T 1050/07 22-10-2009
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Composition de teinture des fibres kératiniques et procédé de teinture mettant en oeuvre cette composition
(1) KPSS-Kao Professional Salon Services GmbH
(2) Henkel AG & Co. KGaA
I. Deux oppositions ont été formées en vue d'obtenir l'entière révocation du brevet européen nº 0 999 823 basé sur la demande internationale PCT/FR1998/002145.
Les opposantes ont invoqué une absence d´activité inventive (article 100(a) CBE) en se basant, entre autres, sur les documents suivants:
(2) DE-A-34 23 349,
(4) US-A-3 985 499,
(5) WO-A-95/01772 et
(6) WO-A-95/15144.
II. Par la décision intermédiaire signifiée par voie postale le 2 mai 2007, la division d'opposition a décidé que le brevet amendé sur la base d´un jeu de revendications soumis alors comme requête subsidiaire 2 satisfaisait aux conditions de la CBE.
Selon la division d'opposition une amélioration de la sélectivité de la teinture n'avait pas été démontrée pour l'ensemble des compositions couvertes par la revendication 1 de la requête principale et de la requête subsidiaire 1 alors pendantes. Ainsi, le problème technique résolu par l'invention en partant des documents (2) ou (4) comme représentant l'état de la technique le plus proche de l'invention était uniquement de mettre à disposition des alternatives aux compositions de teinture des cheveux connues. La solution revendiquée consistait à utiliser d'autres colorants directs qui étaient cependant déjà connus des documents (5) et (6). Les compositions définies par la revendication 1 de la requête principale et subsidiaire 1 n'impliquaient donc pas d'activité inventive. La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 alors pendante ne concernait que des familles de colorants pour lesquelles une amélioration de la sélectivité de la coloration avait été démontrée et qui de ce fait impliquaient une activité inventive.
III. L'opposante 2 (requérante 1) ainsi que la propriétaire du brevet litigieux (requérante 2) ont introduit un recours contre cette décision et ont déposé chacune un mémoire exposant les motifs du recours. L'opposante 1 (partie de droit et intimée) a introduit un recours sans déposer de mémoire en exposant les motifs.
IV. Avec une lettre datée du 12 septembre 2007 la requérante 2 a déposé, entre autres, un jeu de revendications à titre de requête principale, ce jeu correspondant à la requête principale déjà pendante devant la division d'opposition. Lors de la procédure orale tenue devant la Chambre le 22 octobre 2009 elle a déposé un nouveau jeu de 26 revendications à titre de requête subsidiaire.
La revendication 1 selon la requête principale s'énonce comme suit:
"1. Composition prête à l'emploi, pour la teinture des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un milieu approprié pour la teinture:
- au moins un colorant direct cationique choisi parmi:
a) les composés de formule (i) suivante:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle:
D représente un atome d'azote,
R1 et R2, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène; un radical alkyle en C1-C4 pouvant être substitué par un radical -CN, -OH ou -NH2; ou forment avec un atome de carbone du cycle benzénique un hétérocycle éventuellement oxygéné ou azoté, pouvant être substitué par un ou plusieurs radicaux alkyle en C1-C4; un radical 4'-aminophényle,
R3 et R'3 identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène ou d'halogène choisi parmi le chlore, le brome, l'iode et le fluor, un radical cyano, alcoxy en C1-C4 ou acétyloxy,
X**(-) représente un anion de préférence choisi parmi le chlorure, le méthyl sulfate et l'acétate,
A représente un groupement choisi par les structures A1 à A19 suivantes:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans lesquelles R4 représente un radical alkyle en C1-C4 pouvant être substitué par un radical hydroxyle et R5 représente un radical alcoxy en C1-C4, sous réserve que lorsque D représente -CH, que A représente A4 ou A13 et que R3 est différent d'un radical alcoxy, alors R1 et R2 ne désignent pas simultanément un atome d'hydrogène;
b) les composés de formule (II) suivante:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle:
R6 représente un atome d'hydrogène ou un radical alkyle en C1-C4,
R7 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle pouvant être substitué par un radical -CN ou par un groupement amino, un radical 4'-aminophényle ou forme avec R6 un hétérocycle éventuellement oxygéné et/ou azoté pouvant être substitué par un radical alkyle en C1-C4,
R8 et R9, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène, un atome d'halogène tel que le brome, le chlore, l'iode ou le fluor, un radical alkyle en C1-C4 ou alcoxy en C1-C4, un radical -CN,
X**(-) représente un anion de préférence choisi parmi le chlorure, le méthyl sulfate et l'acétate,
B représente un groupement choisi par les structures B1 à B6 suivantes:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans lesquelles R10 représente un radical alkyle en C1-C4, R11 et R12, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène ou un radical alkyle en C1-C4;
- et au moins un colorant direct nitré benzénique."
La revendication 1 selon la requête subsidiaire se distingue de la revendication 1 selon la requête principale par la restriction dans la formule (i) du groupement A aux structures A1, A4, A7 et A19 et par la suppression de tous les composés de formule (II).
V. Selon la requérante 2, le document (4) illustrait l'état de la technique le plus proche de l'invention. Les essais comparatifs soumis lors de la procédure d'opposition en décembre 2006 complétés par les valeurs mesurées des coefficient L, a, b avec la lettre du 4 juin 2008, ainsi que les résultats d'essais déposés lors de la procédure de recours avec les lettres du 4 juin 2008 et du 18 septembre 2009 démontraient de façon convaincante que les compositions revendiquées permettaient l'obtention d'une coloration moins sélective que celle observée avec les compositions selon l'état de la technique le plus proche de l'invention. Cette baisse de la sélectivité était liée à l'utilisation des colorants directs cationiques définis dans les revendications du brevet litigieux. Les essais comparatifs réalisés par la requérante 1 dans le but de montrer l'absence d'amélioration n'étaient pas pertinents puisqu'ils ne mettaient pas en jeu les compositions de l'état de la technique le plus proche de l'invention. La solution revendiquée ne découlait ni de l'enseignement des documents (4) ou (2), ni de celui des documents (5) et (6) puisque ces derniers n'incitaient pas l'homme du métier à remplacer les colorants directs du document (4) par des colorants cationiques particuliers pour améliorer la sélectivité de la coloration. L'objet des revendications selon la requête principale impliquait donc une activité inventive. La présence d'une activité inventive était d'autant plus avérée pour les compositions objet des revendications de la requête subsidiaire limitées aux colorants cationiques possédant un hétérocycle de formule A1, A4, A7 ou A19. En effet, comme ce type de colorants avait été utilisé lors des essais comparatifs prouvant la baisse de la sélectivité de la coloration, l'extrapolation des résultats de ces essais à l'ensemble des compositions revendiquées était incontestable.
VI. Selon la requérante 1 et l'intimée, le document (4) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention, l'intimée citant également dans ce contexte le document (2). Les essais de la requérante 2 ne concernait que des colorants cationiques spécifiques et n'étaient donc pas extrapolables à l'ensemble des compositions revendiquées. En outre, dans certains essais la baisse de la sélectivité n'était que de 2 unités, ce qui en l'absence de calcul statistique établissant la déviation standard de la mesure de l'intensité de la coloration n'était pas significatif. D'autre part, des comparaisons croisées à partir des divers résultats d'essais comparatifs montraient qu'un même colorant cationique engendrait des différences de sélectivité importantes en fonction de la nature du milieu et de la structure du colorant nitro-benzénique, et même qu'une composition identique donnait des résultats différents. Ces observations témoignaient du peu de crédibilité des essais réalisés pas la requérante 2. Par conséquent, le problème résolu par l'invention n'était que de mettre à disposition des compositions de coloration directe alternatives à celle connues du documents (2). La solution qui consistait dans le remplacement du colorant cationique s'imposait à l'évidence au vu de l'enseignement des documents (5) et (6) lesquels préconisaient déjà les colorants cationiques définis dans les revendications litigieuses pour éviter tous les inconvénients des colorants cationiques connus, en particulier leur tendance à engendrer des colorations non-uniformes entre la racine et la pointe des cheveux. Par conséquent, l'objet des revendications de la requête principale n'impliquait pas d'activité inventive. Le même raisonnement s'appliquait mutatis mutandis aux compositions objet des revendications de la requête subsidiaire. En effet, les essais comparatifs soumis par la requérante 2 montraient que déjà le simple remplacement dans le colorant cationique d'un groupe méthyle par un groupe éthyle provoquait une variation d'une unité de la sélectivité, soit 50% de l'amélioration observée pour certaines compositions. Or la variation de structure entre les colorants objets des tests et ceux revendiqués pouvait être bien plus importante que le remplacement d'un groupe méthyle par un groupe éthyle. En outre, les autres ingrédients de la composition colorante avaient un effet sur la sélectivité, à savoir entre autres, les divers additifs du milieu colorant et le colorant benzénique. Il n'était donc pas crédible que l'ensemble des compositions revendiquées permette une amélioration de la sélectivité. Ainsi, même si les revendications de la requête subsidiaire étaient limitées eu égard à la nature du colorant cationique, les résultats des tests comparatifs n'étaient toujours pas extrapolables à l'ensemble des compositions revendiquées qui restaient donc que des alternatives évidentes aux compositions colorantes connues du document (4). Si l'amélioration en terme de sélectivité devait néanmoins être reconnue, les compositions revendiquées n'impliquaient de toute manière pas d'activité inventive puisque le document (5) incitait l'homme du métier à remplacer les colorants cationiques de l'art antérieur par ceux définis dans la revendication 1 litigieuse afin de pallier aux divers inconvénients des colorants cationiques connus, entre autres leur tendance à engendrer des colorations non-uniformes entre la pointe et la racine des cheveux.
VII. La requérante 2 a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet, au principal, sur le fondement de sa requête principale déposée le 12 septembre 2007 avec son mémoire de recours, ou subsidiairement sur le fondement de sa requête subsidiaire déposée pendant la procédure orale tenue devant la Chambre de Recours le 22 octobre 2009.
VIII. La requérante 1 et la partie de droit s'y joignant ont demandé que la décision contestée soit annulée et que le brevet soit révoqué.
IX. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
1. Les recours de l'opposante 2 et de la propriétaire du brevet litigieux (respectivement requérantes 1 et 2) sont recevables. L'opposante 1 n'ayant pas déposé de mémoire exposant les motifs de recours est intimée et partie de droit à la procédure.
Requête principale
2. Modifications (article 123(2) et (3) CBE)
La revendication 1 selon la requête principale a été modifiée en supprimant uniquement la structure A13 de la liste des structures envisagées pour le groupement A dans la revendication 1 telle que délivrée. Cette modification qui limite également la protection conférée par le brevet tel que délivré, satisfait ainsi aux exigences de l'article 123(2) et (3) CBE. Ceci n'a pas été contesté.
3. Nouveauté
Aucune objection à l'égard de la nouveauté des compositions revendiquées n'a été formulée par la requérante 1 et l'intimée laissant ainsi l'activité inventive comme seul point litigieux.
4. Activité inventive
4.1 Le brevet en litige concerne des compositions prêtes à l'emploi pour la teinture d'oxydation des fibres
kératiniques permettant d'aboutir à des colorations puissantes, peu sélectives et résistant bien aux diverses agressions que peuvent subir les cheveux, en associant au moins un colorant direct cationique particulier et un colorant direct nitré benzénique (page 2, lignes 14 à 16).
4.1.1 Le document (4) concerne également des compositions tinctoriales pour la teinture des cheveux humains comprenant des colorants cationiques azoïques directs englobant ceux définis par la formule I selon la revendication 1 litigieuse, ces colorants pouvant être associés à des colorants directs nitrés benzéniques (revendications 1 et 6). L'exemple O du document (4) décrit plus spécifiquement une composition colorante comprenant un colorant nitré benzénique, à savoir la nitroparaphénylènediamine, en association avec le colorant direct cationique de l'exemple 55, à savoir le méthyl sulfate de 1'-(4'-diméthylaminobenzène) 2-azo 4-cyano 1-méthylpyridinium, ce composé présentant une structure voisine de celle définissant les colorants cationiques du brevet litigieux puisqu'il répond à la formule (i) dans laquelle, cependant, le groupement (a) est un cycle du type 2-pyridinium.
Par conséquent, la Chambre, en accord en cela avec les parties, considère que le document (4) représente l'état de la technique le plus proche de l'invention.
4.1.2 L'intimée a également invoqué à cet égard le document (2) qui, selon elle, pourrait également servir de point de départ pour l'appréciation de l'activité inventive. Cependant, le document (2) s'attache principalement au problème de l'épaississement des compositions colorantes et non comme le brevet litigieux au problème de la coloration per se. En outre, ce document décrit des colorants cationiques structurellement plus éloignés de ceux du brevet litigieux que ceux divulgués par le document (4) dans la mesure où ils ne font pas intervenir d'hétérocycle azoté portant la charge cationique mais des colorants de type "Arianor" dans lesquels la charge n'est pas portée par un cycle. Pour ces raisons le document (2) est plus éloigné de l'invention que le document (4) qui reste donc le point de départ pour l'appréciation de l'activité inventive.
4.2 Selon la requérante 2 en accord en cela avec le brevet litigieux le problème technique à résoudre par l'invention est de mettre à disposition des compositions pour la teinture des fibres kératiniques présentant une amélioration en terme de sélectivité de la coloration, i.e. offrant une sélectivité de coloration plus faible que les compositions de l'art antérieur le plus proche (brevet litigieux, page 2, ligne 14).
Selon l'intimée, l'activité inventive ne pouvait pas être évaluée sur la base du problème technique tel que défini par la requérante 2, puisque ce problème n'était pas celui présenté initialement dans le brevet litigieux. Cette argumentation doit cependant déjà être rejetée puisque de facto erronée, le brevet litigieux comme la demande de brevet décrivant explicitement que les compositions revendiquées engendraient une coloration peu sélective (paragraphe [0004] du brevet, page 8, ligne 7 de la demande de brevet telle que déposée). En outre, la propriétaire du brevet est maître de la formulation du problème à résoudre et peut modifier à la lumière de l'état de la technique le plus proche de l'invention le problème initialement défini dans la demande de brevet (T 564/89, non publiée au JO OEB, point 4.3 des motifs).
4.3 La solution proposée par le brevet en litige est la
composition selon revendication 1 caractérisée par le fait que le colorant cationique direct de formule I ou II comprenne respectivement un groupement A choisi parmi les groupes A1 à A12 et A14 à A19 ou un groupement B choisi parmi les groupes B1 à B6.
4.4 Pour démontrer que le problème technique défini ci-dessus a été effectivement résolu par les compositions revendiquées, la requérante 2 a fait référence aux résultats des essais comparatifs soumis lors de la procédure d'opposition en décembre 2006 complétés par les valeurs mesurées des coefficient L, a, b avec la lettre du 4 juin 2008 ("première série d'essais": comparaison des compositions A et C; "deuxième série d'essais": comparaison des compositions D et F), ainsi que les résultats d'essais déposés lors de la procédure de recours avec les lettres du 4 juin 2008 (comparaison des compositions A, B et C) et du 18 septembre 2009 (comparaison des compositions E et F).
4.4.1 La "première série d'essais" comparant les compositions A et C et la "deuxième série d'essais" comparant les compositions D et F, mettent en jeu les compositions de coloration des cheveux C et F comprenant un colorant direct nitré benzénique et pour illustrer l'état de la technique le plus proche de l'invention le "colorant direct 1" qui est un colorant de formule (i) dans lequel, cependant, le groupe A est le groupe 2-pyridinium. Les compositions C et F illustrent donc bien l'état de la technique le plus proche de l'invention selon le document (4) (voir le point 4.1.1 ci-dessus). La sélectivité de la coloration obtenue avec ces compositions a été comparée à celle observée avec les compositions A et D selon l'invention, ces compositions se distinguant des compositions C et F illustrant l'état de la technique uniquement par le fait que le colorant cationique porte un groupement de formule A1 (Basic Red 51). Ces essais montrent que les compositions selon l'invention dont le colorant cationique comporte un groupement A1, à savoir 2-imidazolium, engendrent une variation de couleur DeltaE entre des mèches de cheveux naturels et des mèches de cheveux sensibilisés par décoloration plus faible que la variation observée avec les compositions illustrant l'état de la technique (DeltaE de 4,90 pour la composition A selon l'invention et DeltaE de 10,07 pour la composition comparative C; DeltaE de 0,32 pour la composition D selon l'invention et DeltaE de 4,64 pour la composition comparative F). De la même façon les essais déposés avec le mémoire de recours le 4 juin 2008 montrent que les compositions B et C selon l'invention comprenant respectivement le "colorant direct 2", i.e. un colorant cationique portant un groupe de formule A4, à savoir 4-pyridinium, et le colorant direct "Basic Red 51", i.e. un colorant cationique portant un groupe de formule A1, à savoir 2-imidazolium, engendrent une coloration moins sélective que la composition A illustrant l'état de la technique le plus proche (DeltaE de 10,28 et 8,22 respectivement pour les compositions B et C selon l'invention et DeltaE de 12,45 pour la composition comparative A).
4.4.2 Selon la requérante 1, la différence de sélectivité observée entre les compositions revendiquées et celles de l'état de la technique pouvait être aussi faible que 2 unités, ce qui en l'absence de calcul statistique établissant la déviation standard de la mesure de l'intensité de la coloration n'était pas significatif.
Cependant, les différences de sélectivité rapportées dans les résultats d'essais comparatifs ont été mises en évidence en procédant à des mesures à l'aide d'un spectrophotomètre. Ces différences ont donc été mesurées objectivement. En outre, une différence de 2 unités de DeltaE ne représente pas moins de 16% de la valeur de DeltaE maximale mesurée, i.e. 12,45, et ne peut donc pas être considéré à priori comme n'étant pas significative. Par conséquent, en l'absence de preuves du contraire incombant à la partie contestant les résultats des essais, ici la requérante 1, l'amélioration de la sélectivité de la coloration est considérée comme significative en l'espèce et par tant crédible. En outre, les Chambres de Recours tranchent les affaires d'après les preuves apportées par les parties. Elles statuent en pesant les probabilités qu'elles soumettent à leur appréciation souveraine (voir T 270/90, OJ OEB 1993, 725, point 2.1 des raisons). Le niveau de la preuve ne demande pas de conviction absolue mais uniquement qu'une série de faits soit plus susceptible d'être vraie qu'une autre, en d'autres terme soit crédible. Ainsi, dans le cas d'espèce il serait exagéré d'écarter les résultats crédibles des essais soumis par la requérante 2 pour la seule raison qu'un calcul statistique établissant la déviation standard de la mesure n'a pas été présenté. Cet argument de la requérante 1 n'est donc pas fondé et doit être rejeté.
D'autre part, selon la requérante 1 des comparaisons croisées à partir des divers résultats d'essais comparatifs montraient qu'un même colorant cationique engendrait des différences de sélectivité importantes en fonction de la nature du milieu et de la structure du colorant nitro-benzénique, et même qu'une composition identique donnait des résultats différents. Ces observations témoignaient de l'incrédibilité des essais réalisés pas la requérante 2.
La requérante 1 n'a cependant pas contesté le fait que les compositions selon l'invention engendrent toujours une différence de sélectivité plus faible lorsqu'elles sont comparées dans des conditions identiques à des compositions de l'art antérieur le plus proche ne se distinguant que par la nature du groupement A, i.e. la seule caractéristique différentiant l'invention de l'art antérieur. Ces essais comparatifs réalisées par la requérante 2 sont suffisants puisqu'ils démontrent de façon convaincante que l'amélioration de la sélectivité trouve son origine dans la caractéristique distinctive de l'invention (voir décision T 197/86, JO OEB 1989, 371, point 6.1.3). En outre, le fait qu'une même composition puisse donner des résultats différents de sélectivité en valeur absolue dans divers tests ne rend pas les résultats des essais comparatifs non crédibles pour autant. En effet, ces essais montrent toujours une amélioration par rapport à une composition comparative, donc une amélioration de la sélectivité en valeur relative, la valeur mesurée absolue de la sélectivité dépendant des conditions de réalisation des essais, notamment de la porosité des lots de cheveux, ces conditions variant d'un test à l'autre comme l'a confirmé la requérante 2. Cette argumentation de la requérante 1 confondant la valeur absolue de la sélectivité et la valeur relative issue d'une comparaison adéquate doit donc également être rejetée.
4.4.3 Par conséquent, les résultats d'essais soumis par la requérante 2 montrent de façon convaincante que les compositions selon l'invention dans lesquelles le colorant cationique porte un groupe de structure A1 ou A4 engendrent des colorations moins sélectives que les compositions selon l'état de la technique le plus proche de l'invention.
Dans ces circonstances il serait superflu de tenir compte des résultats des derniers essais soumis par la requérante 2 le 18 septembre 2009 et ne visant également qu'à démontrer la supériorité en terme de sélectivité de coloration d'une composition comprenant un colorant cationique avec un groupement de structure A1. En outre, les contre-essais soumis par la requérante 1 avec son mémoire de recours daté du 7 septembre 2007 n'ont plus été invoqués par cette dernière, les compositions V1, V2 et V3 testées à titre de comparaison ne reflétant pas l'état de la technique le plus proche de l'invention. Ces comparaisons ne sont donc pas pertinentes dans le cas d'espèce.
4.4.4 Cependant, un effet technique prétendu pourrait justifier la présence d'une activité inventive pour l'objet de la revendication 1 s'il était crédible que cet effet technique puisse être obtenu avec pratiquement
toutes les compositions revendiquées (voir décision
T 939/92, JO OEB 1996, 309, point 2.5.4 des raisons). Or, ce point était contesté par la requérante 1 et l'intimée. Il reste donc à examiner si l'amélioration de la sélectivité observée dans les essais comparatifs mettant en jeu des colorants cationiques portant un groupement de structure A1 ou A4 sont extrapolables à l'ensemble des compositions revendiquées, ces dernières englobant des colorants cationiques portant un groupement choisi parmi les diverses structures A1 à A12, A14 à A19 et B1 à B6.
Les exemples comparatifs réalisés par la requérante 2 montrent que les colorants cationiques portant les groupes A1 et A4 permettent une amélioration de la sélectivité par rapport à un colorant portant un groupe 2-pyridinium, i.e. un cycle pyridinium relié en position ortho de l'atome d'azote au reste de la molécule. Ces essais montrent donc que la sélectivité de la coloration dépend directement de la nature du groupement A ou B porté par le colorant cationique et qu'en particulier les groupements de type 2-pyridinium ne permettent pas l'amélioration alléguée. Au vu de ces résultats il n'est donc pas crédible que l'amélioration démontrée uniquement pour les groupements A1 et A4 soit extrapolable à l'ensemble des compositions revendiquées, par exemple, aux compositions dont le colorant cationique porte un groupement de formule B4 qui comprend également un cycle 2-pyridinium relié au reste de la molécule en position ortho de l'atome d'azote.
4.4.5 Un effet ne peut être pris en considération dans la définition du problème technique que lorsqu'il est possible de l'obtenir sur l'ensemble de la portée revendiquée (voir décisions T 626/90, point 4.3.2 des raisons, non publié au JO OEB ; T 939/92, loc. cit.). Etant donné que dans le cas présent, l'effet technique sur lequel la requérante 2 voulait fonder une activité inventive manque de support expérimental propre à le rendre crédible pour l'ensemble des compositions revendiquées, le problème technique défini dessus (point 4.2) nécessite une reformulation moins ambitieuse et se réduit donc à mettre à disposition une alternative aux compositions pour la teinture des fibres kératiniques connues du document (4).
4.5 La seule question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème technique ainsi défini découlait à l'évidence de l´état de la technique disponible, en d'autres termes s'il était évident pour l'homme du métier souhaitant proposer une alternative aux compositions connues du document (4), de remplacer au sein de ces compositions le colorant cationique par un colorant cationique tel que défini par les formules (i) ou (II) de la revendication litigieuse.
4.6 Comme la concédée la requérante 2, le document (4) même divulgue une famille de colorants cationiques pouvant être incorporés dans les compositions de teinture des cheveux, cette famille englobant les colorants cationiques définis dans la revendication 1 du brevet litigieux (document (4), colonne 1, ligne 39 à colonne 3 ligne 46; revendication 1). Il était ainsi évident pour l'homme du métier ayant comme objectif de produire des alternatives aux compositions décrites dans le document (4), de faire un choix arbitraire au sein des colorants cationiques que ce document même préconise, et d'aboutir ainsi à la solution proposée.
Par conséquent, l´enseignement du document (4) seul conduit l´homme du métier qui ne voulait que produire des alternatives aux compositions de teinture des fibres kératiniques de l'état de la technique de façon évidente aux compositions revendiquées.
4.7 Les compositions selon la revendication 1 de la requête principale n'impliquent donc pas d'activité inventive (article 56 CBE) et cette requête doit être rejetée.
Requête subsidiaire
5. Modifications (article 123(2) et (3) CBE)
La revendication 1 de la requête subsidiaire diffère de
la revendication 1 de la requête principale uniquement
en ce que le colorant cationique direct a été restreint aux colorants de formule (i) dans laquelle le groupement A est limité aux structures A1, A4, A7 et A19. Cette modification restreint la protection conférée par le brevet tel que délivré. Les revendications dépendantes 2 à 23 ainsi que les revendications de procédé 24 et 25 et la revendication de dispositif 26 ont été adaptées à la modification de la revendication 1. Par conséquent, les revendications satisfont aux exigences de l'article 123(2) et (3) de la CBE.
6. Activité inventive
6.1 La portée des revendications a été limitée dans le but d'éliminer les compositions susceptibles de ne pas présenter d'amélioration en terme de sélectivité. Ainsi, selon la requérante 2, le problème technique à résoudre par rapport au document (4), qui reste l'art antérieur le plus proche, est la mise à disposition de compositions pour la teinture des fibres kératiniques conduisant à des colorations moins sélectives.
6.2 La solution proposée est la composition de teinture par oxydation selon la revendication 1 caractérisée par le fait que le colorant cationique direct de formule I porte un groupement A choisi parmi les groupes A1, A4, A7 et A19.
6.3 Il est déjà établi que les compositions selon l'invention dans lesquelles le colorant cationique porte un groupe de structure A1 ou A4 engendrent des colorations moins sélectives que les compositions selon l'état de la technique le plus proche de l'invention (points 4.4.1 à 4.4.3 ci-dessus). Il reste par conséquent à déterminer si cet effet sur la sélectivité peut être extrapolé sur l'ensemble de la porté de la revendication, à savoir également aux compositions dont le colorant cationique porte un groupe de structure A7 ou A19.
Les groupes A7 et A19 sont tous les deux des groupes imidazolinium reliés en position 2 au reste de la molécule. Cette structure correspond à celle du groupe A1 qui porte aussi un groupe imidazolinium relié en position 2 et pour lequel l'effet positif sur la sélectivité a été démontré. Cette identité structurelle constitue un argument pertinent rendant crédible le fait que l'effet sur la sélectivité vis à vis de l'art antérieur le plus proche illustré par le document (4) soit obtenu pour l'ensemble des colorants cationiques énumérés dans la revendication 1.
Selon la requérante 1 et l'intimée les essais comparatifs soumis par la requérante 2 montraient que déjà le simple remplacement dans le colorant cationique d'un groupe méthyle par un groupe éthyle sur la fonction amine provoquait une variation d'une unité de la sélectivité, soit 50% de l'amélioration observée pour certaines compositions. Or, dans les colorants revendiquées la variation de structure pouvait être encore plus importante puisque les groupes R1 et R2 substituant la fonction amine englobaient des alkyls de C1 à C4. En outre, les autres ingrédients de la composition colorante, à savoir, les additifs et le colorant nitré benzénique devaient également avoir un effet sur la sélectivité. Ainsi, au vu de la variation importante de sélectivité observée par la simple modification des groupes alkyles sur le colorant cationique, il n'était pas crédible que toutes les compositions revendiquées soient toujours meilleures en terme de sélectivité que les compositions de l'art antérieur. Par conséquent, même si les revendications de la requête subsidiaire étaient limitées eu égard à la nature du colorant cationique, les résultats des tests comparatifs n'étaient toujours pas extrapolables à l'ensemble des compositions revendiquées.
Cependant, les essais comparatifs soumis par la requérante 2 démontrent de façon convaincante que la baisse de la sélectivité est liée à la nature du groupement A, une amélioration étant observée par le simple remplacement du groupe A présent dans le colorant de l'art antérieur, à savoir, un groupe 2-pyridinium, par un groupe A tel que défini dans la revendication 1 litigieuse. Ainsi, même si d'autres facteurs, tels que la nature du groupe alkyle dans la structure du colorant cationique, la nature des additifs, ou encore, le colorant nitré benzénique, pourraient avoir une influence sur la valeur absolue de la sélectivité de la coloration, la requérante 2 a néanmoins rendu crédible que la solution revendiquée, à savoir, le remplacement du groupe 2-pyridinium de l'art antérieur par un des quatre groupes A1, A4, A7 ou A19, permettait une amélioration de la sélectivité ces autres facteurs restant nécessairement contants. Or seule cette amélioration relative qui trouve sa source dans l'élément distinguant les compositions revendiquées de celles de l'art antérieur le plus proche de l'invention est requise dans le cadre de l'approche problème-solution comme preuve de l'amélioration alléguée. Nul n'est besoin dans ce contexte d'une amélioration absolue, i.e. d'un "progrès technique", qui exigerait que toutes les compositions revendiquées soient meilleures que n'importe quelle composition de l'art antérieur. Par conséquent, l'objection de la requérante 1 qui se base sur une comparaison où d'autres facteurs à part la caractéristique distinctive ont été variés, n'est pas pertinente et doit donc être rejetée.
La Chambre est par tant convaincue que les compositions revendiquées constituent autant de solutions au problème technique posé.
6.4 La seule question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème technique ainsi défini découlait à l'évidence de l´état de la technique disponible, en d'autres termes s'il était évident pour l'homme du métier souhaitant proposer des compositions de teinture permettant une baisse de la sélectivité de la coloration, de remplacer au sein de ces compositions le colorant cationique par un colorant cationique de formule (i) portant un groupe A1, A4, A7 ou A19.
6.5 Le document (4) n'aborde pas le problème essentiel de l'invention, à savoir la baisse de la sélectivité et, pour cette raison, ne saurait inciter l'homme du métier à faire au sein de l'ensemble des colorants cationiques envisagés par ce document un choix ciblé des colorants portant un groupe A1, A4, A7 ou A19 pour obtenir une baisse de la sélectivité de la coloration.
Selon la requérante 1 et l'intimée le document (5) incitait l'homme du métier à remplacer les colorants cationiques de l'art antérieur par ceux définis dans la revendication 1 litigieuse afin de pallier aux divers inconvénients des colorants cationiques connus, entre autres leur tendance à engendrer des colorations non-uniformes entre la pointe et la racine des cheveux.
Le document (5) divulgue bien les colorants cationiques composants des compositions de teinture selon le brevet litigieux et aborde de façon générale les problèmes liés à l'utilisation des colorants directs cationiques dont, entre autres, le manque d'uniformité de la coloration (page 1, troisième paragraphe). Bien que ce document mentionne dans son introduction parmi les inconvénients des colorants cationiques le manque d'uniformité, l'uniformité de la coloration n'est plus abordée lorsque le document décrit les compositions qu'il revendique. En effet, le document (5) s'attache alors uniquement à la résistance, à la puissance et à la brillance de la coloration ainsi qu'à la variété des couleurs (page 1, avant dernière ligne à page 2, ligne 3; page 11, troisième paragraphe; et l'ensemble des exemples). Ainsi, même si dans la partie introductive le document (5) donne l'impression par le terme "none of these disadvantages" que les colorants cationiques particuliers qu'il préconise pallient à tous les inconvénients cités préalablement, il n'en demeure pas moins que la sélectivité de la coloration n'y est pas abordée spécifiquement. D'autre part, les colorants cationiques dont le document (5) mentionne les inconvénients ne sont pas les colorants de l'état de la technique le plus proche de l'invention, à savoir les colorants selon le document (4) comportant déjà un hétérocycle azoté portant la charge positive sur le cycle, mais des colorants structurellement plus éloignés, à savoir ceux portant une charge positive extranucléaire, comme par exemple le "Basic Red 76" (page 1, troisième paragraphe, exemples 3 et 4). Ce document ne peut donc inciter, l'homme du métier à opérer une sélection ciblée au sein des colorants cationiques hétérocycliques portant la charge sur le cycle décrits dans le document (4) dans le but de diminuer la sélectivité de la coloration.
Le document (6) donne essentiellement le même enseignement que le document (5). Le document (2) n'aborde pas le problème de la sélectivité de la coloration, ces deux constatations n'étant contestées par aucune des parties. Ces documents ne peuvent donc suggérer à l'homme du métier la solution revendiquée.
6.6 Par conséquent l'objet de la revendication 1 ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique. L'objet de la revendication 1 et, pour les mêmes raisons, celui des revendications dépendantes 2 à 23 impliquent donc une activité inventive (article 56 CBE).
6.7 Les revendications 24 à 26 concernent un procédé de teinture mettant en oeuvre les compositions revendiquées et un "kit" de teinture les renfermant. L'objet de ces revendications implique donc une activité inventive pour les mêmes raisons que l'objet de la revendication 1.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin qu'elle maintienne le brevet sur le fondement des revendications 1 à 26 de la requête subsidiaire déposée pendant la procédure orale devant la Chambre et d'une description demeurant à y adapter.