T 0190/90 16-01-1992
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Procédé de soudage à la molette
Inventive step (yes)
Principle of equality before the law
Appeal fee reimbursement (no)
Activité inventive (oui) - Principe de l'égalité des
droits; droit d'être jugé équitablement dans une
procédure contradictoire (point 8.2) - Remboursement
de la taxe de recours (point 8) (non)
I. La demande de brevet n° 84 402 046.1, déposée le 11 octobre 1984, a donné lieu le 6 mai 1987 à la délivrance du brevet européen n° 0 140 775 comprenant huit revendications.
La revendication 1 du brevet délivré s'énonce comme suit :
"Procédé de soudage de corps d'emballages formés en cylindre, notamment boîtes à conserve, en un matériau comportant sur une des faces au moins d'une tôle d'acier doux un revêtement conducteur de protection dont la résistance spécifique de contact vis-à-vis du cuivre est au moins égale à 1 x 10-5 ohm/cm2, procédé où le corps, roulé avec des lèvres venant en superposition suivant une génératrice défile, à une vitesse pouvant atteindre au moins 50 m/min., serré suivant cette génératrice entre deux électrodes de soudage par résistance, le rapport du rayon de courbure d'une première électrode à celui de la seconde étant au moins égal à 1,2, caractérisé en ce que l'on choisit le matériau avec un rapport de résistance spécifique de contact de la première face à celle de la seconde au moins égal à 1,2, et en ce que le matériau est roulé en sorte que la première face soit en contact avec la première électrode."
II. L'Intimée (Opposante) a formé opposition et requis la révocation du brevet pour défaut d'activité inventive en particulier au vu des documents suivants :
D2 : J. Ruge, Handbuch der Schweißtechnik, Band II : Verfahren und Fertigung, Springer-Verlag Berlin Heidelberg New York 1980, S. 106-113 D3 : Second International Tinplate Conference, London October 6th-10th, 1980, Published by the International Tin Research Institute I.T.R.I. Publication n° 600, S. 241-251 ; R. Allouf and C. Mergey "Welcco : A new light tin-coated steel for can making" D4 : EP-A-0 025 396 III. Par décision du 19 janvier 1990, la Division d'opposition a révoqué le brevet en cause. Dans l'exposé des motifs, la Division d'opposition fait valoir que l'objet de la revendication 1 n'impliquait pas une activité inventive vis-à-vis de l'état de la technique décrit dans le document D3.
IV. Le 3 mars 1990, la Requérante (Titulaire du brevet) a formé un recours. La taxe a été payée le 28 février 1990 et le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 11 avril 1990.
La Requérante sollicite l'annulation de la décision de la Division d'opposition et le remboursement de la taxe de recours en raison de vices substantiels de procédure qui auraient entaché la procédure.
V. Une procédure orale s'est déroulée le 16 janvier 1992, au cours de laquelle la Requérante a produit un diagramme présentant les résultats des essais de l'exemple 6 (Tableau VI) du brevet attaqué.
(1) La Requérante a contesté les arguments de l'Intimée qui concernent l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 vis-à-vis de l'état de la technique divulgué par les documents D2 et D3, ainsi que ceux selon lesquels le procédé de la revendication 1 ne serait pas réalisable.
En outre, elle a exposé que :
- Le procédé de soudage selon le préambule de la revendication 1 reflète l'état de la technique le plus proche de l'invention ;
- le préambule de cette revendication 1 définit de manière générale un procédé de soudage à la molette qui est effectué sur une machine classique, par exemple du type "Soudronic FBB 400" ;
- les valeurs indiquées pour la résistance spécifique de contact, pour la vitesse et pour le rapport des rayons de courbure des électrodes définissent dans ce préambule d'une part le matériau qui s'oppose à la soudabilité industrielle, et d'autre part, le procédé de soudage industriel.
(2) Les arguments développés par l'Intimée peuvent se résumer ainsi :
- Selon le préambule de la revendication 1, le procédé ne serait pas limité à un procédé de soudage à la molette, mais pourrait aussi concerner un soudage par points ;
- les valeurs de "au moins égale à 1 x 10-5 ohm/cm2" pour la résistance spécifique de contact, et de "au moins 50 m/min." pour la vitesse de défilement ne seraient pas des seuils, car ces valeurs pouvaient s'étendre, l'une de zéro à un et l'autre de zéro à l'infini ;
- la solution du problème selon la partie caractérisante de la revendication 1 serait évidente pour l'homme du métier au vu du rapport des rayons de courbure des électrodes ;
- la solution du problème résulterait aussi du document D2 (page 7 : paragraphe "Widerstandspunktschweißen ungleichartiger Werkstoffe") car il serait évident pour l'homme du métier que ce qui s'applique au soudage par points de matériaux différents s'applique aussi au soudage à la molette d'un matériau comportant sur chacune de ses deux faces des couches de protection dont les résistances spécifiques de contact sont différentes ;
- de toute façon, les documents D3 et D2 pris ensemble donneraient l'enseignement applicable à la solution du problème que le brevet attaqué vise à résoudre ;
- la signification de l'expression "latitude de soudage" ne serait pas définie, celle-ci concernant plutôt une considération subjective, et
- les résultats des essais de l'exemple 4 présentés dans le tableau IV du brevet opposé seraient faux et le procédé selon la revendication 1 ne pourrait pas être réalisé s'il n'existe pas une corrélation entre le rapport des rayons du courbure des électrodes et le rapport des résistances spécifiques de contact.
VI. En fin de la procédure orale, la Requérante a demandé l'annulation de la décision contestée, le maintien du brevet et le remboursement de la taxe de recours. L'Intimée a demandé le rejet du recours.
1. Le recours est recevable.
2. Interprétation
2.1. Selon les explications fournies par la Requérante pendant la procédure orale, le procédé de soudage selon le brevet opposé concerne uniquement le soudage à la molette par résistance. Il ressort de la description qui sert à interpréter les revendications (article 69 CBE) que la série d'essais mentionnée dans cette dernière a été exécutée sur une machine de soudage classique du type décrit dans le brevet FR-A-1 258 185. Les deux électrodes de cette machine étaient des molettes de diamètres différents.
Cela ressort d'ailleurs aussi implicitement du contenu de la revendication 1, d'une part par l'indication du rapport des rayons de courbure des électrodes et d'autre part par l'indication que le matériau, roulé avec des lèvres en superposition suivant une génératrice, défile à une vitesse pouvant atteindre au moins 50 m/min, serré le long de cette génératrice entre les deux électrodes de soudage par résistance.
En outre, les passages suivants de la description du brevet opposé ne laissent subsister aucun doute :
page 2, lignes 9 à 21 ; page 4, lignes 3 et 19 à 32 ; page 4, ligne 64 à page 5, ligne 1 ; page 5, lignes 16 et 17, et page 11, lignes 34 à 36, 55 à 57 ; 60.
2.2. Les valeurs mentionnées dans le préambule de la revendication 1 pour la résistance spécifique de contact et pour la vitesse de défilement fixent d'une part un seuil inférieur, qui, à la date du dépôt du présent brevet, s'opposait "notoirement" à la soudabilité industrielle et d'autre part une valeur d'un paramètre pour un procédé de soudage industriel.
2.3. En ce qui concerne l'expression "latitude de soudage", celle-ci est clairement définie dans la description du brevet opposé (voir EP-B-0 140 775 : page 3, lignes 9 à 22 et exemple 1) comme étant "le domaine de variation de l'angle de conduction à l'intérieur duquel on obtient des résultats acceptables en production".
2.4. Quant à la résistance spécifique de contact vis-à-vis du cuivre, il est référé à la description du brevet opposé (page 2, lignes 29 à 58).
3. Nouveauté Aucun des documents cités au cours de la procédure ne divulgue l'ensemble des caractéristiques techniques de la revendication 1. Cela n'est d'ailleurs contesté ni par la Division d'opposition, ni par l'Intimée. L'objet de la revendication 1 est donc nouveau au sens de l'article 54 CBE.
4. Etat de la technique le plus proche de l'invention, problème à résoudre et solution.
4.1. L'objet du brevet attaqué a trait à un procédé de soudage à la molette par résistance électrique de corps d'emballages formés en cylindres à partir de tôles d'acier doux revêtues sur leur deux faces d'une couche de protection contre la corrosion. Une machine de soudage électrique pour exécuter un tel procédé est connue du document FR-A-1 258 185 cité dans la description du brevet attaqué (voir EP-B-0 140 775 : page 2, lignes 12 à 15), ainsi qu'implicitement du document D3 qui décrit l'utilisation de la machine de soudage "Soudronic FBB 400", qui a été reconnue par les parties comme étant une machine pouvant exécuter le présent procédé.
En l'absence d'un état de la technique plus proche de l'invention que celui proposé par la Requérante et admis par l'Intimée, c'est-à-dire le procédé selon le préambule, la Chambre reconnait que cet état de la technique peut effectivement servir de base à la détermination objective du problème à résoudre.
Les deux électrodes de cette machine sont des molettes dont celle qui s'applique sur la face interne du corps présente, pour pouvoir passer à l'intérieur du corps, un diamètre inférieur à celui du corps, tandis que l'autre molette présente un diamètre supérieur.
Un revêtement conducteur de protection des deux faces d'une tôle, qui a déjà été utilisé dans un procédé connu semblable, se composait d'une mince sous-couche d'étain recouverte d'une couche mixte de chrome métallique et de chrome à l'état d'oxyde. Les documents D3 (page 242 : paragraphes "Process" et "Product") et D4 (voir aussi EP-B-0 140 775 : page 3, lignes 25 à 28) décrivent l'utilisation de ce matériau pour la fabrication d'emballages métalliques par soudage par résistance.
Ce matériau connu se soude bien à la molette, tant que la sous-couche d'étain reste au moins partiellement libre. La Requérante a mis en évidence par des essais que cela provient de la soudabilité de matériaux à revêtements présentant une résistance électrique spécifique de contact de chacune des deux faces qui est inférieure à 1 x 10-5 ohm/cm2. Mais cette soudabilité industrielle disparaît lorsque le matériau a été étuvé à 200°C pour polymériser un vernis, cela provenant du fait que, selon la Requérante, la résistance spécifique de contact d'une face du matériau dépasse ce seuil de 1 x 10-5 ohm/cm2, l'effet étant accentué lorsque ce sont les résistances spécifiques de contact des deux faces qui dépassent cette valeur (voir EP-B-0 140 775 : page 3, lignes 29 à 32, 60 à 64, page 4, ligne 57 à page 5, ligne 1 ; page 7, lignes 51 à 53).
4.2. Le problème à résoudre est de concevoir un procédé de soudage à la molette de corps d'emballages qui soit efficace même avec un matériau présentant sur ses faces un revêtement conducteur de protection dont la résistance électrique spécifique de contact vis-à-vis du cuivre est supérieure à 1 x 10-5 ohm/cm2 (voir EP-B-0 140 775, page 4, lignes 3 à 6), ou en d'autres termes de concevoir un procédé de soudage industriel de corps d'emballages réputés industriellement non soudables, ou difficilement soudables en raison d'une résistance spécifique de contact trop élevée. L'expression "industriellement soudable" signifie que, à une vitesse de défilement qui peut atteindre au moins 50 m/min., la latitude de soudage est suffisamment bonne pour que les fluctuations des conditions opératoires ne dégradent pas la qualité du soudage (voir EP-B- 0 140 775 ; page 2, lignes 9 à 11 ; page 3, lignes 17 à 22 et page 7, lignes 48 à 50).
Quant à l'interprétation du problème à résoudre faite par la Division d'opposition et par l'Intimée, selon laquelle le problème consisterait à adapter la résistance spécifique de contact du matériau de telle sorte qu'elle compense la différence de rayon de courbure des deux électrodes, il ressort clairement de la description du brevet attaqué (voir EP-B-0 140 775 : page 4, lignes 3 à 6) que cette interprétation n'est pas exacte. Selon cette description (voir EP-B-0 140 775 : page 4, lignes 33 à 39 et 47 à 50) il est évident que ce prétendu exposé du problème à résoudre correspond en réalité à ce qui a été envisagé comme hypothèse de départ ("la demanderesse a soupçonné..." et "... la demanderesse a imaginé...") et que cette hypothèse aboutit à une impasse et non à une solution efficace (voir : EP-B-0 140 775 : page 5, lignes 2 à 10 ; page 7, lignes 51 à 61 ; page 11, ligne 53 à page 12, ligne 16).
4.3. Le problème est résolu selon l'invention en ce que l'on prévoit des revêtements sur les faces d'une tôle d'acier doux qui les rendent dissymétriques de telle manière que le rapport de la résistance spécifique de contact vis-à-vis du cuivre d'une face par rapport à celle de l'autre face soit au moins égal à 1,2 et que la face ayant la plus grande résistance soit en contact avec l'électrode de plus grand rayon de courbure.
Il se dégage clairement des exemples présentés dans le brevet opposé que :
- Le rapport des résistances spécifiques de contact est un facteur plus important que la valeur absolue de ces résistances spécifiques pour l'amélioration des latitudes de soudage (voir EP-B-0 140 775 : page 7, lignes 54 à 56) ;
- l'amélioration de la soudabilité par une dissymétrie des résistances spécifiques de contact dépend plus de l'existence d'une dissymétrie entre les rayons de courbure des électrodes que de la valeur de cette dernière (voir EP-B-0 140 775 ; page 11, lignes 53 à 57) ;
- les valeurs effectives des rapports des résistances et des rayons de courbure ne doivent pas être égales ou même proches (voir EP-B-0 140 775 ; page 7, lignes 1 à 8 et 58 à 61 ; tableau IV : essais (9) à (13)) ; la dissymétrie des rayons de courbure n'a d'effet significatif que lorsque le rapport des rayons de courbure est au moins égal à 1,2 (voir EP-B-0 140 775 ; page 11, lignes 61 à 63) ;
- les dissymétries des rayons et des résistances deviennent significatives pour des rapports à partir d'approximativement 1,2 (voir EP-B-0 140 775 ; page 12, lignes 1 et 2).
5. Activité inventive
5.1. Quant à l'argument de l'Intimée selon laquelle le rapport des résistances spécifiques de contact de deux faces d'une tôle résulte automatiquement de la présence d'un rapport des rayons de courbure des électrodes, la Chambre se réfère au fait déjà mentionné (voir paragraphe 4.3) et prouvé par la Requérante que les valeurs effectives des rapports ne doivent pas être égales pour résoudre le problème posé.
Comme le montrent les exemples 4 et 6 du brevet opposé, lorsque le rapport des résistances spécifiques de contact varie tandis que le rapport des rayons de courbure des électrodes reste fixe (voir EP-B-0 140 775 : tableaux IV et VI ainsi que le diagramme présenté par la Requérante), on n'observe aucun optimum correspondant à l'égalité du rapport des résistances avec le rapport des rayons. Par contre on obtient une amélioration de la latitude de soudage proportionnelle à l'accroissement du rapport des résistances spécifiques de contact (tableau VI), tandis que les variations du rapport des rayons de courbures des molettes ne font apparaître aucune variation significative (voir EP-B-0 140 775 ; page 7, lignes 5 à 8).
L'avis de l'Intimée, selon lequel cet automatisme résulterait de manière impérative des connaissances de l'homme du métier, n'est pas supporté par les documents fournis par l'Intimée elle-même. En effet, malgré l'utilisation, dans le procédé selon les documents D3 et D4, de la machine "Soudronic FBB 400", qui selon l'avis unanime des parties utilise des électrodes ayant un rapport de rayons de courbure entre 1,2 et 1,8, il ressort clairement que les épaisseurs des différentes couches, et par conséquent les résistances spécifiques de contact, sont égales. La Chambre n'est donc pas disposée à accepter l'argument de l'Intimée, selon lequel une différence des résistances spécifiques de contact des deux faces d'une tôle proviendrait simplement de l'existence d'un rapport des rayons de courbure des électrodes différent de un.
5.2. Le document D3 est un article portant sur l'objet du document FR-A-2 465 011 et sur celui du document D4 cité dans la description du brevet opposé (voir EP-B-0 140 775 : page 2, lignes 36 à 54, page 3, lignes 25 à 32). Le document D3 a été considéré par les parties comme décrivant un procédé et un matériau qui est décrit dans le document D4. Par exemple, les résultats selon le tableau 1 (page 246) du document D3 correspondent exactement à ceux du tableau de la page 14 du document D4.
Le document D3 décrit non seulement un matériau facilement soudable (voir paragraphe susmentionné 4.1) mais aussi les résultats des essais effectués sur une machine à souder à la molette de type "Soudronic FBB 400" (voir page 247, paragraphe (1.2) "Industrial test"). De la description (voir page 242, paragraphe "Product" et page 245 (1.1) "laboratory testing"), il ressort qu'un échantillon de matériau utilisé pour les essais, et dont la résistance de contact doit être mesurée en 10-5 ohm, est serré entre deux électrodes de cuivre présentant une face dressée de 10 mm2. Selon le "tableau 1", (page 246) le matériau revêtu présente une résistance de contact avant étuvage (R25) de 5 à 8 x 10-5 ohm/0,1 cm2 pour le "Low tin Welcco" ou de 4 à 6 x 10-5 ohm/0,1 cm2 pour le "High tin Welcco" et après étuvage (R200) de 40 à 80 ou de 6 à 10 x 10-5 ohm/0,1 cm2 respectivement. Cette méthode de mesure est globale, en ce sens qu'elle prend en compte les résistances de contact entre chaque électrode et la face revêtue sur laquelle elle s'applique. Comme chaque face contribue pour moitié à la résistance de contact du fait que les faces sont identiques, elle est de 2,5 à 4 ou de 2 à 3 x 10-5 ohm/0,1 cm2 avant étuvage et de 20 à 40 ou de 2 à 3 x10-5 ohm/0,1 cm2 après étuvage pour chaque face. Il résulte donc clairement que, pour les matériaux mentionnés dans le document D3, le rapport de résistance de contact d'une face à celle de l'autre face est toujours égal à 1,0. De plus, pour ces mêmes raisons, peu importe laquelle des électrodes de diamètres différents vient en contact avec une des faces spécifiques de la tôle.
Bien qu'il soit indiqué dans le paragraphe "Conclusions" (page 250, dernière phrase) du document D3, ainsi que dans la description (page 15, lignes 19 à 21) du document D4 qu'il est possible d'appliquer sur chaque face de la tôle des couches d'étain d'épaisseur différente, il n'y a pas d'indication permettant d'en déduire un rapport des résistances spécifiques de contact, tel que défini dans la revendication 1 du brevet opposé, de telle manière que la dissymétrie entre les résistances, en combinaison avec la dissymétrie des rayons de courbure des électrodes, conduise au résultat de pouvoir souder industriellement des matériaux réputés non soudables. Ni l'avantage obtenu grâce à l'invention contestée, ni les mesures pour y arriver ne sont donc divulgués ou même seulement suggérés dans les documents D3 et D4.
Une interprétation différente des indications citées dans le paragraphe ci-dessus n'est possible que si on connait l'invention. Une telle analyse "a posteriori" n'est pas acceptable.
5.3. Le document D2 décrit différents procédés de soudage, notamment un procédé de soudage par résistance (voir page 107, paragraphe "Widerstandspunktschweißen ungleichartiger Werkstoffe"). Ce paragraphe enseigne, pour la soudure par points de deux matériaux de nature différente (à savoir de conductibilités thermique et électrique différentes), des possibilités différentes d'influencer ladite conductibilité. Selon la formule R = x l/A, il convient d'utiliser des électrodes de sections différentes, l'électrode de petite section étant en contact avec la tôle de plus grande conductibilité électrique et l'électrode de grande section étant en contact avec la tôle de moindre conductibilité thermique.
A la page 112, on trouve une référence au procédé de soudage à la molette des tôles revêtues en ce sens que les enseignements relatifs au soudage par points soient transférables au soudage à la molette.
Or, le document D2 ne contient aucune allusion au fait que les rapports de courbure des molettes et des résistances de contact ou même des résistances spécifiques de contact entre les deux faces d'une tôle pourraient avoir une importance pour la qualité du soudage, sans parler de la qualité du soudage industriel.
Quant à l'argument de l'Intimée selon lequel l'homme du métier pourrait facilement déduire que la surface de la molette de grand diamètre peut être compensée par une faible épaisseur de matériau et que la petite surface de contact peut être compensée par une grande épaisseur de matériau, il est fait remarquer que, logiquement les épaisseurs de matériau devraient être choisies dans un rapport égal au rapport des diamètres des molettes électrodes. Or, dans le cas du soudage d'un corps d'emballage, s'agissant de la soudure de deux lèvres d'une même tôle où le rapport des épaisseurs et celui des conductibilités thermiques et électriques des matériaux sont nécessairement égaux à un, si l'on en croit l'interprétation du document D2 proposée par l'Intimée, les molettes électrodes devraient être de même diamètre pour un bon soudage.
En conséquence, le document D2 ne contient pas non plus les indications nécessaires qui pourraient suggérer à l'homme du métier qui part de l'enseignement du document D3 ou D4, comme exposé par l'Intimée, de choisir un matériau présentant une dissymétrie des résistances spécifiques de contact entre ses deux faces et une dissymétrie entre les rayons de courbure des électrodes.
5.4. Les autres documents cités au cours des différentes procédures considérés seuls ou pris en combinaison avec les documents D2 ou D3 ne contiennent rien qui pourrait suggérer l'objet de la revendicaion 1.
5.5. En résumé, il est retenu que, pour un homme du métier partant de l'état de la technique selon le préambule de la revendication 1, et désirant améliorer la soudabilité industrielle d'un matériau revêtu dont la résistance spécifique de contact est au moins égale à 1 x 10-5 ohm/cm2, il n'est pas évident d'ajuster le rapport des résistances spécifiques de contact des revêtements d'une tôle d'acier doux de telle façon que la résistance spécifique de contact de la face, qui est en contact avec la molette de plus grand diamètre, soit au moins 1,2 fois plus élevée que celle de la face qui est en contact avec la molette de petit diamètre.
5.6. Dès lors, le procédé selon la revendication 1 du brevet attaqué implique une activité inventive au sens de l'article 56 CBE. Il en est de même des revendications dépendantes 2 à 8 qui concernent des modes particuliers de réalisation du procédé objet de la revendication 1.
6. Quant à l'affirmation, avancée par l'Intimée pour la première fois pendant la procédure orale, que les valeurs pour les latitudes de soudage selon l'exemple 4 ne sont pas correctes, et que le procédé selon la revendication 1 n'est pas réalisable, la Chambre constate que l'Intimée n'a pas produit la moindre preuve, ni pendant la procédure d'opposition, ni pendant la procédure de recours.
D'ailleurs, il se dégage des essais décrits dans l'exemple 4 (tableau IV) de la description du brevet opposé et dans lesquels le rapport des rayons de courbure est de l'ordre de 1,8 que, - lorsque les revêtements des deux faces d'un matériau dit L.T.S. ("Welcco") présentent des résistances spécifiques de contact inférieures à 1 x 10-5 ohm/cm2, la latitude de soudage est bonne, donc avec des revêtements symétriques et un rapport des résistances spécifiques de contact égal à 1,0 (essai 7) ; - lorsque les revêtements des deux faces du matériau du même type présentent des résistances de contact supérieures à 1 x 10-5 ohm/cm2, la latitude de soudage est médiocre avec des revêtements symétriques, donc ayant un rapport des résistances spécifiques de contact égal à 1,0 (essai 8) ; - lorsque les revêtements des deux faces sont asymétriques de telle sorte que les rapports des résistances spécifiques de contact soient supérieures à 1,2, les latitudes de soudage pour la matériau du type "Welcco" sont acceptables, bonnes ou excellentes (essai 9 à 12).
La conclusion est que le procédé de soudage tel que spécifié dans la revendication 1 et dans la description du brevet en cause est réalisable indépendamment du rapport des rayons de courbures des électrodes.
7. Le brevet peut donc être maintenu avec les revendications 1 à 8.
8. Remboursement de la taxe de recours La Requérante demande le remboursement de la taxe de recours pour vices substantiels de procédure en prétendant que la Division d'Opposition :
a) Ne lui aurait pas communiqué le document D3 violant ainsi l'article 113(1) CBE ; b) ne l'aurait pas invitée explicitement à présenter ses observations sur une réplique de l'Opposante (Intimée) violant ainsi l'article 113(1) CBE ; c) ne lui aurait pas communiqué les motifs avant que soit émise la décision attaquée, violant ainsi les article 113(1) et les règles 57(3) et 58(2) CBE ; et d) aurait commis des fautes de jugement, violant ainsi l'article 113(2) CBE.
8.1. Il y a d'abord lieu de constater que, d'après le dossier, le document D3 mentionné dans le mémoire d'opposition n'a pas été envoyé à la Requérante par la Division d'Opposition.
Toutefois, même s'il est regrettable que le document n'ait pas été envoyé, la Chambre constate que la Requérante avait déjà connaissance du document D3 au moment même où elle a demandé la communication du document. En effet dans sa lettre du 10 janvier 1989, la Requérante a déjà discuté à la page 5 (paragraphe III) le document en question. De plus, la Requérante a confirmé, lors de la procédure orale, qu'elle n'avait pas réitéré sa demande lors de la continuation de la procédure (par exemple dans sa lettre du 21 juillet 1989), que ses propres collaborateurs avaient participé à l'élaboration de cette publication, et qu'elle aurait pu se la procurer elle-même en temps utile.
La Chambre constate donc que la Requérante a connu le document D3 dès le début de la procédure d'opposition et qu'elle l'a utilisé pour formuler une réponse au mémoire d'opposition. La Requérante a donc eu la possibilité de prendre position sur les arguments qui étaient basés sur ce document D3 (Art. 113(1) CBE) et n'a donc subi aucun préjudice.
8.2. Dans une procédure contradictoire telle que la procédure d'opposition instaurée par les Articles 99 - 105 CBE le droit d'être entendu (Article 113(1) CBE) est intrinsèquement lié au principe de l'égalité des droits appelé aussi dans ce contexte, le droit d'être jugé équitablement. Ce principe est implicitement reconnu dans la CBE par les termes de l'Article 125 CBE du fait qu'il est généralement admis dans tous les états contractants de la CBE (voir aussi : G 1/86, JO 1987, 447, point 13).
Il en résulte qu'aucune partie ne doit être privilégiée, ni en ce qui concerne le nombre d'occasions de prendre la parole, ni par l'usage qu'elle pourrait faire de ses moyens. La Division d'Opposition est donc tenue notamment de veiller à ce que les échanges de moyens soient complets et d'accorder autant d'occasions de prendre la parole à l'une qu'à l'autre des parties.
Le fait que des échanges de moyens complets nécessitent davantage de temps que des échanges incomplets ne saurait en aucun cas servir de justification à la violation d'une règle fondamentale de procédure.
Si la Division d'Opposition juge opportun de multiplier les échanges de moyens, elle doit entendre une partie autant que l'autre. La Division d'opposition peut donc inviter à une réplique à la réponse au mémoire d'opposition, mais dans ce cas elle est sensée inviter l'autre partie à une réponse à cette réplique, après quoi elle doit décider à nouveau si elle juge opportun d'entamer un troisième échange de moyens (voir aussi T 669/90 du 14 août 1991, à publier).
Le fait que la Règle 57(3) CBE accorde à la Division d'Opposition la faculté, "si elle le juge opportun", d'inviter les Opposantes à répliquer ne peut en aucun cas être interprété comme l'autorisation de déroger aux principes fondamentaux d'équité invoqué ci-dessus. La Division d'Opposition doit exercer ce pouvoir discrétionnaire avant l'ouverture d'un deuxième échange de mémoires/moyens, donc avant l'invitation à la réplique, ainsi qu'il en est clairement disposé dans la Règle 57(3) CBE.
Même s'il est vrai, que la procédure d'opposition implique souvent l'échange de deux mémoires/moyens par chaque partie (1. Mémoire d'Opposition, 2. Réponse, 3. Réplique, 4. Réponse à la Réplique/Duplique), la Chambre entend que la Division d'Opposition donne clairement à chacune des parties la possibilité de s'exprimer quand un deuxième échange a commencé.
En l'espèce, comme prévu dans la Règle 57(3) CBE, la réponse du Titulaire du brevet (Requérante) au mémoire d'opposition a été notifiée (Form 2322) à l'Opposante (Intimée) par la Division d'Opposition qui lui a donné la possibilité de faire parvenir sa réplique, après quoi cette réplique a bien été communiquée (Brève notification : Form 2937) à la Titulaire du brevet.
Cette brève notification contenait le texte :
"Veuillez trouver ci-joint : lettre de l'Opposant en date du 5.6.89 .... Avec prière : ....." suivie de deux cases, dont l'une demandait "d'en prendre connaissance" et l'autre "de présenter vos observations dans un délai de ... mois". Or, seule la première case, celle demandant "d'en prendre connaissance", a été cochée par la Division d'Opposition.
Bien que la Requérante ait eu naturellement le droit de commenter la réplique de sa propre initiative, la Chambre admet que la Requérante ait pu craindre en effet qu'une présentation d'observations de sa part n'était pas souhaitée et même à la limite interdite par la Division d'Opposition. En effet, du fait que le formulaire (Form 2937) offre deux possibilités ("prendre connaissance" ou en contrepartie "présenter vos observations") et que la Division d'Opposition, qui guide la procédure devant l'OEB a fait le choix d'une seule d'entre elles (c'est-à-dire d'en prendre connaissance), la Requérante a pu penser que la Division d'Opposition lui imposait cette possibilité et ne souhaitait plus recevoir des observations.
La Chambre considère qu'il convient d'éviter de créer une telle impression, d'autant plus, qu'en l'espèce, la Division d'Opposition aurait dû indiquer la possibilité de présenter des observations, de la même manière qu'elle l'avait fait dans la notification (Form 2322) à l'Intimée où il était indiqué : "Il vous est possible de nous faire parvenir votre réplique dans un délai de 2 mois à compter ...".
Néanmoins, et bien que la Requérante n'ait pas été explicitement informée, la Chambre considère que le mandataire de la Requérante, qui a quand même présenté une réponse bien qu'incomplète, aurait dû savoir qu'elle avait le droit de répondre à toutes les notifications.
De plus, la Requérante omet de spécifier quelle conclusion de la Division d'Opposition aurait pu être influencée par une réponse plus détaillée de la Requérante et sans indication spécifique la Chambre ne voit pas en quoi cela aurait pu changer la décision contestée.
8.3. Quant à l'objection relative au manque de communication des motifs de la décision avant son prononcé, la Chambre constate que la Requérante n'a pas précisé quels étaient les motifs sur lesquels elle n'aurait pas eu l'occasion de s'exprimer. Sans justification précise, la Chambre ne peut que considérer que cette objection n'est pas fondée.
De plus, la Chambre ne voit pas la relation entre cette objection, d'une part et les Règles 57(3) et 58(2) CBE, d'autre part qui se réfèrent à d'autres circonstances.
8.4. Quant aux fautes de jugement, il ressort clairement de la jurisprudence des Chambres de recours, que des appréciations différentes du problème à résoudre, de l'état de la technique, ainsi que de l'activité inventive ne peuvent être considérées comme des vices substantiels de procédure (voir : T 31/83 -point 7 de la décision).
8.5. Pour ces raisons, la Chambre considère qu'il n'y a pas lieu d'ordonner un remboursement de la taxe de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour maintien du brevet européen sur la base du brevet publié.
3. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.