T 0372/08 09-11-2010
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Module de porte de véhicule avec panneau porteur intégré
Suffisance d'exposé de l'invention (oui)
Usages antérieurs déposés tardivement (non admis)
Pouvoir discrétionnaire de la division d'opposition (confirmé)
Nouveauté et activité inventive (oui)
I. La requérante (opposante) a formé un recours contre la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition contre le brevet nº 1 132 234.
II. Concernant le motif d'insuffisance de l'exposé de l'invention (article 100 b) CBE 1973), la division d'opposition a estimé que le brevet attaqué divulguait l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
III. Concernant les motifs de défaut de nouveauté et d'activité inventive (article 100 a) CBE 1973), la division d'opposition a estimé que l'objet de la revendication 1 du brevet était nouveau et ne découlait pas à l'évidence de l'état de la technique tel qu'il est divulgué, entre autres, par les documents suivants:
D2: DE-A-195 09 282;
E1: FR-A-2 762 262;
E2: DE-A-198 02 478;
E3: DE-C-198 38 347.
Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation conféré par l'article 114(2) CBE 1973, la division d'opposition n'a pas pris en considération deux usages antérieurs invoqués tardivement par la requérante, à savoir après l'expiration du délai prévu à l'article 99 CBE 1973 et environ un mois avant la date de la procédure orale (usage antérieur I reposant sur les documents E5 à E9 et usage antérieur II reposant sur les documents E10-E11). La division d'opposition a notamment justifié sa décision par le défaut de pertinence des objets respectifs de ces deux usages antérieurs (voir point III.2 de la décision). Une discussion approfondie sur les deux usages antérieurs invoqués a eu lieu au cours de la procédure orale devant la division d'opposition.
IV. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 9 novembre 2010.
La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen en cause.
L'intimée (titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours.
V. Le libellé de la revendication 1 telle que délivrée est le suivant:
"Module (1) de porte de véhicule, comprenant un panneau (2) muni de divers équipements dont un lève-vitre du type à deux rails (4) de guidage de curseurs (5) supportant la vitre et à câbles (6,7) d'entraînement des curseurs, le lève-vitre comportant également un tambour (8) disposé dans un capot (9) et sur lequel viennent s'enrouler les câbles, des moyens de fixation du capot au panneau, ainsi que des moyens de commande du tambour en rotation disposés d'un côté du panneau opposé au côté sur lequel sont placés les rails, les câbles, le capot et le tambour, caractérisé en ce que le capot (9) du tambour (8) est réalisé monopièce avec le panneau (2) et comporte des moyens (13, 16) de retenue du tambour dans ledit capot."
VI. Les arguments présentés par la requérante peuvent se résumer comme suit:
Concernant la question de la suffisance de l'exposé de l'invention, la requérante est d'avis que la présence des "moyens de fixation" entre les éléments "capot" et "panneau", tels que définis dans le préambule de la revendication 1 du brevet, implique que ces deux éléments soient distincts et séparés. Avec l'introduction desdits moyens de fixation se pose pour l'homme du métier la problématique du maintien de tolérances dimensionnelles entre ces deux éléments. Or, le fascicule de brevet n'expose pas en quoi ces moyens de fixation consistent. De plus, l'existence de ces moyens de fixation est en contradiction avec la partie caractérisante qui exige une réalisation monopièce du capot avec le panneau. L'homme du métier ne peut donc mettre en oeuvre l'objet revendiqué.
A l'appui du motif de défaut de nouveauté, la requérante estime que l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré n'est pas nouveau au vu du module de porte divulgué à la figure 1 du document El. Cette figure montre en effet un module 1 de porte de véhicule, comprenant un panneau 15 muni de divers équipements dont un lève-vitre 6 du type à deux rails 7 de guidage de curseurs supportant la vitre et à câbles 8,9 d'entraînement des curseurs. Un tel lève-vitre doit forcément comporter un tambour sur lequel viennent s'enrouler les câbles 8-9 ainsi que des moyens de commande du tambour en rotation disposés du côté du panneau 15 opposé au côté sur lequel sont placés les rails, les câbles, le capot et le tambour. L'homme du métier peut déduire de la figure 1 du document E1 que le tambour d'entraînement est reçu dans un logement cylindrique clairement reconnaissable dans la figure en ce qu'il comporte des orifices de passage des câbles d'entraînement du lève-vitre. La partie du module formant ce logement doit donc être considéré comme un capot au sens de la revendication. L'homme du métier reconnaîtra que ce capot de tambour est réalisé d'une seule pièce avec le panneau 15 puisqu'il est intégré dans un ensemble comportant le panneau ainsi qu'une pièce supportant également le haut-parleur, le tout étant surmoulé par le cadre 14 formant un périmètre rigide (voir revendications 1 et 3 du document E1). Le fond du logement/capot est reconnaissable à ce qu'il est percé d'une ouverture suivant un axe perpendiculaire au plan du panneau. La revendication 1 telle que délivrée ne précise pas en quoi les "moyens de retenue" consistent exactement, ni quelle doit être leur fonction. Par conséquent, la titulaire doit se laisser objecter que cette caractéristique peut être interprétée d'une manière très générale. Le fond du logement est donc à considérer comme un moyen de retenue du tambour dans ledit capot. Par conséquent, l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 telle que délivrée sont connues du document E1.
À l'appui du motif de défaut d'activité inventive, la requérante soutient tout d'abord que les deux usages antérieurs I et II auraient dû être introduits dans la procédure. En refusant de prendre en considération les usages antérieurs dès le début de la procédure orale et ce, sans avoir décidé sur la pertinence du contenu du document E1, c'est-à-dire avant d'avoir identifié les caractéristiques qui distinguent le module de porte revendiqué de celui du document E1, la division d'opposition a commis une faute de procédure. En effet, la caractéristique distinctive principale que la division d'opposition a reconnu comme n'étant pas connue du document E1 est la présence des moyens de retenue. Or, le premier usage antérieur I montre un système de lève-vitre du type revendiqué avec un capot qui reçoit un tambour sur lequel sont enroulés les câbles d'entraînement, le capot comportant des moyens de retenue du tambour (voir en particulier les figures E5-2.1 et E5-3.1 qui montrent des moyens "V1" et "V2" permettant d'encliqueter le tambour dans le capot lors de l'assemblage). Cet usage antérieur est donc particulièrement pertinent.
La requérante estime que, si cet usage antérieur avait été pris en considération, l'objet de la revendication 1 du brevet aurait découlé à l'évidence de la combinaison de l'enseignement du contenu du document E1 en liaison avec celui de l'usage antérieur I. La requérante a également présenté une deuxième ligne d'argumentation selon laquelle l'objet de la revendication 1 du brevet découlerait à l'évidence de la combinaison des documents E1, E3 et de l'usage antérieur I.
VII. L'intimée a réfuté l'argumentation de la requérante en faisant valoir pour l'essentiel ce qui suit:
Le point de vue de la requérante sur la question de la suffisance de l'exposé de l'invention a déjà été réfuté par la division d'opposition dont l'intimée partage l'opinion. Le fascicule de brevet n'est ni obscur, ni ne contient une quelconque contradiction.
C'est à juste titre que la division d'opposition a considéré que l'objet du brevet est nouveau par rapport au contenu du document E1 et que les usages antérieurs I et II ont été rejetés pour défaut de pertinence. L'objet de la revendication 1 du brevet ne découle pas à l'évidence de l'état de la technique.
1. L'objet revendiqué
1.1 La revendication 1 se rapporte à un module de porte de véhicule. Comme mentionné au paragraphe [0001] du brevet mis en cause, le document D2, que la Chambre considère comme l'état de la technique le plus proche, a servi à délimiter la revendication 1 telle que délivrée dans la forme en deux parties.
La figure 1 de ce document montre en effet un module 1 de porte de véhicule, comprenant un panneau 3 muni de divers équipements dont un lève-vitre du type à deux rails 11a,11b de guidage de curseurs 10a,10b supportant la vitre et à câbles 12a,12b d'entraînement des curseurs, le lève-vitre comportant également un tambour 13 disposé dans un capot (colonne 4, lignes 50-52: "Gehäuse") et sur lequel viennent s'enrouler les câbles, des moyens de fixation du capot au panneau, ainsi que des moyens de commande 9 du tambour en rotation disposés d'un côté du panneau opposé au côté sur lequel sont placés les rails, les câbles, le capot et le tambour.
1.2 Cette structure et le mode d'assemblage correspondant du lève-vitre sur le panneau impliquent un moulage séparé du capot du tambour et du panneau porteur, et des manipulations spécifiques pour monter le capot sur le panneau et le fixer sur celui-ci. En outre, il est nécessaire d'adjoindre temporairement au module une pince de maintien du tambour dans le capot lors du processus de montage (paragraphe [0004] du fascicule de brevet).
1.3 Le module de porte selon la revendication 1 telle que brevetée se distingue de celui selon le document D2 en ce que le capot du tambour est réalisé mono-pièce avec le panneau et comporte des moyens de retenue du tambour dans ledit capot.
1.4 Ces caractéristiques distinctives ont pour effet technique de réduire le nombre total de pièces nécessaires par intégration des pièces existantes et de simplifier les opérations d'assemblage par suppression de la pince (voir paragraphe [0005] du fascicule de brevet).
1.5 L'interprétation des termes "capot" et "moyens de retenue" a fait l'objet de discussions pendant la procédure de recours. À la lumière de ce qui précède, la Chambre est d'avis que ces termes impliquent les caractéristiques spécifiques suivantes:
Comme le montrent la figure 1 du document D2 ainsi que les figures 1 à 3 du fascicule de brevet, le "capot" est une enveloppe recouvrant la majeure partie d'une face et de la circonférence du tambour et destinée à le recevoir.
Étant donné que le processus de montage du module revendiqué dans une porte de véhicule comporte des opérations d'assemblage, il est clair pour l'homme de l'art que, comme divulgué par ailleurs dans le fascicule de brevet, les moyens de retenue de l'ensemble mono-pièce capot/panneau doivent être conçus pour retenir le tambour dans les deux directions axiales lors de ces opérations d'assemblage (voir paragraphes [0021] et [0027]). Dans l'exemple de réalisation, les moyens de retenue consistent en un couvercle circulaire 13 du capot et une oreillette latérale 16 de retenue.
2. Suffisance de l'exposé de l'invention (article 100 b) CBE 1973)
L'introduction de "moyens de fixation du capot au panneau" dans le préambule de la revendication 1 telle que délivrée est justifiée par les exigences de la règle 29(1) CBE 1973 relative à la formulation de la revendication dans la forme en deux parties et par la définition des éléments qui font partie de l'état de la technique le plus proche DE-A-195 09 282 (voir paragraphes [0001] à [0004] du fascicule de brevet). L'expression "moyens de fixation" est à considérer comme un terme générique apte à définir une caractéristique commune tant à l'état de la technique le plus proche décrit dans la partie introductive du fascicule de brevet (paragraphe [0001]: document D2) qu'à l'objet de l'invention tel que défini dans la revendication 1 du brevet.
Rien ne s'oppose à ce que les parties constitutives d'une même pièce ("capot", "panneau", "moyens de fixation", "moyens de retenue") prennent des dénominations différentes. Ainsi le "capot" et le "panneau" peuvent être deux parties d'une pièce unique. Le terme "moyens de fixation" n'implique pas forcément que les parties "capot" et "panneau" soient séparées mais simplement qu'elles ont une position fixe l'une par rapport à l'autre et ce, par de quelconques moyens de fixation. Une soudure peut, par exemple, représenter un moyen de fixation. Le simple fait que le capot est réalisé d'une pièce de même matière que le panneau fait qu'il est fixé au panneau (voir revendication 2 et paragraphes [0024] et [0025] du fascicule de brevet). La portion de matière (métallique ou plastique) qui lie le capot au panneau est à considérer comme "moyens de fixation du capot au panneau" au sens du préambule de la revendication.
L'homme du métier n'a donc aucun problème pour réaliser l'objet revendiqué.
3. Nouveauté
La Chambre s'accorde avec la requérante sur le fait que la figure 1 du document El montre un module 1 de porte de véhicule, comprenant un panneau 15 muni de divers équipements dont un lève-vitre 6 du type tel que revendiqué.
L'invention divulguée dans E1 se concentre cependant sur la constitution du panneau (voir revendication 1) dans une optique de réduction des coûts (page 1, lignes 7 à 9). Le document E1 ne contient aucune indication sur un quelconque tambour sur lequel devrait venir s'enrouler les câbles 8-9. De même, le document est muet sur les moyens de commande du tambour en rotation ainsi que sur leur disposition par rapport au panneau 15.
Même si l'on supposait, comme l'a prétendu la requérante, qu'un tambour d'entraînement soit une caractéristique implicite du module de porte selon E1 et qu'un tel tambour soit reçu dans le logement cylindrique qu'elle a décrit en liaison avec la figure 1 de E1, un tel tambour serait néanmoins disposé du côté du panneau qui est opposé au côté sur lequel sont placés les rails et les câbles, contrairement à ce qui est requis par la revendication 1. De plus, le fond du logement cylindrique ne peut être considéré comme un "moyen de retenue" au sens de l'invention, puisque le présumé tambour ne serait pas retenu du côté sec (direction correspondant à l'intérieur du véhicule) en cas de manipulation ou d'assemblage d'un tel module.
L'objet de la revendication 1 telle que délivrée est donc nouveau par rapport au contenu du document E1.
4. Activité inventive
4.1 Admissibilité dans la procédure des usages antérieurs I et II déposés tardivement
4.1.1 Conformément à la jurisprudence des chambre de recours de l'OEB, si, dans une affaire déterminée, une instance du premier degré, en l'occurrence la division d'opposition, a exercé le pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par l'article 114 (2) CBE 1973 à l'encontre d'une partie, et que celle-ci introduit un recours contre la manière dont la division d'opposition a exercé son libre pouvoir d'appréciation, la chambre de recours n'a pas à revoir l'ensemble des faits et des circonstances de l'espèce, comme le ferait la première instance, ni à décider si elle aurait exercé ou non son pouvoir d'appréciation de la même manière que la première instance. Une chambre ne devrait annuler une décision rendue par une première instance dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation que si elle conclut que la première instance a exercé ce pouvoir sur la base de principes erronés, sans tenir compte des principes corrects, ou de façon déraisonnable (voir la Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, sixième édition 2010, VII.E.6.6, page 943).
4.1.2 Il s'agit donc d'examiner dans la présente affaire si la division d'opposition, lorsqu'elle a écarté les usages antérieurs I et II des débats, a exercé son pouvoir d'appréciation sur la base de principes erronés ou non, si elle a bien tenu compte de tous les faits se rapportant à cette question et si elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable.
4.1.3 Au point III.2 de sa décision, la division d'opposition a justifié la non-prise en compte de l'usage antérieur I (documents E5 à E9) et de l'usage antérieur II (documents E10 et E11) par leurs défauts de pertinence. Elle a considéré que ces documents produits tardivement ne faisaient pas obstacle au maintien du brevet.
4.1.4 La requérante a estimé que la division d'opposition n'a pas utilisé le critère de pertinence de manière correcte car elle a écarté les usages antérieurs des débats avant d'identifier les caractéristiques qui distinguent le module de porte revendiqué de celui du document E1, ignorant ainsi le fait que l'usage antérieur I montre la caractéristique distinctive principale se rapportant aux moyens de retenue.
4.1.5 La Chambre constate cependant que la division d'opposition a bien reconnu que l'objet de l'usage antérieur I comporte des moyens de retenue du tambour dans le capot (voir le deuxième paragraphe du point III.2 de la décision de la division d'opposition: "Les documents montrent un capot pour loger un tambour à câbles d'un lève-vitre et qui comporte des moyens de retenue du tambour dans ledit capot").
4.1.6 Concernant l'examen de la pertinence des moyens tardifs invoqués, la Chambre considère qu'il ne s'agit pas d'examiner si ces moyens tardifs divulguent une caractéristique isolée qu'une partie à la procédure estime importante, mais uniquement s'il existe de bonnes raisons de penser que la prise en considération de ces moyens tardifs aurait fait obstacle au maintien du brevet (voir dans le même sens T 1002/92, JO OEB 95, 605, partie I du Sommaire).
4.1.7 En l'occurrence, la division d'opposition a estimé au point III.2 de sa décision et à la page 3 du procès verbal (voir 4ème paragraphe) que la combinaison des moyens de retenue selon l'usage antérieur I avec une réalisation monopièce du panneau n'était pas évidente. En effet, les moyens de retenue V1,V2 divulgués dans les figures E5-2.1 et E5-3.1 relatives à l'usage antérieur I permettent d'encliqueter le tambour (Seiltrommel) dans le capot (Lagerdeckel) lors de sa manipulation pour son montage et sa fixation sur le panneau de l'usage antérieur I (voir figure E5c). Cet enseignement présuppose que le capot et le panneau soient des pièces distinctes et n'est pas transposable à un capot réalisé d'une seule pièce avec le panneau. Les moyens V1,V2 n'auraient aucun sens technique dans le cas d'une réalisation monopièce dudit capot (Lagerdeckel) avec le panneau correspondant.
4.1.8 La requérante n'a plus contesté au stade du recours le défaut de pertinence de l'usage antérieur II.
4.1.9 La Chambre juge donc que la division d'opposition a bien tenu compte de tous les faits se rapportant à la question de la prise en considération des usages antérieurs et a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable.
4.2 La requérante n'ayant pas présenté d'argumentation de défaut d'activité inventive qui ne repose pas sur les usages antérieurs I et II, la question de l'activité inventive n'a pas à être traitée plus avant.
4.3 Dans ces circonstances, la Chambre ne peut que confirmer la décision de la division d'opposition que l'objet de la revendication 1 telle que délivrée implique une activité inventive.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.