'opposition a correctement conclu que l'usage antérieur divulguait le caractère alternativement variable de la distance séparant le bord de la vitre de la limite du film. Le terme relatif à la ligne périphérique du film (revendiqué) concerne la ligne complète de la vitre, c'est-à-dire son périmètre, et non pas un seul côté de la vitre. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 n'est pas restreint aux films rectilignes mais la caractéristique concernée a une signification plus large.
- Même si l'on considérait que cette caractéristique n'était pas décrite dans l'art antérieur, l'objet de la revendication 1 manquerait d'activité inventive. En réalité le film de sécurité utilisé dans D1/D8 n'a pas été collé sur deux côtés pour faciliter la sortie de gaz. Par conséquent, le contact alternatif de la bande d'adhésif avec le film, pour faciliter davantage la sortie de gaz, serait une mesure évidente pour l'homme du métier. A noter que dans D3 il a déjà été indiqué que le film de sécurité renforçait la cohésion entre le film et la vitre lors d'un impact sur la vitre.
XII. La requérante a demandé à titre principal l'annulation de la décision de la division d'opposition et le maintien du brevet tel que délivré ainsi que d'écarter les documents D8 à D10 de la procédure de recours, et, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base des revendications 1 à 7 déposées le 13 novembre 2014 avec le mémoire de recours.
L'intimée a demandé le rejet du recours.
1. Recevabilité des documents D8 à D10
1.1 Les documents D8 à D10 ont été déposés par l'intimée le 25 février 2014, donc bien après l'expiration du délai de neuf mois pour former opposition. Toutefois, ils ont été présentés le dernier jour du délai prévu à la règle 116(1) CBE et mentionnée dans la citation à la procédure orale devant la division d'opposition.
1.2 Dans la décision contestée la division d'opposition a d'abord considéré que ces documents étaient prima facie pertinents, et les a admis dans la procédure car, à son avis, ces documents, en combinaison avec les autres documents déjà dans la procédure, étaient susceptibles de remettre en cause l'activité inventive ou même la nouveauté de l'objet de la revendication 1 du brevet.
1.3 La requérante a contesté l'admission de ces documents et a demandé qu'ils soient écartés de la procédure de recours. Cela implique que la décision de la division d'opposition d'admettre ces documents devrait être annulée.
1.4 Concernant l'admission de documents produits tardivement dans la procédure d'opposition, il est de jurisprudence constante que le critère principal pour en décider est celui de la pertinence de prime abord (prima facie). Il s'agit d'une décision discrétionnaire de la division d'opposition, qui évalue cette pertinence. Une chambre de recours ne peut statuer différemment de la première instance ayant exercé tel pouvoir d'appréciation que si la chambre de recours arrive à la conclusion que cette instance a exercé son pouvoir discrétionnaire sur la base de principes erronés ou de manière déraisonnable (voir La Jurisprudence des chambres de recours de l'OEB 8**(e) édition 2016, chapitre III.K.5).
1.5 Dans le cas présent, le critère de la pertinence prima facie, posé par la jurisprudence, est bien celui qui a été utilisé par la division d'opposition pour introduire ces documents dans la procédure puisqu'elle est même arrivée à la conclusion finale que l'objet de la revendication 1 de la requête principale manquait d'activité inventive au regard de ces documents. L'appréciation de la division d'opposition, même si la chambre arrive à une autre conclusion finale, n'est pas non plus manifestement erronée.
1.6 La requérante a soutenu que la division d'opposition avait introduit les documents dans la procédure au vu de leur pertinence au début de la procédure orale, alors que cette pertinence ne fût établie qu'à un stade postérieur, précisément, après l'audition du témoin, ce qui démontre une contradiction substantielle manifeste dans le raisonnement de la division.
1.7 Sur ce point la chambre note que, selon la décision contestée, les documents ont été introduits au vu de leur pertinence prima facie (point 2.1.9 des motifs de la décision) et que, selon la décision, l'audition du témoin "a permis de confirmer les constatations effectuées de prime abord dans les paragraphes 2.1.4 à 2.1.7 ci-dessus" (emphase par la chambre). Ainsi, contrairement aux allégations de la requérante il n'y a pas de contradiction dans le raisonnement de la division d'opposition.
1.8 La décision de la division d'opposition d'introduire les documents D8 à D10 dans la procédure d'opposition ne résulte donc pas de l'utilisation d'un critère d'appréciation erroné ou d'un exercice déraisonnable de son pouvoir d'appréciation. Il s'ensuit que la chambre n'a aucune raison de statuer différemment de cette décision.
2. Prétendu usage antérieur public
2.1 Pendant la procédure d'opposition l'intimée a fait valoir comme seul état de la technique un prétendu usage antérieur public préjudiciable à l'activité inventive de l'objet revendiquée. L'usage antérieur concerne un film de protection équipant une vitre panoramique de toit de berlines Mercedes Baureihe 221 produites depuis l'automne 2005. À l'appui de cet usage antérieur elle a produit les documents D1 à D6 et D8 à D10.
2.2 La division d'opposition dans sa décision a conclu que les pièces soumises au soutien de l'allégation d'usage antérieur ainsi que le témoignage de M. Lorenz devant de la division d'opposition suffisaient à prouver l'usage antérieur en cause. En partant de cet usage antérieur comme état de la technique le plus proche elle a conclu que l'objet revendiqué n'impliquait pas d'activité inventive.
2.3 La requérante a contesté l'existence du prétendu usage antérieur car, à son avis, la date, les circonstances de l'usage et l'objet de l'usage ne pouvaient pas être déterminés avec précision au regard des preuves invoquées.
2.4 Pendant la procédure orale le président de la chambre a proposé, et les deux parties ont accepté, de discuter d'abord l'activité inventive de l'objet revendiqué par rapport à l'objet du prétendu usage antérieur et d'examiner par la suite, si nécessaire, si le prétendu usage antérieur - en particulier la date et les circonstances - avait été prouvé de manière suffisante.
2.5 Comme la chambre a conclu que l'objet de la revendication 1 de la requête principale (voir point 4.5 ci-après) n'était pas évident pour l'homme du métier qui partirait de l'objet du prétendu usage antérieur, il n'y avait pas lieu pour la chambre de trancher les autres questions relatives au prétendu usage antérieur.
REQUÊTE PRINCIPALE (revendications telles que délivrées)
3. Interprétation de la revendication 1
3.1 La revendication l a pour objet un véhicule présentant les caractéristiques suivantes:
- a) une vitre (14) fixée sur une paroi (10) de carrosserie,
- b) la vitre (14) étant revêtue d'un film (20) de sécurité adhérant sur une face intérieure de la vitre,
caractérisé en ce que
- c) une bordure (16B) à la périphérie de la vitre (14) est libre de film (20) de manière qu'une limite périphérique (22) du film soit située à distance du bord (18) de la vitre,
- d) la distance séparant le bord (18) de la vitre (14) et la limite (22) du film étant alternativement variable de manière que des premières portions périphériques du film (20) soient en contact avec une bande d'adhésif (30) fixant la vitre (14) sur une paroi (10) de carrosserie du véhicule et des secondes portions périphériques du film (20) soient libres par rapport à la bande d'adhésif (30).
3.2 Un point essentiel pour la discussion de l'activité inventive est de déterminer quelles sont les caractéristiques distinctives entre l'objet de la revendication 1 et l'objet du prétendu usage antérieur. En particulier, il convient de clarifier si l'objet de l'usage antérieur contient la caractéristique que la distance séparant le bord (18) de la vitre (14) de la limite (22) du film (20) est alternativement variable comme requis par la caractéristique d) de la revendication 1.
3.3 Conformément à la jurisprudence, lorsque l'homme du métier examine une revendication, il doit s'efforcer, avec un goût pour la synthèse, de faire preuve d'un esprit constructif et non destructeur en vue de parvenir à une interprétation de la revendication qui ait un sens du point de vue technique et tienne compte de l'ensemble de l'exposé de l'invention contenu dans le brevet (voir T 190/99 et la Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 8e édition 2016, chapitre II.A.6.1).
3.4 En l'espèce, la description et les figures du brevet donnent plusieurs exemples du caractère alternativement variable de la distance séparant le bord (18) de la limite du film (22). Ainsi :
- d'après l'exemple de réalisation représenté, la limite (22) est ondulée, l'amplitude des ondulations étant environ de 5 millimètres. Elle est découpée selon un profil qui forme des vagues (voir paragraphes [0026] et [0028] et les figures 2 à 4);
- d'après les autres modes de réalisation, non représentés par un dessin, la limite du film est selon un profil en dents de scie, crénelé ou alternativement variable selon une sinusoïde d'amplitude égale à 4 millimètres (voir paragraphes [0007] et [0027]).
Le brevet lui-même explique que cette caractéristique de l'invention signifie que "la limite périphérique 22 du film n'est pas rectiligne ou sensiblement rectiligne" (voir paragraphe [0025], c'est la chambre qui souligne).
3.5 Compte tenu de ces informations dans le fascicule du brevet, l'homme du métier, selon la chambre, comprend que la caractéristique d) doit être interprétée comme suggérée par la requérante, à savoir que la distance séparant le bord (18) de la vitre (14) et la limite (22) du film présente une variation alternée par rapport au bord continu (à distance du bord) constituant le pourtour de la vitre.
3.6 Par contre, l'intimée et la division d'opposition donnent un sens plus large à la revendication 1 et considèrent que cette caractéristique est couverte par la vitre représentée dans la figure de la page D1#4 du prétendu usage antérieur.
La distance séparant le bord (18) de la vitre et la limite (22) du film est considérée par la division d'opposition comme alternativement variable car, lors d'un déplacement effectué dans le sens contraire aux aiguilles d'une montre sur le dessin de la page D1#4, la distance séparant le bord (18) de la vitre et la limite (22) du film - distance marquée A à la main dans la figure - augmente lorsque l'on passe du bord droit de la vitre au bord haut de la même vitre - distance marquée B à la main dans la figure. La division d'opposition a conclu que "cette répétition de la séquence augmentation-diminution, visible sur les deux documents D1 et D8 suffit à divulguer le caractère alternativement variable de la distance séparant le bord 18 de la vitre de la limite 22 du film 20" (voir point 2.1.6 des motifs de la décision).
De plus, l'intimée a fait valoir que le terme "ligne périphérique du film" se réfère à la ligne complète et non pas seulement à un côté de la vitre.
3.7 La chambre ne peut pas suivre cette interprétation donnée par l'intimée selon laquelle la limite périphérique du film serait la ligne complète du film. En effet, il convient de noter qu'il ne serait pas possible pour n'importe quelle surface, par exemple un quadrilatère, d'avoir une limite périphérique rectiligne ou sensiblement rectiligne car elle doit présenter des angles pour compléter son périmètre. Le paragraphe [0025] du brevet ne peut que signifier que les côtés faisant le pourtour ne sont pas rectilignes ou sensiblement rectilignes.
3.8 Pour ces raisons, l'interprétation du libellé de la revendication 1 faite par l'intimée et suivie par la division d'opposition donnant un sens plus large à la revendication 1 n'est pas correcte.
4. Activité inventive
4.1 Comme déjà énoncé précédemment, le brevet se rapporte à un véhicule comportant une vitre revêtue d'un film de sécurité dans lequel le film est un film adhérant sur une face intérieure de la vitre (voir le paragraphe [0001] du fascicule du brevet). L'invention vise à assurer la fixation de la lunette sur la carrosserie, tout comme la fixation de la périphérie du film, sans que la fixation du film détériore la qualité de la fixation de la lunette sur la carrosserie.
4.2 L'état de la technique le plus proche
4.2.1 Pour remettre en cause l'activité inventive du brevet, l'intimée a fait seulement valoir le prétendu usage antérieur selon l'enseignement combiné des documents D1/D8.
4.2.2 Le document D1 représente une vitre revêtue d'un film de sécurité (ProTec) adhérant sur la face intérieure de la vitre (représenté à la page D1#5). En se reportant au document D8, cette vitre est fixée sur une paroi de carrosserie (sur deux traverses aux pages D8#5 et D8#4 et sur un longeron à la page D8#3).
4.2.3 Dans D1/D8 le film de sécurité ProTec adhérant sur la face intérieure de la vitre est rectiligne et donc la distance séparant le bord de la vitre et la limite du film n'est pas alternativement variable le long de chacun des quatre bords définis (voir points 3.6 à 3.8 ci-dessus). En conséquence, la caractéristique d) ne fait pas partie de l'objet du prétendu usage antérieur.
4.3 Le problème technique et sa solution
4.3.1 Selon le brevet en litige et comme soutenu par la requérante, le problème à résoudre consiste à fixer la périphérie du film tout en préservant la qualité de fixation de la lunette sur la carrosserie (voir paragraphe [0031] du brevet et page 7 du mémoire de recours, troisième paragraphe en partant du bas).
4.3.2 Le brevet propose comme solution un véhicule comportant une vitre selon la revendication 1, cette vitre étant revêtue d'un film et la distance séparant le bord de la vitre et la limite du film étant alternativement variable de manière que des premières portions périphériques du film soient en contact avec une bande d'adhésif fixant la vitre sur une paroi de carrosserie et des secondes portions du film soient libres par rapport à la bande d'adhésif.
4.3.3 Ces mesures assurent une très bonne cohésion entre la vitre et le film et entre la vitre et la carrosserie. En effet, les zones du film non recouvertes par la bande d'adhésif permettent d'éviter qu'il y ait une zone d'amorce de décollage de la bande par rapport à la vitre, au bénéfice de la qualité de la fixation de la vitre sur la carrosserie (voir paragraphe [0030]). De plus, si le matériau adhésif ne suffit pas à la cohésion du film et de la vitre lors d'un impact sur la vitre, la bande d'adhésif permet d'éviter le découpage de la vitre en renforçant l'effet du film au niveau de sa limite périphérique (paragraphe [0031] du fascicule du brevet).
4.3.4 Au vu des ces explications fournies par le fascicule du brevet, la chambre considère que le problème technique a bien été résolu. De plus, l'intimée n'a pas formulé d'objections à cet égard. Ce problème est donc le problème objectif.
4.4 Évidence de la solution
4.4.1 Il reste à déterminer si, pour l'homme du métier, la solution proposée par la revendication 1 pour résoudre le problème technique défini ci-dessus découle de façon évidente de l'état de la technique. Il est donc à établir si l'homme du métier serait incité à remplacer le film rectiligne du prétendu usage antérieur par un film tel qu'utilisé dans la revendication 1.
4.4.2 L'usage antérieur lui-même ne peut pas suggérer la solution revendiquée. L'homme du métier n'aurait pas eu de motivation pour remplacer le film et la fixation selon l'usage antérieur par le film et la fixation selon l' invention litigieuse.
4.4.3 Selon l'intimée la solution proposée découlerait d'une manière évidente des connaissances générales de l'homme du métier et de l'enseignement de D3. L'intimée a fait référence à D1 qui divulgue que le film ProTec n'était pas collé à la vitre sur deux côtés pour faciliter la sortie des gaz formés et elle a soutenu que l'homme du métier aurait tout naturellement modifié la fixation du film selon la manière revendiquée pour faciliter davantage la sortie de gaz. Quant à D3, il divulgue que dans le cas de rupture du verre, les fragments de verre restent liés par le film dans le toit.
4.4.4 Ces arguments ne sont pas convaincants, parce qu'ils se basent sur un problème qui n'est pas le problème objectif. La chambre note que la requérante avait déjà remarqué pendant la procédure orale que la vitre de D1 ne posait pas de problème concernant la sortie des gaz puisqu'elle avait déjà deux côtés qui n'étaient pas collés au film précisément pour permettre la sortie des gaz. L'homme du métier ne serait donc pas incité à modifier la construction de D1.
4.4.5 Quant au document D3, il informe de la sortie sur le marché du produit Webasto Glas ProTec**(®), qui consiste essentiellement en une vitre et un film avec un collage spécial avec toutes les propriétés souhaitées et résistant même aux exigences de sécurité les plus élevées, et qui est utilisé sur certains véhicules Mercedes produits depuis la fin de 2005. D3 ne donne aucune information concernant la forme du film ou la manière de fixer le film et la vitre sur la carrosserie pour résoudre le problème objectif défini ci-dessus.
4.4.6 Par conséquence, l'enseignement de D3 ne peut pas conduire l'homme du métier de façon évidente à l'objet de la revendication 1.
4.5 Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 de la requête principale satisfait aux exigences de l'article 56 CBE. L'objet des revendications dépendantes 2 à 8 et l'objet des revendications 9 et 10, dirigées vers un procédé de fabrication d'un véhicule selon les revendications 1 à 8, satisfont a fortiori aux exigences de l'article 56 CBE.
REQUÊTE SUBSIDIAIRE
5. Puisque la chambre est arrivée à la conclusion que l'objet des revendications selon la requête principale satisfait aux exigences de la CBE, il n'y a pas eu lieu d'examiner la requête subsidiaire.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. Le brevet est maintenu tel que délivré.