T 1397/08 (Composition pour la teinture d'oxydation/L'OREAL) 08-07-2010
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Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques
Selon l'approche problème/solution pour l'appréciation de l'activité inventive dans le domaine de la chimie le problème technique peut être reformulé, et, dans certaines circonstances doit même l'être, puisque pour la détermination objective du problème, seul compte le résultat effectivement atteint par rapport à l'état de la technique le plus proche.
Rien n'empêche, même au stade du recours, de modifier ce problème initialement posé, sauf à respecter l'esprit de l'exposé originaire de l'invention (voir point 3.3 des motifs, décisions T 184/82 et T 39/93 suivies).
I. Le requérant I (opposant) et le requérant II (propriétaire du brevet) ont chacun introduit un recours, respectivement le 21 juillet et 8 août 2008, contre la décision intermédiaire de la division d'opposition, signifiée par voie postale le 16 juin 2008 selon laquelle le brevet européen nº 1 011 619 ne pouvait être maintenu que sur la forme amendée basée sur le jeu de 19 revendications soumis comme requête auxiliaire le 24 avril 2008.
II. Une opposition avait été formée par le requérant (i) en vue d'obtenir la révocation du brevet en sa totalité en invoquant le motif de manque d'activité inventive (Article 100 (a) CBE) en se basant, entre autres, sur les documents suivants :
(1) WO-A-96/15766 et
(2) EP-A-0 375 977.
III. La division d'opposition a considéré que la revendication 1 du brevet tel que délivré ne satisfaisait pas le critère d'activité inventive. Toutes les compositions de teinture divulguées dans le brevet litigieux contenaient des coupleurs chlorés. Comme il était connu en chimie des substitutions aromatiques que la réactivité des différents halogènes variait considérablement il fallait concevoir l'inattendu. Par conséquent, les conclusions tirées quant au chlore ne pouvaient s'appliquer directement aux autres halogènes. Ainsi le problème technique de préparer des teintures résistantes aux agressions n'était pas résolu sur l'ensemble du domaine revendiqué et par tant l'objet de la revendication 1 délivré manquait d'activité inventive. D'autre part le problème technique ne pouvait pas être reformulé en celui de l'amélioration de la sélectivité car l'homme du métier cherchant à améliorer la sélectivité des teintures de fibres kératiniques n'aurait trouvé aucun enseignement à ce sujet, ni dans la demande telle que déposée, ni dans le fascicule tel que délivré. Le document (2) représentait l'art antérieur le plus proche. Il n'était pas évident au regard de l'art antérieur, particulièrement du document (1) que la résistance de la coloration à la transpiration pût être améliorée par la présence d'un substituant chloro en position ortho d'un coupleur de type meta aminophénol. L'objet de la revendication 1 de la requête auxiliaire 1 impliquait donc une activité inventive.
IV. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 8 juillet 2008 au cours de laquelle le requérant II a défendu son brevet sur la base d'une requête principale correspondant à sa requête auxiliaire 1 déposée le 24 octobre 2008 et de 2 requêtes auxiliaires déposées lors de l'audience, ces requêtes se substituant à toutes les requêtes précédentes.
La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit:
"1. Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques humaines et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un milieu approprié pour la teinture:
- au moins une base d'oxydation choisie parmi les diamino pyrazoles;
- et au moins un coupleur choisi parmi les méta-aminophénols halogénés de formule (i) suivante, et leurs sels d'addition avec un acide:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle:
- R1 et R2, qui peuvent être identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène, un atome d'halogène tel que le chlore, le brome, l'iode ou le fluor, un radical alkyle en C1-C4, monohydroxyalkyle en Cl-C4, polyhydroxyalkyle en C2-C4, alcoxy en Cl-C4, monohydroxyalcoxy en Cl-C4 ou polyhydroxyalcoxy en C2-C4;
- R3 et R4, qui peuvent être identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4, monohydroxyalkyle en Cl-C4, polyhydroxyalkyle en C1-C4 ou monoaminoalkyle en Cl-C4;
étant entendu qu'au moins un des radicaux R1 et R2 représente un atome d'halogène."
V. Selon le requérant I, le document (2) représentait l'art antérieur le plus proche. Ce document divulguait des compositions pour la teinture d'oxydation comprenant un diamino pyrazole comme base d'oxydation et un coupleur comme le méta-aminophénol ou le 5-amino-2-méthylphenol, structurellement très proche du coupleur selon le brevet litigieux car s'en différentiant uniquement par un substituant halogéno. Ce document concernait la teinture d'oxydation des cheveux, laquelle teinture était soumise à de multiples exigences, celle de l'homogénéité y comprise bien que non explicitement mentionnée dans la liste non-limitative des exigences exemplifiées au troisième paragraphe de la page 2 de ce document. Le but principal du brevet était aussi la teinture d'oxydation des fibres kératiniques, qui incluait l'exigence de bonne sélectivité uniquement parmi plusieurs autres exigences. Le problème de l'amélioration de la sélectivité par rapport aux colorations obtenues à l'aide des compositions décrites dans ce document n'était pas résolu. Les essais comparatifs du requérant II n'étaient pas probants car il ne reproduisaient pas les conditions expérimentales de l'exemple 8 du document (2), en raison notamment d'un rapport coupleur/base d'oxydation différent et de la présence dans les compositions tinctoriales de propylène glycol connu pour ses propriétés d'amélioration de la sélectivité. En outre, il manquait l'étape d'oxydation, ou du moins, la description de son protocole opératoire.
D'autre part, même si les effets montrés dans le test comparatif pour un coupleur chloré étaient acceptés, ils n'auraient pas été extrapolables aux coupleurs halogénés, car les atomes d'halogène n'avaient pas tous la même électronégativité. Celle-ci était décroissante du fluor à l'astate, l'électronégativité de l'astate étant voisine de celle de l'hydrogène. L'oxydation du diamino pyrazole conduisait à un intermédiaire ayant deux fonctions imine. La différence d'électronégativité selon la nature de l'atome d'halogène conférait au coupleur halogéné une réactivité différente sur une fonction imine. Or, un accroissement de la réactivité du coupleur ouvrait la possibilité d'une seconde réaction sur le deuxième groupe imino de l'intermédiaire avec pour résultat une plus grande taille du colorant formé lors du couplage lorsque le coupleur était plus réactif. D'autre part, plus grande était la taille du colorant formé, meilleure était la sélectivité de la coloration obtenue sur les fibres kératiniques. Donc, l'amélioration de la sélectivité de la coloration due à l'augmentation de la taille du colorant formé lors de la réaction de couplage, venait d'une différence de réactivé du coupleur sur la fonction imine, laquelle différence de réactivité était causée par une électronégativité différente des substituants du coupleur. Comme les halogènes n'avaient pas la même électronégativité, l'amélioration de la sélectivité n'était pas crédible pour tous les coupleurs halogénés.
Le document (1) enseignait d'utiliser le 2-chloro-6-méthyl-3-aminophénol comme coupleur afin d'améliorer la sélectivité de la coloration. En effet, le quatrième paragraphe de la page 1 et le premier paragraphe de la page 2 de ce document exemplifiaient des bases d'oxydation classiques. Celles-ci incluaient les 4-aminophénols substitués présents dans les compositions de la revendication 1 du document (1). Les coupleurs classiques quant à eux étaient mentionnés au deuxième paragraphe de la page 2, mais aucun d'entre eux ne se retrouvaient dans les compositions de la revendication 1 du document (1). Dès lors que cette revendication 1 reprenait les bases d'oxydation classiques mentionnées dans la description du document, il s'en pouvait déduire que l'amélioration de la sélectivité était due à la présence du coupleur 2-chloro 6-methyl-3-aminophénol dans la composition de teinture. En conséquence, l'homme du métier sachant du document (1) que la sélectivité était améliorée par la présence du coupleur 2-chloro 6-méthyl-3-aminophénol aurait envisagé ce coupleur dans la composition du document (2) en vue d'améliorer la sélectivité de la coloration. Et puisque ce coupleur est un dérivé méta-aminophénol chloré de formule I selon le brevet litigieux, l'homme du métier serait arrivé aux compositions revendiquées sans faire preuve d'activité inventive.
VI. Au cours de la procédure orale devant la Chambre le requérant II a argumenté que l'état de la technique le plus proche n'était plus le document (2) comme il avait indiqué jusque-là, mais était le document (1) en raison d'une indication explicite dans ce document d'une bonne homogénéité des colorations obtenues sur les cheveux, alors que le problème sous-jacent au brevet litigieux était justement celui de l'amélioration de l'homogénéité des colorations (sélectivité). Même en partant du document (2) comme état de la technique le plus proche le problème technique à résoudre restait celui de l'amélioration de la sélectivité de la coloration sur des fibres kératiniques. Les essais comparatifs de la série 2 de la note technique déposée avec la lettre du 24 octobre 2008 établissait qu'une substitution du coupleur méta-aminophénol par un atome de chlore permettait de résoudre ce problème. Le chlore étant classé dans le tableau périodique des éléments dans le groupe des halogènes ayant tous la même configuration électronique sur la dernière couche, ce qui leur conférait des similarités de comportement, il était crédible que l'effet montré avec le méta-aminophénol substitué par un atome de chlore le soit également avec les autres membres de ce groupe, c'est-à-dire pour tous halogènes.
Le document (1) enseignait la combinaison spécifique d'un coupleur particulier, le 2-chloro-6-méthyl-3-aminophénol avec un type particulier de base d'oxydation, les 4-aminophénols substitués, pour aboutir à des colorations de bonne sélectivité. Il n'y avait dans ce document aucune incitation à dissocier cette combinaison, et cela encore moins en vue d'améliorer la sélectivité des colorations. Ce document ne suggérait donc pas que la sélectivité de compositions de teinture d'oxdydation comprenant des diamino pyrazoles comme bases d'oxydation pût être améliorée par les coupleurs halogénés de formule (i) selon la revendication 1 du brevet litigieux.
VII. Le requérant I a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
Le requérant II a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet selon la requête principale correspondant à sa requête auxiliaire 1 déposée le 24 octobre 2008, ou subsidiairement sur le fondement de l'une de ses requêtes auxiliaires 1 et 2 déposées pendant la procédure orale devant la Chambre.
VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
1. Les recours sont recevables.
Requête principale
2. Modifications (Article 123(2), (3) CBE)
L'unique modification par rapport à la revendication 1 telle que délivrée concerne la suppression des triamino pyrazoles en tant que base d'oxydation restreignant ainsi la portée de la revendication 1.
La modification est donc conforme aux exigences de l'Article 123(2) et (3) CBE.
3. Activité inventive
En suivant l'approche problème/solution appliquée de manière constante par les Chambres de recours en vue d'apprécier l'activité inventive sur une base objective, il est nécessaire de procéder en premier lieu à l'identification de l'art antérieur le plus proche qui permettra ensuite de déterminer le problème technique pouvant être considéré comme résolu vis-à-vis de cet art antérieur le plus proche et finalement d'apprécier l'évidence de la solution proposée, reflétée par les caractéristiques techniques de la revendication, à la lumière de l'état de la technique.
3.1 Art antérieur le plus proche
3.1.1 Le brevet en litige concerne des compositions pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant au moins une base d'oxydation choisie parmi les diamino pyrazoles et au moins un coupleur choisi parmi des méta-aminophénols halogénés et conduisant à des colorations puissantes, peu sélectives et résistantes à la lumière, aux intempéries, à la transpiration, aux shampooings et à l'action de la permanente. Le brevet en litige met notamment l'accent sur l'amélioration nécessaire de la tenue de la coloration obtenue à l'aide des compositions comprenant des diamino pyrazoles, en particulier celles divulguées dans le document (2), qui est ainsi présenté dans le brevet litigieux comme le point de départ pour la recherche d'une amélioration (voir paragraphes [0007] et [0011] du brevet litigieux). Le document (1) quant à lui n'est pas cité dans le brevet litigieux.
3.1.2 Le document (2) concerne ainsi des compositions pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques conduisant à des colorations de bonne intensité, et ayant de bonnes propriétés de tenue à la lumière, à la permanente, à l'acidité et à la friction (page 2, lignes 13 à 15 et 29). Ces compositions comprennent un diamino pyrazole comme base d'oxydation et un coupleur (revendication 1), qui peut être le méta-aminophénol, ou le 3-amino-2-methylphénol (revendication 4, page 3, lignes 9 à 15, exemples 8 et 11). Ces coupleurs sont structurellement très proches des coupleurs de type méta-aminophénols de formule (i) présent dans les compositions du brevet litigieux, s'en différentiant uniquement par une substitution par un radical halogène en position ortho du méta-aminophénol.
3.2 Lors de la procédure orale devant la Chambre, le requérant II pour la première fois dans la procédure de recours/opposition a argumenté que ce serait plutôt le document (1) qui représenterait l'art antérieur le plus proche. Ce document divulgue des compositions tinctoriales comprenant un para aminophénol comme base d'oxydation et le 2-chloro-6-méthyl-3-aminophénol, qui est un méta-aminophénol chloré de formule (i), comme coupleur (voir revendication 1). Les colorations obtenues à l'aide de ces compositions sont intenses, peu sélectives et de bonne résistance à la lumière, à la chaleur et à la permanente (page 1, 3ème paragraphe). Cependant les compositions du document (1) comprennent obligatoirement un para-aminophénol comme base d'oxydation, ce qui a pour conséquence qu'elles sont en cela structurellement plus éloignées des compositions de l'invention comprenant un diamino pyrazole que celles du document (3).
L'objectif premier et commun aux documents (1) et (2) est la teinture d'oxydation des fibres kératiniques, laquelle teinture requiert un grand nombre d'exigences (document (2), page 2, lignes 10 et 11, document (1), 3**(ème) paragraphe). Il n'a pas été contesté qu'une bonne sélectivité soit une exigence usuelle de la teinture des cheveux. Par conséquent, bien que la sélectivité ne soit pas explicitement mentionnée dans le document (2), les objectifs du document (2) ne se démarquent pas globalement de ceux du document (1). Il en demeure que le document (2) est structurellement plus proche de l'invention que le document (1) et par tant constitutif de l'art antérieur le plus proche.
3.2.1 Par ailleurs la Chambre remarque que devant la première instance le requérant II a toujours argumenté que le document (2) était constitutif de l'art antérieur le plus proche (voir point 5 du procès verbal de la procédure orale devant la division d'opposition; point VI de la décision contestée). De plus, lors de la procédure de recours le requérant II n'était jamais revenu sur ce point dans ses écrits, alors que la division d'opposition avait conclu en sa faveur en décidant que le document (2) constituait l'art antérieur le plus proche. Par ailleurs, comme le document (2) est cité dans le brevet litigieux comme point de départ de l'invention et comme le problème technique à résoudre a été formulé dans le brevet en litige pour pallier aux inconvénient liés aux compositions spécifiques de ce document comprenant un diamino pyrazole comme base d'oxydation, le document (1) ne se peut substituer au document (2) comme point de départ pour l'analyse de l'activité inventive. En effet, écarter un état de la technique s'approchant plus des caractéristiques techniques de la solution proposée par le brevet litigieux et constitutif du point de départ de l'invention cité dans le brevet litigieux, dans le cas échéant le document (2), relève d'une analyse erronée à laquelle la Chambre ne peut souscrire (voir T 800/91, non publié au JO OEB; point 6 des motifs).
3.2.2 Par conséquent, en accord avec le requérant I et la division d'opposition, la Chambre considère que le document (2) constitue l'état de la technique le plus proche et le prend donc comme point de départ pour l'évaluation de l'activité inventive.
3.3 Selon le requérant II le problème technique à résoudre par rapport à cet état de la technique est la mise à disposition de compositions tinctoriales pour le traitement des fibres kératiniques donnant des colorations de sélectivité améliorée sur ces fibres.
Dans la décision attaquée, la division d'opposition n'a pas accepté cette formulation du problème technique.
Cependant, selon la jurisprudence constante des Chambres de recours, le problème technique peut être reformulé, et, dans certaines circonstances doit même l'être, puisque pour la détermination objective du problème, seul compte le résultat effectivement atteint par rapport à l'état de la technique le plus proche. Dans le cas d'espèce, même si le problème initial que l'on se propose de résoudre consiste plus à améliorer un des aspects particuliers de la coloration sur des fibres kératiniques, en l'occurrence sa résistance vis-à-vis de certaines agressions extérieures, rien n'empêche pour autant, même au stade du recours, de modifier ce problème initialement posé, sauf à respecter l'esprit de l'exposé originaire de l'invention (voir T 184/82, JO OEB, 1984, 261, point 5 des motifs; T 39/93, OJ EPO 1997, page 134, point 5.3.2 des motifs). Dans le cas d'espèce, le cadre du problème technique est défini par la coloration des fibres kératiniques. Comme la sélectivité est de façon évidente un de ses aspects, il n'y a aucune raison de refuser une reformulation du problème technique dans ce sens, et cela d'autant plus qu'il est explicitement indiqué au paragraphe [0011] du brevet litigieux, correspondant au premier paragraphe complet de la page 4 de la demande telle que déposée que "la composition de teinture d'oxydation conforme à l'invention permet d'obtenir des colorations puissantes aux nuances variées, peu sélectives et ".
Par tant, la Chambre ne partage pas les conclusions de la division d'opposition l'ayant conduit à refuser la reformulation du problème technique.
3.4 La solution proposée par le brevet litigieux est la composition selon la revendication 1 comprenant au moins coupleur méta-aminophénol de formule (i) caractérisé par la présence d'un substituant halogéné en position ortho.
3.5 Le requérant II se réfère notamment aux résultats des essais comparatifs dans la note technique, séries 2, déposée avec la lettre du 24 octobre 2008 établissant une comparaison d'une composition revendiquée avec une selon le document (2) pour démontrer que l'amélioration recherchée est accomplie par les compositions revendiquées.
Ces essais établissent une comparaison quant à leur sélectivité respective de colorations obtenues à l'aide d'une composition C8 dite comparative contenant dans un support de teinture du 3,4-diamino 1H-pyrazole (base d'oxydation) et un méta-aminophénol qui est le 3-amino 6-méthylphénol (coupleur) et reflétant une composition selon le document (2) d'une part, avec la composition I6 selon l'invention se différenciant de la composition C8 exclusivement par le remplacement équimolaire du coupleur par du 6-chloro-2-méthyl-5-aminophénol, qui ne diffère du coupleur de l'état de la technique que par la présence d'un substituant chloro en position ortho du méta-aminophénol, d'autre part.
Les résultats obtenus établissent une différence de coloration sur des cheveux naturels à 90% de blancs par rapport à des cheveux permanentés à 90% de cheveux blancs plus importante lorsque la coloration est obtenue à l'aide de la composition C8 (DE=8,7) en comparaison à celle obtenue à l'aide de la composition I6 (DE=5,1). Ces essais comparatifs démontrent ainsi de façon convaincante que la présence d'une substitution chloro en position ortho du coupleur 2-méthyl 5-aminophénol conduit à une coloration ayant une sélectivité améliorée en comparaison à celle obtenue à l'aide de la composition selon le document (2).
3.5.1 Selon le requérant I, ces essais ne seraient pas probants car il manquait l'étape d'oxydation dans la série 2 comparant les colorations des composés C8 et I6, ou pour le moins la description de son protocole opératoire.
En réponse à cette objection, le requérant II a indiqué que la procédure standard décrite dans la série précédente a été utilisée. La Chambre souscrit à cette explication. En effet, celle-ci est en accord avec la description du mode d'application de la série qui se réfère, à l'instar de la série 1, à un mélange, et non pas à une composition comme cela aurait le cas s'il n'y avait pas eu l'étape d'oxydation, c'est-à-dire de mélange avec l'agent oxydant. De plus une répétition dans toutes les séries des essais de l'annexe du protocole de mélange de l'agent oxydant décrite dans la première série n'est pas nécessaire à une bonne compréhension des essais. L'argument du requérant I doit par conséquent être écarté.
3.5.2 Le requérant I a de plus opposé à la pertinence de ces essais le fait que la composition C8 illustrant l'état de la technique ne reproduirait pas exactement celle exemplifiée dans l'exemple 8 du document (2), en raison notamment d'autre proportion coupleur/base d'oxydation et de la présence de propylène glycol qui est connu pour améliorer la sélectivité de composition tinctoriale.
La Chambre ne peut suivre cette argumentation qui impliquerait qu'un essai comparatif ne puisse être réalisé qu'en reproduisant exactement une composition exemplifiée de l'état de la technique. En effet, un essai comparatif est également pertinent s'il démontre que l'effet allégué trouve sa source dans la ou les caractéristiques distinguant l'invention de l'état de la technique le plus proche (voir la décision T 197/86, JO OEB 1989, 371, point 6.3). Dans le cas d'espèce le requérant I n'a pas contesté le fait que la composition selon l'invention engendre une différence de sélectivité plus faible lorsque comparée dans des conditions identiques à une composition de l'art antérieur le plus proche s'en distinguant uniquement par une substitution chloro du coupleur, i.e. par la seule caractéristique différentiant l'invention de l'art antérieur. Ces essais comparatifs réalisés par le requérant II sont donc suffisants puisqu'ils démontrent de façon convaincante que l'amélioration de la sélectivité trouve sa cause dans la caractéristique distinctive de l'invention. Dès lors ces essais sont probants et l'argument du requérant I doit être rejeté.
3.5.3 Les arguments du requérant I étant rejetés, il demeure que les essais comparatifs du 24 octobre 2008 établissent que la caractéristique distinguant les compositions revendiquées de celles de l'état de la technique le plus proche de l'invention, c'est-à-dire la présence du substituant chloro en position ortho du coupleur de type 5-aminophenol entraîne une amélioration de la sélectivité de la coloration.
3.5.4 Il a donc été établi qu'une amélioration de la sélectivité se produisait lorsque le coupleur était substitué par un atome de chlore. Le chlore fait partie d'une série chimique constituée des éléments du groupe VIIA du tableau périodique appelés halogènes. Les éléments de cette série possèdent une identité de structure électronique sur leur couche extérieure, ce qui leur confère une grande homogénéité de comportement. Ce comportement similaire des halogènes "ähnliches Verhalten" a été reconnu par le requérant I lui-même dans sa lettre du 8 avril 2009 (voir page 2, 1**(ère) phrase). La Chambre en conclut qu'il est donc crédible que l'effet démontré en substituant le coupleur par un halogène particulier, dans le cas présent le chlore, s'applique de façon analogue aux autres halogènes.
3.5.5 Le requérant I a allégué en outre, sans cependant en apporter la moindre preuve, que l'amélioration établie sur la sélectivité obtenue par les compositions comprenant le coupleur substitué par le chlore ne serait pas obtenue lorsque le coupleur serait substitué par un halogène autre que le chlore.
Pour fonder son allégation il élabore une explication sur l'amélioration de la sélectivité obtenu par un coupleur lorsque celui-ci est substitué par un atome de chlore. Son point de départ est la constatation qu'il existe une différence d'électronégativité parmi les atomes d'halogène décroissante du fluor à l'astate, l'atome l'hydrogène ayant une électronégativité semblable à celle de l'astate.
Ainsi, selon le requérant I, l'oxydation du diamino pyrazole conduit à un intermédiaire ayant deux fonctions imine. Un méta-aminophénol halogéné en position ortho a une réactivité qui varie sur une fonction imine selon l'électronégativité de l'atome d'halogène substituant le méta-aminophénol. Un accroissement de la réactivité du coupleur ouvre la possibilité d'une seconde réaction sur le deuxième groupe imino de l'intermédiaire. Le colorant formé lors du couplage est de plus grande taille lorsque le coupleur est plus réactif. D'autre part, plus grande est la taille du colorant formé meilleure est la sélectivité sur les fibres kératiniques, ce qui amène à la conclusion que l'amélioration de la sélectivité de la coloration due à l'augmentation de la taille du colorant formé lors de la réaction de couplage, provient d'une différence de réactivé du coupleur sur la fonction imine, laquelle différence de réactivité est causée par une électronégativité différente des substituants du coupleur.
Cependant toute l'argumentation du requérant I n'est basée que sur de pures spéculations construites sur des suppositions, aucune d'entres elles n'étant supportée par un document ou des preuves expérimentales. Poussé à l'extrême, l'argument du requérant I aurait pour conséquence l'acceptation d'une amélioration de la sélectivité pour tout coupleur substitué par un atome d'électronégativité supérieure à celle de l'atome d'hydrogène, dont le chlore, alors même qu'il avait contesté l'amélioration pour un coupleur substitué par un atome de chlore lors de la discussion des essais comparatifs soumis par le requérant II.
Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours, chaque partie à la procédure a la charge de la preuve des faits qu'elle allègue et si un fait décisoire n'est pas prouvé, la décision est prise au détriment de la partie défaillante dans la preuve qui lui en incombe, en l'espèce le requérant I (voir décision T 270/90, JO OEB 1993, 725, point 2.1 des motifs; T 355/97, point 2.5 des motifs, non publiée au JO OEB).
La Chambre considère donc l'allégation du requérant I selon laquelle l'amélioration de la sélectivité de la coloration sur des fibres kératiniques est causée par la seule augmentation de l'électronégativité du substituant du coupleur comme purement spéculative et ne peut y souscrire pour fonder sa décision. La Chambre arrive par tant à la conclusion que le problème technique de l'amélioration de la sélectivité a bien été résolu par l'ensemble des compositions faisant l'objet de la revendication 1.
3.6 La seule question en suspens est donc de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème technique de l'amélioration de la sélectivité de la coloration découlait à l'évidence de l'état de la technique disponible, en d'autres termes, s'il était évident à la lumière de l'état de la technique pour l'homme du métier de substituer le coupleur présent dans les compositions tinctoriales du document (3) par un halogène afin d'améliorer la sélectivité de la coloration sur des fibres kératiniques.
3.6.1 Le requérant I se réfère exclusivement au document (1) pour démontrer l'évidence de la solution proposée. Ce document divulgue des compositions tinctoriales comprenant un coupleur méta-aminophénol de formule (i) selon le brevet litigieux qui est le 2-chloro-6-méthyl-3-aminophénol (voir revendication 1). Les compositions sont décrites comme donnant des colorations de bonne sélectivité (page 1, 3ème paragraphe, page 2, lignes 24, 28 et 29). Cependant aucun lien de causalité entre la présence de ce coupleur dans une composition pour la teinture d'oxydation et une quelconque amélioration de la sélectivité n'est établi dans ce document. En effet, le document (1) n'aborde pas le problème de l'amélioration de la sélectivité de la coloration. Il a pour but de mettre à disposition de nouvelles association bases d'oxydation/coupleur donnant des colorations rouges qui soient satisfaisante, entre autres avec une bonne sélectivité. D'autre part, il n'y a dans ce document aucun enseignement selon lequel une bonne sélectivité de la coloration serait due à la présence de ce coupleur spécifique dans les compositions y décrites. L'homme du métier ne peut donc en tirer aucun enseignement pour résoudre le problème à la base du brevet contesté, à savoir d'améliorer la sélectivité de la coloration de compositions comprenant des diamino pyrazoles comme base d'oxydation.
Par conséquent, l'homme du métier à la lecture du document (1) n'est aucunement incité à choisir ce coupleur chloré dans une composition tinctoriale en vue d'améliorer la sélectivité de la coloration obtenue sur des fibres kératiniques.
Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 du brevet en litige ne découle pas de manière évidente de la combinaison des documents (1) et (2).
3.6.2 L'argumentation du requérant I selon laquelle l'homme du métier sachant du document (1) que la sélectivité est améliorée par la présence du coupleur 2-chloro 6-methyl-3-aminophénol aurait envisagé les coupleurs de formule (i) chlorés en position ortho du phénol pour arriver ainsi aux compositions revendiquées est construite sur l'isolation ciblée d'un composé spécifique de la composition de teinture du document (2) en lui attribuant un rôle particulier dans la composition. Telle argumentation ne peut donc reposer que sur une analyse ex post facto de l'art antérieur, à savoir une interprétation faite en connaissance de l'invention et tendant à reconstruire à dessein les compositions selon la revendication 1 en litige, et par tant non admissible (voir entre autres les décisions non publiées au JO OEB, T 199/00, point 4.2.1 et T 235/04, point 3). Cette argumentation doit par tant être rejetée.
3.6.3 Le requérant I n'a fourni aucun autre document dans la procédure de recours, la Chambre quant à elle n'en connaissant point, qui vînt suggérer la solution proposée, ni présenté aucun autre argument établissant que la solution proposée découlerait de manière évidente de l'état de la technique.
3.7 En conséquence, l'objet de la revendication 1, et, pour les mêmes raisons, celui des revendications dépendantes 2 à 16 implique une activité inventive (Article 56 CBE).
4. La Chambre faisant droit à la requête principale, il n'y a lieu de statuer sur les requêtes subsidiaires 1 à 2 de rang inférieur.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré aux fins de maintien du brevet sur le fondement de la requête principale, et d'une description demeurant à y adapter.