Un traitement prometteur pour soigner le lupus : Sylviane Muller, finaliste du Prix de l'inventeur européen 2017
- L'immunologiste française Sylviane Muller est nommée dans la catégorie «Recherche» du Prix de l'Office européen des brevets (OEB)
- Le traitement qu'elle a mis au point permet de soigner les symptômes du lupus érythémateux, une maladie auto-immune chronique
- Ciblant spécifiquement les lymphocytes T, il est le premier à agir efficacement sur la maladie sans entraver le bon fonctionnement du système immunitaire
- Benoît Battistelli, Président de l'OEB : « L'invention de Sylviane Muller est une percée dans le traitement de cette maladie auto-immune incurable, qui affecte la qualité de vie de millions de personnes. »
Munich, 26 avril 2017 - Le lupus érythémateux disséminé (LED) est une maladie auto-immune chronique dans laquelle le système immunitaire s'attaque aux tissus sains du corps. Touchant plus de 5 millions de personnes à travers le monde, il impose aux malades des restrictions sévères dans leur mode de vie. Il n'existe encore aucun médicament pour guérir cette maladie mais une chercheuse du CNRS, l'immunologiste française Sylviane Muller (64 ans), a trouvé la parade : un traitement ciblé capable de « désactiver » le lupus en agissant sur ses causes cellulaires sans engendrer d'effets secondaires nocifs, contrairement aux traitements actuels. Un remède prometteur, qui devrait être commercialisé dès 2018.
Pour cette invention remarquable, Sylviane Muller a été nommée parmi les trois finalistes de la catégorie « Recherche » du Prix de l'inventeur européen 2017. Les lauréats de la 12e édition de ce prix décerné chaque année par l'OEB seront annoncés lors d'une cérémonie à Venise le 15 juin prochain.
« L'invention de Sylviane Muller est une percée dans le traitement de cette maladie auto-immune incurable, qui affecte la qualité de vie de millions de personnes. Pour la première fois, elles peuvent espérer un traitement ciblé, capable d’éteindre littéralement le lupus », a déclaré le Président de l'OEB, Benoît Battistelli, lors de de l'annonce des finalistes du Prix de l'inventeur européen 2017. « La réussite de la start-up co-fondée par Sylviane Muller pour commercialiser sa découverte est également une superbe illustration du potentiel économique des inventions brevetées. », a-t-il ajouté.
Une découverte inattendue
Sylviane Muller a mis au point son traitement en commençant par analyser les causes cellulaires profondes du lupus dans son laboratoire de l'Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire (IBMC) de Strasbourg en 2001. « A l'époque, nous n'avions pas l'intention de développer un médicament, nous cherchions seulement une façon de diagnostiquer le lupus. C'est alors que nous avons découvert qu'un peptide [une courte chaîne d'acides aminés] particulier ralentissait fortement la maladie », a expliqué l'immunologiste. Ses recherches ont permis de constater que les globules blancs T CD4+ apparaissaient systématiquement comme un élément déclencheur des cas de lupus étudiés, et que certaines molécules permettaient de limiter leur action. Sylvie Muller et son équipe ont pu alors développer un traitement ciblé : « Nous avons synthétisé ces peptides et vu qu'ils réagissaient avec les cellules immunitaires des patients atteints de lupus. ».
Cibler une maladie insaisissable
L'invention de la chercheuse française résout un problème majeur du traitement des maladies auto-immunes, à savoir l'affaiblissement du système immunitaire du patient. Dans le cas du lupus, le système immunitaire - normalement chargé de défendre le corps contre les attaques venant de l'extérieur - se « retourne » contre la personne en attaquant ses tissus et ses processus sains. Les traitements actuels consistent donc à désactiver totalement le système immunitaire pour stopper la maladie, mais ce faisant, ils laissant la porte ouverte aux infections. Quant aux médicaments à base de stéroïdes, ils peuvent également entraîner des effets secondaires importants sur le long terme.
Le peptide synthétique au cœur de l'invention de Sylviane Muller (nom chimique : P140) change la donne. Au lieu d'agir comme un immunosuppresseur, il fonctionne comme un immunomodulateur, ne faisant que modifier la réponse immunitaire du corps pour stopper la maladie - et non la supprimer -, ce qui permet de garder le reste du système immunitaire intact.
Un nouvel espoir pour les patients
On estime qu'en 40 et 70 personnes sur 100 000 sont aujourd'hui atteintes du LED dans le monde. 90 % des porteurs de la maladie sont des femmes, notamment des femmes jeunes entre 15 et 45 ans. Maladie difficile à traiter, le lupus est également très délicat à diagnostiquer. Douleurs articulaires, fatigue, pertes de cheveux et éruptions cutanées font généralement partie des symptômes, mais ces derniers peuvent apparaître périodiquement et varier fortement d'un patient à l'autre. Les experts estiment que plus de 60 % des patients atteints de lupus ne reçoivent pas de traitement adéquat, ce qui accroît encore leur mal. Par ailleurs, un LED non traité peut avoir des effets négatifs sur les fonctions du cœur, des os, du sang, des poumons et des reins. En effet, si 80 à 90 % des malades jouissent de la même espérance de vie que les personnes en bonne santé, le lupus peut causer une défaillances des organes ou des infections graves, et réduire parfois leur longévité.
L'efficacité du traitement de Sylviane Muller a déjà été démontrée sur de vastes échantillons de patients. L'invention promet donc d'avoir un impact important sur la qualité de vie des personnes atteintes du lupus, mais permettra aussi de mettre fin aux traitements médicamenteux sur mesure qui coûtent actuellement très chers aux patients et aux assurances.
Du laboratoire au marché
Après avoir déposé un brevet avec son équipe en 2001, Sylviane Muller a co-fondé deux entreprises pour lancer son traitement dans la pratique clinique : Neosystem (aujourd'hui Polypeptide France) et ImmuPharma en 2002. Pour l'immunologiste française, le brevetage a été une étape essentielle : « C'est très important car, sans brevet, aucune industrie pharmaceutique ou grande entreprise ne s'intéressera à vous, et votre travail ne sera pas reconnu. »
Aujourd'hui en cours de commercialisation par ImmuPharma sous le nom « Lupuzor », le traitement de Sylviane Muller devrait être mis sur le marché dès 2018 aux Etats-Unis et dans cinq pays de l'UE. Le co-fondateur et président d'ImmuPharma, Robert Zimmer, a joué un rôle crucial dans ce processus de commercialisation.
Le Lupuzor promet de changer la donne sur le marché mondial, avec des ventes qui pourraient atteindre 940 millions d'euros, selon ImmuPharma. Au total, les analystes estiment que le marché des traitements du LED et du lupus néphrétique (LN) - une inflammation des reins causée par le LED - dans les sept pays achetant le plus de produits pharmaceutiques atteindra 3 milliards d'euros en 2025. Par ailleurs, les mécanismes à la base du traitement de Sylviane Muller pourraient également servir à développer des médicaments contre d'autres maladies, qu'elles soient auto-immunes ou non.
Une spécialiste de la recherche pluridisciplinaire
Après trente années de recherche sur le lupus à son actif, Sylviane Muller est aujourd'hui reconnue comme une sommité internationale dans le domaine des maladies immunitaires-inflammatoires. Elle a déposé une vingtaine de brevets (dont 16 à l'OEB) et publié plus de 330 articles et analyses scientifiques. Après avoir obtenu son doctorat ès sciences à l'Université de Strasbourg, elle a travaillé en tant que chercheur post-doctorante à l'Institut Max-Planck d'Immunobiologie de Fribourg, en Allemagne. Désormais directrice de recherche au CNRS, elle dirige depuis 2001 le laboratoire d'Immunopathologie et Chimie Thérapeutique de l'Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire de Strasbourg, où elle supervise plus de 50 chercheurs.
Pour Sylviane Muller, la réussite de ses recherches est due en grande partie au fait qu'elle a pu rassembler des spécialistes brillants issus de toutes les disciplines, allant de la médecine à la physiologie en passant par la biochimie et la chimio-informatique. Ses découvertes lui ont déjà valu de nombreuses récompenses, dont le Prix Apollo-B de Roche (2007), la Médaille d'Argent du CNRS (2010), la Médaille de l'Innovation du CNRS (2015) et le Grand Prix Léon Velluz de l'Académie des Sciences (2016). Lorsqu'on lui demande si elle se verrait quitter son laboratoire pour jouer un rôle plus important au sein de l'entreprise qu'elle a co-fondée, la chercheuse déclare : « Je crois que chacun doit rester là où il est le plus performant. Pour ma part, j'ai décidé de rester au laboratoire et faire de la recherche. »
Ressources additionnelles
- Vidéos et visuels
- En savoir plus sur l'inventrice
- Accéder au brevet : EP1425295
Universités et instituts de recherche publics européens : créer des lendemains meilleurs
Sylviane Muller a réalisé ses découvertes au sein de son laboratoire de l’Université de Strasbourg, qui fait également partie du Centre national de recherche scientifique (CNRS). Fondé en 1939, le CNRS est l’un des plus grands établissements de recherche publique en Europe. Plusieurs de ses membres ont déjà été distingués par le Prix de l’inventeur européen dans la catégorie « Recherche » ces dernières années, notamment Ludwik Leibler (lauréat 2015), qui a mis au point un nouveau type de plastique, le « vitrimère », ou encore Gilles Gosselin et son équipe (lauréat 2012), qui ont développé un traitement révolutionnaire contre l’hépatite B. Pour en savoir plus sur les instituts de recherche européen.
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