T 0185/19 17-02-2022
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DISPOSITIF DE DOUBLAGE D'UNE PAROI
Motifs d'opposition - exposé insuffisant (non)
Motifs d'opposition - extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée (non)
Nouveauté - connaissances générales
Nouveauté - divulgation antérieure
Nouveauté - caractéristiques implicites (non)
Nouveauté - requête principale (non)
Nouveauté - requête subsidiaire (oui)
Activité inventive - (oui)
Activité inventive - analyse a posteriori
Activité inventive - modification non évidente
Activité inventive - problème et solution
Renvoi - (oui)
Mémoire de recours - ensemble des moyens de recours invoqués par une partie
Réponse - ensemble des moyens de recours invoqués par une partie
Modification après signification - circonstances exceptionnelles (non)
Modification après signification - prise en compte (non)
Décision sur le recours - renvoi à la première instance (oui)
Droit d'être entendu - procédure de recours
Droit d'être entendu - procédure orale devant la chambre de recours
I. Le présent recours a été formé par l'opposante (ci-après "la requérante") à l'encontre de la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition contre le brevet n° 2 238 303 (ci-après "le brevet"). L'opposante avait requis la révocation du brevet dans son intégralité en vertu de l'article 100b) CBE et de l'article 100a) CBE pour manque de nouveauté et d'activité inventive.
II. Par notification au titre de l'article 15(1) du Règlement de procédure des chambres de recours, version 2020 (RPCR 2020), du 1er juillet 2021, la Chambre a donné son avis préliminaire en la matière.
III. La procédure orale a été tenue le 17 février 2022.
Les parties ont présenté les requêtes suivantes:
La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet en cause.
Elle a de plus requis pour la première fois le renvoi de l'affaire à la division d'opposition en raison de l'interprétation des caractéristiques de la revendication 1 de la requête principale fournie par la Chambre dans sa notification du 1er juillet 2021.
Aussi pour la première fois, elle a également requis pendant la procédure orale de ne pas admettre les requêtes subsidiaires 1 à 3 de l'intimée dans la procédure de recours.
La propriétaire (ci-après "l'intimée") a demandé le rejet du recours et, auxiliairement, le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base d'un des jeux de revendications déposés avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours en tant que requêtes subsidiaires 1 à 3.
IV. La revendication 1 telle que délivrée (requête principale) est libellée comme suit; la numérotation des caractéristiques adoptée par la Chambre est celle utilisée dans la décision contestée :
1.1|Dispositif de doublage d'une paroi (1, 2), comportant |
1.2|- au moins un accessoire d'entretoisement (10, 11) comportant une tige (12), |
1.3|dont une extrémité est pourvue de moyens (13-15, 18) de sa fixation à un élément de structure de la paroi à doubler (1, 2) |
1.4|et dont l'autre extrémité est pourvue de moyens de son assemblage avec une cloison de doublage (30), |
1.5|- une membrane (32) pare-vent, pare-vapeur ou freine-vapeur à embrocher sur les tiges (12) des accessoires d'entretoisement (10, 11), |
1.6|caractérisé en ce que l'un au moins des accessoires d'entretoisement (10, 11) comporte deux mâchoires (19, 34) entourant la tige (12) |
1.7|et des moyens de verrouillage avec serrage axial (21, 25, 35) de ces deux mâchoires l'une contre l'autre, |
1.8|ces deux mâchoires (19, 34) pinçant entre elles, après verrouillage, la membrane (32) à la périphérie de son ouverture d'embrochement.|
V. La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 est basée sur la revendication 1 de la requête principale, où la caractéristique "pare-vent," a été supprimée de la caractéristique 1.5.
VI. La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 est basée sur la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 et comprend en sus la caractéristique suivante introduite entre les caractéristiques 1.5 et 1.6 :
- au moins une couche de matériau isolant fibreux (31) embrochée sur la tige (12),
VII. Les parties ont fait référence aux documents suivants, qui sont pertinents pour cette décision :
M1 |Traduction française du document M1Bis |
M1Bis |EP 0 517 667 A1 |
M2 |US 4,635,423 A |
M3 |Avis Technique 9/05-806. Système d'habillage ISOVER pour les murs (OPTIMA) et les combles. 12 décembre 2005|
M4 |Traduction française du document M4Bis |
M4Bis |EP 0 276 708 B1 |
M10 |Extrait du DICOVAT. Pages 247, 248. |
Annexe A|Mémoire d'opposition |
Annexe B|Soumissions avant la procédure orale devantla division d'opposition |
VIII. L'argumentation pertinente de la requérante pour la présente décision peut être résumée comme suit:
a) Renvoi à la division d'opposition
La requête pour le renvoi à la division d'opposition n'a été formulée qu'à la procédure orale parce que les circonstances qui la justifient n'ont été détectées que pendant la préparation de la procédure, cette préparation ayant commencé deux semaines auparavant.
La requête est justifiée du fait que la Chambre a annoncé dans son avis préliminaire une interprétation de la revendication 1 qui n'est pas celle qui a été considérée par la division d'opposition. Ceci rend nécessaire une reconsidération de l'état de la technique, un exercice qui n'a pas été fait par la division d'opposition.
b) Requête principale - Suffisance de la description
La description est insuffisante puisque la personne du métier ne peut pas distinguer les trois membranes définies à la caractéristique 1.5 (pare-vent, pare-vapeur ou freine-vapeur), et puisqu'il manque des informations concernant d'autres variations pour les mâchoires définies dans les caractéristiques 1.6 à 1.8, à part le mode de réalisation particulier décrit dans la description.
c) Requête principale - Nouveauté
L'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau par rapport à M1. Le document décrit la caractéristique 1.1 (dispositif de doublage d'une paroi) puisque la revendication ne concerne pas de méthode d'assemblage, mais un dispositif qui peut être à l'état monté ou à monter.
D'après une ligne d'attaque, la combinaison des éléments 12, 14 et 15 représente une "tige" au sens de la revendication 1. Alternativement, la tige serait la vis 12 et, comme elle est connectée à l'élément d'écartement 16, elle serait pourvue de moyens de son assemblage avec une cloison de doublage au sens de la caractéristique M1.4.
D'après une autre ligne d'attaque, la vis 15 de M1 représente une "tige" au sens de la revendication 1. Cette ligne d'attaque a été considérée au point 2.4.2.3.1 de la décision, un aspect qui a été contesté dans le mémoire exposant les motifs du recours (trois dernières lignes de la page 5). La ligne d'attaque a été implicitement mentionnée au deuxième alinéa des pages 2 et 5 du mémoire. En tout cas elle se base sur les mêmes documents et faits qui ont été discutés pendant la procédure de recours, et doit être considérée d'après la jurisprudence des chambres de recours puisqu'elle concerne une argumentation (T 1914/12).
L'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau non plus par rapport à M2. La tête de la vis 38 est susceptible de jouer le rôle d'un moyen d'assemblage avec une cloison de doublage, puisque la cloison peut être interposée entre cette tête et la rondelle 40. La personne du métier sait qu'un tel arrangement est possible et habituel.
d) Recevabilité des requêtes subsidiaires
Les requêtes subsidiaires doivent être considérées comme irrecevables puisqu'elles changent complètement la base de la discussion par rapport à la décision qui a été l'objet du recours en introduisant des éléments qui n'ont pas été traités dans la décision. Le moment utile pour déposer les requêtes subsidiaires était pendant la procédure d'opposition afin de donner l'opportunité à la requérante d'être entendue sur le sujet devant la division d'opposition. La requête subsidiaire 2 soulève des problèmes en rapport avec la règle 80 CBE et les articles 84 et 123(2) CBE.
La requête d'irrecevabilité ne représente aucun changement des moyens présentés et, même s'il est regrettable de ne pas l'avoir introduite plus tôt dans la procédure, ceci ne devrait pas être le facteur principale pour décider de sa prise en considération.
e) Requête subsidiaire 2 - Nouveauté
La caractéristique supplémentaire (couche de matériau isolant fibreux embrochée sur la tige) est décrite dans M2, puisque l'isolant 63 comprend de la fibre de verre (colonne 6, lignes 18 à 24) et il est embroché par la tige 38 dans l'espace 25 (figure 4). Il faut considérer qu'embrocher n'est pas synonyme de "transpercer", c'est-à-dire de traverser de part en part.
Il faut considérer aussi que la revendication porte sur un dispositif. La caractéristique ajoutée ne porte donc pas sur une étape de méthode mais sur un constat qu'on peut voir dans le dispositif assemblé.
f) Requête subsidiaire 2 - Activité inventive
Le dispositif du document M1 représente l'état de la technique le plus proche puisque la revendication 1 diffère de celui-ci par une seule caractéristique distinctive (la tige au sens de la revendication). L'aspect le plus important de l'invention est la présence de mâchoires qui serrent la membrane pour assurer l'étanchéité, ce qui caractérise l'invention d'après la revendication 1. M1 adresse le même concept et décrit la même solution à cet égard.
Le brevet ne décrit aucun effet technique en rapport avec la caractéristique distinctive (tige qui s'étend des moyens de fixation à la paroi à doubler aux moyens d'assemblage avec la cloison de doublage). Le fonctionnement du dispositif ne serait pas différent par rapport à un dispositif correspondant à celui de M1 avec la caractéristique distinctive. Par conséquent, le problème technique objectif est de trouver des moyens alternatifs pour fournir la fonctionnalité de M1.
Il n'y a que deux possibilités pour cela: soit la personne du métier façonne le trou 14 de telle sorte à obtenir une connexion mécanique avec la vis 12, soit elle produit une connexion mécanique de la vis 12 et le trou 14 via le couvercle 10. La personne du métier choisirait de façonner le trou 14 dans la tête de la vis 12 puisque ceci assurerait une meilleure connexion mécanique et simplifierait la construction du dispositif.
L'objection à partir de M1 est basée sur ce que la requérante a compris à propos des conclusions de la Chambre sur la nouveauté de la requête principale le jour de la procédure orale. La requérante ne peut pas anticiper toutes les tournures de la procédure et l'argumentation présentée est la réaction directe à ce qui a été annoncé par la Chambre pendant la procédure orale.
En tout cas, la requérante devrait pouvoir formuler des objections à partir de M2 et M3 pour que son droit d'être entendue ne soit pas violé.
IX. L'argumentation pertinente de l'intimée pour la présente décision peut être résumée comme suit:
a) Renvoi à la division d'opposition
La requête de la requérante de renvoi immédiat de l'affaire à la division d'opposition est tardive. Tous les sujets soulevés par la requérante ont été discutés pendant la procédure d'opposition et il n'existe aucune circonstance exceptionnelle qui pourrait justifier la prise en compte de la requête en raison des articles 11 et 13(2) RPCR 2020.
b) Requête principale - Suffisance de la description
Les termes "pare-vent", "pare-vapeur" et "freine-vapeur" sont bien connus de la personne du métier et correspondent à des produits couramment disponibles dans le commerce. La personne du métier ne rencontrerait donc aucun problème pour reproduire cette caractéristique de l'invention.
De plus, le brevet décrit un mode de réalisation détaillé de l'invention (cf. alinéas [0042] à [0048]), ce qui satisfait aux exigences de l'article 100b) CBE.
c) Requête principale - Nouveauté
Le dispositif de M1 n'est pas un dispositif qui permettrait le doublage d'une paroi existante. Donc, la caractéristique 1.1 n'y est pas divulguée.
M1 ne décrit pas que le trou 14 est arrangé dans la tête de la vis 12. En fait, il est connu de la personne du métier qu'une vis n'a pas forcément de tête, de telle sorte qu'une telle tête ne peut pas être considérée comme implicitement divulguée dans M1 pour la vis 12. Il s'ensuit qu'aucune tige n'est formée par la vis 12 et le logement du trou 14. M1 ne divulgue donc pas directement et sans ambiguïté de connexion mécanique entre la vis 15 et la vis 12.
Dans l'hypothèse où la vis 12 serait considérée comme la "tige", M1 ne divulgue ni la caractéristique 1.4, étant donné que la vis 12 n'est pas pourvue de moyens pour son assemblage avec une cloison de doublage, ni la caractéristique 1.5 puisque la vis 12 n'embroche pas la membrane 5. Au vu de l'absence d'une tige conforme à la combinaison des caractéristiques 1.4 et 1.5, le couvercle 10 et l'élément d'écartement 16 qui devraient correspondre aux mâchoires d'après la requérante, n'entourent pas la tige, c'est-à-dire la vis 12. Les caractéristiques 1.6 à 1.8 ne sont donc pas non plus décrites dans M1.
La ligne d'attaque qui considère la vis 15 de M1 comme une tige en elle-même au sens de la revendication 1 a été présentée pour la première fois pendant la procédure orale devant la Chambre. Elle n'est donc pas recevable conformément à l'article 13(2) RPCR 2020 en l'absence de circonstances exceptionnelles.
À propos de M2, le document ne décrit pas les caractéristiques 1.1, 1.2, 1.4, 1.7 et 1.8 pour les raisons suivantes :
Le dispositif de M2 ne peut pas être considéré un dispositif de doublage (caractéristique 1.1) puisqu'il ne permet pas l'assemblage d'une cloison de doublage.
Aucun accessoire d'entretoisement (1.2) est décrit dans M2. Un tel accessoire doit avoir une longueur minimale pour créer une distance significative entre la paroi à doubler et la cloison de doublage.
Même si la tête de la vis 38 pouvait venir en contact avec une cloison de doublage, cette tête ne représenterait aucun moyen d'assemblage avec la cloison (1.4).
Dans M2 il n'y a pas de serrage des mâchoires (1.7) et pincement de la membrane (1.8) puisque la membrane 28 est fixée par un adhésif (colonne 5, lignes 13 à 16).
d) Recevabilité des requêtes subsidiaires
L'objection concernant la recevabilité des requêtes subsidiaires n'est pas recevable conformément à l'article 13(2) RPCR 2020 en l'absence de circonstances exceptionnelles qui auraient permis de justifier son dépôt tardif.
e) Requête subsidiaire 2 - Nouveauté
Tel que décrit à la colonne 6, lignes 20 à 24, le matériau isolant est soufflé pour tapisser la surface du papier 28, ce qui ne résulte pas en un embrochement, en particulier puisque la vis 38 ne traverse pas la couche d'isolant de part en part, ce qui correspond à la définition du terme "embrocher".
f) Requête subsidiaire 2 - Activité inventive
Lors de la procédure orale devant la Chambre la requérante a formulé pour la première fois un problème technique objectif et a développé une ligne d'argumentation. De ce fait la ligne d'argumentation n'est pas recevable à la lumière de l'article 13(2) RPCR 2020 en l'absence de circonstances exceptionnelles qui auraient permis de justifier pourquoi la requérante n'a pas étayé son objection auparavant.
En tout cas, l'argumentation à partir de M1 est basée sur une approche a posteriori qui n'est pas autorisée, le document M1 ne représentant pas l'état de la technique le plus proche. En effet, M1 concerne la construction d'une toiture et non pas le doublage d'une paroi. Au contraire, le document M3 appartient au même domaine technique que celui de l'invention, poursuit le même but et décrit la caractéristique ajoutée à la revendication 1 (couche d'isolant embrochée). Donc, M3 représente l'état de la technique le plus proche.
1. Requête de renvoi à la division d'opposition - Article 13(2) RPCR 2020
1.1 La requérante a formulé une requête de renvoi immédiat de l'affaire à la division d'opposition pour la première fois pendant la procédure orale devant la Chambre. Il s'agit donc d'une modification des moyens présentée après la signification de la citation à la procédure orale. Conformément à l'article 13(2) RPCR 2020, elle "n'est, en principe, pas prise en compte, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, que la partie concernée a justifiées avec des raisons convaincantes".
1.2 La requérante argumente que les circonstances exceptionnelles consistent en ce que la Chambre a adopté dans son opinion préliminaire une nouvelle interprétation des caractéristiques suivantes : le concept d'aptitude du dispositif pour la fonction revendiquée de doublage d'une paroi, l'état du dispositif revendiqué (monté ou à monter) et la configuration de la tige revendiquée. La combinaison des nouvelles interprétations rend nécessaire une reconsidération de l'état de la technique, un exercice qui n'a pas été fait par la division d'opposition.
1.3 Ces arguments ne sont pas persuasifs.
1.3.1 La procédure de recours implique une révision de l'interprétation des faits par la Chambre, c'est son but même afin de constater s'il y a effectivement lieu de corriger la décision attaquée. Il ne peut par conséquent pas être exclu ou même être considéré surprenant qu'une Chambre annule la décision d'une division d'opposition en raison d'une nouvelle interprétation des faits qui ont été considérés pendant la procédure d'opposition. Le raisonnement de la requérante impliquerait que chaque fois qu'une Chambre interpréterait un fait particulier différemment d'une division d'opposition, un renvoi s'imposerait pour permettre à la division d'opposition de rendre une nouvelle décision sur la base de cette nouvelle interprétation, contre laquelle un nouveau recours pourrait être de nouveau déposé. Ceci résulterait en un aller-retour, voire multiples, qui serait contraire entre autres au principe de l'économie de la procédure et à celui de la sécurité juridique.
1.3.2 En substance, il convient de rappeler que c'est la requérante qui a suggéré dans son mémoire exposant les motifs de recours l'interprétation des caractéristiques concernées, laquelle interprétation a ensuite été adoptée par la Chambre dans son avis préliminaire. Au point 2.4.1 du mémoire la requérante a argumenté que :
Le dispositif est adapté pour le doublage de paroi mais n'est donc pas limité au doublage de paroi (cf. page 4, troisième alinéa à partir du bas) ;
...le raisonnement selon la Décision .. est incorrect car basé sur une analyse du dispositif en mode "non monté". Or, la revendication 1 couvre un dispositif monté.. (cf. phrase entre les pages 4 et 5) ;
...le raisonnement selon la Décision qu'une tige constituée de multiples éléments ne peut antériorisée [sic] la tige du brevet opposé car celle-ci comporterait plus de deux extrémités est incorrect ... l'assemblage des multiples éléments formerait une tige ne comportant plus que deux extrémités (cf. phrase entre les pages 4 et 5 et deuxième phrase de la page 5).
Ces arguments, qui ont été retenus par la Chambre dans son avis préliminaire (cf. points 6.2.1, 6.2.4 et 6.2.5 de la notification), ne pouvaient ainsi pas représenter une surprise pour la requérante, puisqu'il s'agissait de sa propre argumentation.
1.3.3 Il convient enfin de noter que, bien qu'il n'y ait pas de délai à respecter, s'il y avait effectivement eu un effet de surprise du fait de l'avis préliminaire de la Chambre, la réaction appropriée aurait dû être présentée "par retour de poste" et non pas à la dernière minute lors de la procédure orale. L'avis préliminaire de la Chambre a été notifié aux parties sept mois avant la procédure orale, ce qui laissait à la requérante amplement de temps pour réagir et requérir à l'avance le renvoi de l'affaire. Le fait que la requérante a commencé la préparation de la procédure orale seulement deux semaines auparavant ne peut pas non plus justifier la modification tardive des moyens. C'est la responsabilité de chaque partie de préparer son cas d'une façon qui contribue à assurer une procédure équitable en évitant des requêtes surprenantes à un stade aussi tardif.
1.4 En l'absence de circonstances exceptionnelles qui permettraient de justifier la modification de moyens tardive de la requérante, la Chambre décide de ne pas prendre en compte la requête de renvoi à la division d'opposition conformément à l'article 13(2) RPCR 2020.
2. Requête principale (brevet tel que délivré)
2.1 Suffisance de la description - Article 100b) CBE
La requérante argumente une insuffisance de la description basée sur deux points :
- L'impossibilité pour la personne du métier de distinguer les trois membranes définies à la caractéristique 1.5 (pare-vent, pare-vapeur ou freine-vapeur)
- Le manque d'information pour la personne du métier concernant d'autres variations pour la mâchoire définie dans les caractéristiques 1.6 à 1.8, à part le mode de réalisation particulier décrit dans la description.
2.1.1 La requérante ne conteste pas que les termes "pare-vent", "pare-vapeur" et "freine-vapeur" sont bien connus de la personne du métier et correspondent à des produits couramment disponibles dans le commerce. Même si l'alinéa [0039] du brevet faisait référence à des documents contradictoires en ce qui concerne les caractéristiques de leurs membranes, comme allégué par la requérante, ceci n'est pas pertinent puisque la personne du métier ne dépend pas de ces documents pour exécuter l'invention en raison de ses connaissances techniques générales.
De plus, l'alinéa [0039] cite les documents prétendument contradictoires en tant qu'exemples de membranes "hygro-régulante(s), possédant une perméance à la vapeur d'eau en fonction de l'humidité ambiante" (cf. colonne 7, lignes 52 à 56). Il est à noter que la revendication 1 ne définit aucune membrane hygro-régulante. Alors, même si ces exemples étaient nécessaires pour la personne du métier en ce qui concerne une membrane hygro-régulante, ceci n'est pas une caractéristique de l'invention revendiquée. La Chambre n'est pas persuadée qu'en pratique, pour une personne du métier désirant mettre en ½uvre l'invention revendiquée, les différentes propriétés des exemples de membranes divulgués à l'alinéa [0039] constituent un obstacle insurmontable.
2.1.2 L'argumentation de la requérante en ce qui concerne d'autres modes de réalisation hypothétiques des mâchoires qui seraient impossibles de mettre en pratique par la personne du métier reste vague et se limite à énoncer une hypothèse.
Le brevet décrit un mode de réalisation détaillé de l'invention (cf. alinéas [0042] à [0048]), ce qui satisfait aux exigences de l'article 100b) CBE. La CBE n'exige pas que pour chaque alternative d'une invention revendiquée un mode de réalisation correspondant soit divulgué dans la description du brevet européen. Une telle exigence serait généralement impossible à satisfaire en raison des multiples possibilités de mise en pratique des caractéristiques pour la personne du métier au moment d'exécuter l'invention.
2.1.3 Il s'ensuit que le motif d'opposition d'après l'article l00 b) CBE ne s'oppose pas au maintien du brevet tel que délivré.
2.2 Nouveauté - Article 54(2) CBE
2.2.1 M1 - Ligne d'attaque "tige en plusieurs parties"
a) Caractéristique 1.1 (dispositif de doublage d'une paroi)
L'intimée argumente que M1 concernerait la construction d'une toiture et ne pourrait pas être employé pour un autre but. Le dispositif de M1 manquerait de moyens pour maintenir l'isolant en place pendant l'installation sur une paroi, puisque le bord 9 découpe l'isolant et celui-ci ne serait plus maintenu. Il en irait de même pour la membrane 5. La référence à une utilisation sur un mur à la page 15, lignes 1 à 6, n'inclurait aucun enseignement sur la manière d'utiliser le dispositif.
La Chambre se range cependant du côté de la requérante, puisque la caractéristique 1.1 définit un "dispositif de doublage d'une paroi". Même si cette définition concerne explicitement un dispositif destiné au doublage d'une paroi, tout dispositif susceptible d'être employé et apte pour le doublage d'une paroi tombe sous cette catégorie.
Le corps d'appui 8.1 de M1 comprend des moyens d'assemblage (vis 12) aptes à être utilisés pour le fixer sur une paroi, et des moyens d'assemblage (éléments d'écartement 16) aptes à être employés pour y fixer une cloison de doublage à une certaine distance de la paroi (cf. figure 1, distance entre le lattage 2 et le contre-lattage 7).
L'installation du corps d'appui 8.1 de M1 avec la couche d'isolant 4 sur une paroi entraînerait la pénétration de la couche isolante 4, qui resterait alors appuyée sur le corps d'appui en dépit de l'action de la force de gravité. En tout cas, le maintien d'un élément amovible pendant sa fixation finale ne semble pas représenter un obstacle qui rendrait le corps d'appui 8.1 non susceptible d'être employé pour le doublage d'une paroi dans le sens de la revendication 1.
Donc, le dispositif de M1 correspond à un dispositif apte pour le doublage d'une paroi au sens de la caractéristique 1.1.
b) Caractéristique 1.2 (tige)
La requérante argumente que la personne du métier comprendrait à la lumière de la figure 2 que la vis 15 a une tête. Par analogie, elle en déduirait qu'il en est de même pour la vis 12 et que le trou 14 serait solidaire de la vis 12 et formé dans sa tête, indépendamment du contenu de la description du brevet.
Le trou 14 et les vis 12 et 15 seraient coaxiaux en raison de leur fonction. La personne du métier reconnaîtrait que la figure 2 n'est pas un dessin industriel précis, mais une figure illustrative, et saurait comment interpréter les contradictions éventuelles entre la structure du dispositif illustrée à la figure et sa mise en oeuvre déductible de la description, c'est-à-dire que la vis 15 devrait être vissée dans le trou 14, qui est formé dans la tête de la vis 12.
Cet argument n'est pas persuasif. Le document M1 ne décrit pas de manière explicite ni implicite que le trou 14 est arrangé dans une hypothétique tête de la vis 12.
Contrairement à l'argument de la requérante, la personne du métier prendrait en considération la description de M1 pour interpréter les figures, puisque le document est à consulter en son ensemble pour son évaluation comme état de la technique.
D'après la description la figure 2 (reproduite ci-dessous) "montre un corps d'appui en coupe axiale" (cf. page 9, ligne 8). Sur la figure on remarque cependant qu'au moins la vis 15 n'est pas représentée en coupe puisqu'elle n'est pas hachurée et que son filetage est visible. De surcroît, la vis 15 n'apparaît pas dans l'évidement central de l'élément d'écartement 16. De plus, le trou 14 présente une zone hachurée sur sa périphérie, et une autre zone sans hachure autour de la première, ce qui semblerait indiquer que le trou 14 serait représenté suivant une coupe partielle pas nécessairement dans le plan de coupe axial. Cette zone sans hachure court d'ailleurs de la vis 12 jusqu'au trou 14. Comme la vis 15, la vis 12 n'est pas non plus représentée en coupe axiale puisque son filetage apparaît.
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
Si la figure 2 était un dessin industriel précis et le trou 14, la vis 15 et la vis 12 étaient coaxiaux, alors ces trois éléments seraient représentés hachurés sur la figure, ce qui n'est pas le cas. Si on accepte que la figure est un tel type de dessin il faut conclure qu'on ne peut pas déduire de façon directe et non ambiguë que la vis 12 et le trou 14 sont coaxiaux, puisqu'ils pourraient être simplement arrangés sur un même plan perpendiculaire à la figure avec un décalage.
Si, tel que défendu par la requérante, on considère la figure 2 comme illustrative, on ne peut pas non plus en déduire d'enseignements clairs et non-ambigus, puisque la nature imprécise de la figure jette un doute sur son contenu. En effet, le fait que le trou 14 présente une hachure sur sa périphérie et la présence d'une ligne délimitant l'élément où le trou 14 est pratiqué et la position de la vis 12 ne permettent pas de tirer de conclusions claires à propos de la position relative des deux éléments et de leur prétendue unicité.
La requérante argumente que son interprétation de l'arrangement des éléments 12, 14 et 15 serait confirmée par le fonctionnement du dispositif, en particulier par l'utilisation d'une perceuse connectée au trou 14 pour installer le dispositif sur la toiture (page 12, ligne 18, et page 13, ligne 17). Cette fonction ne pourrait être remplie que si le trou 14 est solidaire de la vis 12, ou bien si les deux éléments sont solidarisés au moyen du couvercle 10, ce qui résulterait en une "tige" conforme à l'interprétation selon l'avis préliminaire de la Chambre.
Ceci n'est pas persuasif non plus. L'utilisation d'une perceuse est décrite dans M1 en rapport avec l'utilisation d'un "moyen de raccord .. par exemple .. raccord à six pans ou à baïonnette", de façon qu'on remplace la vis 15 par un autre élément (cf. page 12, lignes 18 à 24). Ainsi, le mode de réalisation en rapport avec l'utilisation d'une perceuse est différent de celui montré à la figure 2, et on ne peut pas interpréter la figure à la lumière de celui-ci. D'un autre côté, la vis 12 et l'élément où le trou 14 est pratiqué sont solidarisés indépendamment l'un de l'autre au couvercle 10 (cf. page 11, lignes 2 à 8 et page 12, lignes 7 et 8). Ceci n'implique cependant pas que ces deux éléments forment une tige au sens de la revendication 1, puisqu'une connexion indirecte entre les parties via le couvercle 10 ne résulte pas en ce "qu'on peut interpréter comme une tige dans son état monté" (cf. avis préliminaire, point 6.2.5, dernière phrase).
En conséquence, une construction en une seule pièce de l'élément où le trou 14 est pratiqué et de la vis 12 n'est décrite ni explicitement ni implicitement dans M1. La vis 12 toute seule doit être donc considérée comme la tige au sens de la caractéristique 1.2.
c) Caractéristique 1.3 (moyens de fixation à la paroi)
L'extrémité inférieure de la vis 12 est un moyen qui est apte à être fixée à un élément de structure d'une paroi à doubler. Ceci n'a pas été contesté. Donc M1 décrit la caractéristique 1.3.
d) Caractéristique 1.4 (moyens d'assemblage avec une cloison)
Au vu des conclusions sur la caractéristique 1.2 (tige), on doit conclure que l'extrémité supérieure de la tige (vis) 12 de M1 n'est pas pourvue de moyens aptes pour son assemblage avec une cloison de doublage. Donc, la caractéristique 1.4 n'est pas décrite dans M1.
e) Caractéristique 1.5 (membrane embrochée)
Le document M1 décrit une barrière anti-vapeur 3 qui est embrochée par la tige (vis) 12. Ceci n'a pas été contesté. De ce fait, la caractéristique 1.5 est décrite dans M1.
f) Caractéristique 1.6 (deux mâchoires entourant la tige)
Au vu des conclusions sur la caractéristique 1.2 (tige), il apparaît que M1 ne présente pas deux mâchoires qui entourent la tige (vis) 12, puisque seulement le couvercle 10 - qui représente la première mâchoire d'après la requérante - entoure la vis 12. La deuxième mâchoire formée par la surface inférieure de l'élément d'écartement 16 n'entoure pas la vis 12. Donc, la caractéristique 1.6 n'est pas décrite dans M1.
g) Caractéristiques 1.7 (moyens de verrouillage) et 1.8 (pincement de la membrane)
Etant donné que les mâchoires de la caractéristique 1.6 ne sont pas divulguées dans M1, et que la membrane embrochée par la tige (vis) 12 - c.à.d. la barrière anti-vapeur 3 - n'est pas pincée entre les éléments qui pourraient être considérés comme des mâchoires dans M1, les caractéristiques 1.7 et 1.8 ne sont pas décrites non plus dans M1.
h) Conclusion
En conséquence, l'objet de la revendication 1 est nouveau par rapport à M1.
2.2.2 M1 - Ligne d'attaque "vis 15" - Article 13(2) RPCR 2020
La requérante a présenté pour la première fois en procédure de recours pendant la procédure orale devant la Chambre une ligne d'attaque de manque de nouveauté basée sur la considération que la vis 15 de M1 représenterait en elle-même la tige de la revendication 1.
Pour la requérante cette ligne d'attaque aurait été considérée au point 2.4.2.3.1 de la décision attaquée, un aspect qui aurait été alors contesté dans le mémoire exposant les motifs du recours (trois dernières lignes de la page 5). La ligne d'attaque aurait été implicitement mentionnée au deuxième alinéa des pages 2 et 5 du mémoire. De toute façon l'attaque se baserait sur les mêmes documents et faits qui auraient été discutés pendant la procédure de recours. Elle concernerait ainsi une argumentation qui devrait être prise en compte d'après la jurisprudence des chambres de recours (T 1914/12).
Cette argumentation ne peut pas aboutir.
Contrairement aux considérations de la requérante, une nouvelle ligne d'attaque n'est pas une nouvelle argumentation, mais une nouvelle objection qui représente en elle-même une modification des moyens de la requérante. Donc, les circonstances sont différentes de celles considérées dans la décision T 1914/12.
La requérante a utilisé avec son mémoire exposant les motifs du recours une formule standard pour déclarer qu'elle maintenait "toutes les objections, faits, et arguments soulevés durant la procédure d'opposition, c'est-à-dire ceux déposés dans le mémoire d'opposition (Annexe A) et ceux déposés avant la procédure orale (Annexe B)". Annexes A et B ont été déposés avec le mémoire.
Cette formule standard qui ne décrit pas les objections soulevées ni ne les étaye ne peut pas être considérée comme une présentation d'objections qui doivent être prises en compte par la Chambre au sens de l'article 12(3) RPCR 2020.
Il en va de même pour les références à la décision de la division d'opposition à la page 5 du mémoire, qui ne mentionnent même pas la ligne d'attaque d'une façon explicite.
Comme aucune explication n'a été fournie par la requérante à propos de la présentation tardive de cette modification de moyens, la ligne d'attaque basée sur la considération de la vis 15 de M1 comme représentant en elle-même la tige de la revendication 1 n'est pas prise en compte par la Chambre (article 13(2) RPCR 2020).
2.2.3 M2
a) Caractéristique 1.1 (dispositif de doublage d'une paroi)
Contrairement à l'avis de l'intimée, le dispositif de M2 est un dispositif apte à doubler une paroi. La figure 4 décrit le doublage d'une paroi 10 ayant des poutrelles 16 dans sa structure par moyen de panneaux 28 ("panels"). Bien que ceci puisse déjà correspondre au doublage d'une paroi, l'aptitude du dispositif de M2 à doubler une paroi via l'apport d'une cloison de paroi supplémentaire est discutée ci-après au point d) au vu de la caractéristique 1.4. La caractéristique 1.1 est donc décrite dans M2.
b) Caractéristique 1.2 (accessoire d'entretoisement comportant une tige)
L'intimée argumente qu'un accessoire d'entretoisement devrait avoir une longueur minimale pour créer une distance significative entre la paroi à doubler et la cloison de doublage, ce qui ne serait pas le cas de la vis 38 à la figure 4. Cette figure serait purement schématique (colonne 3, lignes 54 à 60) et ne serait pas à l'échelle. La membrane 28 serait un papier d'une épaisseur de l'ordre de microns, et la figure 2 permettrait de déduire que l'épaisseur du bloc 58 serait faible. Dans M2 ce serait la poutrelle 16 qui créerait une distance pour l'installation de l'isolant.
La Chambre n'est pas persuadée par une telle argumentation.
La figure 4 décrit un dispositif apte à doubler une paroi du fait de la présence des poutrelles 16, qui créent un espace 25 pour l'arrangement de l'isolant 63. Donc, le dispositif décrit dans M2 est apte pour la fonction revendiquée dans le contexte montré à la figure, c.à.d. grâce à la présence des poutrelles 16. Il faut remarquer que la revendication 1 couvre tout dispositif qui serait apte au doublage d'une paroi. Elle n'est en rien limitée à des dispositifs qui peuvent assurer par eux-mêmes et en indépendance de toute autre considération le doublage de n'importe quelle paroi.
Dans ce contexte, un "accessoire d'entretoisement" contribue à l'entretoisement, mais n'est pas nécessairement le seul élément qui le produit. L'ensemble formé par la vis 38 ("tige"), la rondelle 40 et le bloc 58 correspond donc à un "accessoire d'entretoisement" au sens de la revendication 1, et divulgue la caractéristique 1.2.
c) Caractéristique 1.3 (moyens de fixation à la paroi)
L'extrémité supérieure de la tige (vis) 38 à la figure 4, c'est-à-dire l'extrémité de la tige filetée, est apte à être fixée à la poutrelle 16, qui est un élément de structure de la paroi à doubler dans M2. Ceci n'est pas disputé. À ce titre, la Chambre concourt avec la requérante qu'au vu de la figure 2 du brevet, les extrémités selon la revendication 1 ne sont forcément situées à la toute extrémité de la tige mais plutôt vers l'extrémité de cette dernière.
d) Caractéristique 1.4 (moyens d'assemblage avec une cloison)
L'intimée soutient que la tête de la vis 38 ne pourrait pas représenter un moyen d'assemblage avec une cloison de doublage, puisque c'est la pointe de la vis qui serait fixée dans un tel cas à la cloison et non pas sa tête. De plus, la vis 38 ne serait pas assez longue pour recevoir une cloison intercalée, et si on mettait la rondelle 40 entre la tête de la vis et une cloison - ce qui serait la façon logique d'agir pour éviter que la cloison puisse tomber du toit - il n'y aurait plus deux mâchoires au sens de la revendication 1.
La Chambre ne trouve pas ces arguments persuasifs.
La caractéristique 1.4 définit l'interaction du dispositif revendiqué avec la cloison de doublage. Il convient de remarquer que la cloison de doublage ne fait pas partie du "dispositif de doublage d'une paroi" tel que revendiqué, ce dernier étant un élément qui rend possible la connexion d'une paroi à doubler avec une cloison de doublage.
La caractéristique 1.4 doit alors être interprétée comme suit: "et dont l'autre extrémité est pourvue de moyens aptes à permettre son assemblage avec une cloison de doublage".
Alors, toute tige comportant des moyens aptes à remplir la fonction définie dans la caractéristique 1.4 peut tomber sous l'étendue de la revendication 1.
La requérante a raison en ce que la tête de la vis 38 est susceptible de jouer le rôle d'un moyen d'assemblage avec une cloison de doublage, puisqu'une cloison peut en effet être interposée entre cette tête et la rondelle 40. Certes la figure 4 montre une vis 38 d'une longueur limitée, mais l'épaisseur de la cloison de doublage ne peut pas représenter une limitation qui empêcherait une telle interposition, puisque la revendication ne donne aucune indication quant à la cloison de doublage, qui peut être formée d'un matériau relativement mince. En effet, la vis 38 dépasse la poutrelle 16 d'une certaine longueur que la personne du métier interpréterait comme pouvant être suffisante pour permettre l'interposition d'une cloison à faible épaisseur (par exemple en bois ou métallique) entre la tête de la vis 38 et la rondelle 40.
Le terme "assemblage" n'est pas défini non plus dans la revendication 1. L'interaction entre la tête de la vis 38 et une cloison qui serait retenue par celle-ci résulte en ce qu'on peut comprendre comme un "assemblage" de la tige (vis) 38 et de la cloison de doublage.
Au vu de l'interprétation de la caractéristique 1.4 il n'apparaît pas pertinent de déterminer ce que la personne du métier aurait considéré comme la façon la plus logique d'assembler une cloison de doublage par moyen de la vis 38, puisque ce qui est décisif pour la nouveauté est l'aptitude de la tête de la vis à cet égard.
En conséquence, la caractéristique 1.4 est décrite dans M2.
e) Caractéristiques 1.5 (membrane) et 1.6 (deux mâchoires entourant la tige)
Le document M2 décrit une membrane pare-vent, pare-vapeur ou freine-vapeur 28 (papier Kraft) embrochée sur la tige (vis) 38 et deux mâchoires (rondelle 40 et bloc 58) qui entourent la tige. Ceci n'est pas contesté.
f) Caractéristiques 1.7 (moyens de verrouillage) et 1.8 (mâchoires qui pincent la membrane après verrouillage)
L'intimée fait valoir que la membrane 28 serait fixée par an adhésif (colonne 5, lignes 13 à 16), de telle sorte que la vis 38 ne servirait pas à sa fixation mais plutôt à donner une sécurité dans le cas où elle se décollerait (colonne 5, ligne 16). Il n'y aurait ainsi aucun besoin de serrage, au mieux un simple contact. De plus, le serrage de la vis 38 résulterait en une déchirure de la membrane 28 du fait de la fragilité du papier Kraft. Les caractéristiques 1.7 et 1.8 de serrage axial des mâchoires et de pincement de la membrane ne seraient donc ni divulguées ni réalisées dans M2.
La Chambre n'est pas persuadée par cet argument puisque la caractéristique 1.8 ne donne pas de détails concernant la pression du pincement de la membrane par les mâchoires. La personne du métier lisant M2 comprendrait immédiatement et directement que la vis 38 - qui comprend un filetage qui fait partie des moyens de verrouillage au sens de la caractéristique 1.7 - doit être serrée avec un minimum de pression pour éviter son détachement, puisqu'il est connu qu'une vis ne peut pas être laissée libre au risque de se détacher. Cette pression minimale implique un pincement de la membrane 28 (panneau flexible; cf. colonne 4, lignes 42 à 49) par les mâchoires 40 (rondelle) et 58 (bloc) au sens de la caractéristique 1.8. Ceci serait réalisé même en présence d'une cloison de doublage telle que discutée au point d) ci-avant pour la caractéristique 1.4.
g) Conclusion
Au vu des considérations précédentes, l'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau par rapport à M2.
3. Recevabilité de l'objection d'irrecevabilité par rapport aux requêtes subsidiaires 1 et 2 et des nouvelles objections à leur encontre - Article 13(2) RPCR 2020
3.1 La requérante argumente que son objection d'irrecevabilité des requêtes subsidiaires 1 et 2 sur la base de l'article 12(4) RPCR 2007 ne représenterait aucun changement des moyens présentés et, même s'il était regrettable de ne pas l'avoir introduite plus tôt dans la procédure, l'aspect tardif ne devrait pas être le facteur principal pour ne pas la prendre en compte.
3.2 La Chambre ne partage pas cet avis.
3.2.1 Les requêtes subsidiaires 1 et 2 ont été déposées avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours. La requérante aurait pu soulever son objection concernant la recevabilité des requêtes subsidiaires dès le moment qu'elle en a eu connaissance, en l'occurrence avant la notification de la Chambre, ce qu'elle a décidé de ne pas faire. Au contraire, elle a présenté sa requête le plus tard possible dans la procédure, c'est-à-dire le jour de la procédure orale. Au vu des circonstances l'objection de la requérante représente un changement de moyens dont l'admission est régie par les dispositions de l'article 13(2) RPCR 2020.
3.2.2 Le fait que les requêtes subsidiaires n'ont pas été présentées pendant la procédure d'opposition mais pour la première fois avec la réponse au mémoire exposant les motifs de recours ne peut pas affecter le droit d'être entendu de la requérante conformément à l'article 113(1) CBE dans le cas d'espèce, puisque la division d'opposition a décidé de rejeter l'opposition. Il n'y aurait donc jamais eu la nécessité de discuter ces requêtes subsidiaires en procédure d'opposition. Il n'y aurait pas lieu de ne pas les admettre suivant l'article 12(4) RPCR 2007.
3.2.3 Les objections prima facie soulevées à l'encontre de la requête subsidiaire 2 sur la base des articles 84 et 123(2) CBE et la règle 80 CBE ont été présentées pour la première fois pendant la procédure orale devant la Chambre sans donner aucune explication pour ce nouveau changement de moyens en rapport avec l'objection d'irrecevabilité.
3.3 En l'absence de circonstances exceptionnelles qui justifieraient la présentation tardive de tous ces changements de moyens, la Chambre décide de ne pas prendre en compte l'objection d'irrecevabilité des requêtes subsidiaires ainsi que les nouvelles objections soulevées y afférentes conformément à l'article 13(2) RPCR 2020.
4. Requête subsidiaire 1 - Nouveauté - Article 54(2) CBE
Le document M2 décrit une membrane pare-vapeur ou freine-vapeur 28 (papier Kraft). Ceci n'est pas contesté.
Donc, la seule modification présentée dans la nouvelle revendication 1 ne peut pas résoudre le problème de manque de nouveauté déjà avancé au point 2.2.3 ci-dessus.
5. Requête subsidiaire 2
5.1 Nouveauté, M2 - Article 54(2) CBE
La requérante fait valoir qu'embrocher ne serait pas synonyme de "transpercer", un concept qui ne serait pas revendiqué. En tout cas, étant donné que dans M2 l'isolant 63 est soufflé ou pulvérisé dans l'espace 25, il y aurait forcément un moment où la vis 38 traverserait de part en part, c'est-à-dire transpercerait ou embrocherait, la couche d'isolant.
La Chambre considère que le sens habituel d'embrocher doit être adopté pour interpréter la caractéristique ajoutée, et que ce sens habituel implique que la tige doit transpercer la couche d'isolant, c'est-à-dire la traverser de part en part.
Il n'est pas divulgué dans M2 que la vis 38 traverse la couche d'isolant de part en part. La vis 38 (tige) est montée avant l'application de l'isolant de telle sorte que le soufflage ou la pulvérisation des particules d'isolant (cf. colonne 6, lignes 20 à 24) résulte en une couche d'isolant recouvrant la vis, cf. figure 4.
De plus, il faut remarquer que le document M2 ne donne pas de détail sur la nature de l'isolant 63 à part sa technique d'application (soufflage ou pulvérisation) et son caractère particulaire (cf. colonne 6, lignes 20 à 24). La requérante argumente qu'une pulvérisation impliquerait la présence de résines qui durciraient après l'application, sans toutefois le démontrer ou l'étayer plus avant. Cette affirmation reste une allégation infondée qui n'est pas convaincante. Par conséquent, contrairement à l'avis de la requérante, la couche d'isolant 63 de M2 n'a pas une structure solide, ce qui est indispensable pour pouvoir parler d'un embrochement.
Finalement, la requérante a raison en ce qu'il faut considérer que la revendication porte sur un dispositif à assembler (ou assemblé), et en ce que la caractéristique ajoutée ne porte pas sur une étape de méthode mais sur un état final visible dans le dispositif assemblé. La caractéristique ajoutée définit en effet un tel état final visible, puisque l'interaction entre une tige qui embroche une couche d'isolant solide et l'isolant ainsi embroché qui l'entoure en final est différente de celle que présente une tige telle que la vis 38 autour de laquelle on applique un isolant. La déformation de l'isolant et sa rupture par la tige dans le premier cas entraîne une structure finale spécifique et reconnaissable par la personne du métier de l'isolant autour de la tige, différente de celle obtenue dans M2, où il n'y a ni déformation ni rupture de l'isolant puisque celui-ci est appliqué en présence de la tige (vis) 38, de façon particulaire de surcroît.
De ce fait, la caractéristique ajoutée n'est pas décrite dans M2.
5.2 Activité inventive - Article 56 CBE
5.2.1 État de la technique le plus proche
L'intimée fait valoir que le document M1 ne représente pas l'état de la technique le plus proche, puisqu'il concernerait la construction d'une toiture et non pas le doublage d'une paroi. Au contraire, le document M3 appartiendrait au même domaine que l'invention, poursuivrait le même but et décrirait la caractéristique ajoutée à la revendication 1 (couche d'isolant embrochée). Donc, M3 représenterait l'état de la technique le plus proche.
La Chambre se range de l'avis de la requérante et considère que M1 représente un point de départ réaliste pour évaluer l'activité inventive dans ce cas. Tel que remarqué au point 2.2.1.a) ci-dessus, M1 concerne un dispositif apte à être utilisé pour le doublage d'une paroi de la même manière que le dispositif revendiqué. La caractéristique ajoutée est décrite dans M1 puisque la tige (vis) 12 embroche la couche d'isolant 4 (cf. page 13, lignes 17 à 23). L'aspect concernant deux mâchoires (couvercle 10 et élément d'écartement 16) qui serrent une membrane (sous-toiture 5) est aussi décrit dans M1, la différence fondamentale entre la revendication 1 et ce document étant la présence d'une tige qui s'étend jusqu'aux moyens aptes pour son assemblage avec une cloison de doublage et qui est entourée par les deux mâchoires.
5.2.2 Recevabilité de la nouvelle ligne d'argumentation - Article 13(2) RPCR 2020
a) Ligne d'argumentation
La requérante fait valoir que dans M1 on ferait tourner le trou 14 pour faire tourner la vis 12 pendant l'installation du dispositif sur la toiture, ce qui impliquerait que les deux éléments seraient solidarisés. Le brevet ne décrirait aucun effet technique en rapport avec la caractéristique distinctive (tige qui s'étend des moyens de fixation à la paroi aux moyens d'assemblage avec la cloison). Le fonctionnement du dispositif ne serait pas différent de celui d'un dispositif correspondant à M1 avec en sus la caractéristique distinctive. Par conséquent, le problème technique objectif serait de trouver des moyens alternatifs pour fournir la fonctionnalité de M1.
D'après la requérante il n'y aurait que deux possibilités pour cela: soit la vis 12 et le trou 14 serait en une seule pièce, le trou 14 étant façonné dans la tête de la vis 12, soit il y aurait une connexion mécanique entre la vis 12 et le trou 14 via le couvercle 10. La personne du métier regarderait les deux alternatives comme évidentes pour assurer la connexion, mais choisirait la première option puisque celle-ci assurerait une meilleure connexion mécanique et simplifierait la conception et la construction du dispositif, arrivant de cette façon à l'objet revendiquée d'une manière évidente.
b) Circonstances
La caractéristique distinctive de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 vis-à-vis de M1 (tige au sens des caractéristiques 1.3, 1.4 et 1.6 de la revendication 1) était présente dans la requête principale (cf. point 2.2.1 ci-avant pour la discussion de la requête principale) et a été aussi considérée comme caractéristique distinctive dans la décision contestée (cf. points 2.4.1.2.3 et 2.4.2.1).
La requérante n'a pas étayé l'objection de manque d'activité inventive partant du document M1 dans son mémoire exposant les motifs du recours. Elle s'est limitée à argumenter pourquoi ce document pourrait être considéré comme l'état de la technique le plus proche. De plus, la requérante a fourni une brève argumentation de quatre lignes pour expliquer que le raisonnement de la division d'opposition était erroné du fait qu'il était basé sur un procédé de montage et non pas sur le dispositif monté. La requérante n'a toutefois pas non plus expliqué comment un raisonnement basé sur le dispositif monté aurait pu montrer l'absence d'activité inventive.
Le manque d'une argumentation en appui de l'objection a été mentionnée par la Chambre dans son avis préliminaire (cf. points 6.4.1.b) et c) de la notification d'après l'article 15(1) RPCR 2020). Il est à remarquer que l'avis préliminaire indiquait déjà que M1 ne semblait pas décrire une construction solidaire de la vis 12 et du trou 14 (cf. point 6.3.1.b) de la communication), ce qui était décisif pour la nouveauté de la revendication 1 par rapport à ce document.
La requérante a fourni l'argumentation de l'objection de manque d'activité inventive à partir de M1 qu'au moment le plus tardif de la procédure, c'est-à-dire à la procédure orale devant la Chambre, alors qu'elle aurait pu aussi le faire pendant les sept mois entre la réception de l'avis préliminaire et la procédure orale.
La nouvelle ligne d'argumentation présentée à la procédure orale devant la Chambre ne peut pas être considérée tout simplement comme un nouvel argument dans le cadre d'une discussion substantielle déjà existante. Vu que c'est la première fois où la requérante a étayé son objection de manque d'activité inventive présentée sans fondement dans son mémoire exposant les motifs du recours, cela revient à une première présentation effective non seulement de l'argument mais de l'objection elle-même et représente par conséquent un changement des moyens de la requérante. En effet, l'objection infondée ne pouvait pas être prise en compte en l'état de telle sorte qu'une nouvelle ligne d'argumentation visant à réparer ce défaut de manque de fondement est considérée dans le cas présent comme un changement des moyens. En l'absence de circonstances exceptionnelles qui auraient pu justifier une telle soumission tardive de la nouvelle ligne d'argumentation, la Chambre ne la prend pas en compte conformément à l'article 13(2) RPCR 2020.
c) Quant au fond
Même si la nouvelle ligne d'argumentation avait été prise en compte, la Chambre note qu'elle ne s'opposerait pas au caractère inventif de l'objet de la revendication 1, puisqu'elle est basée sur un raisonnement a posteriori. La requérante n'a en effet fourni aucune preuve qui pourrait montrer le caractère évident de la modification proposée (la vis 12 et la pièce où le trou 14 est façonné intégrées en une seule pièce). Elle s'est limitée à formuler une simple allégation à cet égard, ce qui n'est pas suffisant.
5.2.3 En conséquence, l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive par rapport au document M1 combiné avec les connaissances générales de la personne du métier.
5.2.4 Droit d'être entendu - Article 113(1) CBE - Objections à partir de M2 ou M3
Pendant la procédure orale les parties ont discuté en profondeur du choix de l'état de la technique le plus proche en accord avec la méthodologie de l'approche problème-solution. La requérante a argumenté que M1 représenterait l'état de la technique le plus proche et l'a choisi comme point de départ le plus prometteur, alors même qu'elle avait été avertie préalablement que les objections de manque d'activité inventive à partir de M1 pourraient être considérées comme irrecevables. La Chambre a en final suivi la requérante sur le choix de M1 comme art antérieur le plus proche, contrairement à la proposition de l'intimée de sélectionner M3. Ce faisant, la Chambre n'a pas admis dans la procédure les nouvelles objections de la requérante de manque d'activité inventive basées sur les documents M2 ou M3 comme point de départ après l'échec de la ligne d'attaque à partir de M1 que la requérante a librement choisie comme étant sa plus convaincante. Le droit d'être entendu de la requérante a été respecté, puisqu'elle a pu prendre position pendant la discussion à cet effet sur quel était le meilleur point de départ pour son objection, ce qui correspond à la première étape de l'approche problème-solution (cf. décision de la Grande Chambre de Recours R 5/13, point 15, en particulier les pages 20 et 21).
En tout cas, il convient de remarquer qu'au vu des conclusions à partir du document M1 qui représente l'état de la technique le plus proche (tel que défendu par la requérante), les autres attaques proposées partant d'un point de départ plus éloigné ne peuvent pas aboutir.
6. Renvoi à la division d'opposition - Articles 111 CBE et 11 RPCR 2020
Les parties n'ont présenté aucune objection au renvoi de l'affaire devant la division d'opposition pour l'adaptation de la description aux revendications de la requête subsidiaire 2.
La Chambre décide donc de renvoyer l'affaire conformément aux articles 111(1) CBE et 11 RPCR 2020.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 14 déposées comme requête subsidiaire 2 avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, les figures du brevet et une description à adapter.