T 0923/95 (principe de bonne foi/LABORATOIRES DOMILENS) 12-11-1996
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I. La requérante (opposante II) a introduit un recours en date du 9 novembre 1995 contre la décision de la Division d'opposition du 12 septembre 1995 qui avait rejeté les oppositions contre le brevet n 0 346 245. Une taxe de recours de 1200 DM a été acquittée le même jour et le mémoire de recours a été déposé le 11. janvier 1996.
II. Le 22 février 1996, la Chambre a envoyé une notification à la requérante lui signalant qu'une taxe de recours insuffisante avait été payée et que, comme une restauration de droits sur la base de l'art. 122 CBE était exclue, la requérante n'avait d'autre choix que d'examiner si elle pouvait invoquer les principes appliqués dans la décision J 13/90. Dans cette même communication, l'attention de la requérante a été également attirée sur la décision T 861/94 et, pour le cas où elle estimerait pouvoir invoquer les principes susmentionnés, un nouveau délai ultime de deux mois pour payer le solde de la taxe de recours lui fut octroyé.
III. Le 22 avril 1996, la requérante a payé 800 DM et, se référant à la décision J 13/90, elle a exposé qu'au vu du bordereau de règlement de taxes joint à l'acte de recours, l'erreur aurait pu être facilement découverte par l'OEB et que, la date limite étant le 22. novembre 1995, l'OEB, qui avait d'ailleurs accusé réception le 15 novembre 1995 de son téléfax du 9. novembre 1995, aurait eu largement le temps de l'informer afin qu'elle puisse compléter le paiement dans les délais. Quant à la décision T 861/94 dans laquelle il avait été conclu qu'il n'était pas possible d'appliquer le principe de bonne foi, la requérante a fait remarquer que ce cas concernait une procédure en restitutio in integrum, ce qui présuppose qu'une première erreur avait été commise et que, de plus, la taxe requise n'avait pas été acquittée du tout.
IV. Dans sa réponse du 21 mai 1996, l'intimée (brevetée) a requis qu'une décision finale soit rendue quant à la question de savoir si le recours était réputé formé.
D'autre part, commentant le contenu de la notification du 22 février 1996, elle a émis des doutes quant à la juste application du principe de neutralité et ce, en particulier, dans une procédure inter partes.
Quant à la décision J 13/90, l'intimée a relevé que le principe de bonne foi posé n'était applicable que si la CBE n'avait pas prévu d'autres possibilités de restauration. Or, tel n'était pas le cas puisqu'en cas de perte de droits, la règle 69 CBE trouvait application et aurait d'ailleurs dû être appliquée.
De plus, selon l'intimée, le principe posé par la décision J 13/90 n'avait été mis en oeuvre que dans des procédures ex parte. A supposer même que cette décision soit applicable en l'espèce, dès lors qu'il y est fait exception aux règles normales de procédure prévues par la CBE, elle devait être appliquée à d'autres cas d'une manière restrictive, l'application des principes de cette décision constituant en quelque sorte une procédure déguisée de restitutio in integrum ; il fallait donc tenir compte de la jurisprudence de l'OEB en cette matière et en particulier de la décision J 41/92 qui met à charge du mandataire agréé une responsabilité plus importante. De plus, la décision contestée précisait les modalités de recours et rappelait que la taxe de recours était fixée par le règlement relatif aux taxes.
Selon l'intimée, l'OEB n'avait commis aucune négligence et l'erreur n'était pas aisément décelable puisque plus de trois mois s'étaient écoulés avant que l'OEB n'en signale l'existence à la requérante. Le délai relativement court entre l'envoi de l'acte de recours et l'expiration du délai de recours ne pouvait donc pas être mis à profit par l'OEB pour appliquer le principe de bonne foi vis-à-vis de la requérante.
Quant à la décision T 861/94 (appelée erronément la décision T 293/95), l'intimée a souligné qu'il y avait été décidé que l'OEB devait prendre garde de se substituer aux parties quant à leurs responsabilités sauf à manquer à son devoir d'impartialité ou neutralité ; elle s'est également référée aux devoirs incombant aux parties énumérés à la page 9 de cette décision.
1. Tout d'abord, il résulte clairement de l'acte de recours de la requérante, dans lequel son mandataire agréé s'est également référé au bordereau de règlement de taxes annexé, qu'elle avait l'intention de payer la taxe de recours. Cette intention était d'autant plus claire que, dans ledit bordereau, il était fait mention du code 11 correspondant à celui de l'article 2 du règlement relatif aux taxes qui concerne la taxe de recours. De plus, il apparaissait immédiatement à l'examen de ce bordereau qu'un montant de 1200 DM avait été mentionné au lieu de celui de 2000 DM. Dans ces conditions, comme le délai ultime pour le paiement de la taxe de recours n'expirait que le 22 novembre 1995, l'OEB, qui entre temps avait accusé réception de l'acte de recours et du bordereau annexé en date du 15 novembre 1995, aurait pu aisément avertir la requérante en même temps par téléfax qu'il restait un montant de 800 DM à payer. Celle-ci aurait ainsi disposé d'un temps suffisant pour verser le solde avant que le délai n'expire.
2. Il était manifestement contraire au principe de bonne foi devant régir les relations entre les parties et l'OEB que dans pareil cas ce dernier reste passif et laisse s'écouler un délai qui, s'il n'était pas respecté, avait pour conséquence qu'un recours n'était pas considéré comme formé (cf. T 14/89, JO OEB 1990, 432, point 5 des motifs ; J 13/90, JO OEB 1994, 456, points 4 à 8 des motifs ; J 15/90, non publiée, point 2 des motifs ; J 41/92, JO OEB 1995, 93, point 2.4 des motifs). Ce principe de bonne foi est un principe général de droit et, contrairement à ce que prétend l'intimée, ne constitue nullement une exception aux règles normales de procédure de la CBE (cf. J 13/90, point 5 des motifs). Il s'applique dans toutes les procédures devant l'OEB sans qu'il puisse être fait de distinction entre les procédures ex parte et inter partes (cf. l'affaire inter partes T 14/89).
Sans doute un mandataire agréé est-il être présumé connaître les dispositions de la CBE ainsi que le règlement relatif aux taxes auquel expresse référence avait été faite dans la décision contestée mais en l'occurrence il ne s'agit pas de savoir si le mandataire avait fait preuve de toute la vigilance nécessité par les circonstances (art. 122(1) CBE).
3. C'est à tort que l'intimée prétend que le principe de bonne foi, tel que mis en oeuvre dans la décision J 13/90 ne serait applicable que si la CBE n'avait pas prévu d'autres possibilités de restauration de la requérante dans son droit au recours. En effet, la règle 69 CBE citée par l'intimée prévoit seulement qu'une décision peut être requise si la personne intéressée estime que les conclusions de l'Office concernant une perte de droits ne sont pas fondées (en l'occurrence suite à un paiement insuffisant). Par ailleurs, ainsi qu'il a été décidé à juste titre dans la décision J 15/90 (point 3 des motifs) l'application du principe de bonne foi rend tout autre moyen de restauration inutile.
4. La Chambre ayant à juger de l'affaire T 861/94 a confirmé le principe de la protection de la confiance légitime applicable selon les circonstances (point 4 des motifs, premier paragraphe). Les raisons invoquées dans certains des paragraphes suivants et auxquelles l'intimée s'est référée, ne peuvent toutefois être interprétées indépendamment des faits de la cause et de l'argumentation de la requérante dans cette affaire.
Après avoir été avertie par le greffe qu'elle avait déposé son mémoire de recours tardivement, la requérante dans cette affaire, dont l'attention avait également été attirée sur l'art. 122 CBE, avait déposé une requête en restitutio in integrum sans payer la taxe requise. Elle n'acquitta cette taxe qu'après avoir reçu une communication de la Chambre et soutint que, lorsque l'OEB prenait connaissance d'une requête en restitutio in integrum, il avait l'obligation de vérifier si toutes les conditions "techniques" requises par la procédure étaient remplies, ce qu'il avait omis de faire alors qu'il avait disposé du temps nécessaire.
C'est dans ce contexte que la Chambre saisie de cette affaire a souligné que les instances de l'Office n'avaient pas à se substituer aux parties quant à leurs responsabilités et étaient tenues de respecter leur obligation de neutralité.
En effet, rien dans cette affaire ne permettait de supposer que la taxe de restitutio in integrum ne serait pas payée en temps voulu, de sorte qu'il n'y avait pas lieu pour l'OEB de prendre une initiative quelconque à cet égard. C'est dans ce contexte, que la Chambre a énuméré à la page 9 de sa décision les devoirs incombant à une partie requérant une restitutio in integrum, dont l'attention avait été attirée sur le texte de l'art. 122 CBE.
Cette affaire se distingue donc complètement de la présente, dans laquelle la requérante avait manifestement l'intention de payer la taxe de recours et dans laquelle l'insuffisance du paiement aurait pu être constatée aisément.
5. L'OEB n'ayant manifestement pas respecté son obligation d'agir selon le principe de bonne foi et la requérante ayant acquitté le solde de la taxe de recours dans le délai fixé par la notification de la Chambre du 22. février 1996, le recours doit être considéré comme formé.
En ce qui concerne le contenu de cette notification, la Chambre estime que c'est à tort que l'intimée met en cause la juste application du principe de neutralité. En effet, le principe de bonne foi devant régir les relations entre les parties et l'OEB étant un principe fondamental, appliqué de façon constante dans la jurisprudence de l'OEB, ainsi q'il ressort de nombreuses décisions des Chambres de recours, la référence à ce principe dans la notification du 22 février 1996, ainsi qu'à deux décisions rendues en la matière est conforme à la pratique courante de l'OEB d'attirer l'attention d'une partie sur l'art. 122 CBE dans des cas appropriés. Dans ces cas, qu'il s'agisse d'une procédure ex parte ou inter partes l'OEB ne fait qu'inviter la partie concernée à examiner si elle peut invoquer l'application de cet article. De même, dans la notification du 22. février 1996, la requérante a été invitée uniquement à examiner si elle pouvait en l'espèce invoquer le principe de bonne foi et à payer, le cas échéant, le solde de la taxe de recours dans le délai imparti, la validité du paiement dépendant bien entendu de la décision finale rendue par la Chambre après examen des moyens exposés par toutes les parties en cause. A ce stade de la procédure, il n'y avait donc pas lieu d'appliquer la règle 69 CBE car, comme il a été indiqué supra, la prise en compte du principe de bonne foi rendait provisoirement tout autre moyen de restauration superfétatoire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est considéré comme formé.