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T 0449/20 (Alliage aluminium cuivre/Howmet Aerospace) 08-07-2022
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ALLIAGE ALUMINIUM CUIVRE LITHIUM A RESISTANCE MECANIQUE ET TENACITE AMELIOREES
Nouveauté - (oui)
Activité inventive - (oui)
Modification des moyens invoqués - modification admise (non)
Mémoire de recours - motivation insuffisante d'une objection
I. Le recours de l'opposante (requérante) concerne la décision de la division d'opposition rejetant l'opposition contre le brevet européen EP 2 449 142 B1.
II. Les documents suivants cités dans la décision sont pertinents pour la décision :
E1: WO 2009/036953 A1
E2: E. A. Starke, Jr., NASA Contractor Report 4645,
Semi-Annual Report July 1, 1992 - December 31,
1992., February 1995
E3: WO 95/04837 A1
E4: Altenpohl, D. G., "Aluminium: Technology,
Applications and Environment", Sixth Edition, 1998,
pages 77 à 125
E5: US 5 389 165 A
E6: M.A. Easton and D.H. StJohn, TMS (The Minerals,
Metals & Materials Society), 2001, pages 927 à 933
III. Le libellé des revendications 1 et 8 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit:
"1. Produit corroyé tel qu'un produit filé, laminé et/ou forgé, en alliage à base d'aluminium comprenant, en % en poids,
Cu : 3,2 - 3,7 ; Li : 0,8 - 1,3 ; Mg: 0,6-1,0;
Zr: 0,05 - 0,18 ; Ag : 0,0 - 0,5 ; Mn : 0,0 - 0,5 ;
Fe + Si (less than or equal to) 0,20 ; Zn (less than or equal to) 0,15 ;
au moins un élément parmi
Ti: 0,01 - 0,15; Sc : 0,05 - 0,3 ; Cr : 0,05 - 0,3 ;
Hf : 0,05 - 0,5 ;
autres éléments (less than or equal to) 0,05 chacun et (less than or equal to) 0,15 au total, reste aluminium."
"8. Procédé de fabrication d'un produit filé, laminé et/ou forgé à base d'alliage d'aluminium dans lequel
a) on élabore un bain de métal liquide à base d'aluminium comprenant 3,2 à 3,7 % en poids de Cu, 0,8 à 1,3 % en poids de Li, 0,6 à 1,0 % en poids de Mg, 0,05 à 0,18 % en poids de Zr, 0,0 à 0,5 % en poids d'Ag, 0,0 à 0,5% en poids de Mn, au plus 0,20 % en poids de Fe + Si, au plus 0,15 % en poids de Zn, au moins un élément choisi parmi Cr, Sc, Hf et Ti, la quantité dudit élément, s'il est choisi, étant de 0,05 à 0,3 % en poids pour Cr et pour Sc, 0,05 à 0,5 % en poids pour Hf et de 0,01 à 0,15 % en poids pour Ti, les autres éléments au plus 0,05% en poids chacun et 0,15% en poids au total, le reste aluminium ;
b) on coule une forme brute à partir dudit bain de métal liquide ;
c) on homogénéise ladite forme brute à une température comprise entre 450°C et 550° et de préférence entre
480°C et 530°C pendant une durée comprise entre 5 et 60 heures ;
d) on déforme à chaud et optionnellement à froid ladite forme brute en un produit filé, laminé et/ou forgé;
e) on met en solution entre 490 et 530 °C pendant 15 min à 8 h et on trempe ledit produit;
f) on tractionne de façon contrôlée ledit produit avec une déformation permanente de 1 à 6 % et préférentiellement d'au moins 2% ;
g) on réalise un revenu dudit produit comprenant un chauffage à une température comprise entre 130 et 170 °C pendant 5 à 100 heures et de préférence de 10 à 40h de façon à atteindre une limite d'élasticité proche du pic, le revenu étant réalisé avec les conditions de durée et de température équivalentes à celles d'un point N de la courbe de revenu à 155 °C tel que la tangente à la courbe de revenu en ce point a une pente PN, exprimée en MPa/h, telle que 0 < PN (less than or equal to) 3."
Les revendications 2 à 7 et 12 à 14 se rapportent directement ou indirectement à la revendication 1 tandis que les revendications 9 à 11 se rapportent directement ou indirectement à la revendication 8.
IV. Avec son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a soumis les documents suivants:
E9: ASM Specialty Handbook, Aluminum and Aluminum
Alloys (1993), chapitre 24, Solidification
Structures of Aluminum Alloys, pages 523 à 531.
E10: Campbell, F. C., Manufacturing Technology for
Aerospace Structural Materials, Chapitre 2,
Aluminum, Elsevier, 2008
E11: Polmear I.J., Light Alloys - From Traditional
Alloys to Nanocrystals (4th Edition), chapitre 3,
Wrought Aluminium Alloys 2006,
E12: Easton M., StJohn, D., Metallurgical and Materials
Transactions A, Volume 30A, June 1999, pages 1625
à 1633
V. La procédure orale a eu lieu le 8 juillet 2022 sous forme de visioconférence.
VI. Les arguments de la requérante pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit:
Nouveauté:
L'objection de nouveauté basée sur E1 et E3 a été motivée au point 8 du mémoire exposant les motifs de recours.
La limite inférieure de la plage de valeurs de Mg (0,6-1) ne peut pas être considérée comme suffisamment éloignée de la valeur de 0,5 présente dans tous les exemples du tableau 1 de E1.
Il est connu (voir E3, E6 et E9 à E12) que le titane est normalement ajouté au moment de la coulée pour éviter la crique à chaud pendant la coulée et pour favoriser l'affinement du grain de coulée. C'est pourquoi les alliages de E2 contiennent implicitement du titane dans la plage revendiquée.
Un alliage selon la revendication 1 est divulgué dans l'exemple V de E3 en considérant que la valeur de 0,36 pourcent en poids de Mg n'est pas assez éloignée de la valeur de 0,6 revendiquée.
Activité inventive:
E2 et en particulier l'alliage cible 64627 ("target") peut être considéré comme l'état de la technique le plus proche. L'ajout de titane est évident en tenant compte de l'enseignement d'un des documents E3, E4, E6, E5 ou E1.
L'attaque basée sur E1 comme état de la technique le plus proche est une réaction à la décision et aurait été acceptée sous le règlement de procédure de 2007.
VII. Les arguments de l'intimée (titulaire du brevet) pertinents pour la présente décision se reflètent dans les motifs ci-dessous.
VIII. La requérante (opposante) a demandé que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit révoqué.
L'intimée (titulaire du brevet) a demandé que le recours soit rejeté, ou alternativement que le brevet soit maintenu sous forme modifiée sur la base d'une des requêtes subsidiaires 1 à 4, présentées avec la lettre du 8 juin 2022, les requêtes subsidiaires 2 à 4 ayant déjà été présentées avec la réponse au recours.
1. Article 100a) en combinaison avec l'article 54 CBE
La chambre ne voit aucune raison de ne pas suivre la conclusion de la division d'opposition concernant l'article 54 CBE.
1.1 Nonobstant la question de savoir si l'objection de nouveauté basée sur E1 était suffisamment motivée comme requis par l'article 12(3) RPCR 2020, E1 n'anticipe pas la nouveauté de l'objet de la revendication 1.
E1 divulgue de façon générale un alliage comprenant en pourcentage en poids: Cu: 3,4 à 5,0, Li: 0,9 à 1,7, Mg: 0,2 à 0,8, Ag: 0,1 à 0,8, Mn: 0,1 à 0,9, Zn (less than or equal to) 1.5, Fe < 0.15, Si < 0.5 et un ou plusieurs éléments choisis parmi: Zr: 0,05 à 0,3, Cr: 0,05 à 0,3, Ti: 0,03 à 0,3, Sc: 0,05 à 0,4, Hf: 0,05 à 0,4.
Dans pareil cas, la question de la nouveauté ne peut pas être tranchée en examinant séparément les plages des différents paramètres (Jurisprudence des chambres de recours, 9**(ième) édition, 2019, I.C.6.3.3), mais il doit être évalué si les plages revendiquées ressortent de façon directe et sans équivoque des plages divulguées dans E1. Comme le recouvrement des plages revendiquées est petit par rapport aux plages connues de E1 et qu'en plus le Zr devrait spécifiquement être choisi dans la liste, cette divulgation générale ne peut pas être considérée comme anticipant la nouveauté de la revendication 1.
L'exemple 4 du tableau 1 est le résultat d'une combinaison spécifique de plusieurs éléments. Cet exemple spécifique ne peut pas en plus être combiné avec la liste de la description (T 210/05, Motifs, 2.3). Comme plusieurs choix sont à faire pour arriver aux plages de valeurs revendiquées, la jurisprudence des inventions de sélection concernant un choix unique ne s'applique pas et la question de savoir si une valeur est suffisamment éloignée ne se pose pas.
L'objet de la revendication 1 est donc nouveau par rapport à E1.
1.2 Il n'est pas divulgué explicitement que la composition de l'alliage cible 64627 (target) de E2 comprend un des éléments parmi Ti, Sc, Cr ou Hf.
Même si presque tous les alliages listés au Tableau 2 de E3 contiennent du titane et que l'alliage 2014 de D6 contient du titane, même au cas où il n'est pas ajouté, il ressort aussi de ces documents que la présence de titane est explicitement indiquée. E2 par contre ne mentionne pas du tout le titane.
E9 à E12 mentionnent les propriétés avantageuses du titane sur le grain de coulée, mais cela ne permet pas de conclure que tout alliage aluminium-cuivre-lithium comprend forcément du titane en quantité telle que revendiquée. Il n'y a pas de preuve que les propriétés décrites dans E2 peuvent seulement être obtenues en présence de titane.
L'argumentation de la requérante est donc spéculative, car elle ne permet pas de conclure que le titane est présent dans l'alliage cible 64627 (target) de E2. Même si cela était probable, cela ne suffirait pas à justifier un défaut de nouveauté qui requiert une divulgation directe et sans équivoque (T 464/94, Motifs 16).
L'objet de la revendication 1 est donc nouveau par rapport à E2.
1.3 Les conclusions de 1.1. à 1.2 s'appliquent aussi à la revendication indépendante 8 qui comprend les mêmes plages de valeurs, et aux revendications dépendantes 2 à 7 et 9 à 14.
1.4 En ce qui concerne le document E3, la requérante a seulement fait référence aux motifs d'opposition dans son mémoire de recours et n'a pas soumis les motifs pour lesquels il est demandé d'annuler la décision attaquée. Un renvoi aux arguments présentés dans le mémoire d'opposition ne permet pas de comprendre pourquoi la décision de la division d'opposition est considérée comme incorrecte et ne satisfait pas aux exigences de l'article 12(3) RPCR 2020. En accord avec T 2117/18 (Motifs 2.2.13 à 2.2.15), l'objection de nouveauté basée sur E3 ne fait pas partie du recours.
2. Article 56 CBE
2.1 L'invention concerne les produits en alliages aluminium-cuivre-lithium.
2.2 En faveur de la requérante, la chambre choisit comme point de départ pour l'approche problème-solution l'alliage cible 64627 (target) de E2.
Les autres alliages du tableau (page 56) sont considérés plus éloignés de l'objet revendiqué, car ils se distinguent en outre par leur contenu en Ag (64641) ou en Mg (64653, 64667).
2.3 Le problème que se propose de résoudre le brevet est de fournir des alliages aluminium-cuivre-lithium présentant des propriétés améliorées par rapport à celles des produits connus, en particulier en termes de compromis entre les propriétés de résistance mécanique statique et les propriétés de tolérance aux dommages et la stabilité thermique (alinéa [0011]).
2.4 Il est proposé de résoudre le problème posé par un produit selon la revendication 1 caractérisé en ce qu'il contient au moins un élément choisi parmi Ti : 0,01 à 0,15% en poids, Sc : 0,05 à 0,3% en poids, Cr : 0,05 à 0,3% en poids ou Hf : 0,05 à 0,5% en poids.
2.5 En faveur de la requérante il est accepté qu'une amélioration de la stabilité thermique ne peut pas être reconnue. Il ressort de l'exemple 4 du brevet que la stabilité thermique dépend de la température de revenu de l'alliage. Comme la revendication 1 ne comprend pas de caractéristique concernant le temps de revenu, il ne peut pas être accepté que le problème lié à la stabilité thermique est résolu sur l'entièreté de la revendication. Le problème doit donc être reformulé.
2.6 Le problème est de fournir des alliages aluminium-cuivre-lithium présentant un meilleur compromis entre les propriétés de résistance mécanique statique et les propriétés de tolérance aux dommages.
2.7 Maintenant il est accepté que le problème est effectivement résolu car les exemples du brevet (voir Tableaux 2 et 6) montrent que les alliages selon l'invention résolvent le problème posé. Il n'y a pas d'indication que l'alliage cible 64627 (target) a d'aussi bonnes propriétés que le produit revendiqué. Même si tous les résultats sont obtenus avec des alliages comprenant du manganèse dont la présence est considérée avantageuse pour la fabrication de tôles épaisses (page 5, lignes 1 à 3), rien ne démontre que des résultats similaires ne peuvent pas être obtenus pour des alliages ne contenant pas de manganèse. Faute de preuve du contraire, il est donc accepté que le problème posé est résolu grâce à la combinaison revendiquée des éléments.
2.8 La solution n'est pas évidente eu égard à l'état de la technique pour les raisons suivantes:
2.8.1 E2 ne mentionne aucunement le titane et ne donne donc pas d'incitation à en ajouter.
2.8.2 Tous les alliages exemplifiés au Tableau 1 de E1 contiennent 0,5% de Mg ce qui est en accord avec la limite supérieure de Mg de 0,65% présentée à la page 3, lignes 19 et 20 de E2. Même si la personne du métier se tournait vers E1 pour résoudre le problème posé, elle s'intéresserait surtout aux compositions du tableau 1 ce qui veut dire que si elle ajoutait du titane à 0,1% elle adapterait en conséquence la concentration de Mg à 0,5% ce qui est toujours en accord avec E2, mais ce qui est en dehors de la plage de valeurs revendiquée pour Mg. L'argumentation que la personne ajouterait seulement du titane sans adapter les autres éléments est basée sur une analyse ex post facto.
2.8.3 Une argumentation similaire s'applique à E3. Tous les alliages exemplifiés au tableau 2 contenant du titane contiennent moins de 0,6% de Mg à part l'alliage Q qui contient cependant 4,04% de Cu. E3 n'enseigne donc pas non plus d'ajouter du titane sans adapter les autres éléments.
2.8.4 E4 ne concerne pas des alliages aluminium-cuivre-lithium et la quantité de titane conseillée est en dessous de la limite inférieure de 0,01% revendiquée.
2.8.5 E5 concerne des alliages ayant une teneur maximale de Mg de 0,5% (colonne 7, ligne 38 en accord avec le tableau 1 à la colonne 9) et son enseignement ne semble donc pas pertinent pour l'alliage cible 64627 de E2.
2.8.6 L'alliage 2014 de E6 contient 0,45% Mg et 4,78% Cu; il ne semble pas crédible que la personne du métier se tournerait vers E6 pour résoudre le problème posé vu la différence entre la composition d'alliage cible 64627 et celle de E6.
2.8.7 Les documents E9 à E12 montrent que le titane peut avoir un effet positif sur l'affinement du grain de coulée, mais aucun de ces documents n'aborde le problème posé et concerne un alliage tel que l'alliage cible 64627 de E2. Il n'y a donc pas de raison pour la personne du métier ne connaissant pas l'invention de se tourner vers ces documents.
2.8.8 Par conséquent, il ne semble pas y avoir d'enseignement dans l'état de la technique amenant à ajouter au moins un élément choisi parmi Ti : 0,01 à 0,15% en poids, Sc : 0,05 à 0,3% en poids, Cr : 0,05 à 0,3% en poids ou Hf : 0,05 à 0,5% en poids en combinaison avec les autres teneurs en métaux, surtout en Mg, telles que présentes dans la revendication 1.
2.9 La requérante a aussi soulevé une objection d'activité inventive en partant de E1 comme état de la technique le plus proche. Cette objection ne faisait pas partie de la procédure d'opposition. Elle constitue donc une modification des moyens invoqués. En accord avec l'article 12(4) RPCR 2020, l'admission d'une telle modification est laissée à l'appréciation de la chambre. En plus, la partie doit indiquer clairement chaque modification et justifier pourquoi elle la soumet dans la procédure de recours. La chambre exerce son pouvoir d'appréciation en tenant compte, entre autres, de la complexité de la modification, de la pertinence de la modification pour traiter les questions ayant conduit à la décision attaquée, et du principe de l'économie de la procédure.
La requérante n'a pas donné de raison pour cette nouvelle attaque dans son mémoire de recours, mais a seulement indiqué lors de la procédure orale que c'était une réaction à la décision. Or, la décision ne comprend pas d'élément surprenant, car elle est basée sur les arguments de la titulaire. Indépendamment du fait que l'ancien règlement de procédure des chambres de recours (RPCR 2007) ne s'applique plus au cas présent, il est à noter que même sous le RPCR 2007, de nouvelles attaques n'étaient pas forcément admises (voir T 392/16, Motifs 2.4). En outre, la chambre constate que cette attaque n'est pas pertinente, car les alliages de E1 divulgués au tableau 1 ont tous un contenu de Mg différent de l'alliage revendiqué.
La chambre n'admet donc pas l'objection d'activité inventive basée sur E1 comme état de la technique le plus proche (article 12(4) RPCR 2020).
2.10 L'objet de la revendication 1 implique donc une activité inventive. Cette revendication étant la plus large, la même conclusion s'applique aux revendications 2 à 14.
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.