T 0075/20 (Régénération d'un filtre à particules/Rhodia) 25-01-2022
Download und weitere Informationen:
PROCEDE DE FONCTIONNEMENT D'UN MOTEUR DIESEL EN VUE DE FACILITER LA REGENERATION D'UN FILTRE A PARTICULES SUR LA LIGNE D'ECHAPPEMENT
Possibilité d'exécuter l'invention - (oui)
Activité inventive - (oui)
Exposé des faits et conclusions
I. Les recours ont été formés par la titulaire du brevet (requérante 1) et l'opposante (requérante 2) contre la décision de la division d'opposition établissant que la requête subsidiaire 3 d'alors satisfait aux conditions énoncées dans la CBE, et que le brevet EP-B-2 134 452 peut être maintenu sous forme modifiée.
II. Les documents suivants cités dans la décision sont pertinents :
D2: WO 2006/078761 A2
D6: FR 2 833 862 A1
D13: US 2006 0144039 A1
D15: essais soumis par Solvay le 11 avril 2019 devant
la division d'opposition
III. Le libellé de la revendication 1 de la requête principale 1 "RA1" s'énonce comme suit:
" 1- Procédé de fonctionnement d'un moteur diesel ou d'un moteur fonctionnant en mélange pauvre équipé d'une ligne d'échappement sur laquelle est monté un filtre à particules, caractérisé en ce qu'on alimente le moteur avec un carburant comprenant un additif capable d'abaisser la température de combustion des particules de suies retenues par le filtre à particules et constitué essentiellement d'un composé du fer, cet additif étant sous forme d'une dispersion colloïdale organique dans laquelle le composé du fer est un oxyde, un hydroxyde ou un oxyhydroxyde de fer, et en ce qu'on utilise comme filtre à particules, à travers lequel on fait passer les gaz d'échappement produits par la combustion du carburant dans le moteur, un filtre catalysé dont le catalyseur consiste en un catalyseur d'aide à la combustion des particules de suies."
Les revendications 2 à 8 se rapportent directement ou indirectement à la revendication 1.
IV. La procédure orale a eu lieu le 25 janvier 2022 sous forme de visioconférence.
V. Les arguments de la requérante 2 pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit:
Insuffisance de description:
Le catalyseur présent dans le filtre à particules aide seulement à la combustion de suies, ce qui exclut la présence d'autres réactions (alinéa [0038] du brevet contesté). Or, le brevet ne contient aucun enseignement sur la question de savoir comment d'autres réactions telles que l'oxydation de NO ou l'oxydation de CO peuvent être évitées.
Il n'y a pas d'enseignement selon lequel un catalyseur d'oxydation diesel pourrait être utilisé avec un moteur fonctionnant en mélange pauvre.
Activité inventive:
D13 est l'état de la technique le plus proche. Il est inhérent que l'oxyde de cérium et/ou l'oxyde de fer décrits comme additif (alinéa [0005]) sont utilisés sous forme d'une dispersion colloïdale organique. Il n'y a donc pas de caractéristique distinctive vis-à-vis de D13.
Même s'il était accepté que la différence était la dispersion colloïdale, le problème objectif à résoudre pourrait seulement être de trouver un procédé alternatif pour opérer un moteur diesel équipé d'une ligne d'échappement comprenant un filtre à particules catalytique et un catalyseur d'oxydation diesel. En effet, les essais D15 ne permettent pas de montrer un effet technique surprenant, car l'additif comparatif et la méthode de D15 ne sont pas représentatifs pour l'additif et la méthode de D13; D15 ne concerne pas un catalyseur monofonctionnel d'aide à la combustion de particules de suies et il y a des doutes quant à la fiabilité des résultats.
Il est évident pour la personne du métier d'ajouter l'oxyde de fer sous forme d'une dispersion colloïdale organique. Le cas échéant, D6 enseigne qu'une dispersion colloïdale organique de fer contribue à la réduction de la température d'auto-inflammation des suies (page 1, lignes 19 à 21).
Il y a donc un manque d'activité inventive vis-à-vis de D13 ou vis-à-vis de D13 en combinaison avec D6.
L'objet de la revendication 1 manque également d'activité inventive vis-à-vis de D1.
VI. Les arguments de la requérante 1 pertinents pour la présente décision se reflètent dans les motifs ci-dessous.
VII. La requérante 1 demande que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu sous forme modifiée sur la base de la requête principale "RA1" (correspondant à la requête subsidiaire 1 de la décision) ou, à titre subsidiaire, sur la base de la requête subsidiaire "RA2" (correspondant à la requête subsidiaire 3 de la décision), présentées avec le mémoire exposant les motifs du recours.
La requérante 2 demande que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit révoqué.
Motifs de la décision
Requête principale "RA1"
1. Article 83 CBE
Les conditions énoncées à l'article 83 CBE sont remplies pour les raisons suivantes:
1.1 La revendication 1 concerne un procédé dans lequel on alimente soit un moteur diesel soit un moteur fonctionnant en mélange pauvre avec un carburant comprenant un additif constitué essentiellement d'un composé du fer. L'additif est sous forme d'une dispersion colloïdale organique dans laquelle le composé du fer est un oxyde, un hydroxyde ou un oxyhydroxyde de fer. Le filtre à particules utilisé est un filtre catalysé dont le catalyseur consiste en un catalyseur d'aide à la combustion des particules de suies. La personne du métier comprend que le filtre à particules ne contient pas de catalyseur ayant un autre but que la combustion des suies. Cette interprétation est aussi en accord avec l'alinéa [0038]).
La personne du métier comprend que le catalyseur est ajouté au filtre de particules afin d'aider à la combustion des suies. Il est évident que, comme pour tout catalyseur, d'autres réactions ne peuvent pas être catégoriquement exclues même si elles ne sont pas ciblées par le catalyseur. La présence d'autres réactions telles que l'oxydation de NO et/ou de CO dépend entre autres de la composition du gaz d'échappement.
La chambre ne peut donc pas suivre l'interprétation de la requérante 2 selon laquelle toute autre réaction que la combustion de suies serait catégoriquement exclue sur le catalyseur.
1.2 La requérante 2 est aussi d'avis qu'il n'y a pas d'enseignement selon lequel un catalyseur d'oxydation diesel pourrait être utilisé avec un moteur fonctionnant en mélange pauvre. En accord avec la division d'opposition (motifs 1.1.1), la chambre ne peut pas suivre ce raisonnement, car il n'est pas prouvé que le procédé ne pourrait pas être mis en ½uvre pour la combinaison avec un moteur fonctionnant en mélange pauvre, plus particulièrement en ce qui concerne la combinaison avec un catalyseur d'oxydation diesel. Même si, dans ce cas, le catalyseur n'avait pas l'effet désiré, présomption pour laquelle il n'y a pas de preuve, cela n'impliquerait pas d'insuffisance de description, mais serait à évoquer dans le cadre de l'article 56 CBE (G 01/03, point 2.5.2 des motifs).
Par ailleurs, le brevet contient plusieurs exemples mettant en oeuvre le procédé revendiqué. Il n'y a donc pas de raisons de douter que la personne du métier puisse reproduire le procédé selon la revendication 1, d'autant plus que l'addition d'un additif à un carburant afin d'aider à la combustion de suies est bien connue.
2. Article 56 EPC
Les conditions énoncées à l'article 56 CBE sont également remplies pour les raisons suivantes:
2.1 L'invention concerne un procédé de fonctionnement d'un moteur diesel ou d'un moteur fonctionnant en mélange pauvre en vue de faciliter la régénération du filtre à particules monté sur la ligne d'échappement dont est équipé ce moteur (alinéa [0001] du brevet contesté).
2.2 Le document D13 peut être considéré comme l'état de la technique le plus proche, car il concerne aussi l'addition d'un additif tel que la cérine au carburant, afin de réduire la température de combustion des particules de suies (voir alinéa [00054]). Même si l'objectif de l'invention de D13 est différent (alinéa [0007]), la réduction de la température de combustion en fait en tout cas partie.
2.3 Le problème à résoudre est de mettre en place un procédé permettant une meilleure combustion des suies (alinéa [0007]).
2.4 Il est proposé de résoudre ce problème par un procédé selon la revendication 1 caractérisé en ce que l'additif est sous forme d'une dispersion colloïdale organique.
Cette caractéristique n'est pas divulguée dans D13, car D13 décrit dans l'introduction de l'invention que l'oxyde de cérium et/ou de fer sont connus dans l'état de la technique en tant qu'additifs (alinéa [0005]). Dans le contexte du système de D13, la cérine est spécifiquement divulguée (alinéa [0054]). Selon D16, la cérine est un mélange de ferrocène et dioxyde de cérium. Cependant, il ne ressort pas directement et sans équivoque de D13, même en tenant compte de D16 (et D20 à D22), que la cérine est utilisée sous forme d'une dispersion colloïdale organique. Il n'y a donc pas de défaut de nouveauté qui aurait pu être considéré dans le contexte de l'activité inventive (G 07/95, point 7.2 des motifs).
2.5 Le problème est effectivement résolu :
L'exemple 2 du brevet montre que le procédé selon la revendication 1 permet d'obtenir un "point d'équilibre" à basse température, à savoir 340°C. Le document D13 ne contient pas d'informations à ce sujet précis. Il divulgue seulement que la cérine permet de réduire la température de combustion des suies à environ 450°C (alinéa [0054]).
D15 montre que la combustion de suies est plus efficace si le fer est utilisé sous forme colloïdale que sous forme d'une solution. Même si l'additif octoate de fer utilisé comme comparaison dans D15 n'est pas utilisé dans D13, D15 permet quand même de constater que la forme colloïdale qui est stabilisée dans la phase organique par l'acide isostéarique présente des avantages par rapport à une autre forme de fer. Le procédé de D15 est bien un procédé selon la revendication 1, car la revendication 1 n'exclut pas une post-injection de carburant en plus de l'utilisation du carburant additivé. En outre, rien n'indique que le catalyseur utilisé ne consiste pas en un catalyseur d'aide à la combustion des particules de suies. Même si l'additif selon la revendication permet seulement de brûler plus de 5% de suies par rapport à l'octoate de fer, il n'y a pas de preuve que ce résultat n'est pas fiable et ne peut pas être considéré comme avantageux.
En outre, l'exemple soumis durant la phase d'examen et reproduit par la requérante 2 à la page 33 de son mémoire de recours montre que la forme colloïdale est plus efficace que le ferrocène sous forme soluble, qui est aussi un constituant de la cérine d'après D16.
En considérant toutes ces informations expérimentales, la requérante 2 n'a pas présenté d'essais qui pourraient mettre en doute les résultats ci-dessus. On peut donc conclure que le problème posé est résolu.
De surcroît, il n'y a aucune information montrant que ces résultats s'appliquent seulement au moteur diesel et non au moteur fonctionnant en mélange pauvre.
Il n'y a donc pas de raison de redéfinir le problème de façon moins ambitieuse.
2.6 Il reste à déterminer si la solution proposée découle de façon évidente de l'état de la technique.
D13 décrit qu'un additif tel que l'oxyde de cérium et/ou l'oxyde de fer peut être utilisé pour réduire la température de combustion de suies. Cette divulgation est faite dans le contexte de la discussion de l'état de la technique. Il n'y a toutefois pas de détails concernant la forme sous laquelle l'additif est ajouté au carburant et concernant le système dans lequel cet additif est utilisé dans l'état de la technique. D13 divulgue que dans le contexte de l'invention, la cérine permet de réduire la température de combustion des suies. Comme noté ci-dessus, la cérine n'est pas forcément sous forme colloïdale. D13 n'enseigne donc pas que la forme colloïdale est avantageuse par rapport à une solution.
D6 divulgue une dispersion colloïdale organique de particules de fer comme adjuvant de carburant (revendication 1). Il est indiqué qu'une telle dispersion contribue à la réduction de la température d'auto-inflammation des suies (page 1, lignes 19 à 21) ce qui est illustré dans l'exemple 2 de D6. Cependant, D6 ne concerne pas des filtres catalysés. Il ne montre pas qu'une dispersion colloïdale est plus efficace qu'un adjuvant sous une autre forme et ne permet donc pas de conclure que les adjuvants de D6 permettent de résoudre le problème posé. C'est pourquoi il ne semble pas y avoir de raison pour laquelle la personne du métier cherchant la solution au problème posé se tournerait vers D6.
Une telle conclusion est plutôt basée sur une analyse ex post facto.
La solution ne ressort donc pas de façon évidente de l'état de la technique.
2.7 Nonobstant la question de savoir s'il y a lieu d'examiner l'objection au titre de l'article 56 CBE en partant du document D1, il n'est pas contesté que ce document ne divulgue pas non plus une dispersion colloïdale. Le raisonnement ci-dessus s'applique donc également à D1 (article 56 CBE).
D2 n'est pas plus pertinent que D13, car l'alinéa [0037] ne divulgue pas clairement que le fer pourrait être utilisé tout seul comme additif et car les revendications 5 et 6 ne divulguent pas un filtre catalysé. Même si on partait de D2, le même raisonnement que pour D13 s'appliquerait.
2.8 L'objet de la revendication 1 et des revendications dépendantes 2 à 8 est donc basé sur une activité inventive en accord avec l'article 56 CBE.
3. Par conséquent, la requête principale "RA1" est admissible.
4. Il n'est donc pas nécessaire de discuter la requête subsidiaire "RA2".
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. L' affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de maintenir le brevet sous forme modifiée sur la base de la requête principale "RA1", déposée avec le mémoire exposant les motifs du recours, et une description à adapter le cas échéant.