1.7.3 Décisions appliquant les critères posés par la Grande Chambre dans les affaires G 1/03 et G 1/16
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S'agissant de la formulation des disclaimers, la Grande Chambre de recours a énoncé dans les décisions G 1/03 et G 2/03 (JO 2004, 413 et 448) et confirmé dans la décision G 1/16 (JO 2018, A70) que le disclaimer ne doit pas retrancher plus que ce qui est nécessaire pour rétablir la nouveauté ou pour exclure un objet qui tombe sous le coup d'une exception à la brevetabilité pour des raisons non techniques. Le fait que le demandeur doive introduire un disclaimer ne signifie pas qu'il peut remanier arbitrairement ses revendications. Dans la décision G 2/10 (JO 2012, 396), la Grande Chambre de recours a constaté que la condition selon laquelle un disclaimer ne doit pas "retrancher plus que ce qui est nécessaire pour rétablir la nouveauté", n'est pas applicable à un disclaimer excluant un objet divulgué, puisque, dans ce cas, la formulation du disclaimer serait dictée par la divulgation de l'objet exclu dans la demande telle que déposée.
En ce qui concerne la relation entre la condition selon laquelle un disclaimer ne doit pas "retrancher plus que ce qui est nécessaire" et la condition selon laquelle les revendications doivent être claires et concises, voir la décision T 2130/11 (décision résumée au présent chapitre II.E.1.7.3 e) "Formulation des disclaimers – clarté", ci-dessous).
Dans la décision T 747/00, la chambre a conclu que, puisqu'en l'absence de divulgation destructrice de nouveauté dans le document (5), le disclaimer retranchait des éléments inutilement, ce disclaimer retranchait forcément plus que ce qui était nécessaire pour rétablir la nouveauté, ce qui n'est pas admissible (cf. aussi T 201/99). Dans l'affaire T 1050/99, la chambre a estimé que le disclaimer couvrait un objet ayant une portée plus étendue que ce qui était divulgué dans l'état de la technique et, par conséquent, retranchait de la revendication plus qu'il n'était nécessaire pour rétablir la nouveauté ; voir aussi T 285/00 relative à un disclaimer qui, dans une large mesure, ne se fondait pas sur les divulgations contenues dans le document de l'état de la technique cité au titre de l'art. 54(3) CBE 1973 et rendait donc l'objet de la revendication résultant de la modification plus éloigné du document pertinent de l'état de la technique cité au titre de l'art. 54(2) CBE 1973.
Dans la décision T 8/07, la chambre a fait observer que selon la décision G 1/03, un disclaimer peut uniquement être employé dans le but qu'il est censé avoir et rien de plus. Si un disclaimer produit des effets qui vont au-delà de son but, il est ou devient inadmissible. Le fait que le demandeur doive introduire un disclaimer ne signifie pas qu'il peut remanier arbitrairement ses revendications (G 1/03, point 3 des motifs). Aussi le disclaimer ne doit-il pas retrancher plus que ce qui est nécessaire pour rétablir la nouveauté ou pour exclure un objet qui tombe sous le coup d'une exception à la brevetabilité pour des raisons non techniques. Selon la chambre, on ne saurait donc déduire du raisonnement développé dans la décision G 1/03 qu'une certaine latitude ou marge d'appréciation est laissée au titulaire du brevet s'agissant de la mesure dans laquelle un disclaimer doit être rédigé afin de retrancher l'objet devant être exclu. En effet, toute marge d'appréciation à cet égard introduirait par la force des choses un certain élément arbitraire dans la rédaction du disclaimer, ce qui serait contraire aux conclusions expresses de la décision G 1/03. Il a donc été conclu qu'afin de satisfaire aux exigences en la matière découlant de la décision G 1/03, les disclaimers doivent être rédigés de manière à n'exclure que l'objet ne pouvant être revendiqué. En outre, l'argument du titulaire du brevet selon lequel un disclaimer plus étendu ne lui procurerait aucun avantage n'était pas nécessairement et absolument correct, puisqu'un disclaimer large, en plus de restaurer la nouveauté, aurait comme effet supplémentaire d'"immuniser" l'objet revendiqué contre une éventuelle attaque pour manque de nouveauté.
Dans la décision T 10/01, le disclaimer avait une portée plus large que ce qui était nécessaire pour rétablir la nouveauté. La chambre, se référant au point 3 des motifs de la décision G 1/03, a toutefois déclaré que l'on pouvait également déduire de cette décision qu'un disclaimer plus large que ce qui serait strictement nécessaire pour rétablir la nouveauté pouvait être admis en fonction des circonstances de l'espèce, si cela s'avérait nécessaire pour éviter un manque de clarté de la revendication. Toutefois, en l'espèce, rien ne justifiait apparemment que le disclaimer s'étende au-delà de l'exposé du document (1).
Dans la décision T 477/09, la revendication 1 a été modifiée par ajout d'un disclaimer dans le but de restaurer la nouveauté par rapport au document D1. Il n'était pas contesté en l'espèce que le disclaimer ne trouvait pas de fondement dans la demande telle que déposée. La chambre rappelle que la décision G 1/03 définit deux conditions liées à la formulation des disclaimers. Les deux conditions énoncées aux points 2.2 (un disclaimer ne devrait pas retrancher plus que ce qui est nécessaire) et 2.4 (clarté et concision) du dispositif de la décision G 1/03 ont la même valeur. Il ne peut donc pas être considéré que la titulaire du brevet dispose d'une marge de manœuvre quelconque dans la formulation du disclaimer et, par là même, dans la définition de sa portée : afin de satisfaire aux conditions posées par la décision G 1/03 un disclaimer ne doit pas retrancher plus que ce qui est nécessaire pour rétablir la nouveauté. La chambre conclut en l'espèce que la portée du disclaimer est beaucoup plus large que la divulgation de D1 effectivement destructrice de nouveauté.
Dans l'affaire T 1843/09 (JO 2013, 502), l'opposant a fait valoir que le disclaimer contrevenait à l'art. 123(2) CBE au motif que son libellé, selon lequel le film revendiqué "est différent d'un film de l'exemple comparatif 4 du document EP-A 0546184", ne représentait pas une caractéristique technique. La chambre n'a pas admis cet argument. Même s'il était exact que des informations techniques ne pouvaient être extraites directement du texte du disclaimer en tant que tel, il convenait de noter que le disclaimer ne se bornait pas à citer un document brevet publié, mais se référait clairement à une divulgation spécifique dans le document D15, à savoir à un film unique décrit dans l'exemple comparatif 4. Le tableau 4 du document D15 définissait sans ambiguïté ce film par un certain nombre de caractéristiques techniques. L'homme du métier pouvait donc déterminer simplement, à la lecture de l'exemple comparatif donné dans le document D15, quel mode de réalisation technique devait être exclu de la portée de la revendication.
Dans l'affaire T 1836/10, la division d'examen avait rejeté la demande sur la base de l'art. 53a) CBE, ensemble la règle 28c) CBE. Le demandeur a tenté d'exclure l'objet en question au moyen d'un disclaimer. La chambre a estimé qu'un demandeur ne saurait modifier arbitrairement ses revendications et qu'un disclaimer éventuellement nécessaire ne devrait pas retrancher plus que ce qui est nécessaire pour exclure l'objet qui tombe sous le coup d'une exception à la brevetabilité pour des raisons non techniques. Il en va de même pour un disclaimer qui tente d'exclure un objet qui n'est en rien couvert par la revendication.
Dans l'affaire T 1224/14, la chambre a considéré que le disclaimer n'était plus nécessaire pour rétablir la nouveauté par rapport à l'exemple 5A de D1. Celui-ci n'était plus pertinent pour les questions de nouveauté, puisque l'objet de la revendication 1 en instance avait été restreint. Ainsi le disclaimer, retranchant plus que nécessaire pour rétablir la nouveauté, était contraire à la décision G 1/03.
Dans l'affaire T 1354/15, le requérant avait fait valoir qu'étant donné que le disclaimer en question ne spécifiait pas seulement la séquence d'ARN à double brin lié divulguée dans le document D7, mais également le groupe de liaison C18 entre les deux brins, il retranchait plus que ce qui était nécessaire pour restaurer la nouveauté. La chambre a toutefois estimé que l'ARN décrit dans le document D7 était caractérisé également par la liaison C18. Le fait que la demande telle que déposée n'envisageait pas de telles liaisons n'avait pas pour effet de présenter à l'homme du métier de nouvelles informations techniques. L'exclusion de l'ARN spécifique ayant une liaison C18 n'apportait aucune contribution technique à l'objet divulgué dans la demande telle que déposée.