T 0641/07 (Béton UHP/BOUYGUES-LAFARGE) 06-07-2010
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Composition de béton ultra haute performance résistant au feu
BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS
LAFARGE
I. Par décision signifiée par voie postale le 6 mars 2007, la division d'opposition avait révoqué le brevet européen nº 1 263 690 pour défaut d'exposé de l'invention.
Les revendications 1 et 16 telles que délivrées présentent le libellé suivant:
"1. Utilisation de fibres organiques présentant une température de fusion inférieure à 300ºC, une longueur moyenne l supérieure à 1 mm et un diamètre ø d'au plus 200 mym, dans un béton ultra haute performance pour améliorer la résistance au feu du béton, la quantité de fibres organiques étant telle que leur volume est compris entre 0,1 et 3 % du volume du béton après la prise et le béton présentant une résistance caractéristique à la compression à 28 jours d'au moins 120 MPa, une résistance caractéristique à la flexion d'au moins 20 MPa, et une valeur d'étalement à l'état non durci d'au moins 150 mm, ces valeurs étant données pour un béton conservé et maintenu à 20ºC, ledit béton étant constitué d'une matrice cimentaire durcie dans laquelle sont dispersées des fibres métalliques, provenant du mélange avec de l'eau d'une composition comprenant outre les fibres:
(a) du ciment;
(b) des éléments granulaires ayant une taille de grain D90 d'au plus l0 mm;
(c) des éléments à réaction pouzzolanique ayant une taille de particules élémentaires comprise entre 0,1 et 100 mym;
(d) au moins un agent dispersant;
et répondant aux conditions suivantes:
(1) le pourcentage en poids de l'eau par rapport au poids cumulé du ciment (a) et des éléments (c) est compris dans la gamme 8-24 %;
(2) les fibres métalliques présentent une longueur moyenne l1 d'au moins 2 mm, et un rapport l1/ø1, ø1 étant le diamètre des fibres, d'au moins 20;
(3) le rapport V1/V du volume V1 des fibres métalliques au volume V des fibres organiques est supérieur à 1, et le rapport l1/l de la longueur des fibres métalliques à la longueur des fibres organiques est supérieure à 1;
(4) le rapport R entre la longueur moyenne l1 des fibres
métalliques et la taille D90 des éléments granulaires est d'au moins 3;
(5) la quantité de fibres métalliques est telle que leur volume est inférieur à 4 % du volume du béton après la prise.
16. Béton ultra haute performance résistant au feu, et présentant une résistance caractéristique à la compression à 28 jours d'au moins 120 MPa, une résistance caractéristique à la flexion d'au moins 20 MPa, et une valeur d'étalement à l'état non durci d'au moins 150 mm, ces valeurs étant données pour un béton conservé et maintenu à 20ºC;
ledit béton étant constitué d'une matrice cimentaire durcie dans laquelle sont dispersées des fibres métalliques, provenant du mélange avec de l'eau d'une composition comprenant outre les fibres:
(a) du ciment;
(b) des éléments granulaires ayant une taille de grain D90 d'au plus 10 mm;
(c) des éléments à réaction pouzzolanique ayant une taille de particules élémentaires comprise entre 0,1 et 100 mym;
(d) au moins un agent dispersant;
(e) des fibres organiques;
et répondant aux conditions suivantes:
(1) le pourcentage en poids de l'eau par rapport au poids cumulé du ciment (a) et des éléments (c) est compris dans la gamme 8-24 %;
(2) les fibres métalliques présentent une longueur moyenne l1 d'au moins 2 mm, et un rapport l1/ø1, ø1 étant le diamètre des fibres, d'au moins 20;
(3) les fibres organiques présentent une température de fusion inférieure à 200ºC, une longueur moyenne l supérieure à 1 mm et un diamètre ø d'au plus 200 mym;
(4) le rapport V1/V du volume V1 des fibres métalliques au volume V des fibres organiques est supérieur à 1, et le rapport l1/l de la longueur des fibres métalliques à la longueur des fibres organiques est supérieure à 1;
(5) le rapport R entre la longueur moyenne l1 des fibres
métalliques et la taille D90 des éléments granulaires est d'au moins 3;
(6) la quantité de fibres métalliques est telle que leur volume est inférieur à 4 % du volume du béton après la prise;
(7) la quantité de fibres organiques est telle que leur volume est compris entre 0,1 et 3 % du volume du béton après la prise."
II. Au cours de la procédure d'opposition, les parties se sont notamment appuyées sur les documents :
D5: Norme EN 1230-5
D12: Norme ASTM C230
D13FR: Norme européenne et française NF EN-459-2
III. Dans la décision contestée, la division d'opposition a jugé que la mesure de la valeur d'étalement du béton à l'état non durci n'était pas exposée de façon suffisamment claire et complète dans le brevet pour que l'homme du métier puisse exécuter l'invention.
IV. Dans le mémoire de recours daté du 13 juillet 2007, la titulaire du brevet (ci-après la "requérante") conteste le bien-fondé de la décision incriminée. Celui-ci est entre autres accompagné du document
D19: Rapport expérimental comparant différentes méthodes de mesure de la valeur d'étalement d'un béton préparé selon le brevet contesté.
V. Par lettre datée du 8 février 2008, l'intimée conteste le bien fondé dudit rapport.
VI. A l'audience, qui s'est tenue le 6 juillet 2010, l'intimée a plaidé en faveur d'un défaut d'exposé de l'invention, arguant en particulier que la mesure de la valeur d'étalement du béton n'était pas exposée de manière suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter.
Sur demande expresse de la chambre, l'intimée a déclaré ne pas poursuivre les autres points soulevés lors de la procédure d'opposition au titre de l'Article 100(b) ensemble l'Article 83 CBE. Parmi les points concernés, l'intimée avait en particulier avancé que le fascicule de brevet ne décrivait pas les moyens de mesure de l'amélioration de la résistance au feu du béton revendiqué; elle avait d'autre part prétendu que la cure thermique était indispensable pour obtenir un béton présentant simultanément les propriétés mécaniques revendiquées et un comportement au feu satisfaisant.
VII. Concernant les requêtes au dossier:
La requérante a demandé à titre principal l'annulation de la décision contestée et le renvoi à la première instance pour examen de la nouveauté et de l'activité inventive. A titre subsidiaire, elle a demandé le maintien du brevet sur la base de l'un des jeux de revendications selon l'une des requêtes subsidiaires 1 à 5 défendues au cours de la procédure orale du 25 janvier 2007 devant la division d'opposition.
L'intimée a demandé le rejet du recours.
Exposé de l'invention - Article 83 CBE
Selon la jurisprudence des chambres de recours, une invention est considérée comme suffisamment exposée lorsque l'homme du métier est mis en mesure d'exécuter celle-ci dans toute sa portée, telle que revendiquée.
Dans le cas d'espèce, l'intimée a plaidé en faveur d'un défaut d'exposé de l'invention et la chambre a en particulier dû se prononcer sur les questions suivantes:
- Possibilité de reproduction de la présumée invention;
- Possibilité d'identification des méthodes de mesure et de correction d'une référence erronée;
- Possibilité d'identification des détails de mise en oeuvre de la méthode de mesure de l'un des paramètres.
1. Reproduction de la présumée invention
1.1 Le fascicule de brevet (voir Exemples 1, 3, 4 et 5) décrit en particulier et de manière extensive la préparation de quatre bétons conformes en tous points au libellé des revendications indépendantes 1 et 16 du brevet tel que délivré.
Il n'a pas été contesté que les bétons selon ces exemples étaient d'une part reproductibles et d'autre part représentatifs de la prétendue invention décrite en particulier au paragraphe [0011] du fascicule de brevet, à savoir un béton ultra-haute performance résistant au feu et présentant une rhéologie particulière.
1.2 La présumée invention telle que définie dans les revendications indépendantes 1 et 16 correspond - comme il est d'usage en matière de brevets - à une généralisation des exemples décrits dans le brevet contesté. En l'espèce, elle est en particulier caractérisée par un béton qui dans sa définition fait appel à trois types de caractéristiques :
- des caractéristiques propres aux matériaux employés dans la formulation du béton, à savoir les caractéristiques (a) à (e) et (1) à (7);
- des caractéristiques propres au béton après sa prise, à savoir sa résistance à la compression à 28 jours (d'au moins 120 MPa) et sa résistance à la flexion (d'au moins 20 MPa);
- une caractéristique propre au béton à l'état non durci, à savoir sa valeur d'étalement (définie comme étant d'au moins 150 mm).
1.3 Les caractéristiques (a) à (e) et (1) à (7) sont définies de manière générique dans les susdites revendications, mais celles-ci sont reprises de manière plus détaillée en les paragraphes [0020] à [0069] du fascicule de brevet. Il n'a pas été contesté - et la chambre n'a pas de doute à ce sujet - que les différents modes de réalisations spécifiques ainsi détaillés permettent la préparation d'un béton conforme à l'invention.
Concernant la préparation proprement dite dudit béton, il y a lieu de constater que l'objet des revendications indépendantes 1 ou 16 ne comporte aucun détail relatif, d'une part, à sa préparation et, d'autre part, aux traitements thermiques ou de maturation permettant d'en améliorer les propriétés physiques. Ces diverses opérations étant toutefois décrites de manière claire et détaillée aux paragraphes [0072] à [0082] du fascicule de brevet, la chambre est d'avis qu'il n'y a pas lieu de soulever d'objection de défaut de description à leur
égard. Ce point n'a par ailleurs pas été contesté par l'intimée.
1.4 Dans ce contexte, il ressort clairement des exemples ainsi que du contenu des paragraphes [0020] à [0069], [0072] à [0075], [0076] à [0082] que l'homme du métier lisant le fascicule de brevet est mis en mesure de reproduire la prétendue invention - telle que définie au paragraphe [0011] du fascicule de brevet - dans toute sa portée, telle que revendiquée.
2. Identification des méthodes de mesure - correction d'une référence erronée.
2.1 Selon la jurisprudence des chambres de recours, lorsque l'invention fait appel dans sa définition à un ou plusieurs paramètres - comme dans le cas d'espèce : la résistance à la compression à 28 jours, la résistance à la flexion et la valeur d'étalement à l'état non durci - l'homme du métier ne doit pas seulement être en mesure d'exécuter l'invention dans toute sa portée, telle que revendiquée, mais il doit également être en mesure de vérifier si lesdits paramètres sont respectés au cours de son exécution.
2.2 Eu égard plus précisément aux deux paramètres propres au béton après sa prise, à savoir la résistance à la compression et la résistance à la flexion, il n'a pas été contesté que l'homme du métier est mis en mesure de vérifier les valeurs de ces deux paramètres lors de l'exécution de la présumée invention. Sachant qu'en outre le fascicule de brevet (page 8, lignes 21 à 35) décrit de manière présumée complète les méthodes permettant la détermination des valeurs numériques de ces deux paramètres, la chambre ne voit pas de raison de douter du bien-fondé de celles-ci.
2.3 En ce qui concerne le troisième et dernier paramètre, l'intimée n'a pas nié qu'un béton présentant une valeur d'étalement à l'état non durci telle que revendiquée - à savoir d'au moins 150 mm - puisse être préparé. Elle a par contre fermement contesté que l'homme du métier est mis en mesure d'en vérifier la valeur à la lumière des informations fournies par le fascicule de brevet.
2.4 La chambre observe qu'eu égard à la vérification de ce paramètre, la seule information livrée par le fascicule de brevet se limite à l'indication selon laquelle "la valeur d'étalement est mesurée par la technique de la table à choc (20 coups) selon les normes ASTM C320, ISO 2768-1, EN 459-2" (page 8, lignes 37 à 38).
2.5 Eu égard à cette seule indication, l'intimée a fait remarquer que la norme ASTM C320 ne correspondait à aucune norme répertoriée, la norme ISO 2768-1 ne concernait pas les bétons mais les tolérances pour dimensions linéaires et angulaires non affectées de tolérances individuelles, et la norme EN 459-2 était relative aux méthodes d'essai pour les chaux de construction. Aucune de ces trois normes ne décrivait par conséquent une méthode de mesure de la valeur d'étalement à l'état non durci d'un béton frais utilisant la technique de la table à choc (20 coups).
2.6 En dépit du fait qu'aucune des normes citées ne fasse explicitement référence à une mesure de ladite valeur d'étalement, la chambre observe que la question n'est pas de savoir si prise isolément, l'information délivrée par les lignes 37 et 38 de la page 8 du brevet permet à l'homme du métier de vérifier la valeur dudit paramètre, mais plutôt si par association avec le contenu global du fascicule de brevet, celle-ci lui permet ladite vérification.
2.7 Pour répondre à cette question, il y a lieu de dire dans un premier temps que l'homme du métier du brevet contesté n'est autre que le spécialiste des bétons et il est bien évident que celui-ci est au courant des normes en vigueur dans le domaine en question.
C'est pourquoi - en accord avec les décisions T 171/84 (JO 1985, 95), T 226/85 (JO 1988, 336) et T 203/83 (JO 1987, 5) qui disposent que l'homme du métier est à même de déceler la présence d'une erreur dans la description et de la corriger grâce à ses connaissances - la chambre n'a aucun doute pour conclure dans le cas d'espèce, où l'erreur repose sur une simple inversion de chiffres, que l'homme du métier peut sans aucune difficulté identifier l'erreur de transcription dans le libellé de la norme "ASTM C320" et la corriger en "ASTM C230", sans que cette correction ne relève d'un effort excessif.
2.8 L'intimée a plaidé qu'en dépit de l'erreur susmentionnée sur la référence à la norme "ASTM C320", l'homme du métier aurait néanmoins été dissuadé d'employer la norme "corrigée" ASTM C230, car celle-ci (voir document D12) décrit non pas la mesure d'une valeur d'étalement à l'état non durci d'un béton frais par la technique de la table à choc (20 coups), mais une table d'écoulement ("flow table") permettant d'évaluer la consistance de mortiers à base de ciments hydrauliques. L'intimée a ajouté que les termes "écoulement" et "étalement" d'une part, et "mortier" et "béton" d'autre part, n'étaient pas synonymes, et que D12 décrivait non pas 20 "coups" comme dans le brevet, mais 25 chutes ("drops").
La chambre ne peut suivre cet argumentaire, car le brevet contesté (paragraphe [0011]) décrit que les bétons ultra hautes performances "présentent de façon conventionnelle une valeur d'étalement d'au moins 150 mm [ ] mesurée par la technique de la table à choc, technique normalisée utilisée généralement pour les mortiers" (mise en relief par la chambre). Ainsi, l'homme du métier lisant le fascicule de brevet reçoit l'information qu'une technique du domaine des mortiers - et non des bétons - est à utiliser pour mesurer la valeur d'étalement en question. Concernant les vocables "écoulement" et "étalement", il est vrai que dans l'absolu ceux-ci ne sont pas interchangeables, mais sachant que la norme ASTM C230 vise à mesurer la consistance de mortiers et que dans le brevet le terme "étalement" est utilisé dans le même contexte pour les bétons, l'homme du métier reconnaîtra aisément dans le mot "écoulement" un synonyme du mot "étalement". Le fait que le brevet indique un nombre de chocs différent de la norme ASTM C230 ne le rend en outre pas incompatible avec cette dernière, car l'indication d'un nombre de chocs différent de celui abordé dans ladite norme met clairement l'accent sur le fait que la norme n'est pas à suivre à la lettre, mais qu'elle est plutôt à mettre en oeuvre différemment, notamment en appliquant un nombre de chocs différent de celui indiqué dans la norme. En tout état de cause, tel qu'expliqué au point 3.2 ci-après, au cas où l'homme du métier aurait encore un doute quant au nombre de chocs à appliquer, il lui suffira de reproduire l'un des exemples du brevet contesté et de vérifier si la valeur d'étalement obtenue correspond à 20 chocs ou à un nombre de chocs différent.
2.9 L'intimée a par ailleurs fait valoir que l'homme du métier lisant le fascicule de brevet serait tout autant dissuadé d'utiliser l'autre norme citée, à savoir la norme EN 459-2, car celle-ci concerne les chaux de construction et ne décrit non pas la mise en oeuvre d'une table à choc (20 coups), mais d'une table d'écoulement à secousses (15 coups) pour mesurer le diamètre d'écoulement d'un mortier de chaux.
La chambre ne partage pas cet avis, car même s'il ne peut être nié que la technique de mesure par table à choc est différente de celle de la table à secousses - comme l'atteste l'existence d'une norme spécifique pour la mesure de l'étalement de béton frais par la technique de la table à choc, à savoir la norme EN 12350-5 (D5) - il est manifeste pour l'homme du métier que ce n'est pas cette norme qui est utilisée dans le brevet, puisque celle-ci fait appel à un tronc de cône de diamètre bien plus important (200 mm) que les valeurs d'étalement illustrées par les exemples (au moins 150 mm).
De l'avis de la chambre, le lecteur du brevet contesté ne serait en outre pas dissuadé de consulter la norme EN 459-2. Les raisons pour cette conclusion sont les mêmes que celles mentionnées au point 2.8 ci-dessus, et plus particulièrement du fait que le brevet mentionne que "la mesure d'étalement utilise une technique des mortiers" (paragraphe [0011]). Or, un mortier est précisément mis en oeuvre dans la mesure de la valeur d'"écoulement" selon la norme EN 459-2 (voir document D13FR, paragraphe 5.5.2.4.2).
2.10 Des arguments développés ci-dessus, la chambre conclut qu'on ne peut qualifier d'effort excessif le travail à fournir par l'homme du métier pour identifier que dans le cas d'espèce ce sont les dispositifs pour mesurer le diamètre d'écoulement de mortiers décrits dans les normes ASTM C230 et EN 459-2 qui servent pour la mesure de la valeur d'étalement des bétons selon le brevet incriminé. Quant à la norme ISO 2768-1, celle-ci - tout comme la norme ASTM C230 - étant citée dans la norme EN 459-2 (voir D13 FR, paragraphe "2 Références normatives"), l'homme du métier aura aisément pu identifier que sa citation dans le brevet était non pas liée à la mesure de la valeur d'étalement du béton, mais aux tolérances de mesures dans les appareillages utilisés dans ces deux autres normes.
2.11 Le rapport expérimental D19 qui a été soumis avec le mémoire de recours résume pour sa part les mesures de valeurs d'étalement effectuées sur un béton proche de celui de l'exemple 4 du brevet en mettant en oeuvre, d'une part, la table "d'écoulement" (flow table) décrite dans la norme ASTM C230 et, d'autre part, la table d'écoulement décrite dans la norme EN 459-2.
L'intimée a contesté les résultats selon D19, arguant qu'il existait des différences majeures entre la composition du béton selon l'exemple 4 du brevet révoqué et celle du béton selon D19, en particulier au niveau du diamètre des fibres métalliques mises en oeuvre (D19: diamètre: 175 mym; Exemple 4 du brevet: diamètre: 200 mym) et du malaxeur utilisé (brevet: malaxeur du type EIRICH RVO2, dit "à haute turbulence avec rotation de la cuve" (voir page 8, ligne 3); D19: malaxeur du type RAYNERI qui, selon l'intimée, serait un malaxeur "beaucoup plus simple").
La chambre constate, sans pour autant nier que ces différences peuvent avoir une influence sur la valeur mesurée de la valeur d'étalement, que la formulation du béton selon D19 - bien que légèrement différente de celle selon l'exemple 4 du brevet - est néanmoins conforme à l'objet de la protection recherchée dans les revendications 1 et 16. L'intimée n'ayant au demeurant étayé ses réserves émises à l'égard du document D19 d'aucun élément de preuve tangible, la chambre ne voit pas de raison particulière pour mettre en doute le bien-fondé des résultats résumés dans ce rapport expérimental. Attendu que les valeurs d'étalement mesurées à l'aide des tables d'écoulement décrites dans les deux normes susmentionnées sont en outre sensiblement identiques (212,5 mm/212 mm), la chambre accepte par conséquent le document D19 comme preuve de ce que les deux méthodes de mesure abordées dans le brevet contesté mènent au même résultat.
L'argument de l'intimée selon lequel l'échantillon de béton testé dans D19 aurait été soumis à 15 chocs - au lieu des 20 prétendus dans le brevet révoqué - n'est pas retenu par la chambre, la requérante ayant affirmé à la procédure orale que les valeurs qui ont mené l'intimée au calcul de 15 chocs étaient liées à une erreur de transcription de l'opérateur. La preuve du contraire n'ayant pas été établie, l'argument présenté par la requérante est accepté.
L'argument selon lequel le cône utilisé pour effectuer la mesure de la valeur d'étalement ne serait pas conforme à celui décrit dans la norme européenne NF EN 459-2 (D13FR) n'est également pas suivi par la chambre, car en dépit de la mention selon laquelle ledit cône devait être fabriqué dans un métal résistant à l'action corrosive du mortier (acier inoxydable, laiton), la chambre accepte l'explication technique de la requérante selon laquelle le temps de contact entre le moule en aluminium et le béton est si faible que l'influence sur la mesure ne pourrait être qu'infime, voire nulle.
3. Possibilité d'identification des détails de la méthode de mesure de la valeur d'étalement à l'état non durci d'un béton frais
3.1 Au vu de ce qui précède, la seule question qui subsiste est de savoir si lors de la mesure du susdit paramètre, l'homme du métier est mis en mesure d'identifier le nombre de coups (ou de chocs) auquel est soumis le dispositif mis en oeuvre pour mesurer la valeur d'étalement à l'état non durci d'un béton frais, à savoir l'une des tables d'écoulement décrites dans les normes ASTM C230 ou NF EN 459-2.
3.2 Pour répondre à cette question, il est tout d'abord rappelé - tel qu'indiqué ci-avant - que les exemples du brevet contesté sont reproductibles et que l'homme du métier est mis en mesure de les reproduire à la simple lecture du fascicule de brevet.
Dans ce contexte, il suffira donc dans un premier temps à l'homme du métier de préparer un béton conforme à l'invention revendiquée en reproduisant l'un des
exemples du brevet contesté, puis dans un deuxième temps, de vérifier si la valeur d'étalement du béton ainsi préparé correspond à une mesure effectuée par application de 20 chocs sur ledit dispositif de mesure - tel que mentionné aux lignes 37 et 38 de la page 8 du fascicule de brevet - ou, alternativement, si ladite valeur correspond à une mesure effectuée en appliquant 15 ou 25 coups sur le même dispositif, tel qu'indiqué respectivement dans les normes NF EN 459-2 et ASTM C230 précédemment citées.
En l'espèce la chambre est d'avis, comme disposé dans une affaire similaire ayant mené à la décision T 485/00 (point 1.6), qu'une telle procédure de vérification - où pour identifier la méthode de mesure d'un paramètre il suffit à l'homme du métier de reproduire l'un des exemples du brevet contesté et de comparer la valeur obtenue pour ledit paramètre avec celle spécifiquement décrite dans le brevet - ne saurait raisonnablement être qualifiée d'effort excessif.
De ce qui précède, la chambre conclut que les instructions délivrées par le brevet sont suffisantes pour permettre à l'homme du métier de vérifier la valeur d'étalement à l'état non durci d'un béton frais.
4. Attendu des points 1. à 3. ci-dessus que l'homme du métier est mis en mesure aussi bien de reproduire l'invention dans toute sa portée, telle que revendiquée, que de vérifier que les paramètres nécessaires à la définition de l'invention ont été respectés lors de l'exécution de cette dernière, il y a lieu en l'espèce de conclure que les conditions de l'Article 100(b) ensemble l'Article 83 CBE sont remplies.
5. La décision contestée ne s'étant pas penchée, entre autres, sur les questions de nouveauté et d'activité inventive de l'objet revendiqué, la chambre fait usage du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'Article 111(1) CBE de renvoyer l'affaire à la division d'opposition afin de poursuivre la procédure.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance afin de poursuivre la procédure.