J 0015/92 25-05-1993
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Principe de bonne foi entrainant obligation de lever une équivoque
Restitutio in integrum
Remboursement de la taxe de recours
Principle of good faith - obligation to clarify an ambiguity
Restitutio
Reimbursement of appeal fee
I. La demande de brevet européen n° 88 903 283.5 a été déposée le 12 avril 1988 en tant que demande internationale PCT/FR 88/00 178 revendiquant la priorité de deux demandes françaises des 14 avril 1987 et 8 septembre 1987.
II. La taxe annuelle pour la 4ème année était exigible le 2 mai 1991 et n'étant pas payée à cette date, par communication du 10 juin 1991 (Form OEB 2522), la section de dépôt a rappelé au demandeur qu'elle pouvait être encore acquittée avec surtaxe dans un délai de six mois après son échéance selon l'Article 86(2) CBE faute de quoi la demande serait réputée retirée selon l'Article 86(3) CBE.
III. Aucun paiement n'étant intervenu dans le délai ainsi rappelé, la section de dépôt a informé le demandeur le 2 décembre 1991 que sa demande était réputée retirée.
La taxe annuelle pour la quatrième année et la surtaxe correspondante ont été payées le 9 décembre 1991.
IV. Par courrier ultérieur du 3 janvier 1992 reçu à l'OEB le 7 janvier 1992, le demandeur a requis une décision en ces termes "je viens donc, comme vous le suggérez dans votre notification, requérir par la présente une décision m'accordant le maintien en vigueur de ma demande."
A ce courrier était annexée une requête intitulée "requête en vue du maintien en vigueur de la demande de brevet" motivée par des ennuis de santé justifiant le retard dans le paiement de la quatrième annuité de taxe.
V. Par décision notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 mars 1992, la section de dépôt, considérant qu'il s'agissait d'une requête en décision selon la Règle 69(2) CBE (cf. point 6 de l'exposé des faits) l'a rejetée et maintenu que la demande était réputée retirée selon l'Article 86(3) CBE pour paiement tardif de la quatrième taxe annuelle.
VI. Par lettre reçue à l'Office le 12 Mai 1992, le demandeur a fait recours contre cette décision.
Il s'est acquitté d'un paiement de 510 Francs Français le 7 mai 1992 qualifié de taxe de restitution complété d'un paiement du 19 mai 1992 pour 2920 Francs en complément ; soit en tout 3430 Francs Français contrevaleur de 1000 Deutsche Mark représentant le montant de la taxe de recours.
Le paiement complémentaire de 2920 Francs Français n'est intervenu qu'après que le demandeur ait été informé par téléfax du 15 Mai 1992 du montant insuffisant du premier versement de 510 Francs Français comme acquit de la taxe de recours.
Nonobstant ce double paiement intervenu dans le délai de l'Article 108 CBE le demandeur s'est vu notifier le 7 juillet 1992 par lettre recommandée avec accusé de réception, que son recours n'était pas considéré comme formé faute de paiement de la taxe de recours.
VII. Cette notification restait sans réponse jusqu'à ce que le 5 octobre 1992 intervienne une nouvelle communication annulant le contenu de la première après que, vérifications opérées à l'Office, il ait été retrouvé trace du paiement utile de la taxe de recours.
Par communication datée du 5 octobre 1992, le demandeur (Appelant) était en conséquence invité à s'acquitter de la 5ème taxe annuelle d'une part et, d'autre part, à fournir son mémoire de recours dans le délai restant à courir au jour de l'envoi de la première communication erronnée, c'est-à-dire avant le 26 octobre 1992.
VIII. L'Appelant fournissait son mémoire de recours le 23 octobre 1992 en faisant valoir que le retard dans le paiement de la quatrième annuité était dû à un cas de force majeure tenant au fait qu'il s'était trouvé dans l'impossibilité de se déplacer à la suite de la très grave maladie de son épouse et que n'ayant point constitué de mandataire agréé ainsi que le lui permet l'article 133 CBE, il n'avait pu l'acquitter en temps opportun.
Il n'a pas requis de procédure orale.
IX. Une nouvelle notification selon l'Article 110(3) CBE, en date du 18.12.92, informait l'Appelant d'une équivoque entachant sa requête du 7 janvier 1992 ayant abouti à la décision attaquée et l'invitait à s'acquitter de la taxe correspondant à sa requête si tant était qu'elle fût bien de restitutio in integrum.
X. Cette dernière taxe était effectivement acquittée le 13 janvier 1993 par l'appelant qui fournissait ultérieurement des certificats médicaux attestant de la maladie de son épouse, pour lors, et lors de la période d'échéance de la 4ème annuité de taxe.
1. Recevabilité du recours
L'acte de recours a été reçu le 12 mai 1992, soit moins de deux mois après la signification de la décision du 18 mars 1992 réputée intervenue le 28 mars 1992.
La taxe de recours a été complètement acquittée le 19 mai 1992, soit dans le délai de l'article 108 CBE.
Il résulte des points VII et VIII supra que l'Appelant a produit dans le nouveau délai qui lui avait été imparti, un document intitulé "mémoire de recours".
La Chambre considère toutefois que cette production s'est avérée superflue car les motifs de fait ou de droit qui y sont développés étaient déjà substantiellement exposés dans l'acte reçu le 12 mai 1992 par l'Office. Par référence à la décision T 250/89 JO OEB 1992, 355 (cf. point 6 de ses motifs), lorsque "les motifs du recours se tirent sans ambiguïté de l'acte de recours, ce dernier se confond avec le mémoire de recours" et, dans ces circonstances, "la production d'un mémoire dans le délai de l'Article 108 CBE, troisième phrase, n'est plus une condition de recevabilité ... parce que cette condition s'est trouvée satisfaite par la présence des motifs dans l'acte de recours."
Le présent recours est donc recevable.
2. Au fond
2.1 Il est appelé d'une décision rendue le 18 mars 1992 sur la requête du demandeur au brevet auquel la section de dépôt venait de notifier que sa demande était réputée retirée en vertu de l'Article 86(3) CBE pour défaut de paiement dans les délais de la quatrième taxe annuelle.
2.2 La première instance a interprété cette requête comme étant de celles prévues à la règle 69 paragraphe 2 CBE, dont l'opportunité avait été rappelée au demandeur dans la notification de perte de droit du 2 Décembre 1991.
Elle y pouvait être raisonnablement incitée par les termes de la requête ainsi libellés : "Je viens donc, comme vous le suggérez dans votre notification requérir par la présente une décision m'accordant le maintien en vigueur de ma demande". Pour autant, elle n'a tenu aucun compte de la requête seconde intitulée "Requête en vue du "maintien en vigueur de la demande de brevet" motivée par des raisons de santé.
L'eût elle fait qu'elle eût alors immanquablement considéré que l'antagoniste objet des deux requêtes les entachait d'une équivoque qu'il appartenait de lever à telle fin que la section de dépôt sache s'il s'agissait d'une requête en décision ou d'une requête en "restitutio in integrum".
2.3 Agissant ainsi par simple communication elle eût de même pu rappeler au Requérant les termes en l'espèce non respectés, de l'Article 122(3) CBE selon lesquels la requête en restauration de droits n'est réputée présentée qu'après paiement de la taxe correspondante.
L'équivoque est d'ailleurs d'autant plus flagrante a posteriori que l'appelant dans son acte de recours du 12 mai 1992, alors qu'il exécutait paiement partiel de la taxe de recours (complété le 19 mai 1992) prétendait s'acquitter d'une taxe en restitution d'une part, et que d'autre part il formait recours pour obtenir restitution de ses droits.
2.4 Or, le principe de bonne foi réciproque qui régit les rapports de l'OEB et des déposants entraîne pour l'Office l'obligation d'avertir ceux ci des pertes de droits qu'ils risquent d'encourir pour peu que les erreurs qui en sont causes soient aisément décelables d'une part et que le déposant soit à même d'y remédier en temps utile d'autre part.
Il eût suffi dans le cas d'espèce que l'Office invitât le déposant à qualifier exactement sa requête et à s'acquitter de la taxe correspondante pour que celui-ci, dont la requête datait du 7 janvier 1992, pût utilement jusqu'au 12 février 1992 y pourvoir.
2.5 Le déposant n'ayant été dûment informé que par communication du 18 décembre 1992 de la nécessité de s'acquitter de la taxe et celle-ci ayant par ailleurs été créditée le 13 janvier 1993 au profit de l'OEB la requête en restitutio se trouve recevable, la 4ème taxe annuelle ayant été par ailleurs acquittée avec surcharge dès le 9 décembre 1991 après réception de la notification de perte de droit du 2 décembre 1991.
M. VARALE est, ainsi que l'article 133 CBE le lui permet, un déposant agissant seul, il est âgé de plus de quatre- vingts ans et doit assurer les soins et la surveillance constante dus à son épouse gravement malade ainsi qu'il résulte des certificats médicaux régulièrement versés aux débats.
Il apparaît encore qu'à cause de l'état de santé de Madame VARALE, co-déposante, celle-ci n'a pas pu être en mesure d'intervenir comme elle eût pu et du le faire car la période d'échéance de la 4ème taxe annuelle a coïncidé avec une recrudescence de sa maladie.
M. VARALE a payé immédiatement après la notification de perte de droit du 2 décembre 1991 soit dès le 9 décembre 1991. Il justifie d'un empêchement physique et moral légitime qui, malgré l'attention jusqu'alors apportée à sa requête en délivrance d'un brevet européen, l'a contraint à ne pas pouvoir respecter l'ultime délai de paiement de la quatrième annuité de taxe. Il échet donc de faire droit à son recours.
3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné pour ce que d'une part la première instance a manifestement commis un vice substantiel de procédure en ne considérant pas dans sa totalité la requête par elle rejetée sans autre forme d'investigation et en ce qu'il serait inéquitable que de tels frais, onéreux pour un particulier, demeurassent à sa charge.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le requérant est rétabli dans le délai de paiement de la quatrième annuité de taxe.
3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.