T 1747/12 (COMPOSITION COSMETIQUE COMPRENANT UNE SILICONE VOLATILE, UN TENSIOACTIF SILICONE ET UN TENSIOACTIF CATIONIQUE/L'Oréal) 09-02-2017
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COMPOSITION COSMETIQUE COMPRENANT UNE SILICONE VOLATILE, UN TENSIOACTIF SILICONE ET UN TENSIOACTIF CATIONIQUE
Recevabilité de nouveaux docuemts (Oui)
Répartition des frais différente (Non)
Critères de choix de l'état de la technique le plus proche
Activité inventive - Toutes les requêtes (Non)
I. Le brevet européen n° 1 347 737 a été délivré sur la base de 20 revendications.
Le libellé de la revendication indépendante 1 s'énonçait comme suit:
"1. Composition de traitement cosmétique des matières kératiniques de type émulsion eau-dans-huile, caractérisée en ce qu'elle comprend dans un milieu cosmétiquement acceptable, au moins une silicone volatile, au moins un tensioactif siliconé et au moins un tensioactif cationique en une concentration strictement supérieure à 0,5 % en poids par rapport au poids total de la composition, choisi parmi les sels d'ammonium quaternaire, lesdits sels d'ammonium quaternaire étant choisis parmi :
- ceux qui présentent la formule générale (VI) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle :
R8 représente un groupe alkyle en C12-30, de préférence en C14-22, alcényle en C12-30, alkyl (C12-C22) amidoalkyle (C2-C6), alkyl(C12-C22)- acétate, ou un groupe aromatique tel qu'aryle ou alkylaryle en C6-C12,
R9 à R11, qui peuvent être identiques ou différents, représentent un groupe alkyle en C1-8, alcényle en C1-8, alcoxy en C1-C8, hydroxyalkyle en C1-C8, polyoxyalkylène (C2-C6) ou alkylamide en C1-C8,
X est un anion choisi dans le groupe des halogénures, phosphates, acétates, lactates, alkyl (C2-C6) sulfates, alkyl-ou alkylaryl-sulfonates ;
la quantité totale d'huiles, qui comprend au moins ladite silicone volatile, étant inférieure ou égale à 20 % en poids par rapport au poids total de la composition."
II. Une oppositions a été formée contre le brevet délivré. Le brevet a été opposé aux motifs de l'article 100(a) CBE, pour absence de nouveauté et d'activité inventive.
III. Par la décision prononcée à la clôture de la procédure orale, la division d'opposition a décidé de rejeter l'opposition.
IV. Les documents suivants, cités au cours de la procédure d'opposition restent pertinents:
(1) : WO01/28506
(2) : WO01/00141
(3) : essais comparatifs déposés par la titulaire le 21.07.2011
(4) : essais comparatifs déposés par la titulaire le 17.02.2012
(5) : essais comparatifs déposés par l'opposante le 11 avril 2012
V. Dans sa décision, la division d'opposition avait constaté que l'exemple 1 du document (1) montrait une teneur en huile supérieure à 20% en poids, et concluait de ce fait à la nouveauté vis-à-vis du document (1).
En ce qui concerne l'activité inventive, la division d'opposition avait évalué chacun des documents (1) et (2) comme potentiels états de la technique le plus proche, le document (1) ayant la préférence de l'opposante et le document (2) ayant la préférence de la titulaire.
L'exemple 1 du document (1) décrivait une émulsion H/E comprenant une silicone volatile, un tensioactif siliconé et un tensioactif cationique tel que revendiqué, mais avec une teneur en huile supérieure à 20%. La composition de l'exemple 2 comprenait des silicones volatiles, un tensioactif siliconé, une huile en quantité inférieure à 20% en poids, ainsi qu'un tensioactif cationique en quantité cependant inférieure à 0.5% en poids.
L'exemple D du document (2) divulguait une émulsion H/E contenant une huile siliconée volatile, un tensioactif siliconé, 0.9% en poids d'un tensioactif cationique, le chlorure de dicétylammonium, et moins de 20% en poids de phase huileuse.
La division d'opposition avait conclut que le document (2) devait être considéré comme l'état de la technique le plus proche, dont l'objet de la revendication 1 telle que délivrée se différenciait par le choix d'un tensioactif cationique spécifique de formule (VI).
Les essais (3) montraient un avantage quant à la facilité de rinçage à l'eau et du toucher sur cheveux secs des compositions selon l'invention. Le problème technique consistait à fournir des compositions de cheveux présentant des propriétés de rinçage et de douceur améliorées.
La solution consistait à utiliser un tensioactif cationique de formule (VI) spécifique. Les tensioactifs (VI) étaient cités dans le document (2) parmi l'ensemble des tensioactifs cationiques, mais sans indication de préférence. Rien n'incitait donc l'homme du métier à choisir ce type de tensioactif cationique (VI).
La division d'opposition concluait que l'objet de la revendication 1 impliquait une activité inventive.
VI. L'opposante (ci-après nommée requérante) a formé un recours contre cette décision.
VII. Dans son mémoire de recours daté du 17 septembre 2012, la requérante considérait le document (1) comme état de la technique le plus proche au regard de l'évaluation de l'activité inventive.
VIII. Par sa lettre datée du 26 mars 2013, la titulaire (ci-après nommée intimée) a soumis les essais comparatifs (6), correspondant aux essais (4) avec des indications supplémentaires, dans la procédure de recours et a soumis une requête subsidiaire 1.
L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 différait de celui de la requête principale par la spécification du sel d'ammonium quaternaire, qui était "choisi parmi le chlorure de béhényltriméthylammonium et le chlorure de palmitylamidopropyltriméthylammonium".
Dans son argumentaire, l'intimée considérait en outre le document (2) comme état de la technique le plus proche au regard de l'activité inventive.
IX. Par une lettre datée du 3 février 2016, l'intimée a soumis des essais comparatifs complétés:
(3'): Essais comparatifs (3) complétés
(4'): Essais comparatifs (4) complétés
X. Aux fins de la préparation de la procédure orale, la Chambre a envoyé une notification datée du 8 février 2016. Dans cette notification, la Chambre prenait en considération les deux documents (1) et (2) dans l'examen de l'invention eu égard à l'activité inventive. La Chambre estimait en outre que le rendu des résultats de tests comparatifs (3) et (6) soumis par l'intimée et des test comparatifs (5) soumis par la requérante était inexploitable sous leur forme.
XI. Par une lettre datée du 22 février 2016, l'intimée a soumis en réponse à la notification de la Chambre des essais comparatifs complétés:
(3''): Essais comparatifs (3') complétés
(4''): Essais comparatifs (4') complétés
XII. Par une lettre datée du 24 février, la requérante demandait que les essais déposés par l'intimée dans sa lettre du 22 février 2016 ne soient pas admis dans la procédure. Dans le cas où ils fussent admis, la requérante demandait un report de la procédure orale.
XIII. Dans sa notification datée du 26 février 2016, la Chambre avançait que son opinion préliminaire était de considérer ces essais comme recevables et reportait la procédure orale prévue initialement pour le 3 mars 2016.
XIV. Par lettre datée du 24 août 2016, la requérante soumettait de nouveaux documents:
(7): Comparative tests report
(8): Quartamin BTC 131, Product Data Sheet
(9): Varisoft 432, Technical Data
(10): Dow Corning 5225C Formulation Aid
XV. La procédure orale s'est tenue le 9 février 2017.
XVI. Les arguments suivants ont été avancés par la requérante:
Recevabilité des documents (3'), (3''), (4') et (4'')
Le dossier de recours aurait dû être complet après le mémoire de recours de la requérante et la réponse à celui-ci. L'intimée avait donc fait le choix de ne pas déposer un dossier complet depuis le début de la procédure. Ces documents avaient été déposés après la notification de la Chambre.
Recevabilité du document (7)
Ces essais étaient une répétition des essais vis-à-vis du document (2) en réponse aux essais (3'') et (4'') et étaient recevables.
Requête principale - Activité inventive
Le document (1) représentait l'état de la technique le plus proche car il divulguait, en particulier dans ses exemples 1 et 2, toutes les caractéristiques de la revendication 1 de la requête principale, à l'exception des quantités exactes. En cela, il était plus proche de l'invention que le document (2).
L'objet revendiqué se différenciait des exemples 1 et 2 par respectivement les quantités de silicone et de tensioactif cationique.
Les essais (4'') de l'intimée ne pouvaient être pris en compte étant donné la taille très réduite du panel et les résultats chiffrés très proches et donc statistiquement non pertinents. Les essais (5) prouvaient qu'il n'y avait pas d'effets liés à la différence technique.
Le problème devenait la mise à disposition d'une composition alternative. La solution était évidente au vu des concentrations des produits divulgués dans le document (1).
Le document (2) mentionnait le problème de facilité de rinçabilité, mais ne divulguait pas l'utilisation d'un tensioactif cationique de formule (VI) en particulier dans l'exemple D. Les essais (7) montraient que ces formulations n'offraient aucun avantage ou effet technique. Les formulations utilisées dans les essais (3'') de l'intimée, censées démontrer l'existence d'un effet lié à ces tensioactifs particuliers, ne correspondaient pas exactement à la formulation divulguée dans l'exemple D. Certains constituants mineurs présents dans les produits cosmétiques de l'exemple D, comme l'isopropanol ou l'hexylène glycol présent dans les DC5225C, Varisoft 432G ou Quartanim BTC131, n'étaient en effet présents ni dans les compositions comparatives ni dans la composition selon l'invention du document (3''). Les essais (3'') étaient déficients quant à leur mode opératoire et ne pouvaient donc être pris en compte et le problème devenait la mise à disposition de composition cosmétiques alternatives.
La solution était divulguée dans le document (2) qui suggérait l'utilisation de tensioactifs de formule (VI).
Requête subsidiaire 1 - Activité inventive
Le document (1) mentionnait des trimethylalkylammonium avec un possibilité de chaîne carbonée allant jusqu'à 22 atomes de carbone. La solution était donc évidente.
Répartition des frais différente
La requérante demandait une répartition des frais différente, en raison de l'annulation de la première procédure orale après le dépôt des essais (3'') et (4''). Le dépôt tardif de ces documents était un abus évident de la part de l'intimée. La requérante n'aurait pas eu le temps de préparer correctement la procédure orale et aurait été en situation désavantageuse si ladite procédure orale avait été maintenue. L'annulation tardive de la procédure orale avait occasionné des coûts liés aux frais d'annulation des réservations.
XVII. Les arguments suivants ont été avancés par l'intimée:
Recevabilité des documents (3'), (3''), (4') et (4'')
Ces essais avaient été déposés en réponse à la notification de la Chambre, donc en réaction à l'opinion préliminaire; la validité des tests (3) et (4) n'avait jamais été soulevée auparavant. Lesdits essais correspondaient aux essais (3) et (4), mais complétés en particulier par les résultats individuels. Seules des données supplémentaires avaient donc été déposées, les documents et leur interprétation ne changeaient pas.
Recevabilité du document (7)
La requérante avait déposé les essais (7) très tardivement, et ces essais ne devaient pas être considérés comme recevables pour cette raison.
Requête principale - Activité inventive
Le document (1) ne mentionnait pas le problème de la rinçabilité des cheveux et le but de ce document était différent, à savoir la transparence des compositions. Ce but était atteint par une combinaison de silicones. A la vue des exemples 1 et 2 du document (1), l'homme du métier aurait cherché à obtenir d'autres compositions transparentes. Les essais (4'') montraient un meilleur résultat global pour les compositions de la présente invention en terme de qualité de toucher et en terme de douceur sur cheveux humides.
A la vue des exemples 1 et 2 du document (1), l'homme du métier aurait cherché à obtenir d'autres compositions transparentes, et pas à diminuer la concentration en silicone ou à augmenter les quantités de tensioactifs, vu qu'il n'y avait pas de garantie que de telles variations eussent permis de garder la transparence.
Le document (2) divulguait une composition de soin des cheveux qui présentait une bonne facilité de rinçage et conférait aux cheveux des bonnes propriétés conditionnantes. Le document (2) appelait en outre peu de modifications structurelles pour atteindre l'invention revendiquée et devait donc être considéré comme l'état de la technique le plus proche.
L'invention telle que revendiquée dans la revendication 1 se distinguait de l'exemple D du document (2) par le choix d'un tensioactif cationique spécifique de formule (VI).
L'effet technique de cette différence était démontré par les essais (3''). Ces essais montraient que la composition selon l'invention 1 conduisait à de meilleures propriétés cosmétiques conditionnantes en terme de facilité de rinçage et de toucher par rapport à la composition comparative A. Le degré de sensibilisation des cheveux était donné par le taux de solubilité alcaline de 20%, alors que ce point n'était pas divulgué dans les essais (7) de la requérante. Les conclusions desdits essais (7) n'étaient pas pertinentes pour contrer les essais (3'').
Le problème technique objectif était donc d'obtenir une composition qui présentait une meilleure rinçabilité et conférait aux cheveux un meilleur toucher.
Il n'y avait pas d'incitation dans le document (2) à choisir un tel tensioactif cationique spécifique pour résoudre le problème technique objectif défini précédemment et la solution au problème posé résidait en l'ajustement de la quantité de silicone volatile. La présence du tensioactif cationique y était en effet optionnelle.
Le document (1) ne venait pas combler les lacunes du document (2) puisque rien n'y incitait l'homme du métier à choisir un tensioactif cationique de formule (VI) pour améliorer la facilité de rinçage et le toucher. Ainsi, l'invention présentait le caractère inventif requis vis-à-vis du document (2).
Requête subsidiaire 1 - Activité inventive
Aucun des composés revendiqués n'était divulgué ou suggéré dans les documents (1) ou (2). Par ailleurs, la chaîne carbonée C22 n'était pas divulguée en association avec un trimethyl alkylammonium dans le document (1).
Répartition des frais différente
Cette demande de la requérante n'était pas justifiée. La titulaire n'avait fait que répondre à une demande de la Chambre, et ce très rapidement, par le dépôt d'essais complétés et non de nouveaux essais. La requérante avait en outre profité et tiré avantage du délai provoqué par le report de la procédure orale pour déposer des nouveaux essais (7).
XVIII. Requêtes
La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet. La requérante a demandé en outre que les essais comparatifs de la titulaire soumis le 3 février 2016 et le 22 février 2016 (à savoir les documents (3'), (3''), (4') et (4'')) ne soient pas admis dans la procédure, ou à défaut qu'une répartition des frais différente soit ordonnée.
L'intimée a demandé le rejet du recours et, à défaut le maintien du brevet sur la base de la requête subsidiaire 1 telle que soumise avec la lettre du 26 mars 2013.
1. Recevabilité des documents (3'') et (4'')
Les essais comparatifs (3'') et (4'') ont été soumis par l'intimée par lettre datée du 22 février 2016 et sont une réaction aux points soulevés spécifiquement par la Chambre pour la première fois dans sa notification datée du 8 février 2016.
Les essais (3'') et (4'') correspondent en outre à des pièces déjà présentes dans la procédure et soumises en première instance devant la division d'opposition sous la forme des essais comparatifs (3) et (4), dont les essais (3'') et (4'') se distinguent uniquement par la précision de l'échelle de notation détaillée utilisée pour les tests ainsi que de l'indication des notes individuelles des échantillons testés, les résultats globaux étant identiques. L'absence de ces données avait été mis en exergue dans la notification de la Chambre de recours, car elles apparaissent primordiales pour l'évaluation de la pertinence statistique des résultats et donc de l'existence d'un effet technique.
En conséquence, les documents (3'') et (4'') sont admis aux débats.
Par ailleurs, une décision sur la recevabilité des essais (3') et (4') n'est pas nécessaire, puisque les informations techniques de ces essais sont contenues dans leur intégralité dans les essais (3'') et (4'').
2. Recevabilité des essais comparatifs (7)
Parallèlement à l'introduction des documents (3'') et (4'') dans la procédure, la procédure orale a été reportée à une date ultérieure à la demande de la requérante pour lui permettre d'analyser les données tardives.
Les essais comparatifs (7) ont ainsi été déposés ultérieurement par la requérante en réponse au dépôt des essais (3'') et (4''), et constituent une répétition d'une partie de ces essais par la requérante. La mise aux débats dudit document (7) s'est de ce fait imposée.
3. Requête principale - Activité inventive
3.1 La présente invention est relative à une composition de traitement cosmétique des matières kératiniques, de type émulsion eau dans-huile, comprenant dans un milieu
cosmétiquement acceptable, au moins une silicone volatile, au moins un tensioactif siliconé et au moins un tensioactif cationique, et à un procédé de traitement cosmétique des matières kératiniques. Les mélanges de silicone volatile et de tensioactif siliconé utilisés dans l'état de la technique pour le traitement des cheveux, et en particulier comme après shampoing, ne permettent pas d'obtenir des propriétés cosmétiques satisfaisantes. En outre, après rinçage des cheveux, il reste toujours des traces du mélange sur les cheveux. L'introduction d'un tensioactif cationique spécifique de formule (VI) en une concentration strictement supérieure à 0,5 % en poids, dans un mélange de silicone volatile et de tensioactif siliconé, permet une nette amélioration des propriétés cosmétiques des cheveux, par exemple, le démêlage et la douceur ainsi que l'amélioration de la rinçabilité des cheveux (voir par. [0001]-[0005]).
3.2 Les documents (1) et (2) ont été mentionnés par la requérante comme potentiels états de la technique le plus proche, alors que l'intimée considérait que le document (2), qui avait été le choix de la division d'opposition dans sa décision, était plus proche.
3.2.1 Le document (1) se rapporte à une composition de conditionnement des cheveux de type eau dans silicone translucide comprenant une silicone, un tensioactif siliconique ainsi qu'un agent conditionneur cationique, et présentant de bonnes propriétés de distribution sur les cheveux, ainsi que de douceur des cheveux après son application (voir page 1, lignes 5-11, page 2, lignes 11-16 et page 3, lignes 5-9). Le composé cationique préféré est le cetyl trimethylammonium chloride, qui tombe sous la formule générale (VI) du brevet contesté, et la silicone volatile peut être présente à des concentrations allant de 5 à 30% en poids (voir page 4, lignes 23-24 ; page 6, lignes 20-29).
L'exemple 1 comprend ainsi 21,4% en poids de silicone volatile, ce qui le différencie de l'invention revendiquée, 0,6% en poids d'un tensioactif siliconique, le Dow Corning 3225C et 1% en poids de cetyl triméthylammmonium chloride.
L'exemple 2 se distingue de la composition revendiquée par une teneur en tensioactif cationique inférieure à 0,5% en poids, en l'occurrence de 0,035% en poids.
Ce document divulgue ainsi tous les éléments techniques de la revendication 1 de la requête principale, en particulier la présence d'un dérivé cationique de formule (VI), mais pas explicitement dans les quantités requises, en l'occurrence moins de 20% de silicone volatile (exemple 1) ou plus de 0.5% de tensioactif cationique (exemple 2). Le document (1) ne mentionne pas le problème de la rinçabilité.
3.2.2 Le document (2) a trait à des compositions de conditionnement des cheveux de type eau dans silicone comprenant principalement une silicone volatile, un tensioactif siliconique et optionnellement un dérivé cationique, tel que le cetrimonium chloride ou le dicetyldimonium chloride (voir page 5 et page 17). Cette composition permet de diminuer le dépôt de silicone sur les cheveux et par là, de faciliter le rinçage de la composition et d'améliorer l'aspect des cheveux (voir page 3, lignes 2-13). L'exemple D divulgue une composition comportant 5% en poids de tensioactif siliconique, 2% en poids de silicone volatile et 3% en poids de dicetyldimonium chloride. Le dicetyldimonium chloride est un sel d'ammonium quaternaire contenant 2 groupements alkyle à longue chaîne; il n'est donc pas inclus dans la formule (VI) qui ne prévoit qu'un seul alkyle à chaîne longue (voir la définition des radicaux R8-R11).
Ce document ne divulgue donc pas directement et sans ambiguïté une composition comprenant un dérivé cationique de formule (VI) comme revendiqué par la présente invention.
3.2.3 Il s'avère que les documents cités se rapportent tous au même domaine technique que la présente invention et en sont également extrêmement proches, puisque les compositions divulguées dans les documents (1) et (2) présentent le même nombre de caractéristiques en commun avec l'invention revendiquée et mentionnent tous les deux également au moins certains aspects du problème que la présente invention cherche à résoudre, en l'occurrence l'amélioration des propriétés de douceur sur les cheveux dans le cas du document (1) et l'amélioration du rinçage et de l'aspect des cheveux dans le cas du document (2).
Selon l'intimée, pour décider des documents (1) et (2) celui qui doit être considéré comme représentant l'état de la technique le plus proche, il est primordial de tenir compte de la finalité principale du brevet, qui consiste principalement à éviter la rémanence de traces de la composition après utilisation sur les cheveux et donc l'amélioration de la rinçabilité des cheveux (voir par. [0001]-[0005]). Selon l'intimée, c'est donc le document (2) qui doit être pris en compte comme état de la technique le plus proche. Ce choix et le raisonnement afférent était aussi celui de la division d'opposition dans sa décision.
3.2.4 Lorsque plusieurs documents rentrent en ligne de compte, il convient de choisir un document constituant le "tremplin le plus prometteur pour parvenir à l'invention" dont dispose l'homme du métier pour arriver le plus facilement à l'invention revendiquée; certains critères permettent de déterminer cet état de la technique le plus proche qui servira de point de départ:
a) En premier lieu, le critère le plus important est que l'état de la technique le plus proche doit s'intéresser à un objet conçu dans le même but que l'objet revendiqué, correspondant à un usage similaire ou concernant le même problème technique ou un problème similaire, ou au moins appartenant au même domaine technique ou à un domaine très proche, et présentant pour l'essentiel des caractéristiques techniques semblables, à savoir qui appellent peu de modifications structurelles (cf. La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, I.D.3.2).
Ceci ne signifie cependant pas que, dans les cas où une invention s'attache à résoudre une liste de problèmes spécifiques, ledit état de la technique le plus proche doive nécessairement divulguer ou mentionner spécifiquement tous ces problèmes spécifiques ou plus particulièrement un seul de ces problèmes pris isolément.
Ainsi, le fait d'insérer simplement un but ou plus encore une liste/série de buts spécifiques dans la description n'autorise pas un titulaire à s'opposer à toute objection pour absence d'activité inventive soulevée sur la base d'un document ne mentionnant pas un des buts précis précité, si ce document s'intéressait à une utilisation semblable. Ceci est encore plus pertinent quand il s'avère ensuite que ledit problème technique précis revendiqué par la demande ou le brevet n'est pas résolu sur l'entière portée de la revendication ou sur une partie de celle-ci.
b) En tant que critère de deuxième rang, l'état de la technique le plus proche devrait divulguer un objet ayant le plus de caractéristiques en commun avec l'invention revendiquée, donc requérant le moins de modifications structurelles et fonctionnelles.
Dans le cas présent, les deux documents (1) et (2) présentent des compositions conçues pour le même but et appartenant au même domaine technique très précis que le brevet contesté, à savoir des compositions de conditionnement des cheveux, et ont donc un usage similaire et les mêmes actions et effets sur les cheveux. On peut donc légitimement s'attendre à ce que le type de composition cosmétique divulgué dans les documents (1) et (2) présente de manière générale les mêmes problèmes techniques, ou des problèmes techniques découlant forcément de l'usage similaire.
En outre, même si le document (1) ne mentionne pas explicitement l'intégralité des objectifs de l'objet revendiqué, en particulier une amélioration de la rinçabilité, il est indéniable qu'il mentionne l'amélioration du toucher des cheveux en particulier la douceur, qui est aussi l'un des objectifs du brevet contesté (voir document (1), page 3, ligne 8).
Enfin, même si les propriétés afférentes à l'amélioration de la rinçabilité ne sont pas explicitement mentionnées dans le document (1), il reste que ses exemples 1 et 2 contiennent bien un dérivé cationique de formule (VI), à savoir un produit déjà connu de l'état de la technique. En l'absence de toute indication ou remarque spécifique dans les exemples 1 et 2 du document (1) liées à ces propriétés, il est immédiatement apparent et évident à l'homme du métier que les propriétés et les capacités des compositions qui y sont divulguées sont a priori satisfaisantes.
Dans le cas présent, il est donc indéniable que les deux documents (1) et (2) constituent des points de départ raisonnables et équivalents. L'activité inventive ne pourra donc être effectivement reconnue qu'après avoir appliqué l'approche problème-solution à chacune des options. Pour conclure à un manque d'activité inventive, il suffit en effet que l'objet revendiqué découle de manière évidente de l'état de la technique lorsqu'on se base sur une de ces approches.
En effet, en règle générale, dans une situation comme la situation présente où plusieurs états de la technique présentent une grande proximité avec l'invention revendiquée, l'objet revendiqué doit impliquer une activité inventive vis-à-vis de chacun des documents de l'état de la technique. Si l'homme du métier a a priori le choix entre plusieurs documents de l'état de la technique comme points de départ raisonnables, l'activité inventive ne peut être effectivement reconnue qu'après avoir appliqué l'approche problème-solution à chacune des options (cf. T 967/97 (voir exergue), T 21/08 (voir point 1.2.3), T 2123/14 (voir 1.2.2)). Si l'une des options met en lumière l'évidence, il n'y a alors pas d'activité inventive. En outre, la potentielle démonstration de la non-évidence par rapport à un document de l'état de la technique ne suffit pas à établir la non-évidence par rapport à l'ensemble des documents disponibles constituant un point de départ raisonnable. L'approche problème-solution peut ainsi nécessiter d'être répétée pour chacune desdites options (cf. T 710/97).
La Chambre estime ainsi nécessaire d'examiner l'invention par rapport aux deux documents et commencera, pour ce faire, avec le document (1).
3.3 Selon l'intimée, le problème consiste à obtenir une composition permettant une amélioration des propriétés cosmétiques quant à la facilité de rinçage à l'eau et au toucher des cheveux.
3.4 Evaluation du succès de la solution| |
Etant donné qu'aucun des exemples du brevet contesté ne présentait des données expérimentales, l'intimée a soumis à cet effet les essais comparatifs (4'') afin de démontrer l'existence d'une amélioration vis-à-vis du document (1).
A l'inverse pour démontrer l'absence d'une quelconque amélioration, la requérante s'appuie sur les tests comparatifs du document (5), qui comparent une composition selon le document (1).
3.4.1 Les essais (4'') présentent une comparaison entre des compositions selon l'invention et les compositions des exemples 1 et 2 du document (1), différant respectivement par la quantité en silicone volatile et par la quantité de tensioactif cationique, en terme de douceur sur cheveux humides. Les compositions sont appliquées sur une mèche de cheveux sensibilisés et un panel de cinq experts évalue la qualité du toucher.
Dans la comparaison entre la composition de l'exemple 1 du document (1) et une composition selon l'invention, seule trois évaluations sur le total de cinq donnent un avantage à la composition selon l'invention avec des notes moyennes respectives de 3,2 pour la composition de l'exemple 1 du document (1) et 3,7 pour la composition selon l'invention. La Chambre considère qu'un tel résultat sur un panel d'aussi petite taille n'est pas suffisant pour permettre d'établir de façon crédible l'existence d'une amélioration. En l'absence d'une preuve ou d'une argumentation technique établissant une plausibilité minimale quant à l'existence d'une amélioration vis-à-vis de la composition de l'exemple 1 du document (1), le problème technique ne peut qu'être reformulé sous la forme de la mise à disposition d' une composition cosmétique alternative.
Au vu de cette constatation, il n'y a pas de nécessité de discuter des essais (5) soumis par la requérante pour prouver l'absence d'effet technique.
3.4.2 Evidence de la solution
Etant donné que le problème posé consiste en la mise à disposition d'une composition alternative, il relève de l'homme du métier de modifier la composition existante dans le cadre de son activité normale et sans faire preuve d'inventivité, cela d'autant que cette solution était déjà connue.
Le document (1) envisage l'utilisation d'huiles de silicone à des concentrations comprises entre 5 et 30% en poids, donc inférieures à 20% en poids (voir revendication 12). La solution est donc connue du document (1) et est par conséquent évidente.
3.4.3 Il en ressort que la solution proposée par l'objet de la revendication 1 de la requête principale ne peut être considérée comme impliquant une activité inventive.
Par conséquent, les conditions de l'article 56 CBE ne sont pas remplies pour la requête principale.
3.4.4 Il n'y adonc pas lieu de discuter l'activité inventive de cette requête en considérant le document (2) comme état de la technique le plus proche.
4. Requête subsidiaire 1 - Activité inventive
4.1 L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 se distingue de l'objet de la revendication 1 telle que délivrée par la spécification des tensioactifs cationiques, en l'occurrence "les tensioactifs cationiques sont choisis parmi le chlorure de béhényltriméthylammonium et le chlorure de palmitylamidopropyltriméthylammonium".
Cette modification n'a aucune incidence quant à la formulation du problème. Il reste donc à évaluer l'évidence de la solution en partant en partant tout d'abord du document (1) comme état de la technique le plus proche.
4.2 Le document (1) envisage l'utilisation de sels d'ammonium de formule générale (III):
N**((+))R**(1)R**(2)R**(3)R**(4)X**((-))
Les radicaux R peuvent être en particulier un groupe aliphatique en C1-C22, le groupe C22 étant le behenyle, et une des classes de composés préférentiels pouvant être les chlorures d'alkyltrimethylammonium (voir page 6, lignes 8-25 ). A partir de cette classe, l'homme du métier a simplement à sélectionner le behenyle parmi les alkyles pour arriver à un tensio-actif cationique selon la revendication 1.
La solution est donc suggérée par le document (1) et est par conséquent évidente. Il en ressort que la solution proposée par l'objet de la revendication 1 de la requête auxiliaire 1 ne peut être considérée comme impliquant une activité inventive, en considérant le document (1) comme état de la technique le plus proche.
4.3 Par conséquent, les conditions de l'article 56 CBE ne sont pas remplies pour la requête subsidiaire 1.
5. Répartition des frais différente
L'article 104(1) CBE prévoit que chaque partie à la procédure d'opposition supporte les frais qu'elle a exposés, à moins que la division opposition n'arrête une répartition différente des frais dans la mesure où l'équité l'exige. Ce principe s'applique également à la procédure de recours en vertu de la règle 100(1) CBE.
La requérante demande qu'une répartition différente des frais, au sens de l'article 104(1) CBE, soit ordonnée en raison du dépôt tardif en particulier des essais (3'') et (4'') par lettre datée du 22 février 2016 et du report conséquent de la procédure orale qui devait se tenir initialement le 3 mars 2016.
La Chambre ne peut suivre l'argumentation de la requérante. Les essais (3'') et (4'') ont été déposés en réponse à la notification de la Chambre et correspondent aux essais (3) et (4) déjà présents dans la procédure avec des indications supplémentaires quant au mode opératoire, le système de notation et les notes individuelles du panel testé. A la suite du dépôt de ces essais, le report de la procédure orale prévue pour le 3 mars 2016 fût fait à la demande de la requérante qui, en outre, en a tiré avantage par le dépôt des contre-essais (7).
En outre, au vu des faits, il est évident qu'il n'était pas de la responsabilité de l'intimée que la requérante dût encourir des frais supplémentaires d'annulation de réservation dus à l'annulation de la procédure orale prévue pour le 3 mars 2016.
Il n'y a donc pas lieu d'arrêter une répartition différente des frais au sens de l'article 104(1) CBE.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.
3. La requête en répartition des frais est rejetée.