T 0005/89 (Appareil de purification d'air) 06-07-1990
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Révocation faisant suite à des objections formulées par le titulaire du brevet à l'encontre du texte notifié conformément à la règle 58 (4) CBE (justifié)
Renvoi à la division d'opposition (non)
Saisine de la Grande Chambre de recours (non)
I. Les requérants sont titulaires du brevet européen n° 0 100 907 (n° de dépôt de la demande 83 106 922.4).
II. L'intimé (opposant) a formé opposition à ce brevet, au motif que son objet n'impliquait pas d'activité inventive, notamment par rapport aux documents suivants :
DE-A-2 824 041 (D1) ;
DE-A-2 820 314 (D2) ;
"Taschenbuch für die Textilindustrie", Fachverlag Schiele & Schön GmbH, Berlin 1980, p. 256 et 262 (D4) ;
CH-A-586 304 (D5) ;
DE-C-2 951 827 (D6) et
DE-A-2 400 827 (D10) (cité après expiration du délai d'opposition).
III. Lors d'une procédure orale qui s'est tenue le 5 juillet 1988 devant la division d'opposition, les requérants ont notamment présenté, outre une requête principale visant au maintien du brevet sous une forme à peine modifiée, une première requête subsidiaire dans laquelle ils demandaient le maintien du brevet sous une forme modifiée essentiellement par la suppression de la revendication 2 indépendante du brevet délivré.
A l'issue de la procédure orale, le président de la division d'opposition a indiqué aux parties qu'il était envisagé de maintenir le brevet européen dans sa forme modifiée conformément à la première requête subsidiaire des requérants, et qu'il serait établi une notification en application de la règle 58(4) CBE.
IV. Suite à la notification annoncée au cours de la procédure orale et établie le 28 juillet 1988 conformément à la règle 58(4) CBE, les requérants ont soulevé, le 29 août 1988, des objections à l'encontre du texte dans lequel le brevet devait être maintenu, au motif qu'ils considéraient également comme brevetable l'objet de la revendication 2 du brevet tel que délivré.
Aucune objection n'a été soulevée de la part de l'opposant.
V. Dans une décision en date du 17 novembre 1988, qui comportait sur sa page de titre la mention "Décision intermédiaire au sens de l'article 106(3) CBE", le brevet a été révoqué au motif que l'objet de la revendication 2 n'impliquait pas d'activité inventive comme l'exige l'article 56 CBE.
VI. C'est contre cette décision que les titulaires du brevet ont formé un recours.
VII. Une procédure orale a eu lieu.
VIII. Les requérants (titulaires du brevet) demandent l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet dans sa forme modifiée, les modifications consistant à remplacer le terme "habitacles de véhicule" par "habitacles de véhicule automobile" dans toutes les pièces du brevet délivré (requête principale).
Le jeu de revendications selon la requête principale comporte notamment une revendication indépendante 2 libellée comme suit :
"2. Utilisation d'un filtre plan flexible comportant une couche porteuse perméable à l'air en mousse, mat de fibres, tissu ou caoutchouc et en grains de charbon actif fixés à la couche sur des colonnes porteuses en une masse durcie adhésive, les grains ayant un diamètre d'environ 0,5 mm, dans un appareil de purification d'air pour éliminer dans des habitacles de véhicule automobile des matières odorantes et des matières nuisibles."
A titre subsidiaire, les requérants demandent que le brevet soit maintenu dans le texte déposé le 10 juin 1990, le terme "habitacles de véhicule" étant toutefois remplacé par "habitacles de véhicule automobile" dans la revendication 2 (1ère requête subsidiaire).
Ce jeu de revendications selon la 1ère requête subsidiaire comporte notamment une revendication 2 indépendante qui ne se distingue de la revendication 2 correspondante selon la requête principale que par l'adjonction d'une nouvelle caractéristique, à savoir que la quantité de grains de charbon actif est comprise entre 20 et 5000 g/m2.
A titre subsidiaire, les requérants demandent que le brevet soit maintenu dans le texte figurant dans la notification en date du 28 juillet 1988 établie conformément à la règle 58(4) CBE (2e requête subsidiaire).
Le jeu de revendications selon la 2e requête subsidiaire comporte comme unique revendication indépendante la revendication 1, qui est libellée comme suit :
"1. Utilisation d'un filtre plan flexible comportant une couche porteuse perméable à l'air en une texture plane qui comporte des fibres hétérophiles qui présentent deux composants disposés coaxialement et dont le composant externe devient, lors d'une température élevée, mou et collant sans fondre, de sorte que des grains de charbon actif y sont fixés, dans un appareil de purification d'air pour éliminer dans les habitacles de véhicule automobile des matières odorantes et des matières nuisibles."
Les autres revendications 2 à 5 se réfèrent à la revendication 1.
L'intimé (opposant) demande le rejet du recours (requête principale).
A titre subsidiaire, il demande que l'affaire soit renvoyée à la division d'opposition ou bien que la Grande Chambre de recours soit saisie de la question suivante :
"Si, dans la décision attaquée, la division d'opposition n'a pas motivé son intention initiale de faire droit à une requête subsidiaire d'une partie, qui a été retirée, et que cette partie présente à nouveau cette requête subsidiaire devant la chambre de recours, cette dernière peut-elle statuer elle-même sur ladite requête ou doit-elle renvoyer l'affaire à la division d'opposition ?".
IX. Les arguments avancés par les requérants à l'appui de leurs requêtes peuvent se résumer comme suit :
(...)
X. L'intimé a développé essentiellement l'argumentation suivante :
(...)
En outre, la décision attaquée est entachée d'une irrégularité dans la mesure où elle n'indique pas les motifs pour lesquels la division d'opposition a approuvé le maintien du brevet dans le texte figurant dans la notification établie conformément à la règle 58(4) CBE, le 28 juillet 1988, c'est-à-dire dans un texte qui comportait déjà une revendication 1 correspondant à la requête principale et aux requêtes subsidiaires présentées en l'espèce par les requérants. Il s'ensuit que la Chambre de recours ne peut pas rendre une décision positive et définitive sur cette revendication, sans faire perdre également à l'intimé le bénéfice d'une instance, et qu'elle doit par conséquent renvoyer le cas échéant l'affaire à la première instance ou tout au moins soumettre à la Grande Chambre de recours la question de la nécessité d'un tel renvoi.
1. Le recours est recevable.
2. Sur la procédure d'opposition
2.1. Suite à la notification établie conformément à la règle 58(4) CBE, qui laissait entrevoir le maintien du brevet dans sa forme modifiée selon la première requête subsidiaire d'alors, les titulaires du brevet (requérants) ont émis des objections (cf. point IV). La division d'opposition a alors rendu sa décision en date du 18 septembre 1988, qui était certes munie d'une page de titre à l'évidence erronée ("Décision intermédiaire au sens de l'article 106(3) CBE"), mais qui constituait sans ambiguïté une décision de révocation (cf. dernier paragraphe de la décision). La division d'opposition y a limité les motifs qu'elle invoquait aux revendications 2 à 6, soit en fait à la requête principale des titulaires du brevet, et elle n'a plus pris position sur leurs requêtes subsidiaires. A l'évidence, elle a en effet interprété les "objections" en ce sens que les titulaires du brevet n'étaient plus d'accord sur le texte selon les requêtes subsidiaires, et considéré que celles-ci devaient donc être réputées retirées.
Cette interprétation n'appelle aucune critique étant donné que les "objections" signifient un refus (contrairement à une approbation sous condition, telle que l'exprime une requête subsidiaire), à savoir un refus du texte notifié conformément à la règle 58(4) CBE, c'est-à-dire en premier lieu du texte de la première requête subsidiaire. Le fait de motiver les objections en ces termes, "car ils considèrent également comme brevetable l'objet de la revendication 2 du brevet européen n° 100 907 tel que délivré", laisse supposer que seule la requête principale est maintenue, car celle-ci est la seule qui contienne, outre les revendications selon la première requête subsidiaire, également la revendication 2.
En vertu de l'article 113(2) CBE, aucune décision intermédiaire relative au maintien du brevet dans sa forme modifiée ne saurait se fonder sur un texte rejeté.
2.2. Cela étant, depuis la décision T 234/86 de la chambre de recours 3.4.1 (JO OEB 1989, 79), qui a été publiée après la présente décision de la division d'opposition, la pratique suivie en matière de procédure d'opposition s'est modifiée de telle sorte que lorsque des requêtes principales et subsidiaires ont été présentées, il est possible, et même parfois nécessaire, de rejeter la requête principale et de faire droit simultanément à une requête subsidiaire dans une même décision (en cas de modification des pièces : décision intermédiaire selon l'article 106(3) CBE). Il s'ensuit qu'un titulaire de brevet qui réagit négativement à une notification de la division d'opposition relative à une requête subsidiaire n'entend pas forcément retirer ladite requête, mais qu'il entend peut-être objecter également au fait que la division d'opposition ne veut pas faire droit à la requête principale.
Avant que la division d'opposition ne rende une décision négative limitée à une seule requête principale du titulaire du brevet, elle doit s'assurer que ce dernier a expressément retiré toutes les requêtes secondaires.
De l'avis de la Chambre, une décision ainsi limitée aurait, en l'espèce, contrevenu par exemple à l'obligation de motiver les décisions (règle 68(2) CBE) si les titulaires du brevet avaient maintenu expressément leurs différentes requêtes, même s'ils avaient simultanément refusé de donner leur accord sur le texte proposé ou s'ils n'avaient pas répondu à la notification établie conformément à la règle 58(4) CBE, ce qu'ils auraient pu faire sans subir une perte de droit conformément à la jurisprudence de la Grande Chambre de recours (G 1/88, JO OEB 1989, 189).
Toutefois, la division d'opposition pouvait en l'espèce considérer la lettre des titulaires du brevet en date du 29 août 1988 comme un retrait des deux requêtes subsidiaires, car une telle interprétation découle, de l'avis de la Chambre, du sens habituel et normal des expressions utilisées. La décision attaquée ne contrevient donc pas à la règle 68(2) CBE.
3. Requête principale des requérants
(...)
Pour toutes ces raisons, l'objet de la revendication 2 n'implique pas d'activité inventive (article 56 CBE) et ne constitue donc pas une invention brevetable au sens de l'article 52 CBE.
3.3. Etant donné que la requête principale englobe la revendication indépendante 2, il ne peut y être fait droit. La 2e requête subsidiaire porte sur un jeu de revendications contenant seulement les revendications 1 et 3 à 6.
4. 1ère requête subsidiaire
(...)
Par conséquent, l'objet de la revendication 2 selon la 1ère requête subsidiaire des requérants n'est pas brevetable (article 52 en liaison avec l'article 56 CBE), de sorte qu'il ne peut pas non plus être fait droit à cette requête.
5. 2e requête subsidiaire des requérants
(...)
5.4. En conséquence, l'objet de la revendication 1 selon la 2e requête subsidiaire des requérants est brevetable (article 52 CBE), ainsi que celui des autres revendications 2 à 5, celles-ci se référant à la revendication 1.
Etant donné que pour les motifs indiqués plus haut, le brevet dans le texte selon la 2e requête subsidiaire présentée par les requérants et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences de la Convention, il est fait droit à cette requête (article 102(3) CBE).
5.5. Le texte du brevet selon la 2e requête subsidiaire des requérants correspond à celui sur la base duquel a été établie la notification visée à la règle 58(4) CBE du 28 juillet 1988. A l'évidence, la division d'opposition n'avait donc aucune objection à l'encontre de ce texte, bien que les documents disponibles ne permettent pas d'en comprendre les raisons.
Etant donné que dans sa décision, la division d'opposition n'a pas motivé son intention de maintenir le brevet dans le texte servant de base à la 2e requête subsidiaire des requérants, l'intimé demande que l'affaire soit renvoyée à la division d'opposition ou tout au moins que la Grande Chambre de recours soit saisie de la question de savoir si dans un tel cas, la chambre de recours peut statuer elle-même sur la requête ou s'il est nécessaire de renvoyer l'affaire à la division d'opposition.
Toutefois, de l'avis de la Chambre, il découle sans ambiguïté des dispositions de l'article 111(1) CBE que c'est la chambre de recours qui juge s'il y a lieu d'exercer les compétences de l'instance qui a pris la décision attaquée ou de renvoyer l'affaire à ladite instance pour suite à donner, pour autant que les parties aient eu suffisamment de possibilités de prendre position.
Si, en l'occurrence, la division d'opposition n'a pas motivé son intention de maintenir le brevet dans sa forme modifiée, il ressort néanmoins du procès-verbal de la procédure orale tenue le 5 juillet 1988 que l'intimé avait eu la possibilité d'exprimer devant la division d'opposition ses réserves à l'encontre de l'admissibilité de la revendication 1 selon ce texte, ce qu'elle a d'ailleurs fait mais sans succès (page 2, point 2 du procès- verbal). Par conséquent, l'intimé a eu suffisamment la possibilité de prendre position, dès la procédure d'opposition, sur l'objet de la présente requête subsidiaire 2 des requérants (article 113(1) CBE). Pendant la procédure de recours, aucune preuve ou fait nouveau n'a été avancé, qui aurait pu amener la division d'opposition à s'écarter de l'avis qu'elle avait déjà formulé, sans pour autant le motiver, sur l'admissibilité de la présente requête subsidiaire. C'est la raison pour laquelle la Chambre ne juge pas opportun de renvoyer l'affaire à la division d'opposition, afin qu'elle examine l'admissibilité de la 2e requête subsidiaire des requérants.
Ce refus de renvoyer l'affaire à la division d'opposition, comme le demandait l'intimé, va moins loin que la pratique parfois suivie par les chambres de recours lorsque, dans les cas où il est procédé pour la première fois à certaines modifications ou limitations de revendication pendant la procédure de recours, elles statuent elles-mêmes sur de telles requêtes, alors que celles-ci n'ont pas encore été présentées à la première instance. Il est donc d'autant moins indispensable de renvoyer une affaire à la première instance, afin qu'elle statue sur une requête qui a été présentée lors d'une précédente procédure et sur laquelle elle s'est déjà prononcée.
La Chambre estimant que le refus de renvoyer l'affaire à la division d'opposition ne constitue pas une question de droit d'importance fondamentale et ne met pas en cause l'application uniforme du droit par les chambres de recours, il n'est pas nécessaire de saisir la Grande Chambre de recours de cette question (article 112(1)a) CBE).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance, afin qu'elle maintienne le brevet européen n° 0 100 907 dans le texte figurant dans la notification établie le 28 juillet 1988 par la division d'opposition conformément à la règle 58(4) CBE.