T 0642/01 (Panier de rangement pour assemblages combustibles nucléaires/TRANSNUCLEAIRE S.A.) 23-05-2005
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Panier de rangement pour assemblages combustibles nucléaires, comprenant essentiellement un simple faisceau de tubes contigus
Documents produits tardivement - admis (oui)
Renvoi à l'instance du premier degré (oui)
I. Le présent recours est dirigé contre la décision de la division d'opposition, remise à la poste le 30 mars 2001, rejetant l'opposition formée contre le brevet EP-B-0 752 151.
Le recours a été déposé le 1 juin 2001, et la taxe de recours a été acquittée le même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 12 juillet 2001.
II. L'opposition avait été formée contre le brevet dans son ensemble au titre de l'article 100a) CBE et fondée sur les motifs des articles 52(1), 54(1), (2) et 56 CBE.
III. La requérante (opposante) demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen. À l'appui de son recours, elle cite le document
D3 : US-A-3 859 533,
déjà cité lors de la procédure d'opposition, ainsi que les quatre nouveaux documents
D4 : EP-A-0 385 186,
D5 : DE-A-2 700 520,
D6 : FR-A-2 440 600, et
D7 : DD-A-263 151.
IV. L'intimée (titulaire du brevet) requiert le rejet du recours et le maintien du brevet tel que délivré. De plus, elle s'oppose à l'introduction dans la procédure des nouveaux moyens de preuve D4 à D7. À titre subsidiaire, elle demande que l'affaire soit renvoyée devant la division d'opposition et que tous ses frais induits par le prolongement de la procédure soient mis à la charge de la requérante.
V. Dans une notification datée du 26 mars 2003, la Chambre de recours a informé les parties de son intention provisoire d'admettre les documents D4 et D7 dans la procédure. La Chambre a également signalé qu'elle envisageait de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition pour suite à donner, pourvu qu'une discussion approfondie des nouveaux documents n'ait pas encore eu lieu en recours, et qu'elle laisserait à la division d'opposition le soin de décider de la répartition de frais et de l'admissibilité des documents D5 et D6.
VI. En réponse à la notification de la Chambre, la requérante - par lettre datée du 28 juillet 2003 - et l'intimée - par lettres datées du 22 septembre 2003 et du 24 novembre 2003 - ont donné leur accord aux propositions de la Chambre et ont retiré leurs requêtes en procédure orale.
Toutefois, l'intimée a également émis des doutes quant à l'affirmation que les documents D4 et D7 soient suffisamment pertinents pour justifier leur admission dans la procédure et a demandé à la Chambre de reconsidérer sa position sur ce point.
VII. La revendication indépendante 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit :
"1. Panier de rangement d'assemblages combustibles nucléaires, constitué d'une pluralité d'alvéoles adjacents de grande longueur parallèles entre eux et destinés à recevoir lesdits assemblages, les parois desdits alvéoles étant en un matériau contenant un élément neutrophage, ce panier comprenant essentiellement une pluralité de tubes identiques de grande longueur constituant les alvéoles, parallèles entre eux, juxtaposés, caractérisé en ce que lesdits tubes sont rectilignes et en contact les uns contre les autres sur leur grande longueur pour former un faisceau compact qui est maintenu dans cette configuration par serrage à l'aide d'un ou plusieurs cerclages distribués sur la longueur dudit faisceau, ce panier étant utilisable à sec."
VIII. La requérante a fait valoir les arguments suivants : l'objet de la revendication 1 telle que délivrée est dépourvu de nouveauté au regard du panier divulgué par le document D3, notamment parce que la division d'opposition a interprété la définition du matériau des parois des alvéoles de manière trop limitative.
Quoi qu'il en soit, même selon l'interprétation de la division d'opposition, le document D4 divulgue de toute façon un tel panier de rangement d'assemblages de combustibles nucléaires dont les parois des alvéoles sont faites d'un matériau tel que revendiqué. D'ailleurs, le document D4 remet même en question la nouveauté de l'objet de la revendication 1 telle que délivrée.
D'autre part, la requérante a expliqué que puisque la division d'opposition n'était pas convaincue par un moyen de preuve (document D01 : US-A-4 203 038) présenté pendant la procédure d'opposition à l'appui du fait que la caractéristique concernant un serrage du faisceau de tubes à l'aide d'un ou plusieurs cerclages était connue, elle a dû faire référence au document D7 comme moyen alternatif de preuve au stade de recours.
IX. Les arguments développés par l'intimée peuvent être résumés comme suit :
Les documents D4 à D7 ont été cités non seulement bien après l'expiration du délai d'opposition fixé par l'article 99(1) CBE, mais pour la première fois lors de la procédure de recours. Selon l'intimée, la production tardive des documents D4 à D7 est constitutif d'un abus. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, telle qu'elle est affirmée notamment dans les décisions T 1002/92, T 459/94 et T 389/95, une chambre de recours ne devrait pas tenir compte de faits produits tardivement. Cette jurisprudence se fonde sur les décisions G 9/91 et G 10/91 de la Grande Chambre de Recours selon lesquelles l'objet de la procédure de recours est de contrôler la décision rendue en première instance. Dans le cas présent, accepter ces éléments de preuve totalement absents de la procédure d'opposition équivaudrait à présenter une nouvelle opposition.
En outre, les documents D4 à D7 n'apportent pas, de prime abord, d'éléments pertinents propres à remettre en cause au moins en partie la décision contestée. Les documents ne sont donc pas fortement pertinents, de sorte qu'ils échappent à la jurisprudence susmentionnée.
En particulier, le document D4 ne divulgue pas deux caractéristiques essentielles de l'invention définie à la revendication 1 du brevet : la caractéristique selon laquelle le matériau des parois des alvéoles contient un élément neutrophage et la caractéristique selon laquelle le faisceau de tubes est maintenu dans une configuration compacte par serrage à l'aide d'un ou de plusieurs cerclages, pour peu que ces caractéristiques soient correctement interprétées sémantiquement et à la lecture de la description du brevet.
Le document D7 ne divulgue pas non plus la caractéristique concernant le serrage du faisceau de tubes. De surcroît, même si lesdites caractéristiques étaient interprétées autrement afin d'englober ce qui était connu des documents D4 et D7, l'homme du métier n'aurait pas été conduit, de façon évidente, à transposer dans D4 les enseignements de D7 parce que les agencements décrits dans les documents D4 et D7 appartiennent à deux catégories différentes de paniers de rangement d'assemblages combustibles.
Si la Chambre accepte que les documents D4 à D7 soient pris en compte à ce stade de la procédure, l'affaire devrait être renvoyée devant la division d'opposition et tous les frais du défenseur induits par le prolongement de la procédure devraient être mis à la charge de la requérante. Ces requêtes se fondent, d'une part, sur la nécessité d'accorder au défenseur le double degré de juridiction auquel il a droit et, d'autre part, sur le fait que les frais découlant du comportement abusif de la requérante devaient être imputés à cette dernière.
1. Le recours a été formulé en bonne et due forme et dans les délais prévus par la CBE. Il est donc recevable.
2. Recevabilité des documents D4 à D7
2.1 Les documents D4 à D6 ont été produits pour la première fois avec le mémoire exposant les motifs du recours. Quant au document D7, il a été cité encore plus tard dans la lettre de la requérante datée du 25 juillet 2002.
2.2 Selon l'article 114(2) CBE, une chambre de recours peut ne pas tenir compte des faits que les parties n'ont pas invoqués ou des preuves qu'elles n'ont pas produites en temps utile.
L'article 114(2) CBE confère donc à une chambre de recours un pouvoir discrétionnaire quant à la recevabilité de faits ou de preuves présentés tardivement au stade de recours. De plus, par principe, aucune décision d'une autre chambre de recours ne peut soustraire à la Chambre le droit d'exercer son pouvoir discrétionnaire suivant l'article 114(2) CBE en tenant compte des circonstances propres au cas en question.
2.3 Selon l'opinion de l'intimée la Chambre de recours devrait exercer son pouvoir discrétionnaire quant à l'admission des documents D4 à D7 selon les critères développés par des décisions T 1002/92 (JO 1995, 605), T 459/94 et T 389/95. Selon ces décisions, les moyens de preuve produits tardivement, qui vont au-delà des faits et justifications invoqués dans l'acte d'opposition, ne devraient être admis par une chambre de recours qu'à titre tout à fait exceptionnel, si ces moyens se révèlent de prime abord éminemment pertinents en ce sens qu'ils risquent fort de faire obstacle au maintien du brevet européen.
2.4 Il se pose la question de savoir si ces critères sont appropriés pour les circonstances du cas présent.
Lors d'une première évaluation superficielle des documents D4 à D7, la Chambre a eu l'impression qu'au moins les documents D4 et D7 divulguaient des informations techniques qui pourraient s'avérer pertinentes pour les questions concernant la brevetabilité de l'objet de la revendication 1 en litige.
Toutefois, selon les critères de la décision T 1002/92, le simple fait que les moyens de preuve invoqués pour la première fois en recours pourraient être pertinents ne garantit pas qu'ils soient recevables. Il faut plutôt que la Chambre soit convaincue, qu'il existe de prime abord de bonnes raisons de penser, que les documents feraient obstacle au maintien du brevet européen attaqué.
L'évaluation rapide des documents D4 et D7 par la Chambre ne suffit pas pour évaluer le "degré" de pertinence de ces moyens de preuve. Afin d'exercer le pouvoir discrétionnaire selon les critères de la décision T 1002/92, il faudrait analyser le contenu de ces documents de manière plus approfondie et, de plus, comparer celui-ci concrètement aux caractéristiques du brevet.
2.5 Dans le cas présent, l'intimée n'a pas seulement demandé à la Chambre d'appliquer les critères de la décision T 1002/92, mais aussi de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition, en cas d'admission des documents D4 à D7 dans la procédure.
Ces requêtes posent à la Chambre le problème que la Chambre devrait bien considérer la pertinence des documents D4 à D7, le cas échéant en convoquant une procédure orale, tout en n'utilisant pas les résultats de cet examen pour prendre une décision sur le fond. Un tel déroulement de la procédure de recours semble non seulement être inefficace mais pourrait aussi anticiper sur l'examen de ces documents par la division d'opposition, après le renvoi de l'affaire. Afin d'éviter ces problèmes, la Chambre a proposé dans sa notification datée du 26 mars 2003 aux parties de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition pour reconsidérer les questions en litige en prenant en considération les nouveaux documents D4 et D7, pourvu qu'une discussion approfondie des documents pourrait être évitée au stade du recours.
2.6 Il résulte des circonstances du cas présent que les critères de la décision T 1002/92 ne peuvent pas directement servir de modèle.
En fait, la Chambre tient à constater que les circonstances du cas présent sont considérablement différentes de celles de l'affaire T 1002/92. Dans cette affaire, l'opposition se fondait sur deux utilisations antérieures remettant en question la nouveauté et l'activité inventive de l'invention brevetée. Plus d'un an après l'expiration du délai d'opposition, l'opposante avait déposé des documents concernant une troisième utilisation antérieure. La division d'opposition a considéré que les faits invoqués à propos de cette troisième utilisation antérieure n'étaient pas suffisamment pertinents et n'en avait pas tenue compte, en application de l'article 114(2) CBE. Au stade du recours, l'opposante a présenté quatre nouveaux documents destinés à prouver la pertinence de ladite troisième utilisation antérieure. En prenant sa décision, la chambre de recours a considéré que l'admission de ces moyens de preuve à un stade aussi avancé de la procédure rendait indispensable de laisser le temps au titulaire du brevet d'analyser la prétendue utilisation antérieure.
2.7 Dans le cas présent, par contre, la décision de la division d'opposition est fondée, quant à la nouveauté et l'activité inventive de l'objet revendiqué vis-à-vis des documents produits par l'opposante à ce stade-là de la procédure, sur une interprétation étroite de certaines caractéristiques de la revendication 1 telle que délivrée. Les nouveaux documents cités par la requérante au stade du recours font échos aux motifs de la décision contestée en ce sens qu'ils servent à démontrer qu'il existe aussi un état antérieur de la technique pertinent dans le cadre de l'interprétation stricte adoptée par la division d'opposition.
En particulier, la division d'opposition a interprété la caractéristique "les parois desdits alvéoles étant en un matériau contenant un élément neutrophage" au sens strict comme matériau incorporant l'élément neutrophage d'une façon homogène, tandis que l'opposante a interprété cette caractéristique comme couvrant également une alvéole ou un tube de type multicouche recouvert d'un matériau neutrophage sous la forme d'un revêtement, comme divulgué par exemple dans le document D3 (voir point 15 des motifs de la décision contestée). Or, le nouveau document D4 a été cité au stade du recours pour démontrer justement le fait que des alvéoles ayant des parois en matériau neutrophage audit sens strict sont connues en soi.
D'autre part, la division d'opposition a estimé que la caractéristique, selon laquelle le faisceau de tubes est maintenu dans une configuration compacte "par serrage à l'aide d'un ou plusieurs cerclages", était la seule caractéristique non divulguée par l'état antérieur de la technique pris dans sa totalité (voir point 16.2 des motifs de la décision contestée). Elle en a conclu que l'objet de la revendication 1 était nouveau et impliquait une activité inventive, bien que l'opposante ait argué qu'un tel serrage avait déjà été divulgué par le document D01. En réponse, au stade du recours, la requérante a essayé d'étayer sa position en faisant référence au nouveau document D7.
Donc, dans le cas présent, où l'interprétation donnée à certaines caractéristiques revendiquées a fortement influencé l'appréciation par la division d'opposition de la pertinence de l'état de la technique et sa conclusion quant à la brevetabilité de l'objet de la revendication 1, la présentation des nouveaux documents est justifiée comme réponse directe au raisonnement de la décision contestée. En pareil cas, les chambres de recours ont considéré acceptable que la partie déboutée essaie de fournir des moyens de preuve supplémentaires au stade du recours (voir par exemple la décision T 113/96, point 11 des motifs ; et la décision T 574/95, point 2 des motifs). L'introduction d'un nouveau document dans de telles circonstances ne constitue pas une nouvelle ligne d'attaque contre le brevet, donc ne crée pas de "nouvelle opposition", et ne peut pas être considérée comme un abus de procédure.
2.8 Bien que l'intimée demande à la Chambre de recours de reconsidérer son opinion provisoire communiquée aux parties le 26 mars 2003 quant à la pertinence des nouveaux documents, la Chambre préfère s'abstenir d'une discussion approfondie sur ce sujet, afin de ne pas anticiper sur la décision de la division d'opposition à laquelle l'affaire est renvoyée (voir T 626/88, point 7 des motifs).
Cependant, la Chambre a bien pris note des arguments de l'intimée concernant notamment l'interprétation des caractéristiques de la revendication 1. La Chambre s'en tient à constater qu'elle ne voit pas pourquoi la phrase "les parois étant en un matériau contenant un élément neutrophage" exclurait par exemple des parois d'une structure multicouche dont au moins une couche contient un élément neutrophage. De manière similaire, la Chambre n'est pas convaincue que l'expression "un faisceau compacte qui est maintenu dans cette configuration par serrage à l'aide d'un ou plusieurs cerclage" exclue la possibilité de soudages ou vissages additionnels de ces cerclages, tels qu'ils sont divulgués par D01. En tout cas, une analyse de la brevetabilité qui se fonderait sur ces caractéristiques devrait prendre en considération la question de savoir si la caractéristique revendiquée et l'état antérieur de la technique proposent des solutions équivalentes.
2.9 Compte tenu des considérations ci-dessus, la Chambre décide d'admettre les documents D4 et D7 dans la procédure.
Quant à l'admission des documents D5 et D6, dont l'enseignement pourrait devenir pertinent au cours de la procédure devant la division d'opposition, la Chambre laisse à la division d'opposition le soin d'en décider.
3. En ce qui concerne la requête de l'intimée concernant le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition, la Chambre constate que, contrairement à ce que soutient l'intimée, la CBE ne confère aux parties aucun droit absolu à l'examen par deux instances successives de toute question soulevée lors de la procédure de recours. Plutôt, l'article 111(1) CBE confère à une chambre le pouvoir, soit d'exercer les compétences de l'instance qui a pris la décision attaquée, soit de renvoyer l'affaire à ladite instance pour suite à donner (voir par exemple T 133/87 (point 2 des motifs), T 852/90 (point 4 des motifs), T 166/91 (points 5 à 7 des motifs), T 557/94 (point 1.3 des motifs) ou T 1060/96 (point 2 des motifs)).
Exerçant son pouvoir discrétionnaire et appréciant les circonstances et détails du cas d'espèce, la Chambre décide pourtant de faire droit à la requête de l'intimée, compte tenu de la présentation tardive et par étapes de nouveaux documents par la requérante. Ainsi, l'intimée aura l'occasion de discuter de la pertinence des nouveaux documents et d'envisager d'éventuelles modifications du brevet.
4. Finalement, la Chambre laisse à la division d'opposition le soin de décider, le cas échéant, si la production tardive des nouveaux documents justifie une répartition de frais, conformément à l'article 104 CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Les documents D4 et D7 sont admis dans la procédure.
3. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure.