T 0472/90 10-02-1993
Téléchargement et informations complémentaires:
Procédé et installation de digestion anaérobie
Activité inventive
requête principale (non)
requête subsidiaire (oui)
Inventive step - first request - known process
Inventive step - auxiliary request (yes)
Costs - apportionment - late citation (no)
I. La demande de brevet européen n° 84 200 801.3 a été délivrée sous le n° 0 131 319 sur la base de 8 revendications.
Les revendications indépendantes 1 et 6 s'énoncent comme suit :
"1. Procédé de traitement de matières organiques comprenant une phase de préparation dans laquelle des matières organiques à digérer sont mélangées avec un inoculant approprié et introduites dans un digesteur anaérobie, caractérisé en ce que les matières organiques sont mélangées à l'inoculant dans un mélangeur (3) pour former une masse d'apparence solide qui est introduite dans le digesteur (6) et en est extraite après une durée inférieure à 50 jours, en ce qu'une partie égale à au moins un tiers de la matière extraite du digesteur (6) est recyclée vers son entrée et mélangée par malaxage à une quantité de matières organiques fraiches inférieure au double de cette quantité recyclée, la quantité de matière organique fraiche étant au besoin prétraitée soit par essorage, soit par humidification de manière que la masse à la sortie du mélangeur (3) présente un taux d'humidité entre 55 et 75 %.
6. Installation de traitement de matières organiques comprenant un digesteur anaérobie et des moyens pour mélanger les matières organiques à digérer avec un inoculant approprié, caractérisé en ce qu'un mélangeur (3) pour une masse de matières organiques fraiches comprend des moyens pour maintenir le taux d'humidité de cette masse entre 55 % et 75 %, et au moins une entrée pour les matières organiques fraiches et une boue d'inoculation de recyclage, en ce que la sortie du mélangeur (3) est reliée via une pompe (7) à l'entrée d'un digesteur anaérobie (6) d'une capacité pour recevoir une masse entre 10 à 50 fois l'arrivage journalier moyen estimé de matières organiques fraiches et en ce qu'un dispositif d'extraction extrait la masse digérée du fond du digesteur (6) et en envoie une partie via un conduit (4) suffisamment large pour véhiculer sensiblement plus qu'un tiers de la masse extraite vers l'entrée du mélangeur (3) et le reste vers la sortie du digesteur (6)."
II. La requérante a fait opposition au brevet, demandant sa révocation pour les motifs visés à l'article 100(a) CBE. Par décision du 31 janvier 1990, envoyée le 9 avril 1990, la division d'opposition a rejeté l'opposition, après avoir reconnu la nouveauté et l'activité inventive de l'objet des revendications 1 et 6 du brevet délivré.
III. La requérante (opposante) a cité les documents suivants à l'appui de son opposition :
- "Document Valorga" daté mai 1983 (document (1))
- Copie partielle du Journal "La Marseillaise" datant de septembre 1983 [N.B. date correcte 26.06.83] (document (2))
Plus tard dans la procédure, les documents (3) à (10) ont été présentés.
La division d'opposition a admis les documents (4), (8), (9) et (10) dans la procédure en vertu de l'article 114 CBE. Lesdits documents sont :
- GB-A-1 110 352 (document (4)),
- Document de l'AFME, pages 189-190, concernant un séminaire tenu les 10 et 11 juin 1982 (document (8)).
- Attestation de M. J.P. Donati, (document (9)),
- Procès-verbal de M. M. Bernard, huissier, (document (10)),
Les documents (3), (5), (6) et (7) ont été étudiés par la division d'opposition mais n'ont pas été jugés d'une pertinence telle qu'il faille les introduire dans la procédure.
La division d'opposition a accepté la nouveauté de l'objet des revendications 1 et 6.
En ce qui concerne l'activité inventive, la division d'opposition a conclu que le document (2), qu'il fallait compléter par le contenu du document (8), constituait l'état de la technique le plus proche. Ce document concernait le traitement de matières organiques par digestion anaérobie d'une masse ayant une teneur en matière solide qui peut dépasser 30 %, dans la gamme de valeurs indiquées dans le brevet. Le temps de séjour moyen de 15 jours ne différait pas essentiellement du temps de séjour défini dans le brevet. Une différence essentielle était que, selon le document (2), le pressat ("jus") obtenu par pressage de la boue digérée était recyclé tandis que, selon le brevet, c'était cette boue elle-même qui était recyclée.
Le brevet résolvait le problème d'homogénéïsation de la masse dans le digesteur. Cette masse avait une telle teneur en matières solides qu'il était pratiquement impossible de remuer le contenu du digesteur par des moyens mécaniques. Le procédé selon le document (2) résolvait ce problème par injection de véritables rafales de gaz et par une construction particulière du réacteur qui permettait un mouvement de va-et-vient de la masse. Cette solution nécessitait une construction assez compliquée. Le recyclage d'une partie considérable de la boue par contre, avait pour effet que l'homogénéïsation était effectuée en dehors du réacteur et que le réacteur pouvait donc être construit de façon simple. Le document (4) effectuait le recyclage de boues dans un tout autre but, qui n'avait rien de commun avec le problème d'homogénéïsation. Ces documents ne suggéraient donc pas la solution du problème par les moyens énumérés dans les revendications 1 et 6.
IV. La requérante a formé un recours contre cette décision et payé la taxe de recours le même jour.
Dans son mémoire de recours, la requérante a soutenu essentiellement que les revendications 1 et 6 ne répondaient pas aux critères d'activité inventive requis par la CBE. A l'appui de son recours, la requérante a encore introduit treize nouveaux documents dont cinq largement après le délai de présentation du mémoire de recours. Ces documents s'ajoutaient aux huit documents déjà présentés tardivement pendant la procédure d'opposition.
Pour la première fois sont avancées, d'une part avec le mémoire de recours, une objection au titre de l'article 83 CBE et, d'autre part avec la lettre de la requérante du 2 décembre 1991, une objection au titre de l'article 84.
V. Une procédure orale a eu lieu le 10 février 1993, au cours de laquelle l'intimée (titulaire du brevet) a déposé une requête subsidiaire modifiée en réaction à l'objection de la requérante selon laquelle la partie égale à au moins un tiers de la matière extraite du digesteur recyclée pouvait aussi comprendre une matière fluide comme l'eau récupérée lors de l'essorage, comme décrit dans l'état de la technique. Dans la revendication 1 de la requête subsidiaire, il est alors précisé que "...la matière extraite du digesteur (6) est recyclée via un conduit (4) vers son entrée ...".
VI. Au cours de la procédure de recourts, la requérante a fait valoir, essentiellement, les arguments suivants :
Les deux revendications indépendantes 1 et 6 ne sont pas brevetables pour défaut d'activité inventive par rapport à l'état de la technique constitué essentiellement des documents (4), (11), (12) et (23). L'état de la technique comporte cependant encore de nombreux autres documents qui confèrent à l'homme du métier des connaissances très amples sur pratiquement tous les paramètres biologiques et technologiques dans le domaine de la fermentation anaérobie de matières organiques ayant une forte teneur en matières solides, avec recyclage d'un inoculant obtenu à partir de la matière digérée extraite du digesteur ou par une grande quantité de cette matière digérée même. Ainsi, l'homme du métier connaît les différents paramètres et leur interdépendance et sait les utiliser en tenant compte de contraintes ou conditions d'une application spécifique, sans que cela demande de sa part un effort inventif.
En particulier, les documents (1), (4), (8), (11) et (12) concernent le traitement du même type de matières organiques par digestion anaérobie d'une masse ayant une teneur en matière solide qui peut dépasser 30 %, donc dans la gamme des valeurs indiquées dans la revendication 1. La substitution de l'inoculant formé selon le document (1) par un mélange de boue et de liquide de décantation par la seule boue, comme le suggère le document (12), est évident pour l'homme du métier, car l'effet biologique d'ensemencement est le même dans les deux cas. Dans le document (1), la "matière" extraite du digesteur et recyclée vers son entrée est constituée par le levain et le jus. L'expression "matière extraite du digesteur" utilisée dans la revendication 1 est très générale et doit être considérée telle quelle.
Le document (23) révèle une installation de production de méthane à partir de déchets organiques urbains solides où, à la sortie du digesteur, ces matières organiques sont recyclées pour être mélangées, en amont du digesteur, dans un mélangeur avec les matières fraiches, avant introduction dans le digesteur via une pompe. Il n'y a aucune difficulté pour un homme du métier à adopter la structure ci-dessus dans l'installation du document (1). En conclusion, les revendications 1 et 6 ne présentent pas d'activité inventive au regard des documents (1), (4), (8), (11), (12) et/ou (23).
VII. L'intimée a fait valoir, essentiellement, que ce qui était critique pour le domaine d'application était le fait que la masse à traiter pouvait être à tel point dépourvue d'humidité qu'elle était d'apparence solide. Or, il était certain que pour appliquer le procédé suivant le document (1) les matières à traiter devaient être obligatoirement dans un état fluide ou semi-fluide et ne pouvaient être traitées qu'en matière fluide. En effet, ces matières coulaient par un puits d'entrée dans le fond de la cuve de méthanisation et sortaient par un puits de sortie où elles coulaient du fond de la cuve vers le haut dans un dispositif de décantation. L'existence même de ce dispositif de décantation prouvait que les matières traitées selon le document (1) était dans un état fluide ou semi-fluide.
Les différents documents antérieurs montraient que le problème du traitement anaérobie en continu de matières organiques d'apparence solide avait déjà été envisagé depuis de nombreuses années, mais n'avait pas trouvé de solution satisfaisante. Le procédé décrit dans le brevet de l'intimée définissait la condition qui permettait d'éviter le pressage de la matière à l'intérieur de la cuve de digestion, grâce à un mélangeur-malaxeur à l'extérieur de la cuve et le recyclage d'une proportion extrêmement importante de la masse sortant du digesteur. On obtenait ainsi les conditions nécessaires au traitement direct d'une masse d'apparence solide. Et non seulement cela, mais en plus une homogénéïsation entre matières fraiches et matières en cours de digestion qui était meilleure que ce qui pouvait être obtenu par une agitation dans une cuve de digestion de grande dimension.
VIII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.
L'intimée demande
(a) à titre principal le rejet du recours,
(b) à titre subsidiaire le maintien du brevet sous une forme modifiée avec une revendication 1 telle que présentée au cours de la procédure orale.
L'intimée demande aussi une répartition des frais occasionnés par les documents tardivement introduits.
1. Le recours est recevable.
2. Article 114 CBE
2.1. Pour apprécier la nouveauté et l'activité inventive associées à l'objet revendiqué, il est nécessaire de définir les documents qui sont à considérer dans la procédure de recours en plus de ceux déjà acceptés par la Division d'opposition.
2.2. Des documents (11) à (23) qui ont été présentés pendant la procédure de recours, la chambre de recours estime, après vérification de leur pertinence, que les documents (14)à (17) sont acceptables parce qu'ils représentent des preuves que les documents (1) et (2) doivent être considérés comme publics et accessibles antérieurement à la date de priorité du brevet en litige.
2.3. Les documents (19) à (22) sont des confirmations et attestations qui permettent d'établir que le document (1) a été accessible antérieurement à la date de priorité du brevet.
2.4. Le document (23) est accepté, parce qu'une installation y est décrite que la Chambre estime pertinente. Ces documents sont donc acceptés dans la procédure au titre de l'article 114.
2.5. Le document (18) a le même contenu que le document (1) et c'est pourquoi il n'est pas nécessaire d'accepter ce document.
2.6. Tous les autres documents sont moins pertinents que les documents déjà pris en compte dans la procédure et leur contenu n'aurait eu aucune influence sur la présente décision. La Chambre a donc décidé de ne pas les prendre en considération en vertu de l'article 114(2) CBE.
2.7. En conséquence, les documents (1), (2), (4), (8), (9) et (10) (voir ci-dessus, paragraphe III) et les documents suivants sont importants pour la procédure de recours :
- Attestation du Professeur André PAVIA du 23.01.90, (document (14)),
- Attestation de M. Jean-Pierre RABAT du 29.01.1990 (document (15)),
- Attestation de M. Pierre GRIGNAC du 26.01.90, (document (16)),
- Attestation de M. Jean-Pierre LOTTI du 27.01.90, (document (17)),
- Confirmation de la délibération du Conseil Municipal du 9 mai 1983 de BAGNOLS-SUR-CEZE, (document (19)),
- Attestation de M. Roland COURT, (document (20)),
- Attestation de M. Christian DACHEUX, (document (21)),
- Un extrait du Code des Communes (document (22)),
- Un extrait de la publication "LA CONVERSION BIOENERGETIQUE" datée de 1981, (document (23)).
3. Requête principale
3.1. Nouveauté (article 54 CBE)
La requérante n'a plus fait d'objection pour absence de nouveauté des revendications 1 ou 6 dans la procédure de recours et, après considération des nouveaux documents, la chambre de recours n'a relevé aucune raison d'en soulever de son côté.
3.2. Activité inventive (article 56 CBE)
3.2.1. L'état de la technique qui se rapproche le plus de l'invention est divulgué dans le document (1). Les documents (9) et (10) et (14) à (17) et (19) à (22) permettent d'établir que le document (1) doit être considéré comme un document public et accessible au public antérieurement à la date de priorité du brevet.
3.2.2. Dans le document (1) un procédé de traitement de matières organiques est décrit comprenant une phase de préparation dans laquelle des matières organiques à digérer sont mélangées avec un inoculant approprié et introduit dans un digesteur anaérobie assurant la méthanisation en continu de déchets très concentrés en matières sèches (30 % pour les ordures ménagères) (voir page 4, premier paragraphe). Le temps de passage dans un digesteur est d'environ 15 jours (voir page 7, premier paragraphe). Dans la cuve de fermentation s'effectue un brassage pneumatique de la matière. Une presse à vis sans fin élimine le jus qui est recirculé dans le digesteur. Le substrat pressé passe dans un émotteur puis dans un trommel, et le digestat est utilisable comme amendement organique. (voir page 9, paragraphe 4).
3.2.3. A partir du document (1), le problème technique ne peut être vu que dans une alternative au procédé connu de digestion anaérobie de matières organiques d'apparence solide.
Sur la base de la description la chambre de recours estime qu'il est plausible que les revendications 1 et 6 résolvent le problème.
3.2.4. Le procédé de la revendication 1 diffère du procédé décrit dans le document (1) par la caractéristique selon laquelle une partie égale à au moins un tiers de la matière extraite du digesteur est recyclée vers son entrée et mélangée par malaxage à une quantité de matières organiques fraîches inférieure au double de cette quantité recyclée dans un mélangeur extérieur à la cuve de digestion et précédant celle-ci. Il est décrit dans le document (1) qu'après passage de la matière dans le digesteur, l'extracteur et le pressage 7 170 t de jus sont récupérés et mélangés avant recyclage dans le digesteur avec 6 125 t de matière à 60 % matières sèches pour finalement préparer la matière sèche à 30 % de 13 260 t.
Le mot "matière" dans la revendication 1 ne permet pas d'effectuer une distinction quant aux éléments recyclés, et notamment vis-à-vis du jus de la matière sèche. Il est donc possible d'interpréter cette caractéristique comme comprenant le jus dont il est question dans le document (1), qui est recyclé de la même manière que dans la revendication 1. En conséquence, la seule caractéristique qui serait à prendre en compte pour apprécier une activité inventive serait la caractéristique selon laquelle cette partie est mélangée par malaxage de la matière en question. Compte-tenu de la similarité des matières traîtées, une simple addition d'un mélangeur par malaxage à un circuit tel que décrit dans le document (1) ne semble pas contribuer à une amélioration inattendue des résultats avec jus recyclé. Ni les temps de séjour, ni les autres effets envisagés ne permettent de conclure à un résultat inattendu. En outre, la simple adjonction d'un mixeur est classique dans les systèmes de ce type (voir (4), figure 1 ou (23), page 234). De l'avis de la chambre de recours, l'homme du métier arriverait immédiatement à cette solution et sans activité inventive dans le cadre du problème tel que défini ci-dessus.
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 selon cette requête n'est pas brevetable et cette requête ne peut donc être admise.
4. Requête subsidiaire
4.1. La revendication 1 de cette requête comporte la caractéristique supplémentaire selon laquelle une partie égale à au moins un tiers de la matière extraite du digesteur est recyclée via un conduit (4) vers son entrée et mélangée par malaxage.
L'introduction du signe de référence (4) dans la revendication est conforme aux dispositions de la règle 29(7) CBE.
4.2. Articles 123(2) et 123(3) CBE
4.2.1. L'objet de la revendication 1 de cette requête subsidiaire se distingue de l'objet de la revendication 1 de la requête principale, qui est la même que la revendication 1 du dépôt d'origine comme montré ci-dessus (voir paragraphe V.). La précision selon laquelle la matière extraite du digesteur est recyclée via un conduit (4) et est extraite directement du fond du digesteur est basée sur la description, telle que déposée à l'origine (page 3, ligne 34 à page 4, ligne 6). De ce fait l'objet de la demande n'a pas été étendu au-delà du contenu de la demande telle que déposée. En conséquence, la revendication 1 de la requête subsidiaire satisfait aux dispositions de l'article 123(2) CBE.
4.2.2. La caractéristique nouvelle dans la revendication 1 est une caractéristique additionnelle qui limite la revendication sans en étendre la protection. Donc, la revendication 1 de la requête subsidiaire satisfait aussi aux dispositions de l'article 123(3) CBE.
4.3. Article 84 CBE
L'objection au titre de l'article 84 CBE est admissible au stade de l'opposition dès lors que les revendications ont été modifiées. En ce qui concerne la requête subsidiaire, la précision ajoutée à la revendication 1 n'est pas de nature à en diminuer la clarté. Cette revendication satisfait aux conditions de l'article 84.
4.4. Nouveauté (article 54 CBE)
La requérante na pas fait d'objection pour absence de nouveauté des revendications 1 ou 6, et la Chambre n'a relevé aucune raison d'en soulever de son côté.
4.5. Activité inventive (article 56 CBE)
4.5.1. Dans la revendication 1, il est précisé que la "matière" recyclée, mentionnée dans la revendication, doit être la matière telle qu'elle est directement extraite du digesteur. La boue est donc recirculée avec tout son contenu en matières sèches. La "matière" ne peut donc plus être interprétée comme pouvant être le jus, qui est recyclé dans le procédé du document (1). Selon description du brevet, la matière recyclée représente une boue acétoclaste méthanigène ou boue d'inoculation amenée par le conduit (4). La boue d'inoculation est ajoutée en très grande quantité, soit en une quantité au moins égale à la moitié et de préférence au double de la quantité de matières organiques fraîches. L'utilisation de telles quantités de boue d'inoculation a pour effet d'éliminer les conséquences néfastes d'une acidification initiale de la matière organique fraîche grâce à l'inoculation intime et importante de la matière fraîche par la masse d'inoculation. Toutefois, l'utilisation permanente de telles quantités n'est possible que pour autant que la majeure partie de la boue d'inoculation soit constituée par de la boue de recyclage récoltée à la sortie de l'installation de digestion ou de compostage alimentée par le mélangeur (voir col. 2, l. 34 à 58). Pendant la procédure orale, l'intimée a mis l'accent sur le fait que la matière organique qui sort du digesteur est très active et c'est pourquoi le recyclage d'une telle quantité de boue d'inoculation a pour effet une digestion permanente très active.
4.5.2. Le document (1) (voir point 3.2.2 ci-dessus) n'incite certainement pas au recyclage direct des boues car il propose au contraire l'élimination d'une grande partie de ces boues. En outre, le document (2) de VALORGA qui se réfère au document (1) fait état des problèmes liés à la mise en oeuvre d'une agitation permanente à l'intérieur du digesteur et à la solution proposée pour permettre à la matière de se déplacer régulièrement. Pour l'homme du métier, augmenter la proportion de matières solides dans la matière pâteuse ne pouvait pas raisonnablement conduire à espérer une réduction de ces problèmes, même s'il savait, de par ses connaissances générales comme l'a souligné la requérante, qu'une teneur accrue en matières sèches permettait de réduire le temps de séjour dans le digesteur. L'essentiel de la matière recyclée suivant le document (1) est d'ailleurs constitué de jus obtenu après pressage.
4.5.3. Les autres documents pertinents introduits dans la procédure mettant en oeuvre une recirculation d'effluents s'attachent à conserver une fluidité suffisante à la masse traitée et à recirculer des liquides à teneur limitée en matières sèches, et celà dans le seul but de l'ensemencement. Ainsi, dans le document (4), la masse épaissie introduite dans le digesteur (16) est un gel qui ne libère aucune eau spontanément (col. 5, l. 85-97). Ce gel est suffisamment fluide pour être soumis à une agitation forcée dans le digesteur (col. 5, l. 120-124 et fig. 1 et 6). Les taux de matières sèches traités dans ce document ne dépassent pas 14 % (table A et fig. 5). En outre, le problème que le document (4) vise à résoudre est celui de la réduction de volume des boues rejetées, et est donc de nature bien différente de celui du brevet en litige.
Du document (23), il ressort de manière explicite que, seule une petite partie des boues est recyclée en ensemencement (page 235, lignes 6 et 7).
4.5.4. La Chambre est d'avis qu'aucun des autres documents (4), (8) ou (23) ne décrit de procédé suivant lequel la matière digérée a une apparence solide et une partie égale à au moins un tiers de la matière extraite du digesteur est recyclée et n'est de nature à suggérer à l'homme de métier la solution revendiquée du problème considéré. En conséquence, le procédé de la revendication 1 est brevetable.
4.5.5. Les revendications 2 à 5 qui sont dépendantes de la revendication 1 sont par ce fait également brevetables.
4.5.6. La revendication indépendante 6 concerne l'installation de traitement de matières organiques. La chambre considère le document (23) sur lequel la requérante a particulièrement insisté comme l'état de la technique le plus proche. Par ce document, l'homme du métier a connaissance d'installations de traitements de matières organiques comprenant un digesteur anaérobie et des moyens pour mélanger les matières organiques à digérer avec un inoculant approprié comprenant un mélangeur, une entrée pour les matières organiques fraîches et une boue d'inoculation de recyclage. La sortie du mélangeur est reliée via une pompe à l'entrée d'un digesteur anaérobie et un dispositif d'extraction extrait la masse digérée du fond du digesteur et en envoie une partie via un conduit pour véhiculer une petite partie des boues en ensemencement vers l'entrée du mélangeur et le reste vers la sortie du digesteur vers une installation de déshydratation. Cette installation n'est utilisable que pour le traitement de matières organiques fluides.
4.5.7. Le problème qu'il est proposé de résoudre est donc celui d'une altenative à l'installation connue de traitement de matières organiques d'apparence solide.
Il est plausible sur la base de la description du brevet que ce problème est résolu.
4.5.8. Dans le document (23) lui-même, la chambre ne voit aucune incitation pour l'homme du métier à adapter cette installation de la manière décrite dans la revendication 6, c'est-à-dire de manière telle que le conduit de recyclage soit suffisamment large pour véhiculer sensiblement plus d'un tiers de la masse extraite vers l'entrée du mélangeur. En conséquence, les mêmes arguments relatifs à l'activité inventive que ceux ci-dessus se rapportant à la revendication 1 sont valables.
4.5.9. L'installation décrite dans le document (1) n'est utilisable que pour un recyclage du jus. De plus, cette installation ne comporte pas de mélangeur. L'installation décrite dans le document (1) ne pourrait donc pas suggérer à l'homme du métier qu'il serait avantageux de substituer le recyclage du jus par un recyclage d'une partie importante de la boue sortant du digesteur.
4.5.10. Finalement, l'installation décrite dans le document (4), elle aussi, ne pourrait être utilisée que pour une masse liquide et ne comprend pas de moyens pour le recyclage d'une partie importante de la boue digérée. Ce document ne contient aucune indication susceptible d'aider l'homme du métier à adapter une installation de manière à prévoir un conduit suffisamment large pour véhiculer sensiblement plus d'un tiers de la masse extraite d'apparence solide vers l'entrée du mélangeur.
En conséquence, la revendication 6 et les revendications 7 et 8, qui sont dépendantes répondent aussi aux conditions de l'article 56 CBE.
5. En ce qui concerne la requête en répartition de frais, la Chambre observe que, selon l'article 104 CBE, chacune des parties supporte les frais qu'elle a exposés, sauf dans la mesure où l'équité exige une répartition différente des frais. La répartition différente des frais n'est justifiée que si la procédure d'opposition ou le recours avait présenté un caractère abusif. En la présente espèce, la discussion qui s'est déroulée au cours de la procédure orale a montré que la requérante a fait une recherche additionnelle après la décision négative par la division d'opposition et le seul fait que certains des documents présentés tardivement soient pertinents ne permet pas de conclure à la présence d'un abus de la part de la requérante. Donc, chacune des parties devra supporter les frais qu'elle a exposés.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance avec instruction de maintenir le brevet sous sa forme modifiée avec la revendication 1 telle que présentée au cours de la procédure orale et les revendications 2 à 8 ainsi que la description telles que délivrées (requête subsidiaire).
3. La requête en répartition des frais est rejetée.