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T 0293/20 17-03-2023
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NOUVEAUX POLYMERES PEIGNES UTILISABLES EN COSMETIQUE ET DETERGENCE
Nouveauté (oui)
Activité inventive - alternative évidente
Modification après signification - circonstances exceptionnelles (non)
I. Le recours se fonde sur la décision de la division d'opposition selon laquelle le brevet européen n° 2 804 880 modifié sur le fondement de la requête subsidiaire 3, remise lors de la procédure orale du 13 juin 2019, satisfaisait aux conditions de la CBE.
II. La revendication 1 de cette requête s'énonçait comme suit:
"1. Copolymère hydrosoluble constitué de, en masse par rapport à la masse totale du copolymère:
- 5 à 45% d'au moins un monomère cationique vinylique possédant une fonction ammonium quaternaire et dont la cationicité provient exclusivement de fonction(s) ammonium quaternaire ;
- 50 à 95% d'au moins un monomère de formule (I);
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle :
- R1 est un atome d'hydrogène ou un radical méthyle ;
- Z est un groupement divalent -C(=O)-O-, ou -C(=O)-NH- ;
- n est un nombre entier compris entre 2 et 200 ;
- R2 est un atome d'hydrogène ou un radical carbone, saturé ou insaturé, éventuellement aromatique, linéaire, ramifié ou cyclique, comprenant de 1 à 30 atomes de carbone, et de 0 à 4 hétéroatomes choisis dans le groupe comprenant O, N, et S ;
- 5 à 25 % d'au moins un monomère non ionique distinct du monomère de formule (I) ;
le copolymère présentant une densité de charge cationique comprise entre 0,3 et 2,6 meq/g".
III. La décision contestée se basait entre autres sur les moyens de preuve suivants :
D1 : WO 2005/049676 A1
D2 : JP 2001-181354 A
D6 : Essais complémentaires.
IV. Selon les motifs de la décision pertinents pour le présent recours :
a) Le rapport d'essais D6 soumis deux mois avant la procédure orale était écarté des débats en vertu de l'article 114(2) CBE.
b) La nouveauté des copolymères faisant l'objet de la requête subsidiaire 3 était reconnue vis-à-vis aussi bien de D1 que de D2.
c) Concernant l'activité inventive, l'art antérieur le plus proche ne pouvait être représenté que par l'enseignement de D1.
Le problème à résoudre tel que mentionné dans le brevet en litige était d'éviter la formation de précipités résultant de l'attraction ionique entre deux composés de charges opposées dans une composition cosmétique ou détergente.
D1 dont les copolymères selon la revendication 1 pouvaient posséder une cationicité supérieure à 2,6 meq/g ne décrivait cependant pas ce paramètre. Même si les copolymères des exemples de D1 possédaient une cationicité selon le brevet litigieux et conduisaient à des compositions stables, D1 ne suggérait pas la cationicité comme étant essentielle pour obtenir des compositions stables.
De plus, considérant les préférences exprimées dans D1 pour les monomères optionnels, l'enseignement le plus évident aurait été pour l'homme du métier d'ajouter des charges anioniques au copolymère, ce qui l'aurait conduit à des copolymères hors du champ de la revendication 1 en litige, d'autant plus que selon ses attentes des composés portant des charges de même signe se repoussent.
L'objet de la requête subsidiaire 3 faisait donc preuve d'activité inventive.
d) Le brevet pouvait donc être maintenu sur le fondement de la requête subsidiaire 3.
V. Un recours à l'encontre de cette décision a été formé par l'opposante (requérante). Une réponse au mémoire de recours de la requérante a été soumise par la titulaire (intimée).
VI. Aux fins de la préparation de la procédure orale, dont la citation a été signifiée aux parties en juin 2022, la Chambre a envoyé une notification datée du 9 février 2023 dans laquelle elle a donné une analyse préliminaire des points en litige.
VII. Par courrier du 3 mars 2023 l'intimée a soumis des données expérimentales et des arguments concernant la question de l'activité inventive au vu de ces données.
VIII. Au cours de la procédure orale tenue le 17 mars 2023, suite au délibéré et à l'énoncé de l'opinion de la Chambre selon laquelle la seule requête en instance n'impliquait pas d'activité inventive, l'intimée a soumis une requête subsidiaire dénommée ci-après "requête subsidiaire 1". La revendication 1 de cette requête subsidiaire porte sur l'utilisation dans une formulation cosmétique d'un copolymère hydrosoluble tel que défini au point II ci-dessus.
IX. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen n° 2 804 880.
X. L'intimée a demandé le rejet du recours (c'est-à-dire le maintien du brevet sur le fondement de la requête subsidiaire 3, remise lors de la procédure orale du 13 juin 2019) et, à titre subsidiaire, l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur le fondement de la requête subsidiaire 1 déposée pendant la procédure orale devant la Chambre.
XI. Les arguments de la requérante pertinents pour la présente décision sont indiqués ci-dessous dans les motifs de la décision. Ils sont essentiellement les suivants :
a) Les moyens invoqués par l'intimée dans sa lettre du 3 mars 2023 ainsi que les données expérimentales associées ne devraient pas être admis dans la procédure.
b) Les copolymères suivant la revendication 1 telle que maintenue par la division d'opposition sont antériorisés par D1.
c) Les copolymères suivant la revendication 1 sont en outre dépourvus d'activité inventive eu égard au copolymère 4 de D1 représentant l'état de la technique le plus proche.
d) La requête subsidiaire 1 ne devrait pas être admise dans la procédure.
XII. Les arguments de l'intimée pertinents pour la présente décision sont indiqués ci-dessous dans les motifs de la décision. Ils sont essentiellement les suivants :
a) Les essais fournis par lettre datée du 3 mars 2023 et les soumissions qui s'y rattachent devraient être admis dans la procédure.
b) Les copolymères suivant la revendication 1 telle que maintenue par la division d'opposition ne sont pas divulgués par D1.
c) Ils sont également inventifs, que les essais fournis par lettre datée du 3 mars 2023 et les soumissions qui y sont associées soient pris en compte ou non. Nonobstant que le choix du copolymère 4 de D1 en tant que point de départ pour l'analyse de l'activité inventive repose sur une approche a posteriori, un activité inventive partant d'une tel copolymère doit être reconnue.
d) La requête subsidiaire 1 devrait être admise à la procédure.
Requête subsidiaire 3 soumise lors de la procédure orale du 13 juin 2019
Nouveauté vis-à-vis de D1
1. La mise en cause par la requérante de la nouveauté des copolymères selon la revendication 1 vis-à-vis de D1 se fonde tout d'abord sur la revendication 1 dudit document portant sur un copolymère comprenant à l'état polymérisé :
(A) 60 à 99 % en poids d'au moins un monomère d'oxyde de polyalkylène monoéthyléniquement insaturé de formule générale (I) définie dans ladite revendication,
(B) 1 à 40 % en poids d'au moins un monomère azoté quaternisé monoéthyléniquement insaturé,
(C) 0 à 39% en poids d'un monomère monoéthyléniquement insaturé anionique, et
(D) 0 à 30% en poids d'un autre monomère monoéthyléniquement insaturé non ionique,
ledit polymère présentant un poids moléculaire moyen Mw de 2000 à 100 000.
Tel que souligné par la requérante, le monomère (A) peut être le méthacrylate de méthylpolyéthylèneglycol comportant de 5 à 30 unités d'éthylèneglycol qui est divulgué à la page 4, lignes 23-25 de ce document. Ce composé est selon ledit passage le monomère (A) particulièrement préféré. Il est accepté que ce composé préféré de D1 est un monomère de formule (I) selon la revendication 1 présente.
Il n'est pas non plus contesté que les monomères azotés quaternisés monoéthyléniquement insaturés (B) envisagés dans D1 (passage de la page 4, ligne 34 à la page 6, ligne 9), et ceux qui sont préférés (revendication 3 et page 5, lignes 1-15), sont des monomères cationiques vinyliques possédant une fonction ammonium quaternaire et dont la cationicité provient exclusivement de fonction(s) ammonium quaternaire(s), c'est-à-dire des monomères répondant également à la définition de la revendication 1 présente.
Il est en outre reconnu, au vu notamment de la définition des quantités de monomères (A) et (B) dans la revendication 1 de D1, c'est-à-dire de 60 à 99 % en poids et de 1 à 40 % en poids, respectivement, que le groupe des copolymères divulgués dans D1 se chevauche en grande partie avec le groupe de copolymères selon la revendication 1 présente.
1.1 La requérante soutient que la définition d'une quantité de 5 à 25 % en poids d'au moins un monomère non ionique distinct du monomère de formule (I) dans la revendication 1 présente ne peut justifier la nouveauté du copolymère revendiqué, étant donné que D1 divulgue dans sa revendication 1 une quantité allant jusqu'à 30 % en poids d'un tel monomère en tant que monomère (D).
De plus, selon la requérante, la densité de charge cationique définie à la revendication 1 ne pourrait engendrer la nouveauté, car ce paramètre est intimement lié à la quantité des monomères cationiques vinyliques possédant une fonction ammonium quaternaire, ladite quantité ne représentant pas une caractéristique distinctive vis-à-vis de D1.
En d'autres termes, la nouveauté de l'objet revendiqué ne pourrait provenir du simple choix dans l'enseignement de D1 d'utiliser de 5 à 25 % en poids d'au moins d'un monomère non ionique (D). Contrairement au raisonnement tenu par la division d'opposition, il importerait peu que l'utilisation d'un monomère optionnel dans D1 se porte préférentiellement sur le monomère (C), dès lors que l'utilisation de (D) y serait également divulguée.
1.2 L'intimée ne conteste pas qu'un copolymère comprenant les monomères (A), (B) et (D) selon D1 soit englobé par l'enseignement de la revendication 1 de ce document (réponse au mémoire de recours, page 5, paragraphes 1 à 3). Elle argue cependant que D1 ne divulgue pas de copolymères constitués desdits monomères, le monomère (D) étant présent dans une quantité comprise entre 5 et 25 % en poids, la préférence étant donnée dans D1 au monomère optionnel (C) (réponse au mémoire de recours, page 5, paragraphe 4 et suivants). En outre, le choix d'une plage de densité de la charge cationique comprise entre 0,3 et 2,6 meq/g constituerait selon l'intimée une sélection supplémentaire dans l'enseignement de D1 qui serait nécessaire pour arriver à l'objet présentement revendiqué.
2. La Grande Chambre a rappelé dans la décision G 2/10 (JO 2012, 376, point 4.3 des motifs) la norme de référence concernant la notion de divulgation qui est ancrée dans la jurisprudence des chambres de recours depuis l'avis G 3/89 (JO 1993, 117) et la décision G 11/91 (JO 1993, 125). Est divulgué ce que l'homme du métier est objectivement en mesure, à la date du document concerné, de déduire directement et sans équivoque de l'ensemble du document, au moins implicitement, en se fondant sur les connaissances générales dans le domaine considéré. Cette norme a été confirmée dans la décision G 1/16 (JO 2018, A70, points 17 et 18 des motifs).
La Grande Chambre a de plus souligné dans la décision G 2/10 (point 4.6 des motifs) citant G 1/03 (JO 2004, 413, point 2.2.2 des motifs) l'importance d'appliquer de manière uniforme la notion de divulgation pour les critères des articles 54, 87 et 123 CBE. Conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, un document de l'état de la technique détruit donc la nouveauté de l'objet revendiqué si un tel objet découle pour l'homme du métier directement et sans ambiguïté d'une antériorité, y compris implicitement.
Conformément à la jurisprudence des chambres de recours, le terme "divulgation implicite" désigne une divulgation que tout homme du métier considérerait objectivement comme découlant nécessairement du contenu explicite, c'est-à-dire comme la conséquence directe et non équivoque de ce qui est mentionné explicitement (voir jurisprudence des chambres de recours de l'Office européen des Brevets, 10ème édition, I.C.4.3).
Un critère qui n'est pas destiné à se substituer à la norme de référence indiquée ci-dessus, mais constitue une aide pour évaluer le caractère nouveau de l'objet revendiqué dans le cas d'un chevauchement avec l'art antérieur de plages de valeurs ou de groupes de composés est de savoir si l'homme du métier aurait envisagé sérieusement de mettre en application l'enseignement technique du document antérieur dans la zone de chevauchement ; si l'on peut raisonnablement supposer que ce serait le cas, il y a un manque de nouveauté. (Jurisprudence, supra, I.C.6.3.2 et I.C.6.2.2).
3. En application des critères pour l'évaluation de la nouveauté énoncés ci-dessus, il convient de constater pour le cas d'espèce que D1 :
- divulgue à la page 8, lignes 30-31 que les copolymères peuvent être obtenus par polymérisation radicalaire des monomères (A) et (B) et, si on le souhaite, (C) et/ou (D). Ceci implique qu'un groupe de copolymères constitués desdits monomères polymérisés, c'est-à-dire obtenus exclusivement par polymérisation des monomères (A) et (B) et, si on le souhaite, (C) et/ou (D) est divulgué,
- incite directement et sans équivoque par voie de préférences exprimées dans ce même document l'homme du métier à utiliser des monomères (A) et (B) correspondant aux deux premiers monomères définis dans la revendication 1 présente dans des quantités correspondant également à ce qui est défini dans la revendication 1 en litige (voir point 1 ci-dessus),
- exprime, tenant compte des passages auxquels se réfère l'intimée, une préférence pour
(i) les copolymères constitués de (A) et (B), dont le copolymère 1 (page 11) et le copolymère 4 (pages 12 et 13) sont des exemples, et
(ii) les copolymères constitués de (A), (B) et (C) (copolymères 2, 3 et 5, pages 11 à 13; page 7, lignes 13-17 concernant la quantité minimum préférentielle pour le monomère (C) et son ratio en poids par rapport au monomère (A))
- n'indique aucune préférence, même implicite, pour des copolymères consistant des monomères (A), (B) et (D), et
- n'exprime aucune préférence pour la quantité de monomère (D), si celui-ci est utilisé.
4. En conséquence, bien qu'un ensemble de copolymères obtenus exclusivement par polymérisation des monomères (A) et (B) et optionnellement (C) et/ou (D) soit implicitement divulgué par D1 et que cet ensemble englobe conceptuellement des copolymères consistant des monomères (A), (B) et (D), aucun passage de ce document dirigeant l'homme du métier vers l'utilisation de (D) sans (C), qui plus est avec une quantité minimum de monomère (D) telle que définie dans la revendication 1 présente, dans un copolymère consistant de ces trois monomère n'a été cité par la requérante. La Chambre en conclut que la requérante n'a pas démontré que l'objet revendiqué découle directement et de façon non équivoque de l'état de la technique invoqué.
L'objection pour manque de nouveauté soulevée par la requérante ne peut donc être retenue.
Activité inventive
5. Lors de la procédure orale devant la Chambre la requérante, conformément à ses écritures (mémoire de recours, page 8, lignes 4-6), a soumis une objection se fondant sur le copolymère 4 de D1 en tant qu'état de la technique le plus proche, alors que l'intimée a estimé qu'une telle objection utilisant ce copolymère en tant que point de départ pour l'analyse de l'activité inventive relevait d'une démarche a posteriori.
Etat de la technique le plus proche
6. Selon la jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, l'état de la technique le plus proche est normalement un objet conçu dans le même but ou visant à atteindre les mêmes objectifs que l'invention revendiquée et présentant pour l'essentiel des caractéristiques techniques semblables, à savoir qui appelle peu de modifications structurelles (Jurisprudence, supra, I.D.3.1). Cette façon de déterminer l'état de la technique le plus proche vise à se placer de manière réaliste dans la situation dans laquelle l'inventeur était réputé se trouver à la date de l'invention, évitant ainsi une analyse rétrospective et artificielle de l'activité inventive en connaissance de l'invention, ce qui serait inadmissible.
6.1 Selon les paragraphes [0013] à [0016] du brevet en litige, l'invention présente vise à fournir des copolymères pouvant être utilisés en tant qu'agent conditionneur dans des formulations cosmétiques ou agent d'aide à la déposition dans les lessives, tout en palliant la formation de précipités liée à l'incompatibilité des polymères cationiques avec les espèces anioniques comprises dans les formulations cosmétiques ou les lessives.
6.2 L'invention selon D1 concerne des additifs polymères cationiques présentant une détergence primaire (élimination des salissures au bout d'un cycle de lavage) et secondaire (anti-redéposition et anti-incrustation après plusieurs cycles de lavage) qui peuvent être incorporés facilement dans des formulations de lavage liquides (page 2, lignes 35-38 ; page 10, lignes 28-34). Les additifs selon l'invention de D1 n'affectent pas la stabilité et l'homogénéité des lessives liquides et ne conduisent pas, même après un stockage prolongé, à des phénomènes indésirables de séparation de phases ou de formation de précipités (D1, page 10, lignes 38-41). Même si la partie expérimentale de D1 ne décrit pas la stabilité des formulations de lavage testées comprenant les copolymères exemplifiés dans D1, il n'y a aucune raison pour l'homme du métier de douter que cet enseignement général relatif à la stabilité et l'homogénéité des lessives liquides comprenant les copolymères selon D1, même après un stockage prolongé, ne s'applique pas aux copolymères exemplifiés dans ce document.
6.3 L'intimée a argué lors de la procédure orale que l'invention en litige résidait dans la compatibilité des copolymères revendiqués avec les espèces anioniques, en l'absence d'autres composés. L'invention selon D1 concernait en revanche la stabilité des compositions, en l'occurrence des lessives liquides, comprenant ces deux composés. La formation d'un voile blanchâtre résultant d'un manque de compatibilité entre certains copolymères cationiques et les espèces anioniques ne saurait être remarquée dans une lessive liquide. De plus, les polymères cationiques de D1 résoudraient selon l'intimée un autre problème, c'est-à-dire empêcher les salissures éliminées au cours du lavage de se redéposer sur la fibre textile.
Il est exact que D1 met avant tout l'accent sur les avantages apportés par les polymères cationiques en termes de leur utilisation, en particulier la détergence secondaire, tel que montré dans la partie expérimentale de D1, alors que le brevet en litige évoque plus généralement leur utilisation dans le domaine de la cosmétique et de la détergence, sans pour autant concerner un effet spécifique relatif à la fonction cosmétique ou de détergence.
Néanmoins, tel qu'il est indiqué au paragraphe [0015] du brevet litigieux et illustré par sa partie expérimentale dans les paragraphes [0060] et [0061], le but ultime sous-jacent à l'amélioration de compatibilité des polymères cationiques et espèces anioniques, telle que recherchée dans le brevet litigieux, est d'éviter la formation de particules insolubles, c'est-à-dire d'un précipité, contre-indiqué dans les formulations du type shampooing, lessive, ou adoucissant, c'est-à-dire dans des compositions qui ne comprennent pas uniquement ces deux espèces ioniques.
De plus, même si l'argument de l'intimée concernant la formation d'un voile blanchâtre est retenu, il convient de souligner, en accord avec l'information donnée au paragraphe [0015] dans la partie introductive du brevet litigieux, que pour l'homme du métier la formation d'un précipité lors de l'utilisation de ces deux espèces ioniques de charges opposées est connue résulter de l'incompatibilité de ces deux espèces ioniques et de la coalescence de particules colloïdales en suspension dont la formation est à l'origine du voile blanchâtre invoqué par l'intimée.
6.4 Par ailleurs, le copolymère 4 de D1 est représentatif des mesures préférentiellement enseignées dans ce document, tant par la nature des monomères utilisés, que leur quantité (voir point 3 ci-dessus), de telles préférences concernant implicitement pour l'homme du métier des mesures avantageuses pour la réalisation des objectifs techniques mentionnés dans D1, en particulier la fourniture d'additifs qui n'affectent pas la stabilité et l'homogénéité des lessives liquides et ne conduisent pas, même après un stockage prolongé, à des phénomènes indésirables de séparation de phases ou de formation de précipités.
6.5 Dans ces conditions, la Chambre conclut que l'homme du métier souhaitant résoudre le problème que pose le brevet en litige serait dirigé vers l'enseignement de D1, et en particulier le copolymère 4 de ce document, ce qui au vu de ce qui précède ne saurait relever d'une démarche a posteriori, contrairement aux prétentions de l'intimée.
6.6 L'intimée a suggéré que le copolymère 3 de D1 possédant des performances détergentes primaires et secondaires, supérieures à celles du copolymère 4, constituerait un point de départ plus prometteur pour l'homme du métier (réponse au mémoire de recours, page 10, deuxième paragraphe complet). Compte tenu du fait que l'objet du brevet en litige ne porte pas sur l'amélioration des propriétés de détergence, cet argument ne saurait convaincre. En tout état de cause, D1 n'enseigne pas que le copolymère 3 de D1 ait des propriétés de stabilité supérieures à celle du copolymère 4. Au vu des propriétés de stabilité recherchées, l'homme du métier n'aurait donc pas été incité à privilégier le copolymère 3 comme point de départ pour l'invention présente. Il n'a également pas été argué, et encore moins démontré, qu'un autre copolymère divulgué dans D1 soit structurellement plus proche des copolymères revendiqués que le copolymère 4 de ce document.
6.7 Dans ces conditions, la Chambre considère que le copolymère 4 de D1 peut-être légitimement considéré représenter l'état de la technique le plus proche.
Caractéristique distinctive
7. En accord avec les parties, la Chambre constate que les copolymères selon la revendication 1 en litige se distinguent du copolymère 4 de D1 par la seule utilisation additionnelle de 5 à 25 % en poids d'au moins un monomère non ionique distinct du monomère de formule (I). Bien que la densité de charge cationique du copolymère 4 de D1 ne soit pas exprimée dans D1, il n'est pas contesté que celle-ci avec une valeur de 0,82 meq/g (réponse au mémoire de recours, tableau en haut de la page 6) tombe dans le domaine de valeurs défini à la revendication 1 en litige.
Admissibilité des soumissions de l'intimée effectuées avec la lettre du du 3 mars 2023
8. L'intimée a soumis par lettre du 3 mars 2023 des données expérimentales (page 1, deuxième paragraphe) venant compléter le raisonnement préalablement exposé et dont la recevabilité, ainsi que celle des arguments qui s'y rapportent, est contestée par la requérante. En vertu de l'article 13(2) RPCR 2020, l'admission de ces soumissions qui représentent une modification des moyens survenue après la signification de la citation à la procédure orale est laissée à l'appréciation de la chambre, une telle modification n'étant, en principe, pas prise en compte, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, que la partie concernée a justifiées avec des raisons convaincantes.
Selon les déclarations de l'intimée lors de la procédure orale, ces essais, nécessitant l'utilisation d'une mesure par spectrométrie plus précise, auraient été non seulement réalisés dans l'urgence compte tenu d'un changement de personnel chez l'intimée, mais également afin de répondre à l'avis préliminaire de la Chambre.
Leur but serait de démontrer que l'utilisation du monomère non ionique distinct du monomère de formule (I) dans une quantité telle que revendiquée, c'est-à-dire la caractéristique distinctive vis-à-vis l'art antérieur le plus proche constitué par le copolymère 4 de D1, permet d'améliorer et d'optimiser la compatibilité entre le copolymère cationique et les tensioactifs anioniques (page 1, quatrième paragraphe).
L'intimée n'a cependant pas montré, ni même indiqué, quel aspect de l'évaluation de l'activité inventive partant du copolymère 4 du document D1 tel que donnée dans l'avis préliminaire de la Chambre ne ressortirait pas des écritures de la requérante. Ceci n'est pas non plus apparent. Les arguments présentés par l'intimée en soutien des nouveaux essais démontrent au contraire que de tels essais et les arguments y afférents auraient pu et dû être soumis en réponse au mémoire de recours.
La Chambre, en vertu des dispositions de l'Article 13(2) RPCR 2020 a donc décidé que les moyens invoqués dans la lettre de l'intimée du 3 mars 2023 et les données expérimentales associées ne peuvent être pris en compte.
Problème effectivement résolu
9. La requérante soumet qu'en l'absence d'effet technique lié à la caractéristique distinctive identifiée au point 7 ci-dessus, le problème résolu par l'objet de la revendication 1 vis-à-vis du copolymère 4 de D1 est la mise à disposition d'autres copolymères cationiques compatibles avec des formulations cosmétiques ou détergentes comprenant des espèces anioniques.
Hormis une amélioration et optimisation de la compatibilité entre le copolymère cationique et les tensioactifs anioniques que l'intimée a fait valoir dans ses moyens invoqués dans la lettre du 3 mars 2023, qui cependant n'ont pas été pris en compte, une autre formulation du problème résolu par les copolymères en litige par rapport au copolymère 4 de D1 n'a pas été proposée par l'intimée. De plus, outre les données expérimentales soumises par lettre du 3 mars 2023 qui n'ont également pas été prises en compte dans la procédure de recours, l'intimée n'a pas apporté de données expérimentales ayant trait à une comparaison de la stabilité obtenue avec le copolymère 4 de D1 avec celle obtenue avec des polymères selon la revendication en litige, a fortiori une comparaison sensée démontrer l'existence d'un avantage technique résultant de la seule caractéristique distinctive. Quant aux arguments de l'intimée relatifs à l'effet de la densité de charge cationique pour résoudre le problème lié à l'incompatibilité entre espèces de charges opposées (réponse au mémoire de recours, page 2, dernier paragraphe et pages 3 et 4, section II), ceux-ci ne sont pas pertinents, car ils ne concernent pas la caractéristique distinctive vis-à-vis de l'état de la technique le plus proche (voir point 7 ci-dessus).
De plus, tel qu'indiqué au point 6.2 ci-dessus, D1 enseigne que les copolymères de D1 n'affectent pas la stabilité et l'homogénéité des lessives liquides et ne conduisent pas, même après un stockage prolongé, à des phénomènes indésirables de séparation de phases ou de formation de précipités. La Chambre, en l'absence de preuve du contraire, accepte donc que les copolymères selon la revendication 1 en litige, en particulier dans leur zone de chevauchement avec le groupe de copolymères défini à la revendication 1 de D1, apportent lors de leur utilisation dans des formulations cosmétiques ou détergentes comprenant des espèces anionique une compatibilité et donc une stabilité similaire à celle obtenue avec les copolymères de D1.
Dans ces circonstances, le problème effectivement résolu par l'objet de la revendication 1 est la mise à disposition d'autres copolymères cationiques compatibles avec des formulations cosmétiques ou détergentes comprenant des espèces anioniques.
Evidence de la solution
10. Il reste encore à déterminer si l'homme du métier souhaitant résoudre ledit problème aurait, au vu de l'état de la technique disponible, trouvé évident de modifier le copolymère 4 de D1 d'une manière le conduisant à des copolymères selon la revendication 1 en litige.
10.1 Il est évident que l'homme du métier se tournerait face à ce problème vers l'enseignement de D1 qui concerne également la préparation de copolymères cationiques compatibles avec des formulations cosmétiques ou détergentes comprenant des espèces anioniques (voir point 6.2 ci-dessus). A cet égard, D1 enseigne un groupe de copolymères consistant des monomères (A) et (B) et, si on le souhaite, (C) et/ou (D), (D) étant un autre monomère monoéthyléniquement insaturé non ionique présent dans une quantité allant jusqu'à 30 % en poids du copolymère (voir points 1 et 3 ci-dessus).
Même si cet enseignement donné à la revendication 1 ou au passage page 8, lignes 30-31 de D1 ne divulgue pas de terpolymères consistant des monomères (A), (B) et (D), l'homme du métier y aurait identifié de manière évidente cette famille de terpolymères au vu du faible nombre de combinaisons entre les différents types de comonomères (A) à (D) qu'offre ledit enseignement.
Il en découle que l'homme du métier partant du copolymère 4 constitué d'un monomère du type (A) et d'un type (B), aurait trouvé dans D1 la suggestion d'utiliser en tant que seul comonomère additionnel un autre monomère monoéthyléniquement insaturé non ionique (D) dans une proportion allant jusqu'à 30% en poids, afin de résoudre le problème identifié au point 9 ci-dessus. C'est plus particulièrement le cas pour l'incorporation de faibles quantités de comonomère de type (D) considérant que les comonomères implicitement essentiels pour obtenir la stabilité selon D1 sont ceux de types (A) et (B). Il n'est également pas contesté que tous les monomères monoéthyléniquement insaturés non ioniques identifiés dans D1 (passage de la page 7, ligne 24 à la page 8, ligne 21) sont distincts du monomère non ionique (A) du copolymère 4.
10.2 En outre, le choix parmi les quantités de monomère (D) préconisées dans D1 (allant jusqu'à 30% en poids) d'un pourcentage compris entre 5 à 25 % en poids est arbitraire dans le sens où il n'est pas lié à l'obtention d'un effet particulier pour le groupe de copolymères qui en résulte. Un tel choix arbitraire parmi les quantités préconisées dans D1 ne saurait revêtir un caractère inventif. Faisant cela, l'homme du métier aurait également été amené à respecter les quantités préférées pour les constituants essentiels des copolymères de D1 que sont les monomères (A) et (B), c'est-à-dire respectivement de 65 à 95 % en poids et de 3 et 30 % en poids, arrivant ainsi à des copolymères selon la revendication 1 en litige.
L'argument de l'intimée selon lequel l'homme du métier n'aurait pas considéré l'introduction du monomère non ionique (D), ou alors dans un copolymère comprenant également le monomère anionique (C), n'est pas convaincant, dès lors que le problème à résoudre ne concerne pas la fourniture d'un additif améliorant la compatibilité avec des formulations cosmétiques ou détergentes comprenant des espèces anioniques. Il est rappelé à ce sujet que la réponse à la question de savoir ce que l'homme du métier aurait fait est déterminée au vu du résultat qu'il souhaite obtenir (voir décision T 0939/92, JO OEB 1996, 309, point 2.5.3 des motifs de la décision). En l'espèce, l'homme du métier cherchant simplement à mettre à disposition d'autres copolymères cationiques compatibles avec des formulations cosmétiques ou détergentes comprenant des espèces anioniques aurait considéré toute suggestion émanant de l'enseignement de D1. Il aurait en particulier, comme indiqué ci-dessus, considéré des copolymères consistant des monomères (A), (B) et (D).
10.3 Quant à la densité de charge cationique, celle-ci ne dépend que du pourcentage en poids du monomère (B) dans le copolymère et du poids moléculaire de ce monomère, étant donné que les autres monomères ne portent pas de charge cationique (voir le mémoire de recours, page 8, deuxième paragraphe complet).
Il en résulte que la substitution évidente d'une quantité de monomère (A) dans le copolymère 4 de D1 par une quantité correspondante de monomère (D), c'est à dire tout en maintenant la quantité de monomère (B), n'a aucune incidence sur la densité de charge cationique, qui reste donc celle du copolymère 4, correspondant à celle présentement revendiquée. De plus, La substitution d'une partie du monomère (B) du copolymère 4 de D1 par une quantité équivalente de monomère (D) aboutit également à une densité de charge cationique inchangée, c'est-à-dire conforme à la revendication 1 en litige, si la quantité de monomère (B) ne va pas en deçà de 7 % en poids, et compte tenu de la remarque précédente, quelle que soit la quantité de monomère (A) remplacée par une quantité équivalente de monomère (D). Il en résulte que la vaste majorité desdites substitutions évidentes pour l'homme du métier au regard de D1 lorsqu'il est souhaité résoudre le problème identifié au point 9 ci-dessus conduit à des copolymères répondant à la définition de la revendication 1 en litige.
10.4 En conséquence, l'homme du métier partant du copolymère 4 de D1 constitutif de l'état de la technique le plus proche et voulant résoudre le problème défini au point 9 ci-dessus parviendrait de manière évidente à des modes de réalisation couverts par la revendication 1 en litige.
10.5 Il en découle que l'objet de la revendication 1 ne remplit pas les conditions de l'article 56 CBE.
Recevabilité de la requête subsidiaire 1
11. Conformément aux dispositions des articles 13(1) et 13(2) RPCR 2020, l'admission de la requête subsidiaire 1 remise lors de la procédure orale, suite au délibéré concernant la seule requête en instance, est non seulement sujette à la discrétion de la Chambre, mais subordonnée à l'existence de circonstances exceptionnelles devant être démontrées de manière convaincante par la partie soumettant cette nouvelle requête.
L'intimée a invoqué à cet égard que l'avis préliminaire de la Chambre lui serait parvenu tardivement et qu'elle eût été surprise que la Chambre, attachant une attention particulière aux similitudes structurelles pour déterminer l'état de la technique le plus proche, ne partage pas la position de la division d'opposition sur la question de l'activité inventive. Ceci constituerait selon l'intimée des circonstances exceptionnelles justifiant la recevabilité de la requête subsidiaire 1.
Une telle argumentation ne saurait tout d'abord justifier la remise de cette nouvelle requête vers la fin de la procédure orale. Tel qu'indiqué au point 8 ci-dessus, l'objection d'activité inventive partant du copolymère 4 de D1 comme état de la technique le plus proche avait été soumise dès le début de la procédure de recours et la position de la Chambre exprimée dans la notification au titre de l'article 15(1) RPCR 2020 reposait sur les écritures de la requérante. Des éléments nouveaux au débat soumis lors de la procédure orale n'ont pas non plus été invoqués.
Dès lors que l'avis de la Chambre se fonde sur les soumissions d'une des parties dans une procédure inter partes, le fait que la Chambre ne suive pas les prétentions d'une partie, mais la position de la partie adverse, découle de la nature même de cette procédure entre deux parties ayant des vues opposées. L'intimée aurait dû prendre en compte une telle éventualité et les circonstances qu'elle invoque ne sauraient donc être qualifiées d'exceptionnelles.
De plus, la restriction opérée dans la requête subsidiaire 1, c'est-à-dire l'utilisation des copolymères dans des formulations cosmétiques, nécessiterait une tout autre analyse de l'activité inventive. Le choix d'un des copolymères de D1 comme état de la technique le plus proche devrait être en particulier remis en question, ce document ne portant que sur des lessives liquides. Dans ces conditions, admettre la requête subsidiaire 1 à la procédure eût nécessité un report de la procédure orale, nuisant au principe d'économie de la procédure.
Conformément aux dispositions de l'Article 13(2) RPCR 2020 et au pouvoir d'appréciation que l'Article 13(1) RPCR 2020 confère à la Chambre, la requête subsidiaire 1 n'est pas prise en compte.
12. L'objet de la revendication 1 telle que maintenue par la division d'opposition n'étant pas inventif et la requête subsidiaire 1 n'étant pas admise dans la procédure, le brevet en litige est à révoquer.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.