T 2805/19 (Procédé de pilotage/NAILLON) 04-12-2020
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Procédé de pilotage de processus décisionnel lors de la poursuite d'un but dans un domaine d'application déterminé, tel qu'économique, technique, organisationnel ou analogue
Activité inventive - (non),
Stagnation de la procédure d'examen sans explication - (oui)
Obligation de la requérante de raccourcir la procédure autant que possible remplie - (non)
Violation de l'article 6(1) CEDH - (non)
I. Le recours est formé contre la décision de la division d'examen, notifiée avec les motifs le 23 mai 2019, relative à une requête principale et une première et une deuxième requête subsidiaire, de refuser la demande de brevet européen n° 00 402 875.9 pour manque de clarté (article 84 CBE), insuffisance de l'exposé de l'invention (article 83 CBE) et extension inadmissible de l'objet du brevet (article 123(2) CBE).
II. Par courrier du 1 août 2019 la requérante a formé un recours contre cette décision et a payé la taxe de recours.
III. Avec son mémoire de recours du 1 octobre 2019, la requérante a déposé un jeux de revendications selon une troisième requête subsidiaire. La requérante a demandé l'annulation de la décision et la délivrance d'un brevet soit sur la base de la requête principale, soit sur la base d'une des requêtes subsidiaires rejetées par la division d'examen ou présentée avec le mémoire de recours. La requérante s'est également plainte de la durée de la procédure d'examen, la décision attaquée ayant été rendue 18 ans et 7 mois après la date de dépôt du 17 octobre 2000.
IV. Dans une annexe à une convocation à la procédure orale la chambre a résumé son avis provisoire comme suit:
"La revendication 1 de chaque requête est suffisamment claire pour évaluer sa conformité avec les articles 52(2)(c) et 56 CBE 1973.
L'objet de la revendication 1 de toutes les requêtes ne semble pas produire un effet technique et ne s'applique pas à un problème technique, de sorte qu'il semble manquer d'activité inventive (article 56 CBE 1973).
L'objet de la revendication 1 de la requête principale et de la première requête subsidiaire semble également être exclu de la brevetabilité en tant que méthode pour accomplir des actes mentaux (article 52(2)(c) CBE 1973). La revendication 1 de la deuxième et de la troisième requête subsidiaire comporte une étape d'affichage, ce qui permet d'éviter cette objection.
Il semble possible de statuer sur le recours sans discuter des objections soulevées dans la décision au titre des articles 83 et 123(2) CBE. Ce n'est que si d'autres objections sont levées qu'il pourrait être nécessaire de discuter de la conformité de la demande avec les articles 83 CBE 1973 et 123(2) CBE.
En ce qui concerne la durée de la procédure d'examen, la requérante n'a pas formulé de requête fondée sur ces considérations et n'a pas expliqué quel dommage moral et matériel elle aurait prétendument subi. La chambre remarque cependant que la procédure d'examen a, au moins à un moment donné, "stagné sans explication" pendant près de dix ans, mais sans réclamation du demandeur qui a pourtant écrit à l'OEB pendant cette période au sujet de l'enregistrement d'une licence, alors qu'il est, selon la jurisprudence de la CEDH, censé raccourcir la procédure dans la mesure du possible.
La chambre est d'avis que la division d'examen n'a pas commis d'erreur en maintenant la date de la procédure orale, même si la requérante/inventeur, ayant initialement accepté la date, a constaté par la suite qu'elle ne pouvait pas y assister."
V. Dans une lettre datée du 21 octobre 2019, le greffier a invité, au nom de la chambre, le mandataire de la requérante à fournir l'adresse de la requérante dans un délai de deux mois (Règles 99(1)a) et 41(2)c) CBE). La requérante a répondu dans le délai imparti le 20 novembre 2019, en fournissant son adresse.
VI. Par une lettre datée du 17 juin 2020 la requérante a demandé le report de la procédure orale en raison des restrictions et précautions sanitaires imposées par la COVID-19. La chambre a donc renvoyé la procédure orale au 12 octobre 2020.
VII. Par une lettre datée du 9 octobre 2020 la requérante a retiré sa requête en procédure orale (voir la référence au "Retrait de la requête en procédure orale" sur le formulaire F1038 soumise par la requérante). La chambre a dès lors annulé la procédure orale.
VIII. Selon le dossier, la demande se présente comme suit:
Description (pour les quatre requêtes):
pages 1 à 89, telles que déposées à l'origine.
Revendications:
Requête principale: 1, reçue le 18 juillet 2016, et 2 à 13, reçues le 22 décembre 2011.
Première requête subsidiaire: 1, reçue le 18 juillet 2016, et 2 à 13 de la requête principale.
Deuxième requête subsidiaire: 1, reçue le 15 mars 2019, et 2 à 13 de la requête principale.
Troisième requête subsidiaire: 1, reçue le 1er octobre 2019, et 2 à 13 de la requête principale.
Dessins (pour les quatre requêtes):
Pages 1/12 à 12/12, telles que déposées à l'origine.
IX. La revendication 1 selon la requête principale se lit comme suit:
"Procédé de pilotage de processus décisionnel lors de la poursuite d'un but global dans un domaine d'application déterminé, tel qu'économique, technique, organisationnel, comprenant les étapes:
- de créer une structure hiérarchique d'agents de traitement de données, en forme d'une pyramide comportant une pluralité de niveaux superposés dont chacun comprend un certain nombre d'agents de traitement de données;
- d'organiser les agents en boucle dont chacune comprend un agent fonctionnant en agent maître de la boucle, disposé dans un niveau, et au moins un agent fonctionnant en agent fils disposé dans le niveau en dessous de celui de l'agent maître;
- de nommer au sommet de la pyramide, en fonction du but global à poursuivre, un agent agissant en agent maître de groupe (GM) et adapté pour gérer la poursuite du but global en constituant avec les agents disposés dans les niveaux en dessous du sien un gestionnaire de connaissance collectif (CKM);
- d'amener le maître à s'associer en fonction du but global, une pluralité d'agents utilisateurs (UM) agissant en agent fils;
- d'associer à un premier agent utilisateur des agents de traitement de données, de façon à former une pyramide avec des agents disposés en dessous, à des niveaux superposés et organisés en boucle, de façon à former une première machine de gestionnaire de connaissance individuelle (IKM), qui comprend dans le niveau le plus inférieur des agents cognitifs (AC) créateurs d'objets de connaissance portables et dans les niveaux au dessus des agents constructeurs d'objets de connaissance (A, P, C);
- d'adapter un agent cognitif pour qu'il observe les données réelles du domaine d'application par rapport à des données de consigne et pour déclencher un processus décisionnel à la suite de la constatation d'une différence (Delta X) supérieure à un seuil prédéterminé, entre les données réelles et de consigne, qui est alors considéré comme constituant une anormalité dans lesdites données réelles, par la création d'un premier objet de connaissance (O1) considéré comme représentant un indice d'alarme, et au moins un deuxième agent cognitif (LOC, VAL) créateur d'objets de connaissance, pour rechercher dans les données réelles des informations supplémentaires sur le premier objet de connaissance (O1) et de créer alors au moins un deuxième objet de connaissance apportant un élément de connaissance supplémentaire sur le premier objet (O1);
- de faire remonter les objets de connaissance créés dans la pyramide au maître de groupe en passant par des agents constructeurs et d'amener ces agents constructeurs à construire les objets de connaissance créés en ajoutant les éléments de connaissance supplémentaires au premier objet de connaissance (O1);
- d'amener l'agent maître à sélectionner en fonction des objets de connaissance reçus au moins un deuxième agent d'utilisateur (UM) constituant une deuxième machine de connaissance individuelle (IKM) comportant des agents organisés en niveaux et en boucles, avec des agents créateurs et constructeurs, comme dans la première machine de connaissance individuelle, pour rechercher des évènements importants considérés comme constituant des accidents, qui sont liés aux objets de connaissance établis dans la première machine de gestionnaire de connaissance individuelle (IKM) et pour créer des objets de connaissance et d'éléments de connaissance supplémentaires destinés à compléter les éléments de connaissance créés lorsque des évènements d'accident ont été constatés;
- de faire remonter les objets de connaissance créés et construits vers l'agent maître de groupe (GM) en passant par l'agent utilisateur (UM) à la tête de la pyramide constituant la deuxième machine de gestionnaire de connaissance individuelle (IKM), et
- d'amener l'agent maître de groupe (GM) à fusionner les éléments des premier et deuxième chemin décisionnels des premières et deuxièmes machines de gestionnaire de connaissance individuelle, afin de permettre à l'agent maître de groupe (GM) la prise d'une décision au sujet de l'anormalité détectée dans les données de la première machine de gestionnaire de connaissance."
X. La revendication 1 selon la première requête subsidiaire diffère de celle de la requête principale en ce que, dans le troisième paragraphe ("- d'organiser ..."), l'expression suivante a été ajoutée "chaque agent étant pourvu de règles prédéterminées pour accomplir sa fonction", et à la fin du huitième paragraphe (débutant par "- de faire remonter ..."), le passage suivant a été ajouté :"selon les règles de retour prédéterminées, le processus déclenché dans une machine de gestionnaire de connaissances individuelles (IKM) par la création d'un objet de connaissance constituant un chemin décisionnel".
XI. La revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire diffère de celle de la requête précédente en ce que, dans le premier paragraphe, l'expression "suite à la détection d'une anomalie dans les données de ce domaine déterminé" a été ajoutée et le troisième paragraphe ("- d'organiser ...") a été remplacé par les deux paragraphes suivants:
"- d'organiser les agents en boucle dont chacune comprend un agent fonctionnant en agent maître de la boucle, disposé dans un niveau, et au moins un agent fonctionnant en agent fils disposé dans le niveau en dessous de celui de l'agent maître, chaque agent étant pourvu de règles prédéterminées pour accomplir sa fonction; les boucles à la base de la pyramide étant des boucles d'analyse comportant chacune un agent d'analyse maître et comme agent fils des agents cognitifs (FOC, LOC, VAL} créateurs d'objets de connaissances qui comportent chacun des champs d'inscription d'éléments de connaissance; les agents situés au dessus de la boucle d'analyse étant agents de construction des objets de connaissance par inscription d'éléments de connaissance supplémentaires dans les champs des objets de connaissance;
- de construire une boucle en amenant l'agent maître de la boucle à demander à un agent de structuration des services (COTSs) préalablement établi, de lui envoyer les services qui vont constituer les agents fils destinés à mettre en ½uvre la stratégie qui lui est octroyée dans le cadre du but global et à un agent de structuration des données (COTSD) également préalablement établi, pour qu'il envoie les données dont les agents fils ont besoin pour mettre en ½uvre la stratégie de l'agent maître;".
De plus dans le huitième paragraphe ("- d'adapter ...") les modifications suivantes (soulignées) ont été apportées:
"- d'adapter un agent cognitif pour qu'il observe les données réelles du domaine d'application prédéterminé par rapport à des données de consigne et pour déclencher un processus décisionnel à la suite de la constatation d'une différence (Delta X) supérieure à un seuil prédéterminé, entre les données réelles et de consigne, qui est alors considéré comme constituant une anormalité dans lesdites données réelles, par la création d'un premier objet de connaissance (O1) considéré comme représentant un indice d'alarme, et au moins un deuxième agent cognitif (LOC, VAL) créateur d'objets de connaissance, pour rechercher dans les données réelles des informations supplémentaires de contexte sur le premier objet de connaissance (O1) et de créer alors au moins un deuxième objet de connaissance (O7) apportant un élément de connaissance supplémentaire sur le premier objet (O1), qui sera inscrite dans les champs du premier objet de connaissance (O1);".
Au début du dixième paragraphe ("d'amener ...") l'expression "en fonction des objets de connaissance" a été modifiée en "en fonction des règles prédéterminées et des objets de connaissance". Au début du onzième paragraphe ("- de faire remonter ..."), l'expression "de faire remonter les objets de connaissance" a été modifiée en "de faire remonter les éléments de connaissance". Le dernier paragraphe a été remplacé par le paragraphe suivant:
"- d'amener l'agent maître de groupe (GM) à fusionner, selon des règles prédéterminées, les éléments de connaissance supplémentaires associés aux premiers objets de connaissance (O1), remontés des premier et deuxième chemin décisionnels des premières et deuxièmes machines de gestionnaire de connaissance individuelle, et à afficher le résultat de la fusion sur l'écran de son interface Homme/machine afin de permettre à l'opérateur de prendre des décisions concernant l'anormalité détectée."
XII. La revendication 1 selon la troisième requête subsidiaire diffère de celle de la requête précédente en ce que, dans le dixième paragraphe ("- d'amener ..."), l'expression "pour rechercher des événements" a été modifiée en "pour rechercher dans les données réelles du domaine d'application de cet agent utilisateur des événements" et l'expression "et pour créer des objets de connaissance" a été modifiée en "selon des règles prédéterminées incluant ces objets de connaissance et pour créer des objets de connaissance".
1. La recevabilité du recours
Compte tenu des faits exposés aux points I à III ci-dessus, le recours remplit les critères de recevabilité au regard de la CBE et est donc recevable.
2. La requérante n'a présenté aucun argument supplémentaire ou amendement en réaction aux objections soulevées par la chambre dans l'annexe à la convocation à la procédure orale. La chambre ne voit donc aucune raison de modifier son appréciation du recours.
3. Résumé de l'invention
3.1 La présente invention concerne un procédé de pilotage d'un processus décisionnel lors de la poursuite d'un but dans après la découverte d'une anomalie dans un domaine économique, technique ou organisationnel et un système pour la mise en ½uvre du procédé (voir premier paragraphe de la description).
3.2 La figure 1 illustre la structure d'un système de contrôle d'un tel processus de décision; voir page 4, lignes 9 à 13. La figure 1 montre "Internet", un serveur de type "Internet ou Extranet" (DH) contenant des paquets de données multimédia structurées, diverses bases de données (DMFin, DMCom, DMPress, etc.), mémoire M et plusieurs écrans d'interface homme/machine (IHM). Les autres éléments du système présentés dans la figure 1 semblent être des objets de données et des blocs fonctionnels de traitement de données mis en ½uvre sur un ordinateur, bien que la demande ne fasse aucune référence à un "ordinateur" ou à un "processeur". Par exemple, bien que la description fasse référence à deux "machines de gestionnaire de connaissance individuelle" (IKM), celles-ci semblent être des objets de traitement de données, appelés "processus de prise de décision" dans la demande. Le processus est décomposé en étapes décisionnelles, appelées "variantes cognitives".
3.3 Selon la page 4, lignes 14 à 31, "Le système se présente sous forme d'un réseau d'une multitude d'agents de traitement d'informations organisés, dans une structure hiérarchisée en forme d'une pyramide, en boucles dont chacune comporte un agent maître et au moins un agent fils, ce dernier constituant l'agent maître d'une boucle d'un niveau inférieur. Plus précisément, la pyramide sur la figure 1 comporte au sommet formant le niveau n un agent maître de groupe GM auquel sont associés dans l'exemple représenté trois agents fils, appelés agents utilisateurs maîtres UM qui forment le niveau inférieur n-1. Chaque agent UM pilote un certain nombre d'agents canal C formant le niveau n-2. A chaque agent C est associé au moins un agent de piste P alors du niveau n-3. Chaque agent P dispose d'au moins un agent d'analyse A du niveau n-4. A chaque agent d'analyse A sont associés un ou plusieurs agents appelés agents cognitifs AC qui ont pour fonction de capter ou détecter des informations contenues dans la scène représentative de l'application considérée, qu'ils observent."
3.4 La revendication 1 des quatre requêtes définit un procédé utilisant une première et une deuxième "machine de gestionnaire de connaissance". Selon la revendication 1 de la requête principale et de la première requête subsidiaire (voir dernier paragraphe), les éléments des deux machines sont combinés pour permettre à l'agent maître de groupe (voir figure 1; "GM") de prendre une décision concernant une anomalie détectée dans les données de la première machine. Selon la revendication 1 de la deuxième et la troisième requête subsidiaire, les résultats combinés sont affichés sur un écran d'interface homme/machine pour permettre à l'opérateur de prendre une décision concernant l'anomalie détectée.
4. La durée de la procédure d'examen
4.1 La requérante considère que la Division d'examen a conduit la procédure d'examen de façon inadmissiblement lente et avec des exigences injustifiées (voir mémoire de recours page 4). Elle ajoute que la lenteur de la division d'examen lui aurait causé un dommage considérable, à la fois moral et matériel (voir du mémoire de recours page 2).
4.2 La Chambre relève que la requérante n'a formulé aucune demande précise en lien avec l'allégation de durée excessive de la procédure d'examen ni explicité quel dommage morale et/ou matériel elle aurait prétendument subi. La Chambre considère cependant que la requérante demande implicitement que soit établie une violation de l'article 6(1) de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH). Il est statué ci-dessous sur cette requête, même si la chambre estime que la CBE ne prévoit aucun correctif contre une telle violation (voir T 1825/15, point 2.2, et T 0315/03, point 15.6).
4.3 La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH)
4.3.1 La Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) résume sa propre jurisprudence concernant l'article 6 CEDH dans un document intitulé "Guide sur l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme - Droit à un procès équitable (volet civil)". La version actuelle (à la date du présent document, "Mis à jour au 30 avril 2020") est disponible à l'adresse Internet suivante:
https://echr.coe.int/Documents/Guide_Art_6_FRA.pdf
4.3.2 Selon le point 414, page 86 (toutes références étant relative à la version du 30 avril 2020), le point de départ du délai est en principe la date de saisine de la juridiction compétente, à moins que la saisine d'une autorité administrative constitue une condition préalable à la saisine du tribunal, auquel cas le délai peut inclure le durée de la procédure administrative préliminaire obligatoire. Selon le point 432, page 88, le requérant a le devoir d'exploiter les possibilités offertes par le droit interne pour abréger la procédure. Selon le point 423, page 87, les longues périodes de stagnation sans explication ne sont pas acceptables. Selon le point 440, page 89, les États membres devant organiser leur système judiciaire de manière à garantir le droit à une décision de justice dans un délai raisonnable, la surcharge de travail ne peut entrer en ligne de compte. Cependant, un engorgement passager du rôle n'engage pas la responsabilité de l'État s'il prend, avec une promptitude adéquate, les mesures propres à redresser pareille situation exceptionnelle.
4.3.3 La chambre n'est pas convaincue que la jurisprudence de la CEDH permet de conclure que la durée de la procédure d'examen auprès de l'OEB a vocation à être systématiquement prise en compte dans l'appréciation du délai raisonnable visé par l'article 6(1) CEDH, première phrase (voir à ce titre l'analyse de la décision Kristiansen and Tyvik As v. Norway du 2 mai 2013 aux points 2.3.8 et 2.3.9 de la décision T 1824/15 concernant le déroulé de la procédure devant l'office norvégien des brevets). La chambre souligne notamment que si cette décision a retenu une violation du droit d'accès à un tribunal au titre de l'article 6(1) CEDH, elle ne s'est pas prononcée s'agissant d'une éventuelle violation du droit d'être entendu dans un délai raisonnable (voir point 58 de la décision). Par ailleurs, et contrairement aux faits de la cause ayant conduit à la décision susvisée - où existait déjà dans le cadre de la procédure administrative une "contestation" soumise aux chambres (non judiciaires) de recours de cet organisme (voir point 51) - la procédure d'examen considérée ici est une procédure purement non contentieuse et unilatérale, et donc préalable à l'existence d'une "contestation" permettant l'application de l'article 6(1) CEDH. La chambre est d'avis que cette analyse est conforme aux décisions de la CEDH citées dans Meyer-Ladewig, Europäische Menschenrechtskonvention, Handkommentar, 4ème édition, 2017, article 6, numéro marginal 194, première phrase et bas de page 704, comme aussi cité dans T 2707/16, motifs, point 27, et également avec le commentaire de l'auteur lui-même dans la seconde phrase.
4.3.4 Néanmoins, la chambre estime que les principes développés par la CEDH concernant la durée de la procédure fournissent un cadre utile pour évaluer la longueur de la procédure dans le cas présent.
4.4 Le déroulé de la procédure d'examen
4.4.1 Le rapport de recherche européenne a été publié environ six mois après la date de dépôt. Un délai d'environ dix ans s'est ensuite écoulé avant que la division d'examen n'émette sa première communication de fond. La requérante a alors demandé une prorogation de deux mois du délai de réponse.
4.4.2 Après la réponse au fond de la requérante du 22 décembre 2011, il y a eu un délai d'environ quatre ans (au cours duquel la requérante s'est enquis de la date de la prochaine notification et a été informée, le 17 février 2015, que le délai était dû à "la charge de travail actuelle") jusqu'à la publication de la deuxième communication au fond le 8 janvier 2016. La requérante a alors demandé une nouvelle prorogation de deux mois du délai de réponse.
4.4.3 Après la réponse au fond de la requérante du 18 juillet 2016, il y a eu un délai d'environ deux ans et quatre mois jusqu'à la convocation à la procédure orale du 26 novembre 2018. La décision attaquée a été rendue, après la procédure orale, environ un mois plus tard.
4.5 Les actions de la requérante concernant la durée de la procédure
4.5.1 Bien que la requérante ait demandé une fois (le 12 février 2015) quand une communication pouvait être attendue, elle n'a jamais présenté de demande d'accélération au titre du programme PACE pour raccourcir la procédure. En particulier, au cours des dix années qui se sont écoulées entre la publication du rapport de recherche européenne (le 9 avril 2001) et la première notification au fond (le 16 mars 2011), la requérante n'a posé aucune question sur la durée de la procédure ni demandé uns accélération, bien qu'elle ait entre-temps écrit à la division juridique de l'OEB concernant l'inscription d'une licence exclusive dans le registre européen des brevets et souligné la nécessité de l'inscrire "dans les meilleur délais" car le cas faisait l'objet de litige.
4.5.2 A deux reprises (14 juillet 2011 et 9 mai 2016), la requérante a également demandé une prorogation de deux mois (règle 84 CBE 1973) du délai de réponse à une action officielle, retardant ainsi directement la procédure de quatre mois supplémentaires.
4.6 Les actions de l'OEB
Le dossier n'indique pas pourquoi il y a eu un délai d'environ dix ans avant que la division d'examen ne publie sa première notification au fond. Bien que la CBE ne fixe pas de délai à l'OEB pour émettre une telle communication, la procédure semble avoir "stagné sans explication" pendant cette période, selon les termes de la CEDH. La demanderesse, qui a pourtant écrit à l'OEB pendant cette période au sujet de l'enregistrement d'une licence, n'a cependant formulé aucune réclamation à ce sujet.
4.7 Conclusion sur la durée de la procédure d'examen
La chambre n'est pas convaincue que la durée de la procédure d'examen auprès de l'OEB a vocation à être systématiquement prise en compte dans l'appréciation du délai raisonnable visé par l'article 6(1) CEDH (voir point 4.3.3 ci-dessus). Pour autant, la chambre observe que la procédure d'examen, du moins entre le rapport de recherche et la première notification, a "stagné sans explication" pendant plus de huit ans, ce qui est normalement inacceptable (voir aussi T 0315/03, point 15.5, T 1824/15, point 2.3.13, et T 2707/16, points 18 à 24). Cependant, la requérante n'a pas formulé de réclamation contre cette stagnation, bien qu'elle ait écrit à l'OEB pendant cette période au sujet de l'enregistrement d'une licence, alors que, selon la jurisprudence de la CEDH, elle est censée raccourcir la procédure dans la mesure du possible. La chambre considère aussi qu'un demandeur a un devoir de coopération avec la division d'examen, devoir que la requérante n'a pas rempli dans le cas présent. Au demeurant, celle-ci n'a formulé aucune demande précise, notamment au titre du remboursement de la taxe de recours (Règle 103 CBE), en lien avec la violation alléguée de l'article 6(1) CEDH.
5. La date de la procédure orale
5.1 Bien que la requérante ait accepté la date de la procédure orale, elle a ensuite indiqué peu avant cette date avoir été invitée par une entreprise étrangère à présenter son invention dans une période couvrant cette date, son séjour à l'étranger pour ce faire ne pouvant être déplacé. La division d'examen n'a pas reporté la procédure orale. La requérante n'était ni présente ni représentée lors de la procédure orale.
5.2 Selon les motifs de la décision (points 3.8 et 3.9), la requérante n'a jamais formellement demandé un report de la procédure orale. Une simple "demande informelle" a été faite lors de l'appel téléphonique du 11 avril 2019 entre le premier examinateur et le mandataire. Dans les motifs du recours (page 1, avant-dernier paragraphe), la requérante fait néanmoins référence à une "demande d'un report de la date de la procédure orale" qui aurait été refusée par la division d'examen. La requérante a été convoquée le 26 novembre 2018 à la procédure orale fixée au 17 avril 2019. Au vu du procès verbal (daté du 15 avril 2019) d'une conversation téléphonique en date du 11 avril 2019 entre le mandataire de la requérante et le premier examinateur, le mandataire a déclaré que l'inventeur ne pouvait pas être présent à la procédure orale. L'examinateur a attiré l'attention du mandataire sur les directives relative à l'examen pratiqué E-III 7.1.1, selon lesquelles un report ne peut être autorisé que pour des raisons sérieuses. Le mandataire a déclaré qu'il enverrait à l'OEB une télécopie indiquant s'il assisterait ou non à la procédure orale comme prévu et/ou une demande motivée de report. Dans une télécopie reçue par l'OEB le 16 avril 2019, soit la veille de la procédure orale, la requérante a déclaré que ni l'inventeur ni son mandataire ne seraient présents à la procédure orale et a demandé une décision sur l'état du dossier. La procédure orale s'est déroulée comme annoncé dans la convocation.
5.3 Selon le procès-verbal de la procédure orale (deuxième alinéa), la requérante avait informé l'OEB qu'elle ne comparaîtrait pas à la procédure orale. La requérante n'a pas contesté le protocole ni demandé qu'il soit corrigé. De toute évidence donc à la requérante n'a jamais demandé le report de la procédure orale. La division d'examen n'a donc pas commis d'erreur de procédure en ne reportant pas celle-ci.
5.4 La requérante a fait valoir que la présente demande était un perfectionnement d'une précédente figurant au dossier T 1243/17, les descriptions des figures 1 à 4 des deux demandes étant identiques. Des termes identiques à ceux utilisés dans la demande précédente, laquelle a fait l'objet d'un rejet après une procédure orale en 2017, ont été considérés par la division d'examen dans la présente affaire comme manquant de clarté, alors même qu'ils avaient été finalement acceptés par la même division d'examen dans le cadre de la demande précédente.
5.5 Selon la requérante, la division d'examen a formulé des demandes déraisonnables de clarification des modifications.
5.6 La chambre est d'avis que la division d'examen était en droit de soulever des objections de clarté. Le fait que la requérante est en désaccord avec ces objections ne prouve pas qu'elles étaient déraisonnables.
6. L'objection selon l'article 83 CBE
6.1 La requérante a critiqué le fait que la division d'examen ait soulevé une objection d'insuffisance de description de l'invention (article 83 CBE) seulement dans la convocation à la procédure orale, dix-huit ans après la date de dépôt, privant ainsi la requérante d'une discussion appropriée de cette objection, qui a été considérée comme insurmontable par la division d'examen. Cette raison à elle seule suffirait selon elle à justifier l'annulation de la décision.
6.2 La chambre estime que l'objection au titre de l'article 83 CBE (voir points 5 à 5.3 de la convocation) a été notifiée à la déposante le 6 décembre 2018, soit plus de quatre mois avant la procédure orale, ce qui lui laissait un délai suffisant pour répondre à cette objection avant la procédure orale du 17 avril 2019 au cours de laquelle la décision attaquée a été prise.
6.3 Au demeurant, la Chambre estime qu'il est possible de statuer sur le recours sans se prononcer sur les objections au titre de l'article 83 de la CBE dès lors qu'aucune des requêtes figurant à la procédure ne porte sur un objet impliquant une activité inventive selon l'article 56 CBE 1973 (voir point 9 ci-après).
7. Clarté selon l'article 84 CBE 1973
7.1 La requérante a fait valoir que la présente demande était un perfectionnement d'une précédente figurant au dossier T 1243/17, les descriptions des figures 1 à 4 des deux demandes étant identiques. Des termes identiques à ceux utilisés dans la demande précédente, laquelle a fait l'objet d'un rejet après une procédure orale en 2017, ont été considérés par la division d'examen dans la présente affaire comme manquant de clarté, alors même qu'ils avaient été finalement acceptés par la même division d'examen dans le cadre de la demande précédente.
7.2 Selon la requérante, la division d'examen a formulé des demandes déraisonnables de clarification des modifications.
7.3 La chambre est d'avis que la division d'examen était en droit de soulever des objections de clarté, le présent dossier étant distinct et indépendant du dossier T 1243/17. Le fait que la requérante est en désaccord avec ces objections ne prouve pas qu'elles étaient déraisonnables.
7.4 La division d'examen a jugé que plusieurs expressions de la revendication 1 de la requête principale manquent de clarté comme étant "vagues et imprécises" (voir points 6.1 à 6.5 de la décision contestée).
7.5 La requérante conteste cette conclusion et fait valoir notamment que ces mêmes expressions ont été acceptées par la division d'examen dans l'affaire T 1243/17 comme étant claires et que les termes ont été expliqués dans la description (voir page 13, ligne 26 et suivantes) et seraient immédiatement compris par l'homme du métier.
7.6 La Chambre estime cependant qu'aux fins de cette décision, il n'est pas nécessaire de prendre une décision finale sur la clarté, dans la mesure où aucune des requêtes figurant à la procédure ne porte sur un objet impliquant une activité inventive selon l'article 56 CBE 1973 (voir point 9 ci-après).
8. Activité inventive selon l'article 56 CBE 1973
8.1 La chambre juge que le procédé selon la revendication 1 de toutes les requêtes manque d'un effet technique et ne s'applique pas à un problème technique, de sorte qu'il semble manquer d'activité inventive (article 56 CBE 1973). Il ne semble donc pas nécessaire d'aborder la divulgation des documents D1 et D4, mentionnés par la division d'examen dans leur convocation à la procédure orale, pour décider de l'activité inventive.
8.2 Le procédé selon la revendication 1 de toutes les requêtes couvre des processus et systèmes décisionnels de contrôle n'ayant aucun effet technique et ne s'appliquant pas à un problème technique. Le domaine d'application n'est pas spécifié dans les revendications, mais la description explique qu'il pourrait s'agir de domaines économiques ou organisationnels, domaines qui ne sont pas considérés techniques selon l'article 52(2) CBE. En outre, les revendications n'impliquent pas que, par exemple, l'invention améliore la vitesse, réduit la consommation de mémoire ou améliore la précision du procédé et du système revendiqués. L'objet des revendications 1 et 5 de toutes les requêtes, n'implique donc pas une activité inventive (article 56 CBE 1973; voir T 0641/00).
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.