T 0274/98 (Système anti-oxydant/L'OREAL) 05-02-2002
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Système anti-oxydant à base d'un acide aminé basique et d'un tocophérol
Requête principale - support par la demande telle que déposée (oui)
Extension de la protection conférée (non) - clarté (oui) - suffisance de description (oui) - activité inventive (oui) - combinaison ternaire synergique non évidente
I. La requérante (opposante) a formé un recours à l'encontre de la décision de la Division d'opposition signifiée le 9 mars 1998 maintenant, en vertu de l'article 102(3) CBE, le brevet européen n 0 475 851 (numéro de dépôt 91 402 442.7) sous forme modifiée.
II. Le brevet européen a été délivré avec un jeu de seize revendications, les revendications 1 et 10 étant ci-après reproduites pour les besoins de la présente décision :
"1. Système anti-oxydant à base d'au moins un acide aminé basique, caractérisé par le fait qu'il comprend au moins un tocophérol ou un dérivé de tocophérol et au moins un polypeptide non thiolé, ledit système étant exempt d'agent complexant."
"10. Système anti-oxydant selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait qu'il est constitué de :
0.5. à 20% de tocophérol(s) ou de dérivé(s) de tocophérols
0.5. à 50% d'acide(s) aminé(s) basique(s) et
0.5. à 90% de polypeptide(s) non thiolé(s)."
III. Le brevet européen a été maintenu avec un jeu de seize revendications, le texte des revendications indépendantes 1, et 11 s'énonçant comme suit :
"1. Système anti-oxydant caractérisé par le fait qu'il est constitué :
i) d'au moins un acide aminé basique
ii) d'au moins un tocophérol ou d'un dérivé de tocophérol et
iii) d'au moins un polypeptide non thiolé."
"11. Composition cosmétique ou pharmaceutique constituée par un système anti-oxydant selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, par au moins un corps gras et par au moins un composé actif ou un ingrédient usuel choisis parmi les produits sensibles à l'oxydation, les agents tensio-actifs, les colorants, les parfums, les produits astringents, les produits absorbants l'ultra-violet, les conservateurs, les solvants organiques et l'eau."
Le texte des revendications 2 à 10, dépendantes de la revendication 1, est identique à celui des revendications 2 à 10 telles que délivrées. Le texte des revendications 12 à 16, dépendantes de la revendication 11, est en substance identique à celui des revendications 12 à 16 telles que délivrées.
IV. Une opposition a été formée à l'encontre du brevet par l'opposante (requérante) au motif que l'invention revendiquée n'impliquait pas d'activité inventive au sens de l'article 56 CBE (article 100 a) CBE) et qu'elle n'était pas exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (article 100 b) CBE). A l'appui de l'absence d'activité inventive, l'opposante a cité les documents suivants :
(1) EP-A-0 353 161
(2) L.R Dugan, Natural antioxidants, Autoxid. Food Biol. Syst., [Proc. Int. Workshop] (1980), Meeting Date 1979, 261-282, Ed. Smici, Michael G. ; Karel, Marcus, Plenum, New York
(3) US-A 3 852 502
(4) JP-A- 63-254180 dans sa traduction en langue allemande
(5) JP-A- 64-9285 dans sa traduction en langue allemande.
V. La Division d'opposition a considéré que les revendications 1 à 16 déposées au cours de la procédure d'opposition ne contrevenaient pas aux dispositions de l'article 123(2)(3) CBE. Par ailleurs, l'expression "les produits sensibles à l'oxydation" nouvellement introduite (cf. revendication 11, point III ci-dessus) était claire pour un homme du métier dans le domaine de la cosmétique ou de la pharmacie et, en conséquence, ne donnait pas lieu à une objection selon les dispositions de l'article 84 CBE.
L'invention revendiquée ne pouvait pas non plus être considérée comme insuffisamment décrite (article 83 CBE) du fait de la caractéristique "polypeptide non thiolé". En particulier, selon la Division d'opposition, l'opposante n'aurait pas apporté la preuve que l'hydrolysat de kératine "KERASOL" utilisé dans les exemples 1 et A soit porteur de groupes thiols. L'homme du métier ne se trouvait donc pas dans une situation telle qu'il n'aurait pu déterminer les polypeptides appropriés pour exécuter l'invention.
En ce qui concerne l'activité inventive, le problème technique à résoudre était d'améliorer les propriétés anti-oxydantes des systèmes à effet de synergie à base de tocophérols et de polypeptides non thiolés divulgués dans l'un des documents (2), (3) ou (4). Bien que le document (5) décrive la combinaison d'un acide aminé basique et d'un tocophérol, il était néanmoins surprenant pour un homme du métier de constater que l'addition d'un acide aminé basique à une combinaison de tocophérol et de polypeptide non thiolé s'accompagna d'un effet de synergie. Cet effet surprenant justifiait l'activité inventive des revendications modifiées présentées devant la Division d'opposition.
VI. Lors de la procédure orale devant la Chambre qui eut lieu le 5 février 2002, l'intimée a déposé cinq jeux de revendications, retirant de ce fait les jeux de revendications précédemment soumis :
- A titre de requête principale, un jeu de seize revendications, les revendications 1 à 10 et 12 à 16 étant identiques à celles maintenues par la Division d'opposition et la revendication 11 s'énonçant comme suit :
"11. Composition cosmétique ou pharmaceutique constituée par un système anti-oxydant selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, par des corps gras, éventuellement par des produits sensibles à l'oxydation autres que les corps gras, et par des composés actifs ou des ingrédients utilisés de façon usuelle dans les compositions cosmétiques ou pharmaceutiques choisis parmi des agents tensio-actifs, des colorants, des parfums, des produits astringents, des produits absorbant l'ultra-violet, des solvants organiques et de l'eau."
- A titre de requêtes auxiliaires, quatre jeux de revendications dont il n'est pas nécessaire de détailler le contenu, étant donné l'issue de la présente procédure de recours (cf. Dispositif).
VII. Les arguments présentés par la requérante lors de la procédure écrite et pendant la procédure orale à l'encontre de la requête principale peuvent être résumés comme suit :
- La somme des pourcentages indiqués dans la revendication 10 (cf. point II ci-dessus) est inférieure à 100% lorsque la proportion de polypeptide(s) non thiolé(s) est inférieure à 30%. L'invention ne peut donc être exécutée par un homme du métier dans tout le domaine défini par cette revendication.
- L'expression "des composés actifs ou des ingrédients utilisés de façon usuelle dans les compositions cosmétiques ou pharmaceutiques choisis parmi...", introduite dans la revendication 11, n'est pas supportée par la demande telle que déposée et n'est à tout le moins pas claire. En effet, il n'est pas clair que l'expression "choisis parmi" se rapporte ou non aux composés actifs.
- L'expression "produits sensibles à l'oxydation" introduite dans la revendication 11 a pour conséquence d'étendre la protection conférée par le brevet (article 123(3) CBE). En effet, cette expression englobe des agents complexants tels que l'EDTA ou l'Octopirox(R) comme le prouve les documents :
(6) H.P. Fiedler, Lexikon der Hilfsstoffe für Pharmazie, Kosmetik und angrenzende Gebiete, 2. Auflage, Editio Cantor Aulendorf, 1981, S. 361-363,
(7) E. Koubek et al., J. Amer. Chem. Soc, (85), 2263-2268 (1963),
(8) Datenblatt der Firma Hoechst zum Antischuppenwirkstoff Octopirox(R),
(9) DE-A- 22 34 009,
alors même que la revendication 1 du brevet délivré (cf. point II ci-dessus) exclut la présence d'agents complexants. Par ailleurs, cette expression rend la revendication vague et indéfinie (article 84 CBE) car aucun test ni aucune définition ne permet de différencier les produits sensibles à l'oxydation des produits non sensibles à l'oxydation. L'invention est également, de ce fait, insuffisamment décrite (article 83 CBE), car l'homme du métier ne dispose pas de l'enseignement qui lui permettrait de sélectionner les "produits sensibles à l'oxydation".
- L'expression "polypeptide non thiolé" présente dans la revendication 1 (point II ci-dessus) est également contraire aux dispositions de l'article 83 CBE car aucun paramètre ne définit ce terme. De plus, le Kerasol(R) cité et exemplifié dans le brevet en tant que polypeptide non thiolé (cf. page 3, lignes 9-10 ; exemple A) peut contenir des groupes thiols comme l'atteste le document :
(10) émanant de la société Croda (novembre 1990).
- Il n'est pas contesté que les trois constituants du mélange revendiqué sont connus. De plus, les mélanges binaires acide aminé basique/tocophérol sont connus du document (2) et du document (5), les mélanges binaires tocophérol/polypeptide sont connus des documents (1) à (4), en tant que systèmes anti-oxydants. Selon la jurisprudence des Chambres de Recours, "il n'y a pas uniquement évidence lorsque l'on peut clairement prévoir les résultats, mais également lorsque l'on peut raisonnablement escompter une réussite (T 149/93)" (cf. Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, 3ème édition 1998, I.D.6.2). En l'espèce, il était évident pour un homme du métier que la combinaison d'un mélange binaire anti-oxydant avec un autre anti-oxydant connu conduirait à une amélioration des propriétés anti-oxydantes. Qu'un effet de synergie ait été obtenu, ne saurait dans le présent cas justifier l'activité inventive requise par l'article 56 CBE.
VIII. Lors de la procédure écrite et durant la procédure orale, l'intimée fit valoir, en particulier, les arguments suivants :
- Il apparaît immédiatement à l'homme du métier que l'objet de la revendication 10 peut être réalisé pour une proportion de polypeptide non thiolé supérieure à 30%. Les conditions de l'article 83 CBE sont donc remplies.
- L'expression "produits sensibles à l'oxydation" ne s'étend pas aux agents complexants EDTA ou Octopyrox(R) car ces composés ne sauraient être considérés comme sensibles à l'oxydation dans le cadre d'une utilisation cosmétique ou pharmaceutique. La revendication 11 n'étend donc pas la protection conférée.
- Il est clair que, dans la revendication 11, l'expression "choisis parmi" se rapporte également aux "composés actifs". En ce qui concerne les autres objections soulevées par la requérante sous les articles 84 et 83 CBE, les motifs de la décision de la Division d'opposition devaient être approuvés.
- De même, la Division d'opposition a correctement estimé que les systèmes anti-oxydants revendiqués ne découlaient pas de manière évidente de l'état de la technique constitué par les documents (1) à (5). En outre, il était bien connu que l'effet obtenu par la combinaison de substances anti-oxydantes était imprévisible, étant donné qu'une telle combinaison pouvait conduire à un effet antagoniste, séquentiel, complémentaire ou de synergie comme l'enseignait le document (2), page 263.
IX. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée a demandé que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu sur le fondement de la requête principale ou de l'une des quatre requêtes auxiliaires telles que déposées pendant la procédure orale.
X. La décision de la Chambre fut annoncée à la fin de la procédure orale.
1. Le recours est recevable.
Requête principale
2. Article 123(2) CBE
2.1. La seule question à examiner concerne le support par la demande telle que déposée de la revendication 11 soumise par l'intimée lors de la procédure orale (cf. VI). La Chambre considère, en premier lieu, que l'expression "produits sensibles à l'oxydation autres que les corps gras" dérive implicitement et de façon non ambiguë de la description de la demande telle que déposée étant donné qu'il est indiqué, page 5, lignes 18-20, qu'en plus des corps gras plus ou moins oxydables, les compositions peuvent contenir des produits sensibles à l'oxydation. Par ailleurs, l'expression "composés actifs ou des ingrédients utilisés de façon usuelle dans les compositions cosmétiques ou pharmaceutiques choisis parmi des agents tensio-actifs, des colorants, des parfums, des produits astringents, des produits absorbant l'ultra-violet, des solvants organiques et de l'eau." dérive de façon non ambiguë de la demande telle que déposée (cf. page 6, lignes 8-11).
2.2. Il s'ensuit que la présente requête est conforme aux dispositions de l'article 123(2) CBE, ce qui n'était pas contesté par la requérante.
3. Article 123(3) CBE
La requérante a soutenu que dans la revendication 11 l'expression "produits sensibles à l'oxydation" comprendrait des agents complexants, ce qui étendrait la protection conférée. A l'appui de son argumentation, la requérante a cité les documents (6) à (9). Le document (6) indique que les sels de l'acide éthylènediamine-tétraacétique (EDTA) sont des agents complexants employés comme agents stabilisants dans les compositions cosmétiques. Le document (7) décrit des essais in vitro mesurant la décomposition en solution aqueuse, en présence d'EDTA, du peroxyde d'hydrogène (H2O2) à un pH compris entre 10.92 et 11.39, pour une concentration de 0.1 ou 1 molaire en H2O2. En conclusion de ces essais, les auteurs de cette publication indiquent que, probablement, la lente oxydation de l'EDTA par H2O2 empêche ce composé de supprimer indéfiniment la décomposition catalytique (cf. page 2265, figures 2 et 5 et colonne de droite). Cependant la Chambre n'est pas convaincue que ces conditions reproduisent de façon crédible les conditions d'utilisation d'une composition cosmétique ou pharmaceutique où d'autres ingrédients sont présents, sans parler du fait que rien n'indique que les concentrations d'H2O2 utilisées correspondent à des usages cosmétiques ou pharmaceutiques. Par ailleurs, le document (9) indique que des produits comme l'Octopirox(R) (cf. document (8)) peuvent être seulement oxydés dans des conditions "drastiques" (cf. page 15, deuxième paragraphe). A nouveau, la Chambre n'est pas convaincue que ces conditions "drastiques" reproduisent de façon crédible les conditions d'utilisation d'une compositions cosmétique ou pharmaceutique. En conclusion, la requérante n'a pas rapporté la preuve qui lui incombait que les agents EDTA ou Octopirox(R) puissent être considérés comme des produits sensibles à l'oxydation dans le cadre défini par la revendication 11, c'est à dire une composition cosmétique ou pharmaceutique. Il s'ensuit que la requérante n'a pas rendu crédible que la revendication 11 étende la protection conférée par le brevet délivré et donc que la présente requête ne serait pas conforme aux dispositions de l'article 123(3) CBE.
4. Article 84 CBE - Clarté
4.1. Bien que l'article 84 CBE ne soit pas un motif d'opposition, il est nécessaire d'examiner la conformité des modifications apportées au brevet délivré aux dispositions de la CBE et donc, dans le cas présent, la conformité de la revendication 11 vis à vis de l'article 84 CBE (cf. G 10/91, JO OEB 1993, 420, point 19 des motifs ; T 301/87, JO OEB 1990, 335, en particulier, point 3.8).
4.2. La Chambre considère, contrairement à l'opinion soutenue par la requérante, que l'expression "composés actifs ou des ingrédients utilisés de façon usuelle dans les compositions cosmétiques ou pharmaceutiques choisis parmi..." ne donne lieu à aucune ambiguïté. Dans le contexte de la revendication 11 relative à une composition cosmétique ou pharmaceutique, l'expression "utilisés de façon usuelle dans les compositions cosmétiques ou pharmaceutiques" se rapporte non seulement aux "ingrédients" mais également aux "composés actifs". Il s'agit de la seule interprétation possible. En effet, isoler l'expression "composés actifs" du reste de la phrase reviendrait à ne donner aucune signification à cette expression puisque le domaine d'activité du composé ne serait plus précisé, ce qui serait en contradiction avec l'intitulé de la revendication 11.
4.3. La requérante a aussi émis une objection de défaut de clarté quant à l'expression "produits sensibles à l'oxydation". L'article 84 CBE dispose que les revendications, définissant l'objet de la protection demandée, doivent être claires. Dès lors que la revendication 11 concerne des compositions cosmétiques ou pharmaceutiques caractérisées par plusieurs ingrédients, pour qu'il soit satisfait à cette exigence de clarté, le groupe d'ingrédients selon la revendication 11 doit être défini de telle sorte que l'homme du métier puisse distinguer sans ambiguïté les ingrédients appartenant au groupe revendiqué de ceux n'en faisant pas partie (T 1129/97, JO OEB 2001, 273, point 2.1 des motifs). Ceci, afin de répondre à deux objectifs : d'une part délimiter l'invention revendiquée par rapport à l'état de la technique, d'autre part définir la protection conférée (G 2/88, JO OEB 1990, 93, point 7 des motifs ; T 728/98 du 12 mai 2000, point 3.1 des motifs).
4.4. La Chambre considère que dans le contexte d'une revendication relative à une composition cosmétique ou pharmaceutique contenant des corps gras, l'expression "produits sensibles à l'oxydation" se réfère à des produits qui, à température ambiante, sous l'effet de l'oxygène sont dégradés. L'expression litigieuse est, à cet égard, parfaitement claire a priori. Par ailleurs, le requérant n'a pas fourni de preuves, par exemple sous la forme de documents, que certains produits dans le cadre de cette utilisation seraient dans certaines conditions sensibles à l'oxydation et dans d'autres conditions ne le seraient pas. Ce qui donnerait naissance à une ambiguïté. Il en résulte que l'objection soulevée par la requérante n'est pas fondée et que la requérante n'a pas démontrée que la présente requête ne serait pas conforme aux dispositions de l'article 84 CBE.
5. Article 83 CBE
5.1. La Chambre reconnaît, comme l'a soutenu la requérante, qu'il y a une incohérence dans le libellé de la revendication 10 telle que délivrée (cf. point II ci-dessus) puisque la somme des pourcentages indiqués est inférieure à 100% lorsque la proportion de polypeptide(s) non thiolé(s) est inférieure à 30%. Cependant, une telle incohérence ne peut justifier une objection sous l'article 83 CBE car l'homme du métier est à même sur le champs de rectifier l'erreur et d'exécuter l'invention, c'est-à-dire de réaliser le mélange, lorsque le(s) polypeptide(s) non thiolé(s) est(sont) utilisé(s) dans des proportions allant de 30 à 90%. L'objection n'est donc pas recevable.
5.2. En ce qui concerne la revendication 11 (cf. point III ci-dessus), la requérante fait valoir que l'expression "produits sensibles à l'oxydation" ne permet pas à l'homme du métier de sélectionner les produits appropriés. Il n'est pas contesté que l'homme du métier est à même d'exécuter l'invention avec des produits sensibles à l'oxydation tels que la vitamine F ou le -carotène cités dans le brevet. Le requérant n'a pas démontré qu'avec d'autres produits sensibles à l'oxydation, l'invention ne pouvait être exécutée, alors que la charge de la preuve lui en incombait. La Chambre considère pour cette raison que l'objection de la requérante n'est pas fondée.
5.3. La requérante soutient également que l'expression "polypeptide(s) non thiolé(s)" ne permet pas à l'homme du métier de sélectionner les polypeptides appropriés pour réaliser l'invention du fait qu'aucun paramètre ne définit ce terme. Toutefois, il n'est pas contesté que cette expression désigne sans ambiguïté les polypeptides ne comportant pas de groupes thiol. Par ailleurs, le requérant n'a pas démontré qu'avec un ou plusieurs polypeptides non thiolés, l'invention ne pouvait être exécutée. De plus, contrairement à l'opinion de la requérante, la Chambre considère que le document (10) remis à la procédure orale n'est pas recevable car dépourvu de pertinence. En effet, ce document indique que le Kerasol(R) est une protéine kératinique de haut poids moléculaire remarquable notamment par le fait que la présence de résidus "cystine/cystéine" permet la liaison covalente aux cheveux via les liaisons disulfures lors d'un traitement de réduction/oxydation. Cependant, de l'avis de la Chambre, la mention du terme "cystéine" accolé au terme "cystine" ne signifie pas que la cystéine est nécessairement présente dans la protéine native. En effet, le traitement de réduction/oxydation peut signifier que les ponts disulfures sont d'abord réduits pour libérer les groupes thiols qui réagissent ensuite avec les groupes thiols des cheveux pour reformer une liaison -S-S- covalente. Ceci parait confirmé par le paragraphe suivant qui mentionne que les chaînes de protéines kératiniques doivent avoir au moins deux résidus mi-cystine i.e. Cys-S-S-Cys et aussi par la composition en acide aminé du Kerasol(R) dans laquelle la présence de cystine mais non de cystéine est indiquée. Sur la base de ce document, la Chambre estime que non seulement la requérante n'a pas apporté la preuve de ce qu'elle a avancé mais, en outre, l'analyse du document (10) conduit à conclure que sans traitement de réduction/oxydation, le Kerasol(R) ne contient pas de groupes thiols.
5.4. Il s'ensuit qu'aucune des objections soulevées par la requérante ne peuvent justifier le motif d'opposition selon lequel le brevet n'est pas décrit de façon suffisante pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
6. Article 56 CBE
6.1. Conformément à l'approche "problème-solution" appliquée de manière constante par les chambres de recours pour apprécier l'activité inventive sur une base objective, il est nécessaire, en premier lieu, d'identifier l'art antérieur le plus proche comme point de départ afin de déterminer au vu de celui-ci le problème technique que l'invention a pour but de résoudre.
6.2. L'invention concerne un système anti-oxydant en vue d'une utilisation alimentaire, cosmétique ou pharmaceutique (cf. brevet, page 4, lignes 4-6 et 23) constitué de trois composés (cf. point III ci-dessus) permettant d'obtenir une potentialisation importante de l'effet anti-oxydant (synergie) en comparaison avec les composés pris séparément ainsi que par rapport aux associations binaires (cf. brevet, page 2, lignes 42-45 et page 3, lignes 18-20). Il est important de noter, à ce propos, que la revendication 1 de la présente requête est du type "fermée", en raison de l'emploi du terme "constitué". La présence d'autres composés est donc exclue, en particulier les agents complexants.
6.3. On notera, en premier lieu, que le document (1) concerne des systèmes anti-oxydants contenant au moins un agent complexant (cf. page 2, lignes 6-10). Etant donné que le système anti-oxydant revendiqué exclut la présence d'agents complexants, ce document ne saurait constituer un point de départ approprié.
Le document (2) décrit en tant qu'anti-oxydant, l'association synergique en vue d'une utilisation alimentaire d'un mélange de tocophérol et d'hydrolysat de protéines (cf. page 269, cinquième paragraphe ; page 270, tableau 7). Il est également indiqué que la lysine ou l'histidine et le tryptophane révèlent une bonne activité anti-oxydante (cf. page 269, sixième paragraphe).
Le document (3) décrit en tant qu'anti-oxydant, l'association synergique en vue d'une utilisation alimentaire d'un mélange de tocophérol et d'hydrolysat de protéines (cf. colonne 1, lignes 10-17 ; colonne 2, lignes 16-62 ; colonne 3, lignes 15-19).
Le document (4) décrit en tant qu'anti-oxydant, l'association en vue d'une utilisation cutanée d'un mélange de tocophérol et de protéine soluble (page 2, ligne 19 à la page 3, ligne 33). Le tableau 1, page 4 démontre l'effet synergique de l'association.
Il n'est pas contesté que les constituants protéiques ou polypeptidiques décrits dans les documents (2) à (4) sont non thiolés.
Le document (5) décrit en tant qu'anti-oxydant, en vue d'une utilisation alimentaire, cosmétique ou pharmaceutique, l'utilisation d'un acide aminé basique ou de l'association d'un acide aminé basique et d'un tocophérol (page 2, ligne 12 à la page 3, ligne 3 ; tableau 1 et exemple n 2). L'activité anti-oxydante des acides aminés basiques est renforcée par l'association avec un tocophérol notamment (cf. page 3, lignes 1-3.
Les documents (2) à (4) décrivant l'association binaire tocophérol-polypeptide non thiolé et le document (5) décrivant l'association acide aminé basique-tocophérol, le choix du point de départ pourrait se porter indifféremment sur chacun de ces documents. Cependant, la requérante, comme l'intimée ayant estimé que chacun des documents (2) à (4) constituait l'art antérieur le plus proche, la Chambre ne voit, dans le cas présent, aucune raison de dévier de cette approche. En tout état de cause, le choix du document (5) n'aurait pas modifié les conclusions auxquelles la Chambre est arrivée.
6.4. Au vu de l'art antérieur le plus proche, le problème technique à résoudre est de proposer des systèmes anti-oxydants présentant un effet de potentialisation important par rapport aux associations binaires décrites dans un des documents (2) à (4).
6.5. La Chambre ne voit aucune objection en ce qui concerne la résolution du problème technique par l'invention revendiquée au vu, notamment, des résultats indiqués dans le tableau à la page 3, lignes 45 à 55 du brevet. Ces résultats démontrent qu'une association ternaire de tocophérol (0.1%), de lysine (0.5%) et de polypeptide non thiolé (5%) révèle un temps d'induction de 1100 mn, alors qu'une association binaire de tocophérol (0.1%) et de polypeptide non thiolé (5%) révèle un temps d'induction de 220 mn, une association binaire de tocophérol (0.1%) et de lysine (0.5%) révèle un temps d'induction de 480 mn et la lysine seule (0.5%) révèle un temps d'induction de 125 mn. Ceci ne fut pas contesté par la requérante.
6.6. Il reste à examiner si l'invention revendiquée implique une activité inventive au vu de l'état de la technique constitué par l'ensemble des documents (1) à (5).
6.7. La requérante fit valoir qu'indépendamment de l'effet de synergie constaté, il aurait été évident pour un homme du métier de combiner une des associations binaires décrites dans l'un des documents (2) à (4), soit l'association tocophérol-polypeptide non thiolé, avec un acide aminé basique comme enseigné par le document (5) afin d'obtenir un effet anti-oxydant amélioré, citant à l'appui de son argumentation la décision T 149/93 affirmant qu'"il n'y a pas uniquement évidence lorsque l'on peut clairement prévoir les résultats, mais également lorsque l'on peut raisonnablement escompter une réussite" (T 149/93, point 5.2 des motifs). Dans le cas qui a conduit à la décision T 149/93, il s'agissait d'une nouvelle utilisation d'un rétinoide pour le traitement du derme humain alors qu'une telle utilisation était déjà connue sur le derme de souris. Comme la titulaire de la demande de brevet n'avait fait valoir aucun avantage particulier lié à cette nouvelle utilisation, cette Chambre décida qu'il aurait été "évident d'essayer" la nouvelle utilisation. Cependant, cette situation diffère fondamentalement de celle prévalant ici. L'évidence de la solution (l'invention revendiquée) doit, en effet, être examinée au vu du problème technique posé qui n'est pas de proposer d'autres systèmes anti-oxydants (sous-entendu sans effet avantageux particulier) mais des systèmes anti-oxydants présentant un effet de potentialisation important par rapport aux associations binaires décrites dans un des documents (2) à (4) (cf. point 6.4 ci-dessus). La question, en conséquence n'est pas d'examiner si l'homme du métier aurait pu réaliser l'invention en vu d'obtenir un autre système anti-oxydant mais s'il aurait envisagé le système anti-oxydant revendiqué pour obtenir une potentialisation importante de l'effet anti-oxydant.
6.8. Il est indiscutable que les documents (2), (3) ou (4) enseignent que les associations binaires de tocophérols et de polypeptides non thiolés permettent une potentialisation de l'effet anti-oxydant (effet de synergie).
Par ailleurs, parmi les documents cités, seuls les documents (2) et (5) décrivent l'activité anti-oxydante des acides aminés. Il est vrai que le document (5) mentionne que "par une combinaison des acides aminés basiques (mention ajoutée par la Chambre) avec d'autre agents anti-oxydants tels que tocophérol, BHT, BHA ou acide ascorbique, l'activité anti-oxydante devrait pouvoir être encore renforcée" (cf. page 3, lignes 1-3). Cependant une telle indication, d'une part, par le terme "renforcée", n'enseigne pas qu'un effet de synergie puisse être obtenu, ce terme pouvant se référer à un simple effet complémentaire, d'autre part, cette indication est manifestement spéculative du fait du terme "devrait". Le document (5) n'enseigne donc pas qu'un effet de synergie puisse être obtenu par la combinaison binaire d'acide aminé basique et de tocophérol. De même, un tel enseignement ne peut être déduit du document (2) car même si ce document indique "que les tocophérols présentent un effet de synergie avec des substances acides tels que les acides citriques ou ascorbiques, le palmitate d'ascorbyle, l'acide phosphorique et un grand nombre d'acides organiques polyfonctionnels" (cf. page 269, lignes 1-3), on ne saurait en conclure que cette mention générale s'applique aux acides aminés basiques. Donc aucun document cité dans la procédure ne suggère qu'un effet de synergie puisse être obtenu par addition d'un acide aminé basique.
Il est, de ce fait, surprenant qu'une combinaison ternaire de tocophérol, lysine et lactolan révèle un temps d'induction de 1100 mn alors que les temps d'induction de la lysine seule et de la combinaison du tocophérol et du lactolan présentent un temps d'induction de 125 mn et 220 mn, respectivement. Que cet effet de synergie puisse être étendu à tous les systèmes anti-oxydants revendiqués n'a pas été contesté par la requérante.
De plus, comme l'a fait remarquer l'intimée lors de la procédure orale, le document (2) confirme l'effet imprévisible de toute combinaison dans ce domaine technique : "Beaucoup de composés présentant une activité anti-oxydante peuvent être présents dans la même source naturelle de telle façon que l'activité d'un produit brut ou de la substance entière ou de l'extrait peut être différente de celle des fractions purifiées. Dans bien des cas, ces substances peuvent agir de façon antagonistes, sequentiellement, de façon complémentaire ou synergique" (cf. page 263, lignes 13-17). Il s'ensuit que même si la requérante avait pu prouver qu'il était connu que la combinaison binaire d'un acide aminé et d'un tocophérol présentait un effet de synergie, l'homme du métier n'aurait pu en déduire de façon évidente que la combinaison ternaire revendiquée aurait pu résoudre le problème technique à la base de l'invention revendiquée (cf. point 6.4 ci-dessus).
6.9. En résumé, de l'ensemble des documents (1) à (5), il n'était pas évident que la combinaison d'un acide aminé basique avec une combinaison binaire de tocophérol et de polypeptide non thiolé conduirait à une potentialisation importante (synergie) de l'effet anti-oxydant. Une telle constatation justifie l'activité inventive de la revendication 1 selon les dispositions de l'article 56 CBE. Cette conclusion s'applique aux revendications dépendantes 2 à 10, à la revendication 11 relative à une composition cosmétique ou pharmaceutique comprenant un tel système anti-oxydant et aux revendications dépendantes 12 à 16.
Requêtes auxiliaires
7. Puisque la requête principale satisfait aux exigences de la CBE, il n'y a pas lieu d'examiner les requêtes auxiliaires.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. la décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de délivrer un brevet avec les revendications 1 à 16. de la requête principale déposée pendant la procédure orale devant la Chambre de recours, et une description qui y doit être adaptée.