T 0231/90 25-03-1993
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Mandrin de taraudage
Emuge-Werk Richard Glimpel Fabrik für
Präsisionswerkzeuge
Recours recevable - oui
Preuves non produites en temps utile
Répartition différente des frais - non
Form of appeal - grounds
Costs - appotionment (no)
I. L'Intimée est titulaire du brevet européen n° 0 113 304 délivré le 15 avril 1987 (numéro de dépôt 83 440 009.5).
II. Par sa lettre du 28 septembre 1987, reçue le 29 septembre 1987, la Requérante a formé opposition contre le brevet européen au motif que l'objet des revendications ne satisfaisait pas aux articles 52 à 57 CBE. Elle s'est e.a. référée à ses propres documents antérieurs à la date de priorité du brevet en cause, comprenant un dessin et faisant état d'une vente, et a exposé ses moyens contre chacune des 11 revendications du brevet.
III. Par sa lettre du 24 octobre 1988, la Requérante a persévéré dans son opposition, après que l'Intimée ait soumis une nouvelle rédaction des revendications, dans laquelle la revendication 2 telle que délivrée avait été introduite dans la partie caractérisante de la revendication 1, les revendications délivrées 3 à 6 étant supprimées et les nouvelles revendications 2 à 6 correspondant aux revendications délivrées 7 à 11 (cf. sa lettre du 1er juin 1988).
IV. Par sa lettre du 14 décembre 1988 l'Intimée a remis un jeu de revendications à titre subsidiaire (requête subsidiaire), dans lesquelles les caractéristiques des revendications 1 et 2 du jeu introduit par sa lettre du 1er juin 1988 avaient été combinées en une seule revendication, les autres revendications étant maintenues. Dans sa réponse du 9 janvier 1989 la Requérante a souligné que la revendication 2, telle qu'elle figurait dans la lettre du 1er juin 1988 de l'Intimée (c'est-à-dire la revendication 7 telle que délivrée) avait tout simplement été rattachée à la revendication 1 et que les caractéristiques de cette revendication 2 (ex 7) étaient banales.
V. Après la notification du 17 mai 1989 de la Division d'opposition l'Intimée a requis par sa lettre du 20 juin 1989 la poursuite de la procédure d'opposition sur la base de ses revendications subsidiaires introduites par sa lettre du 14 décembre 1988 (requête principale). Le libellé de la revendication 1 contenait donc les caractéristiques de la revendication 7 telle que délivrée.
Cette lettre du 20 juin 1989 a été notifiée à la Requérante le 6 juillet 1989.
VI. Par sa décision signifiée le 25 janvier 1990 aux parties, la Division d'opposition a décidé que, compte tenu des modifications apportées, le brevet et l'invention, qui en fait l'objet, satisfaisaient aux conditions de la CBE.
VII. Par sa lettre reçue le 21 mars 1990, la Requérante a formé un recours contre cette décision et a payé simultanément la taxe correspondante. Elle y a requis la révocation du brevet européen délivré. Son mémoire du 25 mai 1990 a été déposé le 26 mai 1990.
VIII. A l'appui de sa requête en révocation, la Requérante expose que la revendication 1 du brevet, telle qu'elle a été maintenue par la Division d'Opposition, ne se distingue des antériorités invoquées que par les caractéristiques de la revendication 7 telle que délivrée et que les billes y mentionnées pour assurer le guidage de la pièce (2) étaient déjà connues avant la date de priorité dans le domaine de mandrins de taraudage (Gewindeschneidefutter). A cet égard, elle se réfère aux mandrins de taraudage GSA 100, HF1 et SFM 1-L/Spez., qu'elle vendait elle-même avant la date de priorité et produit respectivement les dessins n° FO 45 100.-01.4 (1977), FO 33 100.01.3 (1974) et 9830-A (1979), en faisant remarquer que les ventes dataient de plus de huit ans et que des bons de livraison ou des factures ne pouvaient plus être communiqués, ces pièces n'étant gardées que pendant une durée maximum de huit ans.
D'autre part, elle prétend à la preuve par témoins et remet une déclaration sur papier-en-tête de sa propre société, datée du 23 mai 1990 et signée par trois témoins, par laquelle ceux-ci assurent que les mandrins dont il s'agit étaient vendus avant le 31 décembre 1982. Enfin, elle expose qu'au vu des dessins et des listes de pièces annexées on peut y discerner également la cage à billes (Kugelkäfig) avec les billes de guidage.
IX. Par sa lettre du 29 septembre 1990, l'Intimée fait valoir les moyens suivants :
- la lettre du 25 mai 1990 émanant du mandataire de la Requérante n'est pas signée ; à défaut d'y remédier le recours est irrecevable ;
- cette lettre ne peut être considérée comme un mémoire au sens de l'article 108 CBE, rien n'y faisant apparaître immédiatement que la décision attaquée ne serait pas défendable.
- les trois dessins émanant des services techniques mêmes de la Requérante sont invoqués pour la première fois plus de deux ans et demi après l'introduction de l'opposition, alors que la revendication 7 telle que délivrée, incluse à présent dans la revendication indépendante, avait été attaquée dès l'origine par la Requérante. Celle-ci aurait donc déjà pu invoquer ces trois dessins dans son mémoire d'opposition ; au moins aurait-elle pu le faire dans sa réponse du 9 janvier 1989, dans laquelle elle s'est bornée à affirmer que les caractéristiques de la nouvelle revendication introduite étaient banales et courantes. Dans ces conditions, il y aurait lieu de ne pas tenir compte de ces trois dessins, qui n'ont pas été produits en temps utile.
- la forme de l'attestation établie par trois témoins sur en-tête de la société de la Requérante elle-même est tout à fait inhabituelle et des plus sommaires ; elle ne remplit absolument pas les conditions exigées. D'autre part, quand un usage est invoqué, il convient de déterminer avec précision la date de cet usage, son objet et toutes les circonstances qui l'ont rendu accessible au public. En l'occurence aucune de ces conditions n'est remplie. De plus, compte tenu du cachet y figurant, les dessins ne peuvent en aucun cas constituer des antériorités ;
- les trois dessins ne se combinent pas avec d'autres documents.
X. Suite à des notifications de la Chambre, l'Intimée a modifié la revendication 1 afin d'éviter une contradiction dans son libellé, et a adapté les autres revendications, la description, ainsi que les figures à la revendication 1.
L'Intimée requiert le maintien du brevet sur la base des documents suivants :
- revendications 1 à 5 (lettre du 23 septembre 1992) ;
- description :
page 1, 1a, 1b et 3 (décision : page 2 - OEB Form 2327.3) ;
pages 1c, 2 et 2b (lettre du 23 septembre 1992) ;
pages 2a, 5 et 6 (lettre du 15 férier 1993) ;
page 4 (lettre du 14 avril 1992) ;
- figures 5, 6 et 6a (lettre du 23 septembre 1992) ;
figure 9 (lettre du 15 février 1993) ;
La revendication 1 s'énonce comme suit :
"Mandrin de taraudage constitué par un corps de mandrin (1) et par une pièce mobile (2) de réception d'un collet ou d'un adapteur guidée dans le corps (1) et entraînée en rotation par ce dernier, au moyen de billes (24, 23) ou aiguilles disposées en lignes longitudinales ou sur la circonférence dans des trous ou des rainures espacés suivant des angles réguliers sur la partie avant du corps (1), les billes (24, 23) ou aiguilles étant maintenues dans lesdits trous ou rainures et coopérant avec des gorges longitudinales (7) du diamètre extérieur de la pièce mobile (2), la pièce mobile (2) étant sollicitée à sa partie postérieure ou queue par un ressort d'extension (8) et par un ressort de compression (9) fixés au moyen d'une vis (10) pénétrant dans ladite partie postérieure et la pièce mobile (2), avec ses ressorts de compression (9) et d'extension (8), étant montée et tenue dans le corps (1) au moyen d'une bague (11) serrée par des vis (12), un couvercle (5) entourant la partie avant du corps (1) étant solidarisé avec la pièce mobile (2), caractérisé en ce que le contact entre le corps (1) et la pièce mobile (2) est uniquement réalisé par les billes (24, 23) ou aiguilles, de sorte qu'il n'existe aucun frottement entre le corps (1) et la pièce mobile (2), en ce que, à sa partie postérieure, la pièce mobile (2) est pourvue, en outre, d'une rondelle (15) serrée par la vis (10) et formant butée pour l'extension vers l'avant de la pièce mobile (2) et en ce que le corps (1) est muni, d'une part, d'une ou de plusieurs rangées de billes (23) disposées à intervalles réguliers sur la circonférence avec décalage entre elles pour assurer le guidage de la pièce mobile (2), et, d'autre part, de billes ou de rangées de billes (24) disposées à intervalles réguliers avec décalage par rapport aux premières, et coopérant avec des gorges (7) de la pièce mobile (2) pour réaliser l'entraînement de cette dernière, les billes (23 et 24) étant maintenues dans le corps (1) au moyen d'une bague fixe (22) solidaire dudit corps (1)."
En conclusion, l'Intimée requiert que le recours soit considéré comme irrecevable, que le brevet soit maintenu dans une forme modifiée et que l'intégralité des frais relatifs au recours soit mis à charge de la Requérante.
1. Tout d'abord il y a lieu d'observer que l'original de la lettre du 25 mai 1990 a bien été signé par le mandataire de la Requérante.
De plus, cette lettre est à considérer comme un mémoire au sens de l'article 108 CBE, un tel mémoire pouvant - comme en l'occurence - se limiter à apporter de nouveaux moyens de preuve à l'encontre des caractéristiques d'une revendication incorporées au cours de la procédure d'opposition à la revendication indépendante, et ce au soutien de moyens déjà invoqués pendant cette procédure.
En effet, en indiquant que la différence entre, d'une part, l'état de la technique (préambule de la revendication 1) et, d'autre part, le mandrin de taraudage selon la revendication 1 consiste uniquement dans le contenu de la revendication 7 telle que délivrée, et en essayant de prouver que cette différence était connue avant la date de priorité du brevet opposé, la Requérante a fourni une motivation suffisante.
Toutes les conditions énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE étant remplies, le recours est donc recevable.
2. Les dessins (voir point VIII ci-dessus) qui n'ont été communiqués qu'avec le mémoire du 25 mai 1990, sont à considerer comme n'ayant pas été produits en temps utile. S'agissant de dessins de ses propres services, la Requérante, qui dans son opposition a formulé des moyens contre la revendication 7 initiale, aurait pu les produire dans le délai de neuf mois prévu à l'article 99(a) CBE, sans se limiter à d'autres documents émanant de ces mêmes services. Au moins aurait-elle dû le faire dans sa réponse du 9 janvier 1989 après avoir pris connaissance du nouveau jeu de revendications subsidiaires, introduit par l'Intimée dans sa lettre du 14 décembre 1988, c'est-à-dire après incorporation de la revendication 7 telle que délivrée dans la revendication indépendante 1. De plus la Requérante n'a pas réagi après que l'Intimée ait limité sa requête à ces revendications subsidiaires.
Ainsi, même s'il est exact que la Requérante ne garde pas ses bons de livraison et ses factures au-delà de 8 ans, elle aurait pu les communiquer à temps ; dans ces conditions, il est inadmissible d'exciper d'une impossibilité de production de tels documents après avoir omis de les invoquer en temps utile. D'autre part, les dessins produits en degré d'appel portent un cachet indiquant qu'ils ne peuvent pas plus que leurs annexes être communiqués ou rendus accessibles à des tiers, ce qui, a défaut d'autres éléments probants, leur donne un caractère de confidentialité.
Enfin, il ne peut être accepté que l'insuffisance de tels documents produits tardivement soit palliée par une déclaration aussi peu circonstanciée que celle du 23 mai 1990 ou par une audition de témoins, et ce d'autant que toutes les caractéristiques de la partie caractérisante de la revendication indépendante 1 ne paraîssent pas ressortir desdits dessins.
En effet, la présence d'une rondelle à la partie postérieure de la pièce mobile serrée par une vis pénétrant dans cette partie postérieure et formant butée pour l'extension vers l'avant de la pièce mobile n'apparaît pas dans un de ces dessins.
La simple affirmation qu'une caractéristique de la partie caractérisante de la revendication 1 a été divulguée avant la date de dépôt, sans qu'il apparaisse comment un homme du métier aurait pu arriver au mandrin de taraudage revendiqué, ayant aussi d'autres caractéristiques dans cette partie caractérisante, n'est pas pertinente.
4. Il y a dès lors lieu de maintenir la décision entreprise, c'est-à-dire le maintien du brevet dans une forme modifiée, dont la motivation peut d'ailleurs être approuvée entièrement.
5. Modifications
5.1. L'objet des revendications modifiées ne s'étend pas au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.
La description et les figures n'ont été modifiées qu'afin d'être adaptées au libellé de la revendication 1 et les modes de réalisation, qui ne reflètent plus l'invention telle que revendiquée, ont été supprimés.
Les modifications apportées au brevet ne contreviennent donc pas aux dispositions de l'article 123(2) CBE.
5.2. Les caractéristiques de la revendication 1 sont divulguées par les revendications 1, 2 et 7 telles que délivrées tandis que les revendications 2 à 5 correspondent respectivement aux revendications 8, 9, partiellement 10 et 11.
Les modifications ne contreviennent donc pas non plus aux dispositions de l'article 123(3) CBE.
6. Quant aux frais relatifs au recours, la requête de l'Intimée tend essentiellement à ce que ses propres frais soient mis à charge de la Requérante. Cette requête doit être rejetée ; en effet, l'examen des dessins produits par la Requérante lors du dépôt de son mémoire n'était pas d'une difficulté telle qu'elle engendrât des côuts considérables, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'écarter du principe formulé par l'article 104(1) CBE, selon lequel chaque partie supporte les frais qu'elle a exposés.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué ainsi comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la Division d'opposition pour maintien du brevet sur la base des documents énumérés au point X ci-dessus.
3. La requête de l'Intimée quant aux frais est rejetée.