Information
Cette décision n'est disponible qu'en Anglais.
T 0189/95 (Composition amaigrissante/L'OREAL) 29-02-2000
Téléchargement et informations complémentaires:
Utilisation du nicotinate d'alpha-tocophérol, de benzyle, de xanthinol ou d'hexyle ou de l'acétate d'alpha-tocophérol dans une composition cosmétique ou pharmaceutique à action amaigrissante
I. La demande de brevet européen 89 403 150.9 a donné lieu à la délivrance du brevet n 0 371 844 sur la base d'un jeu de 5 revendications pour tous les Etats contractants.
II. La requérante a formé opposition au brevet et requis sa révocation pour manque de nouveauté et d'activité inventive au titre de l'article 100 a) CBE.
Pour la présente décision, les documents suivants, cités parmi d'autres au cours de la procédure d'opposition, sont retenus :
(1) GB-A-2 002 232,
(2) CH-A-641 346,
(3) GB-A-2 166 954,
III. Par décision signifiée par voie postale le 8. février 1995, la Division d'opposition a rejeté l'opposition conformément à l'article 102(2) CBE.
La Division d'opposition a considéré que l'effet lipolytique attribué aux substances revendiquées était le facteur essentiel dans l'évaluation de la nouveauté et de l'activité inventive.
Elle a souligné que le nouvel enseignement technique selon lequel les nicotinates ou l'acétate de tocophérol, définis dans la revendication 1, exerçaient eux-mêmes une activité lipolytique en sus de l'activité vasodilatatrice connue, n'était décrit dans aucun des documents cités par l'opposante.
En ce qui concerne l'activité inventive, la Division d'opposition a constaté que l'art antérieur le plus proche, le document (1), décrivait un traitement amincissant dans lequel des dérivés de l'acide nicotinique étaient bien utilisés, mais en tant qu'agents vaso-dilatateurs et en combinaison avec un régime alimentaire lui même responsable de la lipolyse. Elle a donc souligné que l'homme du métier n'aurait pu trouver dans ce document aucune indication de l'effet d'activation des lipases produit directement par les substances spécifiques revendiquées, même en absence d'un régime alimentaire.
L'objet revendiqué n'aurait pas été rendu évident non-plus par la combinaison du document (1) avec les documents (2) ou (3). En fait, ces documents décrivaient des compositions amincissantes dans lesquelles l'effet anticellulitique était produit principalement par des extraits végétaux ou des huiles essentielles. Selon le document (3), ces extraits végétaux étaient associés à des dérivés de l'acide nicotinique présentés comme agents vaso-dilatateurs ou rubéfiants pour renforcer l'action amincissante. D'autre part, le document (2) décrivait une seule composition contenant un dérivé nicotinique sans préciser son effet dans la composition.
La Division d'opposition a donc conclu qu'un homme du métier n'aurait trouvé dans ces documents aucune suggestion d'une activité lipolytique produite par les nicotinates ou l'acétate de la revendication 1.
IV. La requérante a formé un recours à l'encontre de cette décision. Elle a souligné que les documents (2) et (3), décrivaient des compositions utilisées pour l'obtention du même effet anti-cellulite et amaigrissant cité dans la revendication 1 et comportant des dérivés de l'acide nicotinique également cités dans la revendication. Selon la requérante la nouvelle propriété de ces dérivés, notamment l'action lipolytique mise en évidence par l'intimée, ne représentait rien d'autre que l'explication d'un des mécanismes selon lesquels les nicotinates exerçaient leur action amaigrissante, et ne reflétait pas un effet technique nouveau résultant dans une utilisation nouvelle. Donc l'objet revendiqué se réduisait à l'utilisation de substances connues pour atteindre un effet connu.
D'autre part, l'exclusion de l'objet revendiqué de toute autre substance lipolytique à activité "caféine-like" n'aurait pas pu établir la nouveauté de l'invention, étant donné que les compositions amaigrissantes décrites dans les documents (2) et (3), elles non plus, ne comportaient aucune substance "caféine-like".
L'intimée a déposé le 7 février 2000, en réponse à une notification de la Chambre, une requête principale modifiée, en revendiquant séparément les deux utilisations cosmétique et pharmaceutique dans deux revendications indépendantes et une requête subsidiaire dans laquelle l'utilisation pharmaceutique était abandonnée.
L'intimée a fait valoir que, selon les nouvelles revendications 1 des requêtes principale et subsidiaire, la composition cosmétique préparée en utilisant les nicotinates en question était définie comme étant destinée au traitement lipolytique de la cellulite et des surcharges graisseuses localisées. Cependant, cette activité lipolytique des nicotinates n'était pas décrite par les documents cités par la requérante. Pour cette raison il n'était nullement suggéré dans les documents antérieurs que des nicotinates ou l'acétate de alpha-tocophérol pouvaient être utilisés à eux seuls comme agents lipolytiques, sans les autres ingrédients des compositions décrites par les documents antérieurs. De plus, les substances sélectionnées selon la revendication 1 étaient les seules et uniques substances à avoir une telle action lipolytique, comme clairement prouvé par l'essai illustré dans le brevet.
Pendant la procédure orale, qui a eu lieu le 29. février 2000, l'intimée a tenté d'introduire dans la procédure deux nouveaux jeux de revendications amendées, dans chacun desquels la revendication indépendante était limitée à l'utilisation d'une substance lipolytique pour la préparation d'une composition contenant en tant que seule substance active amaigrissante les nicotinates en question.
En considération du fait que le support dans la demande telle que déposée, au titre de l'article 123(2) CBE, pour les modifications proposées apparaissait très douteux à la Chambre et au vu de l'état très avancé de la procédure, la Chambre a fait usage de son pouvoir discrétionnaire de ne pas admettre dans la procédure ces requêtes tardives qui n'étaient pas clairement recevables (voir à cet égard la jurisprudence citée dans "La Jurisprudence des Chambres de Recours de l'Office européen des brevets", troisième édition 1998, page 564 et suit).
V. Le libellé des revendications indépendantes dans le jeu de revendications de la requête principale est le suivant.
1. "Utilisation d'une substance lipolytique à activité caféine-like pour la préparation d'une composition cosmétique à action amaigrissante, destinée à combattre la cellulite et les surcharges graisseuses localisées, caractérisée par le fait que ladite substance est choisie dans le groupe constitué par le nicotinate d'alpha-tocophérol, de benzyle, de xanthinol ou d'hexyle, l'acétate d'alpha-tocophérol et leur mélange, et que ladite composition est exempte de toute autre substance lipolytique à activité caféine-like."
2. "Utilisation du nicotinate d'alpha-tocophérol, de benzyle, de xanthinol ou d'hexyle ou de l'acétate d'alpha-tocophérol ou leur mélange, en tant que substance(s) lipolytique(s) à activité caféine-like, pour la préparation d'une composition pharmaceutique destinée au traitement lipolytique de la cellulite et des surcharges graisseuses localisées, ladite composition étant exempte de toute autre substance lipolytique à activité caféine-like."
Dans la requête subsidiaire la revendication 1 est identique à celle de la demande principale, tandis que la revendication d'utilisation dans le domaine de la pharmacie a été abandonnée.
VI. La requérante (opposante) demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée (propriétaire) demande le maintient du brevet sur la base des requêtes principale ou subsidiaire déposées le 7 février 2000.
1. Le recours est recevable.
2. Nouveauté
2.1. Les revendications 1, formulées de façon identique dans les requêtes principale et subsidiaire portent sur :
i) L'utilisation d'une substance lipolytique, choisie dans un groupe de substances définies,
ii) pour la préparation d'une composition cosmétique à action amaigrissante,
iii) la dite composition étant destinée à combattre la cellulite et les surcharges graisseuses localisées et
iv) étant exempte de toute autre substance lipolytique à activité caféine-like.
2.2. Il ne fait aucun doute que des substances citées dans la revendication 1 ont déjà été utilisées pour la préparation de compositions amaigrissantes. Ainsi, le document (2), qui porte sur des préparations amincissantes et anticellulitiques, décrit dans l'exemple 5 une préparation pour bain comportant des huiles essentielles et du nicotate de benzyle. Également, le document (3) décrit des compositions amincissantes comportant des extraits végétaux à action amaigrissante associés à au moins une substance rubéfiante choisie dans un groupe d'ester de l'acide nicotinique tel que le nicotinate d'alpha-tocophérol, d'hexyle et de benzyle (voir le paragraphe à la page 1, lignes 53-56 et l'exemple C).
Par contre, aucun de ces documents ne contient d'enseignement ou de divulgation en relation avec l'activité lipolytique des substances en question. En effet, ces substances étaient comprises dans les compositions de l'art antérieur en tant qu'agents vasodilatateurs.
2.3. Par conséquent, l'appréciation de la nouveauté de l'objet de la revendication 1 dépend de la question de savoir si la découverte de la nouvelle propriété lipolytique des substances revendiquées, propriété non reconnue par les documents antérieurs, peut conférer un caractère de nouveauté à l'utilisation de ces substances pour la préparation d'une composition cosmétique à action également amaigrissante, en accord avec les conditions énoncées par les décisions G 2/88 (JO OEB 1990, 93) et G 6/88 (JO OEB 1990, 114).
Avec les décisions sus-mentionnées, la Grande Chambre de recours a établi que dans le cas d'une revendication portant sur une nouvelle utilisation d'un composé connu, cette nouvelle utilisation peut découler d'un effet technique qui vient d'être découvert, et qui est décrit dans le brevet. L'obtention de cet effet technique est donc considérée comme une caractéristique fonctionnelle de l'objet revendiqué, caractéristique qui doit être indiquée dans la revendication. Il ressort donc de ces décisions que la nouveauté de l'invention est reconnue lorsque la découverte d'une nouvelle propriété d'un composé connu, dans le cas présent l'activité lipolytique, donne lieu à une utilisation jusqu'alors inconnue de ce composé.
2.4. Cependant, une nouvelle propriété d'une substance, c'est-à-dire le nouvel effet technique visé dans les décisions sus-mentionnées, ne se traduit pas nécessairement par, ni ne conduit toujours à une nouvelle utilisation de la même substance. A titre d'exemple, la nouvelle propriété découverte peut représenter la simple explication du mécanisme qui débouche sur l'utilisation déjà décrite dans l'art antérieur, comme cela était le cas dans la décision T 892/94 (JO OEB 2000, 1). Comme dans la précédente affaire, la Chambre considère ici que la mise en évidence d'une propriété ou d'une activité ne suffit pas pour conférer un caractère de nouveauté à une revendication portant sur l'utilisation d'une substance connue pour un usage non médical connu, si la propriété ou l'activité nouvellement découverte ne fait qu'apparaître ce qui est à la base de l'utilisation connue de la substance connue.
Dans le cas présent, la découverte de la propriété lipolytique des différents nicotinates ou de l'acétate d'alpha-tocophérol selon la revendication 1 implique à l'évidence une utilisation en tant que principe actif lipolytique, dont la seule finalité est celle de combattre les surcharges graisseuses. Par conséquent, la propriété nouvellement découverte, bien que sous-tendant un mécanisme différent de celui envisagé par les document (2) et (3), aboutit nécessairement à l'obtention du même résultat que celui poursuivi par les documents antérieurs et donc à une utilisation pratique qui ne s'écarte pas de l'utilisation des mêmes substances dans les compositions également amaigrissantes et anti-cellulitiques décrites dans l'art antérieur. Ces considérations sont confirmées à l'évidence par la forme rédactionnelle de la revendication qui ne laisse aucun doute sur l'utilisation finale et pratique des substances dont il est question, notamment pour combattre la cellulite et les surcharges graisseuses localisées.
Pour cette raison, les conditions énoncées par la Grande Chambre de recours pour qu'une utilisation non-thérapeutique d'une substance connue puisse être reconnue comme nouvelle ne sont pas remplies par l'objet de la revendication 1 du brevet attaqué.
2.5. De même, comme souligné par l'intimée dans la présente espèce, il importe peu que, dans les compositions selon les documents (2) ou (3), les nicotinates de benzyle, d'hexyle ou d'alpha-tocophérol soient associés avec d'autres substances à action directement ou indirectement amaigrissantes, à savoir des huiles essentielles (selon (2)) ou des extraits végétaux (selon (3)), étant donné que la revendication 1 du brevet attaqué n'est en aucune façon limitée à l'utilisation des substances citées comme principe actif unique dans des compositions amaigrissantes. En fait, la seule exclusion prévue par la revendication 1 est celle des substances lipolytiques à activité "caféine-like" telles que la théophylline, la caféine et la théobromine, qui sont également exclues des compositions de l'art antérieur.
Il s'ensuit que l'objet des revendications 1, identiques dans les requêtes principale et subsidiaire, n'est pas nouveau. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner la brevetabilité des autres revendications indépendantes ou dépendantes.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.