T 1974/19 20-10-2022
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Système de fixation d'un corps sur une paroi
Recevabilité du recours - mémoire de recours
Recevabilité du recours - déposé dans les délais (oui)
Droit d'être entendu - procédure d'opposition
Nouveauté - (oui)
Activité inventive - (oui)
I. Par la décision envoyée le 24 avril 2019, la division d'opposition a rejeté l'opposition contre le brevet européen no. 2 775 153 B1. La division a décidé que l'objet de la revendication 1 était nouveau par rapport au document D1 (US 2001/004099 A1) et impliquait une activité inventive.
II. L'opposante a formé un recours contre cette décision.
III. La requérante (opposante) demande que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit révoqué.
IV. L'intimé (titulaire du brevet) demande que le recours soit rejeté.
V. Une procédure orale a eu lieu devant la chambre le 20 octobre 2022. L'intimé n'était pas présent lors de la procédure orale et selon l'article 115(2) CBE et l'article 15(3) RPCR la chambre considère qu'il se fonde uniquement sur ses écritures.
VI. La revendication 1 du brevet s'énonce comme suit (numérotation ajoutée entre crochets) :
"[M1] Système de fixation d'un corps (10) sur une paroi (11) comportant au moins : un rail (20)
[M1.1] ayant une section transversale en forme sensiblement de U avec deux bords rentrants (21, 22) situés respectivement à chaque extrémité des deux branches du U pour délimiter une ouverture longitudinale (24) d'une largeur Lo
[M1.2] inférieure à la distance Du séparant intérieurement les deux branches du U,
[M1.3] la distance minimale Df séparant les deux bords rentrants du fond du U étant non nulle,
[M2] des moyens (30) pour fixer ledit rail (20) sur la paroi (11), et
[M3] un élément de liaison (40) pour relier ledit rail (20) au dit corps (10), ledit élément de liaison (40) comportant au moins :
[M3.1] une plaque (41),
[M3.2] une tige cylindrique (42),
[M3.2.1] caractérisé par des moyens (43) pour fixer une première extrémité (44) de la tige à ladite plaque (41) de façon qu'elle soit sensiblement perpendiculaire au plan de cette plaque, et
[M3.2.2] des moyens (45) pour lier la seconde extrémité (46) de la tige (42) au dit corps (10),
[M3.1.1] caractérisé par le fait que ladite plaque (41) est de forme sensiblement parallélépipédique et
[M3.1.2] présente une largeur inférieure à la largeur Lo de l'ouverture longitudinale (24),
[M3.1.3] une longueur supérieure à ladite largeur Lo et inférieure à la distance Du séparant intérieurement les deux branches du U,
[M3.1.4] et une épaisseur inférieure à la distance minimale Df,
[M3.2.3] les moyens (43) pour fixer une première extrémité (44) de la tige à la plaque de façon qu'elle soit sensiblement perpendiculaire au plan de cette plaque
[M3.2.4] étant constitués par un emboîtement conique (50)."
VII. La requérante a fait référence aux documents suivants :
D1 : US 2001/004099 A1
D2 : "Mechanik-Grundelemente", Bosch Rexroth AG, version 13.0 (2012-08)
D3 : "Taschenbuch für den Maschinenbau", Dubbel, W. Beltz et K-H. Küttner, 17ème edition, Springer-Verlag Berlin, Heidelberg 1990
D4 : "Mechanik-Grundelemente", Bosch Rexroth AG, version 12.1 (2010-04)
D5 : DE 27 42 172 A1
D6: GB 2 399 154 A
D7 : EP 1 961 977 A1
D8: Article de Wikipedia intitulé "Kegelstift", daté du 30 décembre 2012
D9: DE 1 950 372 A1
D10: DE 2140047 A1
VIII. La requérante a essentiellement fait valoir ce qui suit :
i) Le recours a été déposé dans les délais prévus.
ii) La division d'opposition n'a pas respecté le droit d'être entendu, en particulier elle n'a pas pris en compte les arguments avancés par la requérante pendant la procédure orale. De plus, la requérante n'a pris connaissance de l'argument selon lequel "l'idée de partager le composant en deux va à l'encontre des problèmes techniques" qu'avec la décision. La division d'opposition n'a pas respecté les conditions de l'article 113(1) CBE.
iii) L'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau par rapport à D1. La revendication 1 doit être lue dans son sens le plus large.
iv) L'objet de la revendication 1 n'implique pas une activité inventive à l'égard de D2 ou D6 comme état de la technique le plus proche. L'homme du métier savait bien que l'on pouvait transmettre un couple utilisant un emboîtement conique et il aurait appliqué cette idée sans faire preuve d'activité inventive.
IX. L'intimé a essentiellement fait valoir ce qui suit :
i) Le recours n'est pas recevable car il n'a pas été déposé dans les délais prévus.
ii) Par rapport à l'allégation de la requérante selon laquelle la division d'opposition n'a pas respecté le droit d'être entendu, l'intimé n'a pas soulevé d'arguments.
iii) L'objet de la revendication est nouveau par rapport à D1.
iv) L'objet de la revendication implique une activité inventive.
1. Recevabilité du recours
L'intimé fait valoir que le recours est irrecevable car le mémoire exposant les motifs du recours n'a pas été déposé dans le délai de quatre mois prévu à l'article 108 CBE.
Le délai commence à la date de signification de la décision. Conformément à la règle 126(2) CBE la décision est réputée remise à son destinataire le dixième jour après la remise au prestataire de services postaux. La décision a été envoyée le 24 avril 2019. Elle est réputée remise à son destinataire le 4 mai 2019. Le dernier jour du délai de quatre mois est le 4 septembre 2019 (règle 131(4) CBE). Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé à cette date précise.
Le recours est recevable.
2. Droit d'être entendu
La requérante a fait valoir que son droit d'être entendu n'a pas été respecté pendant la procédure d'opposition.
Selon la requérante, elle n'a pas eu la possibilité lors de la procédure orale devant la division d'opposition de répondre à l'argument - apparu pour la première fois dans la décision attaquée (voir point 15.6) - selon lequel : "l'idée de partager le composant en deux va à l'encontre des problèmes techniques". De surcroît, dans la décision attaquée, il n'y avait pas de discussion des documents D3 et D6 par rapport à la division des éléments de fixation en deux parties.
La chambre considère que lorsque la division d'opposition rejette l'opposition en estimant que le motif d'opposition ne s'oppose pas au maintien du brevet européen, la division d'opposition doit présenter les motifs pour lesquels les arguments de l'opposante n'étaient pas convaincants. C'est ce que la division d'opposition a fait en l'occurrence. L'opposante avait proposé des arguments pour lesquels le motif d'opposition au titre de l'article 100a) ensemble 56 CBE s'opposait au maintien du brevet européen. La division a rejeté l'argumentation proposée par l'opposante, notamment parce qu'elle considérait que les problèmes techniques proposés par l'opposante ne se posaient pas pour l'homme du métier. Lorsque l'opposante fait valoir un motif d'opposition au titre de l'article 100a) ensemble 56 CBE, il peut lui incomber de démontrer, entre autres, un problème technique spécifique qui - selon elle - se pose à l'homme du métier. Selon les faits de l'espèce, il incombe alors à la division d'opposition de justifier dans sa décision pourquoi elle n'est pas convaincue. C'est ce que la division d'opposition a fait. En revanche, les exigences de l'article 113(1) CBE n'obligent pas la division d'opposition à exposer au cours de la procédure toutes les raisons pour lesquelles l'argumentation de l'opposante ne convainc pas.
De plus, selon la requérante la division d'opposition n'a pas tenu compte des arguments relatifs au document D6 en tant que l'état de la technique le plus proche. Cependant, lors de l'examen de l'activité inventive, la division d'opposition a considéré la ligne d'attaque de l'opposante qui partait de D6 en combinaison avec D5 ou de D3 et a justifié pourquoi elle ne partageait pas l'opinion de l'opposante, voir point 15.5. et 15.6 de la décision (en gras par la chambre) : "... Ainsi, selon lui, le document D5 pourrait également motiver l'homme du métier [à] modifier un des documents D2, D4, D6 ou D7. La division d'opposition ne partage pas cette opinion. ..."; "L'opposant a argumenté, que le document D3 rend évident l'utilisation d'un emboîtement conique. Cependant, l'introduction des caractéristiques divulgué[e]s dans D3 n'est pas probable selon l'approche 'could-would' [...], parce que les passages cités dans le document D3 concernent le domaine de la transmission de force ou de couple, c.-a.-d. un domaine d'emploi tout à fait différent du domaine d'emploi des systèmes de fixation selon D2, D4, D6 ou D7". Lorsque la division d'opposition répond aux lignes d'attaque de l'opposante dans la décision, elle n'est pas obligée de répondre à chacun des arguments de l'opposante. Il suffit que la division d'opposition démontre dans sa décision qu'elle a pris en compte les lignes d'attaques soulevées par l'opposante et justifie pourquoi ces lignes d'attaque ne sont pas convaincantes, ce qu'elle a fait en l'espèce.
La requérante n'a donc pas pu démontrer que son droit d'être entendu avait été violé.
3. Nouveauté par rapport à D1
Il n'a pas été contesté que D1 divulgue un système de fixation comportant les caractéristique M1 - M3.2.3. Cependant, l'intimé conteste que les moyens de fixation d'une première extrémité de la tige à la plaque soient constitués d'un emboîtement conique.
Selon la divulgation de D1 l'extrémité de la tige peut avoir une forme conique, voir la figure 29-A "stopper portion 40". Ce bourrelet ("stopper portion") est réalisé après le montage de l'écrou 1 ("plaque" dans les mots de la revendication) et a pour effet d'éviter la perte de l'écrou, voir paragraphe [0123].
Il est seulement exigé dans la revendication 2 que le tronc de cône doit avoir une forme sensiblement complémentaire de celle du dit orifice traversant. La caractéristique M3.2.4 de la revendication 1 n'inclut pas cette limitation et, en conséquence, doit être interprétée d'une manière plus large et, donc, une géométrie strictement conique n'est pas exigée par la caractéristique M3.2.4.
La chambre considère que cette caractéristique, même si elle est interprétée de manière large, n'est pas divulguée par D1. Pour l'homme du métier le terme "emboîtement" est défini comme un assemblage ou jonction de deux pièces qui se recouvrent l'une l'autre complètement ou partiellement (voir dictionnaire online Larousse https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/emboîtement/). L'extrémité conique 40 ne s'emboîte pas dans l'écrou 1, voir la figure 29-A reproduite ci-dessous :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
L'extrémité de la tige reste à l'extérieur de l'écrou car il n'y a pas de cavité conique dans l'écrou qui permettrait à l'extrémité conique de s'insérer dans l'écrou. L'assemblage de D1 ne montre aucun recouvrement de l'extrémité conique de la tige. Il n'y a donc pas d'emboîtement.
De surcroît, selon la requérante, l'homme du métier comprendrait que la tige doit être alignée avec la plaque, raison pour laquelle le bourrelet est monté agencé avec la plaque. Selon elle, D1 divulgue donc implicitement un emboîtement. La chambre n'est pas convaincue par cet argument. Il n'y a aucune indication dans D1 que la tige doit être alignée avec la plaque, le paragraphe [0152] cité par la requérante ne contient pas non plus une telle indication. Les dessins de D1 montrent uniquement la partie conique à l'extérieur de l'écrou. L'enseignement de D1 est donc qu'il n'y a pas d'emboîtement du bourrelet dans la plaque (c'est-à-dire l'écrou dans le langage de la revendication).
La caractéristique d'un emboîtement conique, même dans son sens le plus large, n'est donc pas divulgué dans le document D1.
L'objet de la revendication 1 est donc nouveau par rapport à D1.
4. Activité inventive
4.1 En partant de D2 comme l'art antérieur le plus proche
D2 divulgue un système de fixation d'un corps sur une paroi. Ce système connu comporte comme élément de liaison une vis avec une tête en forme de marteau (dans l'exemple auquel la requérante se réfère - page 3-6 du document - page 58 du fax). La tête de cette vis forme la plaque selon la caractéristique M3.1. La vis forme la tige cylindrique selon la caractéristique M3.2. La vis et la tête sont fabriquées en une seule pièce et, par conséquent, la caractéristique M3.2.3 de la revendication 1 n'est pas connue de D2. De plus, il n'a pas été contesté que D2 ne divulgue pas au moins la caractéristique M3.2.4 de la revendication 1.
La requérante a suggéré que les problèmes suivants étaient résolus par ces caractéristiques :
i) de fournir un élément de fixation avec un élément de liaison dans lequel la transmission du couple est améliorée ;
ii) de fournir un élément de fixation alternatif.
Par rapport au problème i), la requérante a démontré de manière convaincante, voir par exemple D5 ou les autres documents cités dans les écritures tels que D3, D8, D9 ou D10, qu'un emboîtement conique peut transmettre le couple. Toutefois, la chambre considère que l'homme du métier aurait considéré qu'une pièce massive fabriquée en une seule pièce pourrait transmettre plus de couple qu'une pièce divisée en deux. En cherchant une solution au problème d'amélioration de la transmission du couple, l'homme du métier n'aurait pas modifié la vis en forme de marteau, qui est fabriquée en une seule pièce, pour une connexion par emboîtement conique qui se fait en deux pièces.
De plus, la requérante a argumenté que l'homme du métier aurait considéré qu'un écrou en deux morceaux aurait été moins cher qu'une vis en une pièce massive car D5, page 5, 2e paragraphe décrit que l'invention selon D5 a pour but de rendre les vis plus économiques. La chambre n'a pas trouvé cet argument convaincant car ceci est relatif aux vis mentionnées comme l'état de la technique dans l'introduction de D5 c'est-à-dire avec une tête relativement grande. Par contre, les écrous de D2 ne sont pas grands mais sont M8 ou M6. Donc, l'homme du métier n'appliquerait pas cet enseignement de D5 à l'écrou de D2.
Par rapport au deuxième problème, un emboîtement conique pourrait être envisagé comme alternative au système divulgué dans D2. Pour l'homme du métier, cette alternative n'est toutefois pas une alternative équivalente. Elle est moins performante que celle décrite dans D2 car elle transmet moins de couple qu'une vis massive. Ainsi, même si l'homme du métier avait été tenté de chercher une alternative, il aurait été peut-être évident de choisir une alternative équivalente, mais l'homme du métier n'aurait pas opté pour une alternative moins performante.
4.2 En partant de D6 comme l'art antérieur le plus proche
D6 divulgue un élément de liaison avec une tige 34 et une tête fournie avec des ailes 36 pour tenir l'élément en place. Les ailes s'imbriquent de manière positive dans la plaque 6A. Donc comme dans le brevet attaqué il y a deux éléments qui forment la connexion. Il n'a pas été contesté que D6 ne divulgue pas la caractéristique M3.2.4.
Un emboîtement conique est connu des documents D3, D9, D8 ou D10 qui divulguent des connexions pouvant transmettre du couple. Toutefois, la chambre ne voit pas de raison pour laquelle l'homme du métier aurait changé l'arrangement de D6.
La requérante a fait valoir qu'un emboîtement conique aurait réduit les concentrations de stress à la transition entre la partie cylindrique et la tête de la tige. La chambre estime que la requérante a raison à cet égard. Néanmoins, pour arriver à la solution revendiquée, il fallait que l'homme du métier abandonne la connexion positive entre la tige et la plaque fournie par les ailes, ce qui aurait conduit à un système moins performant pour la transmission du couple. Ainsi, il n'avait aucune raison de le faire. L'homme du métier aurait donc dû faire preuve d'une activité inventive pour arriver à l'objet de la revendication 1.
4.3 En conséquence, l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive à l'égard de D2 et de D6.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.