T 0460/95 (SOMAB - Restitutio) 16-07-1996
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GILDEMEISTER Aktiengesellschaft
GRUNDIG E.M.V. Elektro-Mechanische Versuchsanstalt Max Grundig
holländ. St. & Co. KG
Fanuc Ltd
Principe de bonne foi régissant les relations entre l'OEB et ses usagers ; restitutio (oui)
Restitutio - all due care - professional representative - principle of good faith - erroneous information from the office
I. La requérante (titulaire du brevet) a formé un recours contre la décision de la Division d'opposition en date du 30. mars 1995 par laquelle le brevet européen n 0 299 046 a été révoqué.
II. Le recours a été formé le 2 juin 1995 et la taxe de recours a été acquittée le même jour, donc en temps utile. Le mémoire de recours devait être déposé le 9. août 1995 au plus tard. Deux semaines avant cette date, le 26 juillet 1995, l'OEB a reçu une lettre en date du 18. juillet 1995, par laquelle la requérante a sollicité un délai supplémentaire de deux mois pour lui permettre d'examiner un tour d'outillage chez un vendeur ou un utilisateur. L'OEB n'a pas répondu à cette lettre.
III. Aucun mémoire de recours n'étant intervenu dans le délai de l'article 108 CBE, le greffe des Chambres de recours a envoyé une notification datée le 23 août 1995 informant la requérante que le recours serait probablement rejeté comme irrecevable.
IV. Le 23 septembre 1995, la requérante a déposé les motifs du recours ainsi qu'une requête en restitutio in integrum, la taxe correspondante ayant été acquittée le 19. septembre 1995. Le mandataire de la requérante a expliqué qu'il avait téléphoné au secrétariat des Chambres de recours le 18 juillet 1995 pour savoir s'il lui était possible d'obtenir délai pour présenter les motifs du recours. Le greffier, dont le mandataire avait noté le nom, lui aurait donné une réponse positive en indiquant que les motifs de cette demande devraient être exposés par écrit.
V. Selon le greffier en question, qui n'a qu'un vague souvenir de cette conversation, il est pratiquement exclu qu'il ait informé le mandataire que le délai pour le dépôt du mémoire de recours puisse jamais être prorogé. Il n'exclut toutefois pas un malentendu à considération de problèmes de langue, susceptibles d'avoir entraîné une mutuelle incompréhension.
1. La requête en restitutio in integrum est recevable, les conditions posées aux articles 122(2) et (3) CBE étant remplies.
2. Le mandataire de la requérante admet que le mémoire de recours n'a pas été déposé dans le délai de l'article 108 CBE. Cependant, il affirme avoir été induit en erreur par des renseignements que lui aurait fournis le greffe des Chambres de recours de l'OEB. Il y a donc d'abord lieu de se référer à la jurisprudence des Chambres de recours pour juger si, dans le cas d'espèce, il y a eu un manquement au principe de bonne foi qui régit les relations entre l'OEB et ses usagers. Pour la mise en oeuvre de ce principe à la procédure devant l'OEB, il convient de considérer que la confiance légitime des parties à la procédure ne doit pas être abusée du fait des mesures prises par l'OEB (J 10/84, JO 1985, 71, G 5/88, G 7/88, G 8/88, JO 1991, 137).
3. Selon la jurisprudence des Chambres de recours, une communication émanant de l'OEB et contenant des renseignements erronés qui ont conduit le demandeur à entreprendre une action entraînant le rejet de sa demande de brevet est nulle et dépourvue d'effet dans sa totalité (J 2/87, JO OEB 1988, 330). Si un demandeur se fonde sur une notification équivoque, il ne doit pas s'en trouver lésé (J 3/87, JO OEB 1989,3). En appliquant cette jurisprudence dans la décision J 27/92 (JO OEB 1995, 288), la Chambre a estimé qu'un demandeur qui avait été informé par l'Office qu'il pouvait bénéficier d'une réduction de la taxe d'examen, ce qui en effet n'était pas possible, était en droit de se fier aux informations fournis. Selon J 3/87 (JO OEB 1989, 3) le principe de bonne foi s'appliquait même à une situation où une communication officielle, quoique correcte, était susceptible d'être mal comprise au vu de la complexité des dispositions de la CBE qu'elle devait expliquer.
Par ailleurs, dans l'affaire T 160/92 (JO OEB 1995, 35), la Chambre a fait observer que le principe de la confiance devait régir tous les actes de procédure accomplis à l'égard des parties par les agents de l'OEB, même lorsque ces actes n'ont pas de caractère officiel (par exemple, lors de conversations téléphoniques, lesquelles ne font pas partie en tant que telles de la procédure officielle devant l'OEB).
4. Toutefois, certaines des décisions précitées se réfèrent également au principe selon lequel les parties à la procédure devant l'OEB, tout comme leurs mandataires, sont censées connaître les dispositions de la CBE susceptibles de s'appliquer aux faits de la cause. Pour que le demandeur puisse alléguer s'être fié à des informations incorrectes, il doit être établi que les renseignements erronés émanant de l'OEB ont été la cause directe de l'action qu'il a entreprise et pouvaient objectivement légitimer sa conduite (cf. J 3/87, supra). Une telle appréciation dépendra donc des circonstances particulières à chaque espèce.
Il faut aussi prendre en considération le fait que l'article 122 CBE, n'envisage le rétablissement dans ses droits d'un demandeur qui n'a pas été en mesure d'observer un délai à l'égard de l'OEB que s'il a fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances.
5. Dans le cas de l'espèce, le mandataire de la requérante savait que le délai pour le dépôt du mémoire de recours expirait normalement le 9 août 1995. Cependant, il affirme avoir appelé le greffe des chambres de recours de l'OEB le 18 juillet 1995 afin de demander s'il pouvait bénéficier de la possibilité d'obtenir une prorogation de deux mois du délai de dépôt des motifs du recours. Le mandataire avait compris recevoir une réponse positive, son interlocuteur greffier ayant indiqué qu'il était nécessaire qu'une lettre exposant les motifs de cette demande de délai additionnel fût adressée à l'OEB. Précisément, une lettre comportant requête en ce sens datée du 18 juillet fut reçue à l'Office le 26 juillet suivant. Le greffier dont le nom a été indiqué par le mandataire comme étant son interlocuteur a pour sa part confirmé à la Chambre le fait qu'une conversation téléphonique a bien eu lieu ; il n'y a donc aucune raison de mettre en doute les déclarations du mandataire relatives à la portée de ce qu'il a alors pu comprendre.
Il est vrai cependant que le greffier a quant à lui déclaré n'avoir pu informer le mandataire qu'une telle prorogation puisse être jamais accordée; il a toutefois admis qu'il était possible qu'il y ait eu un malentendu tenant à des raisons de langue. La Chambre, quoique convaincue que tous les agents du greffe connaissent parfaitement les dispositions de l'article 108 CBE, estime qu'il ne peut être exclu dans ce cas particulier - comme l'admet d'ailleurs le greffier lui-même - qu'un malentendu ait amené le mandataire à croire de bonne foi qu'une prorogation était en fait possible.
6. La Chambre tient à souligner par ailleurs que la requête en prorogation a été déposée le 26 juillet 1995, soit deux semaines avant l'échéance du délai. A cet égard, le principe de bonne foi exige non seulement qu'un demandeur puisse se fier aux informations fournies par l'Office, mais encore que l'Office l'avertisse d'irrégularités aisément décelables et donc aisément corrigibles dans les délais (voir ainsi J 15/92 du 25 mai 1993 (non publiée) ou J 41/92 (JO OEB 1995, 93)). De telles conditions sont ici remplies : dès réception de la lettre, le greffe aurait pu, voire même dû, constater qu'elle était basée sur un malentendu ; l'irrégularité était donc sans équivoque et facile à découvrir et les deux semaines restant à courir jusqu'à l'expiration du délai pour y pourvoir, suffisaient à la requérante pour déposer son mémoire de recours.
7. Il demeure à considérer si le fait que le mandataire lui- même ait demandé la prolongation du délai sans se rendre compte que les délais établis par l'article 108 CBE ne sont pas susceptibles de prorogation n'exclut pas toute possibilité de rétablir ses droits. Il peut être présumé que le mandataire en tant que représentant agréé devant l'OEB aurait dû connaître les règles de la CBE sur ce point, à savoir que tels délais ne peuvent en aucun cas être prolongés, et qu'il n'a ainsi pas fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances en sollicitant en l'espèce un tel prolongement. Dans les décisions T 853/90 du 11 septembre 1990 et T 516/91 du 14. janvier 1992 (non publiées), les Chambres ont respectivement considéré qu'un mandataire était censé connaître les dispositions de la CBE relatives au délai de dépôt du mémoire de recours et que quand il manquait à l'observer il ne faisait pas preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances.
Pour autant les deux décisions précitées sont à distinguer du cas de l'espèce ; les mandataires en question n'avaient pas pris la précaution d'un contact préalable avec le greffe des chambres de recours avant que de manquer au respect des délais et n'avaient pas reçu des renseignements de cet organe ayant donné lieu à malentendu et les ayant conduit à entreprendre une action préjudiciable à leurs intérêts. Par ailleurs, ni l'un ni l'autre n'était en droit de s'attendre à être prévenu d'une irrégularité en vertu du principe de la confiance réciproque régissant les rapports de l'OEB et de les usagers (cf. point 6 dessus).
8. Suivant la jurisprudence tenant à cette matière et citée dessus, la Chambre est d'avis que la requérante ne saurait être lésée par le seul fait qu'elle se soit fondée sur une information reçue de l'OEB qui s'est avérée par la suite erronée ou susceptible d'avoir été mal comprise. Le deuxième aspect du principe de confiance évoqué au point 6 dessus constitue ainsi une raison supplémentaire justifiant qu'il soit fait droit à la requête de la titulaire du brevet.
Il convient en conséquence de faire droit à sa requête en restitutio in integrum.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La requérante est rétablie dans ses droits.
2. Le mémoire du recours est réputé déposé en temps utile.