T 1237/05 15-03-2007
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Recours contre la décision de répartition des frais : non admissible
Nouveauté : oui (caractéristique distinctive non-implicite)
Violation de procédure : non
Renvoi à la division d'opposition : oui
I. Le titulaire a formé sous paiement de la taxe correspondante, le 21 septembre 2005, recours contre la décision en date du 22 juillet 2005 de la division d'opposition de révoquer le brevet Nº 0 718 447.
Les motifs de recours ont été déposés par téléfax le 30 novembre 2005.
Par sa décision du 22 juillet 2005, la division d'opposition a révoqué le brevet européen EP 0718447 pour défaut de brevetabilité, en l'occurrence pour défaut de nouveauté par rapport au seul document A9, de l'objet du brevet tel que délivré (objet de la requête principale tendant au rejet des oppositions) et pour défaut d'activité inventive de l'objet de six requêtes auxiliaires de maintien du brevet sous forme modifiée.
La division d'opposition avait introduit dans la procédure, au titre de l'article 114(1) CBE et en raison de leur pertinence, les documents A7, A8 et A9 produits après le délai d'opposition par l'opposante OI. Pour des raisons d'équité, cette admission a été accompagnée d'une décision de répartition des frais au titre de l'article 104(1) CBE en faveur du titulaire.
Par ailleurs, la division d'opposition a considéré que les dispositions des articles 83 (ou 100(b)) et 123 (ou 100(c)) CBE étaient satisfaites par le brevet et l'invention y décrite.
II. Par courrier du 30 septembre 2005, l'opposante OI a également formé un recours tendant à l'annulation de la seule décision de répartition des frais prise par la division d'opposition au bénéfice du titulaire ; la taxe de recours a été payée le même jour.
Par ailleurs l'opposante OI requiert le rejet du recours formé par le titulaire.
III. L'opposante OII est de droit partie à la procédure de recours et requiert le rejet du recours formé par le titulaire.
IV. Le titulaire (ci-après dénommé requérant) requiert :
- le remboursement de la taxe de recours pour violation des dispositions de l'article 113(1) sur le fondement de la règle 67 CBE ;
- que le recours de l'opposante OI soit déclaré non recevable ;
- l'annulation de cette partie de la décision de la division d'opposition d'introduire au titre de l'article 114(1) CBE les documents A7, A8 et A9 produits tardivement en cours d'opposition et le renvoi devant la division d'opposition ;
- subsidiairement l'annulation de cette partie de la décision de la division d'opposition de révoquer le brevet tel que délivré au titre de l'article 54(1) au vu du document A9 et le renvoi devant la division d'opposition ;
- subsidiairement la saisine de la Grande Chambre de recours si une objection de défaut de nouveauté implicite de l'invention du brevet tel que délivré était retenue par la chambre sur le fondement du document A9, car il y aurait une divergence manifeste d'avec la jurisprudence établie en la matière ;
- subsidiairement l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sous forme modifiée selon l'une des six requêtes auxiliaires déposées le 16 février 2005 lors de la procédure orale devant la division d'opposition ou selon une requête principale bis et une requête auxiliaire 4 bis déposées par lettre du 14 février 2007 ;
- subsidiairement la tenue d'une procédure orale devant la chambre.
V. Le brevet tel que délivré (selon la requête principale) comporte deux revendications indépendantes libellées comme suit :
Revendication 1 :
"Matériau isolant comportant un sandwich formé par au moins deux films (2) de matière synthétique renfermant des bulles d'air (3), lesdits films étant assemblés et recouverts sur au moins une de leurs faces externes par un revêtement (1) de protection, caractérisé en ce que les deux films (2) de matière synthétique sont rendus uniformément solidaires au niveau de l'une de leurs faces respectives par un procédé de soudage à chaud, de manière a être associés les uns aux autres sur l'ensemble de leurs surfaces."
Revendication 14 :
"Procédé de fabrication d'un matériau isolant selon l'une des revendications 1 à 13, comportant un sandwich formé par au moins deux films de matière synthétique renfermant des bulles d'air, lesdits films étant assemblés entre eux et recouverts sur au moins une de leurs faces par un revêtement de protection, caractérisé en ce qu'on assure la superposition des épaisseurs de films de matières synthétiques à bulles d'air, puis on assure leur association les unes aux autres sur l'ensemble de leurs surfaces pas soudage à chaud."
VI. Les documents qui ont été considérés lors des débats devant la chambre sont :
A7 : FR-A- 2650532
A9 : IT-A- 1229233
A9T : traduction française partielle de A9
A11 : Günther Schreyer, "Konstruieren mit Kunststoffen, Grundlagen und Eigenschaften, Konstruktionsprinzipien und Anwendungsbeispiele", Teil 1, pages 122 à 125, Carl Hanser Verlag München 1972
VII. Le titulaire (requérant) a présenté les arguments suivants :
a) Le recours formé par l'opposante OI serait en contradiction avec les dispositions de l'article 106(4) CBE. Il devrait ainsi être rejeté comme irrecevable.
b) Les documents A7 à A9 seraient hors du cadre initial des oppositions, d'une pertinence prima facie non-évidente puisqu'aucun de ces documents ne divulguerait une liaison des films sur l'ensemble de leurs surfaces, et devraient ainsi être écartés des débats aux termes de l'article 114(2) CBE.
c) L'objet de la requête principale serait nouveau par rapport aux documents A9 ou A7.
L'homme du métier ne pourrait conclure de la seule figure de A9, même en faisant appel à ses connaissances générales, que la thermo-soudure des films 2, 3, 4 et 5 serait nécessairement réalisée sur la totalité des surfaces respectives en regard. La caractéristique relative à la thermo-soudure surfacique ne serait donc pas non plus divulguée de manière implicite par le contenu technique de A9.
De même, le matériau selon A7 ne comporterait pas la liaison par soudage à chaud de manière à lier les films sur l'ensemble de leurs surfaces. Par ailleurs, le matériau selon A7 utiliserait des couches en mousse au lieu de films à bulles d'air, qui ne seraient pas solidarisées directement entre elles mais par l'entremise d'une couche intermédiaire.
d) La division d'opposition aurait violé les principes d'impartialité et d'équité. Elle se serait d'une certaine manière substituée aux opposantes pour motiver la décision de défaut de nouveauté de l'invention telle que délivrée, en complétant l'argumentation des opposantes et notamment en introduisant de son propre chef la notion de défaut de nouveauté implicite pour la caractéristique non divulguée par A9 de "la solidarisation sur toute la surface". La division aurait ainsi pris partie pour les opposantes et contribué activement à la révocation du brevet.
Par ailleurs, comme les motifs de la décision finale n'auraient jamais été débattus au cours de la procédure, ni dans leur ampleur ni dans la forme détaillée de la décision contestée, le titulaire aurait été surpris par les motifs de la décision de révocation et, par là même, privé du droit d'être entendu.
e) Le renvoi devant la division d'opposition serait seul de nature à préserver le droit à recourir, le cas échéant, à deux degrés de juridiction sur les moyens de droit non-décidés à ce stade, telle par exemple l'activité inventive de l'objet revendiqué.
VIII. Les opposantes OI et OII ont avancé les arguments suivants :
a) La décision de répartition des frais à raison du dépôt tardif des nouveaux documents A7 à A9 et prise en faveur du titulaire à l'encontre de l'opposante OI ne se justifiait pas. Ces documents avaient été introduits suite à la notification de l'avis provisoire de la division d'opposition, certes donc après le délai des 9 mois mais néanmoins bien avant la date de la procédure orale fixée par celle-ci. Aucun abus de procédure ne saurait dans ces conditions être retenu contre la citation des documents A7 à A9 et aucun préjudice pouvant justifier le remboursement de frais quelconques n'aurait ainsi été subi par le titulaire.
Le recours contre la décision de répartition des frais serait, en accord avec les décisions T 1135/01, T 0397/02 et T 0242/04, recevable du fait qu'il serait incident au recours recevable formé par le titulaire auquel la décision de révocation fait grief.
En outre, le montant des frais répartis n'étant toujours pas réclamé ou même connu, l'opposante OI se trouverait dans l'obligation de former un recours pour préserver ses droits au regard des dispositions de l'article 106(5) CBE.
b) La seule caractéristique de la revendication 1 du brevet tel que délivré qui ne soit explicitement divulguée dans A9, à savoir que le procédé de soudage à chaud doit être effectué de manière à ce que les deux films soient associés sur l'ensemble de leurs surfaces, serait implicitement contenu dans le document A9.
L'homme du métier identifierait sans difficultés cette caractéristique dans la partie gauche de l'unique figure (dans la partie droite, les couches étant représentées comme dissociées uniquement pour clarifier la structure ou la composition de l'ensemble). En outre, sans précision supplémentaire dans le texte quant à une limitation locale des surfaces soudées à chaud, l'homme du métier, s'appuyant sur ses connaissances générales (comme illustrées par A11), interprèterait le terme "thermo-soudure" comme définissant une liaison de l'ensemble des surfaces en regard des deux couches.
De même, l'objet de la requête principale serait antériorisé par le document A7. Le matériau isolant selon A7 comporterait deux couches de mousses synthétiques, tombant sous la dénomination générale de "films de matière synthétique renfermant des bulles d'air" du brevet ; cette interprétation du terme "films à bulles" étant d'ailleurs pleinement soutenue par l'objet de la revendication dépendante 6 du brevet relative à des films sous forme de couches de mousse synthétique. Les deux films équivalents dans A7 consisteraient ainsi dans les couches S1-M2 et S3-M3 thermo-soudées entre elles, non pas directement, mais par l'entremise d'une couche intermédiaire S2, et en accord avec le mode de réalisation de la revendication 2 et de la figure 2 du brevet.
De plus, le passage de A7 à la page 7, lignes 14 à 24 décrirait, parmi différents modes d'assemblage possibles des différentes couches composant le matériau isolant, la possibilité de fixation par flammage, consistant de manière connue à chauffer les surfaces en regard des deux couches, puis à les appuyer l'une contre l'autre pour les solidariser. Par ce procédé de solidarisation par flammage, les deux couches seraient ainsi également solidarisées sur l'ensemble de leurs surfaces.
c) Le renvoi de l'affaire à la première instance pour suite de l'examen de l'opposition serait en contradiction avec la requête du titulaire tendant à l'accélération de la procédure et, dans le cas d'espèce, non-justifié.
d) La procédure devant la division d'opposition ne serait entachée d'aucun vice substantiel et, de fait, il n'y aurait pas lieu de rembourser la taxe de recours.
1. Le recours du titulaire est recevable.
2. Recours formé par l'opposante OI
2.1 Article 106(4) CBE
2.1.1 L'opposante OI, à qui la révocation du brevet ne fait aucun grief (article 107 CBE), ne peut introduire un recours contre la seule répartition des frais.
Le recours de l'opposante OI motif pris de l'article 106(4) CBE est de ce seul chef irrecevable.
Contrairement à l'argument avancé par l'opposante OI, le seul fait qu'un recours, en l'occurrence celui formé par le titulaire, soit admissible ne peut conférer en soi un caractère de recevabilité au recours de l'opposante OI (par ailleurs non lésée par la décision sur le fond de la première instance) portant uniquement sur la décision de répartition des frais. Il convient en effet de distinguer entre, d'une part, une procédure de recours (initiée par au moins un recours admissible) et, d'autre part, un recours formé par une partie ; le terme "aucun recours" dans l'article 106(4) CBE indique sans équivoque un recours formé par une des parties à la procédure et ceci indépendamment de la présence d'autres recours formés par les autres parties à la procédure.
L'opposante OI est ainsi, au même titre que l'opposante OII, simple partie de droit à la procédure de recours.
2.1.2 Par ailleurs, une requête en annulation de la décision de répartition des frais introduite par l'opposante OI en sa qualité de partie de droit n'est pas non plus recevable à considération du principe d'égalité de traitement, cf. à ce sujet les décisions T 753/92, point 3.1 ; T 762/96, point 8 ; et T 514/01 point 4.2, illustrant la jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB en la matière.
Les décisions T 1135/01, T 0397/02 et T 0242/04 citées quant à elles par l'opposante OI concernent des situations distinctes de celle de la présente affaire.
Ainsi dans l'affaire T 0242/04, le requérant (titulaire) était lésé par la décision intermédiaire de la division d'opposition ; une requête de décision de répartition des frais encourus par le dépôt tardif de nouveaux documents par l'opposant était ainsi recevable.
Dans l'affaire T 1135/01, des nouveaux moyens de preuve ont été admis par la chambre de recours, qui a estimé n'y avoir lieu d'ordonner, dans le cas d'espèce, une répartition particulière des seuls frais encourus lors de la procédure devant la chambre et non de ceux nés devant la division d'opposition.
Quant à T 0397/02 la chambre a simplement réaffirmé qu'il n'était pas exclu pour une partie dans une procédure inter-partes de soumettre, même tardivement, des nouveaux moyens de preuves, ceci permettant entre autre un traitement équitable de toutes les parties ; la chambre ne s'est pas prononcée quant à une éventuelle répartition des frais, puisque celle-ci n'était pas objet des débats.
2.2 Article 106(5) CBE
Aux termes de son courrier daté du 20 avril 2006, l'opposante OI avait encore fait valoir que son recours devait également être compris comme constitutif d'une requête au sens de l'article 106(5) CBE au motif que la somme exigée par le titulaire ne lui étant pas encore connue et qu'il se voyait ainsi dans l'obligation de déposer un recours afin de préserver ses droits, au cas où la somme exigée par le titulaire devait dépasser la valeur de la taxe de recours.
La chambre ne peut faire droit à une telle requête, car les conditions d'ouverture d'un recours basé sur l'article 106(5) CBE ne sont pas encore remplies. En effet, l'article 106(5) CBE exige d'abord que le montant des frais soit fixé par le greffe de la division d'opposition (article 104(2), première phrase), acte non encore été effectué au moment de l'introduction du recours, puis après fixation des frais, qu'une requête de réformation soit déposée dans un délai d'un mois de la signification par le greffe et enfin que la taxe correspondante soit acquittée (article 104(2) deuxième phrase et règle 63(3) CBE). C'est seulement après que la division d'opposition a décidé du sort de cette requête qu'un recours au titre de l'article 106(5) CBE peut être formé.
3. Article 114(1) CBE
Les documents A7 à A9 ont été soumis par l'opposante OI avec le courrier du 27 février 2004 et en réponse à la notification officielle de la division d'opposition du 1 avril 2003. Leur citation a donc eu lieu avant la convocation en procédure orale datée du 4 octobre 2004 et bien avant la procédure orale devant la division d'opposition tenue le 16 février 2005. De ce fait, et malgré le dépôt tardif des documents A7 à A9, toutes les parties ainsi que la division d'opposition ont disposé d'un temps suffisant pour en apprécier les contenus respectifs.
Par ailleurs, la jurisprudence en matière d'exercice du pouvoir d'appréciation d'une instance de l'OEB, lorsqu'il s'agit de décider de prendre ou non en considération des moyens invoqués tardivement, est bien établie et s'appuie sur un examen dit "de pertinence" de ces moyens. En l'occurrence des moyens invoqués tardivement sont généralement admis dans la procédure dès lors que la division d'opposition estime qu'il existe de prime abord de solides raisons de croire que ces moyens pourraient s'opposer au maintien du brevet en litige.
Cette démarche a été justement suivie par la division d'opposition qui a jugé, d'une part, l'état de la technique contenu dans A9 si pertinent qu'il pourrait détruire la nouveauté de l'objet revendiqué dans le brevet tel que délivré et, d'autre part jugé pertinents les documents A7 et A8 à l'encontre notamment de certaines revendications dépendantes du brevet attaqué.
Par ailleurs, les documents A7 et A9 représentent un état de la technique proche de l'invention, et à l'évidence plus proche que les autres moyens de preuve retenus. Est donc justifiée la décision d'introduire ces documents dans la procédure au titre de l'article 114(1) CBE.
4. Requête principale - Nouveauté
4.1 Enseignement du document A9
Le revêtement isolant de A9 (voir la figure et page 2, lignes 21 à 26 de la traduction A9T) comporte un sandwich formé par au moins deux films 3,4 de matière synthétique renfermant des bulles d'air. Ces films sont assemblés et recouverts sur au moins une de leurs faces externes par un revêtement 5 de protection (en l'occurrence une feuille métallique mince et flexible, notamment en aluminium).
Les deux films 3,4 à bulles et la feuille métallique sont solidarisées entre elles par un procédé de soudage à chaud ou thermo-soudure (cf. page 2, lignes 27-28 de A9T).
Ainsi, comme admis par toutes les parties, la seule caractéristique de la revendication 1 du brevet tel que délivré qui ne soit explicitement divulguée dans A9 est celle définissant l'étendue de l'association des films, à savoir que le procédé de soudage à chaud doit être effectué de manière à ce que les deux films soient associés sur l'ensemble de leurs surfaces.
Dans la décision contestée (voir point 33), la division d'opposition a estimé que cette caractéristique était implicitement contenue dans A9, d'une part en raison de la configuration des bords de l'isolant tels qu'illustrés par l'unique figure, et d'autre part, par la nécessité pour le revêtement de servir également de barrière aux gaz, notamment à la vapeur d'eau, comme indiqué à la page 3 de la traduction A9T, lignes 3 à 6.
La chambre ne partage pas cette appréciation du contenu de A9. Pour qu'une caractéristique puisse être considérée comme implicitement divulguée dans un état de la technique, il faut que du contenu du document elle s'impose à l'évidence.
Or, l'homme du métier ne peut, à la lecture de l'unique figure de A9, déduire que la thermo-soudure des films 2, 3, 4 et 5 indiquée dans A9 doit nécessairement être réalisée de manière à ce que les deux films à bulles 3,4 soient associés sur l'ensemble de leurs surfaces. L'indication à la page 3 de A9T, sur laquelle la division d'opposition s'est basée pour conclure à la nature implicite de la caractéristique en question, est à tout le moins ambigüe, car l'imperméabilité aux gaz y décrite peut également être comprise comme déterminée dans la direction perpendiculaire au plan du revêtement et non pas, comme sous-entendu dans la décision contestée, uniquement ou spécifiquement dans son épaisseur et parallèlement aux couches de l'isolant.
Il ne saurait donc être déduit avec certitude de ce passage de la description et de la figure que l'adhésion des films par thermo-soudure soit à réaliser de manière à associer les deux films sur l'ensemble de leurs surfaces.
En outre, le seul fait que le texte de A9 ne donne aucune précision quant à une limitation locale des surfaces soudées à chaud ne peut en soi justifier la conclusion avancée par les opposantes, que le terme "thermo-soudure" définirait alors nécessairement une liaison sur l'ensemble des surfaces en regard.
En outre, rien dans ses connaissances générales (illustrées par exemple également dans le document A11) ne peut conduire l'homme du métier à considérer une soudure par surface comme seule et unique réalisation pratique possible de la fixation des films à bulles de A9 ; il n'existe aucune raison d'exclure a priori une jonction des films par des tirets plus ou moins longs de thermo-soudure répartis régulièrement, notamment sur les bords des films.
4.2 Enseignement du document A7
Le complexe d'isolation thermique selon le document A7 comprend une succession de films de matière plastique métallisée, appelés miroirs M1,M2,M3,M4 et de séparateurs S1,S2,S3 intercalés de mousse de polyéthylène ou de polypropylène extrudé alvéolaire (voir notamment la figure 1 et page 3, ligne 17 à page 4, ligne 8). Ces couches de mousse, correspondant au cas particulier de la revendication 6 du brevet, tombent bien dans le champ de la définition générale attribuée dans le brevet de "films à bulles d'air".
Les différentes couches successives de ce complexe sont assemblées entre elles en utilisant aux choix un procédé parmi ceux inventoriés dans la description de A7 (page 4, lignes 9 à 11 ou page 7, lignes 14 à 22) : par couture, collage, fixation mécanique ou chimique, par flammage, soudure ou tout autre procédé de cohésion des surfaces en présence.
Même si l'on retenait la technique dite de flammage pour solidariser deux couches de mousse entre elles, c'est-à-dire celle de chauffer à l'aide d'une flamme les surfaces en regard de deux couches pour ramollir la matière plastique puis d'appuyer les couches l'une sur l'autre pour les solidariser, rien pour autant n'obligerait à réaliser le chauffage par flamme et l'application de la pression mécanique subséquente de manière telle que les deux films ou couches fussent associés sur l'ensemble de leurs surfaces.
4.3 Nouveauté
L'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré se distingue ainsi de l'état de la technique tel que divulgué par A7 ou A9 par la caractéristique distinctive suivante :
les deux films de matière synthétique, qui sont associés entre eux de manière connue par un procédé de soudage à chaud, sont rendus uniformément solidaires au niveau de l'une de leurs faces respectives, de manière a être associés les uns aux autres sur l'ensemble de leurs surfaces.
De même, le procédé selon la revendication 14 du brevet tel que délivré présente une pareille différence par rapport à A7 et A9, à savoir que l'on assure l'association par soudage à chaud des deux films à bulles sur l'ensemble de leurs surfaces.
Les dispositions des articles 52(1) et 54(1), (2) CBE sont ainsi remplies.
5. Requête conditionnelle de saisine de la Grande Chambre de Recours
La requête était conditionnée par la nature implicite d'une divulgation dans A9 de la caractéristique relative à la solidarisation des films à bulles sur l'ensemble de leurs surfaces.
Aussi ne s'agissait-il pas d'une question de droit d'importance fondamentale ou nécessaire à l'application du droit mais bien de la seule appréciation du contenu technique d'un document lu par un homme du métier.
Cette question de fait ne peut en aucune façon relever de la compétence de la Grande Chambre de recours, qui n'est saisie que pour les seuls motifs énoncés à l'article 112(1) CBE.
La requête en saisine de la Grande Chambre était ainsi manifestement infondée.
Au reste, au vu de la décision relative à la nouveauté par rapport à A9 telle qu'exposée dessus, la requête conditionnelle en saisie de la Grande Chambre est devenu de ce seul fait caduque.
6. Remboursement de la taxe de recours
6.1 Exigence d'impartialité
Le titulaire a prétendu que la division d'opposition aurait violé les principes d'impartialité et d'équité.
Elle se serait d'une certaine manière substituée aux opposantes pour motiver la décision du défaut de nouveauté de l'invention telle que délivrée, en complétant l'argumentation des opposantes et notamment en introduisant de son propre chef la notion de défaut de nouveauté implicite pour la caractéristique non divulguée par A9 de "la solidarisation sur toute la surface". La division aurait ainsi pris partie pour les opposantes et contribué activement à la révocation du brevet.
Les faits pertinents dans ce contexte peuvent être résumés de façon suivante. Les arguments concernant le défaut de nouveauté de l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré par rapport à A9 ainsi que l'analyse de ces caractéristiques ont été présentés par l'opposante OI dans sa lettre du 27 février 2004. C'est également l'opposante OI qui a fait valoir, dans le premier paragraphe de la page 2 de sa lettre, que les deux films de matière synthétique étaient thermo-soudés de manière à assembler entre elles toutes leurs surfaces.
Quant à l'étendue de la divulgation d'un état de la technique, il appartient à toute instance de l'OEB de l'apprécier par elle même en tenant compte, le cas échéant, des observations apportées par les parties à la procédure.
C'est ce qu'a fait la division d'opposition, notamment à l'égard du document A9. Il est fréquent que l'une des parties ne partage pas la l'interprétation d'un document faite par l'instance en charge du dossier, mais la responsabilité de l'examen des faits incombe bien évidemment à la seule instance compétente "ratione materiae". Un désaccord de cette nature ne peut permettre de conclure à une partialité quelconque de la première instance.
La chambre en conclut qu'aucune violation du principe d'impartialité et d'équité de la part de la division d'opposition n'est établie dans les faits.
6.2 Motifs de la décision non communiqués préalablement
Le titulaire a également prétendu que les motifs de la décision finale n'avaient jamais été soulevés au cours de la procédure d'opposition, ni dans leur ampleur ni dans la forme détaillée de la décision contestée, et qu'il aurait, à ce titre, été surpris par les motifs de la décision de révocation.
6.2.1 Tout d'abord, il convient de noter que la division d'opposition avait indiqué par écrit et de manière quasi exhaustive son avis provisoire sur la pertinence de A9 et le possible manque de nouveauté de l'objet revendiqué (voir les paragraphes 16 à 19 de la convocation en procédure orale devant la division d'opposition en date du 4 octobre 2004).
Par ailleurs et en vue de l'exigence d'impartialité, on ne saurait exiger qu'une division d'opposition donnât à l'avance tous les motifs possibles d'une décision future aux fins de préparation pour la procédure orale ; telle attitude équivaudrait à un préjugé avant débat contradictoire au fond.
6.2.2 Un second moyen relatif à une prétendue violation du droit d'être entendu semble être invoqué plus généralement par le titulaire. Il ressort de plusieurs passages du mémoire de recours que certains arguments, notamment à l'encontre des six requêtes auxiliaires déposées par le titulaire lors de la procédure orale devant la division d'opposition, n'auraient pas été retenus par la division ni même débattus par les parties lors de la procédure orale.
La chambre constate en l'état que, bien que les arguments conduisant à un défaut d'activité inventive des objets revendiqués dans les six requêtes auxiliaires ne soient pas consignés dans le protocole, la division d'opposition a nécessairement tenu compte des observations présentées à ce sujet par le titulaire lors de la procédure orale puisqu'elle les développe dans les motifs de la décision (voir points 40.1, 52.1, 62.2, 72.1, 82.2 et 92.1 de la décision).
Par ailleurs, la chambre constate qu'aucune rectification du procès-verbal tel qu'établi par la division d'opposition n'a été demandée par le titulaire après réception de celui-ci. Selon la jurisprudence constante de l'OEB, voir par exemple le livre Jurisprudence, édition 2001, point VI.C.6.5, pages 321 et 322, un procès-verbal incomplet ne peut en soi constituer un vice substantiel de procédure, à la condition toutefois qu'il reproduise à tout le moins fidèlement les requêtes ou les déclarations faites à leur propos, tel étant le cas dans l'affaire à juger.
6.3 Ainsi, n'ont pu être établis aucun manquement grave de procédure en fait, et, par conséquent en droit, aucune violation du droit d'être entendu (article 113(1) CBE) ou du principe du débat contradictoire ou encore du principe d'équité, qui seuls auraient pu justifier le remboursement de la taxe de recours.
7. Poursuite de la procédure - Renvoi
La chambre a dûment tenu compte des exigences d'efficacité et de diligence de procédure (renforcés dans le cas présent par une requête de traitement accéléré de la part du titulaire) d'une part, et du droit, le cas échéant, de porter leur affaire devant deux degrés successifs de juridiction d'autre part.
Dans le cas d'espèce, la décision attaquée étant motivée par un seul défaut de nouveauté de l'objet du brevet tel que délivré, la chambre usant de son pouvoir discrétionnaire juge qu'il est équitable de permettre aux parties de présenter, et ce pour la première fois dans la procédure, leurs arguments en matière d'activité inventive devant la division d'opposition.
Elle fait ainsi droit à la requête de renvoi formulée par le titulaire.
Il n'y a ainsi pas lieu de se prononcer sur les requêtes subséquentes, et notamment les huit requêtes auxiliaires en maintien du brevet sous forme modifiée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Le recours de l'opposante OI est rejeté comme irrecevable.
2. La décision contestée est annulée.
3. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition pour suite à donner.
4. La requête de remboursement de la taxe de recours est rejetée.