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T 0049/83 (Matériel de reproduction) 26-07-1983
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Variétés végétales
Végétaux traités chimiquement
I. La demande de brevet n° 79 103 164.4 déposée le 27 août 1979 et publiée le 14 mai 1980 sous le numéro 0 010 588, pour laquelle est revendiquée la priorité d'une demande antérieure déposée en Suisse le 28 août 1978, a été rejetée par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets du 8 octobre 1982. Cette décision a certes reconnu que l'objet des revendications 1 à 12 et 15 à 23 était brevetable, mais non pas celui des revendications 13 et 14. Ces revendications s'énoncent comme suit:
"Revendication 13: Matériel de reproduction de plantes cultivées, traité avec un dérivé d'oxime de formule I de la revendication 1.
Revendication 14: Matériel de reproduction selon la revendication 13, caractérisé en ce qu'il s'agit d'une semence."
II. La demande a été rejetée au motif qu'en application de l'article 53 b) de la CBE il ne pouvait être délivré de brevet pour les objets revendiqués. En excluant la protection par brevet de variétés nouvelles, cette disposition vaudrait à plus forte raison pour les variétés connues sur lesquelles portent les revendications 13 et 14, même si ces dernières variétés ont subi un traitement à base de dérivés d'oxime qui présente un avantage.
III. Un recours a été formé le 9 décembre 1982 contre la décision du 8 octobre 1982; la taxe de recours a été dûment acquittée. Le mémoire exposant les motifs du recours, en date du 18 février 1983, est pour l'essentiel repris ci-après.
La requérante allègue que l'article 53 b) de la CBE n'exclut pas la brevetabilité de végétaux, mais uniquement celle des variétés végétales. C'est certainement à dessein que le législateur a choisi d'utiliser les deux notions différentes de "variétés végétales" et de "végétaux" lors de la rédaction de l'article 53. L'exclusion de la brevetabilité des "variétés végétales" revient en pratique à en exclure les produits issus de procédés d'"obtention" de végétaux.
L'intention du législateur a été de distinguer, dans le domaine des inventions relatives à des végétaux et à des animaux, entre les inventions "essentiellement biologiques" et les inventions "essentiellement techniques". L'invention revendiquée, qui concerne un procédé essentiellement technique et des produits directement obtenus par ce procédé, appartient à la seconde catégorie. La notion de "variété", qui s'applique au domaine des procédés d'obtention biologique, est totalement dénuée de pertinence dans le cas présent; pour définir une variété végétale, il convient de fixer l'unité taxinomique à laquelle elle appartient, par exemple genre, espèce et sous-espèce.
La requérante a demandé l'annulation de la décision de rejet et la délivrance du brevet, de toute évidence sur la base d'un nouveau jeu de revendications 1 à 23 daté du 19.8.1982.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 CBE; il est donc recevable.
2. La Convention sur le brevet européen ne prévoit pas d'exclusion générale de la brevetabilité des inventions ayant trait à la nature vivante (cf. art. 52(1) ensemble l'art. 53 b), deuxième membre de phrase et les règles 28 et 28 bis de la CBE). Toutefois, une interdiction de brevet existe effectivement en ce qui concerne toute une partie du domaine des inventions biologiques, en vertu de l'article 53 b), premier membre de phrase de la CBE. Cette disposition, sur laquelle on s'arrêtera ci-après, prévoit qu'aucun brevet ne peut être délivré pour les variétés végétales et les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux. Par "variétés végétales". l'homme du métier comprend un grand nombre de végétaux qui sont, dans une large mesure, similaires de par leurs caractères et qui, dans une certaine marge de tolérance, ne sont pas modifiés à la fin de chacune de leurs reproductions ou multiplications successives ou de chaque cycle de reproduction ou de multiplication spécialement défini. Cette notion se reflète dans la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales du 2 décembre 1961, qui vise à assurer à l'obtenteur d'une variété végétale nouvelle un droit de protection (art. 1er (1)) s'étendant à la fois au matériel de reproduction ou de multiplication végétative et à la plante entière (art. 5 (1)). En ce sens, les variétés végétales comprennent tous les cultivars, clones, lignées, souches et hybrides, susceptibles d'êtres cultivés, satisfaisant à la condition de pouvoir être nettement distingués de toute autre variété, d'être suffisamment homogènes et d'êtres stables dans leurs caractères essentiels (cf. art. 2 (2) ensemble l'art. 6 (1) a), c) et d)). Pour ces variétés végétales, qu'elles se présentent sous la forme d'un matériel de reproduction ou de multiplication ou sous la forme de la plante elle-même, le législateur n'a pas voulu accorder de protection par brevet dans le cadre de la Convention sur le brevet européen.
3. Les revendications 13 et 14, dont le maintien a conduit au rejet de la demande, concernent le matériel de reproduction, et plus particulièrement la semence de plantes cultivées, traité avec un dérivé d'oxime contenant du soufre, dérivé qui est caractérisé dans la revendication 1. La définition des plantes cultivées, telle que donnée dans la description (cf. page 9, 3ème alinéa), montre qu'il faut entendre par là toutes les plantes qui fournissent une quelconque forme de produit utile. Un certain nombre d'entre elles, connues, sont énumérées à titre d'exemple. Le matériel de reproduction de ces plantes cultivées comprend toutes les parties des plantes à reproduction sexuée, y compris les plantes germées et les plants, mais surtout la semence (cf. page 10, 2ème alinéa de la description).
Même si certaines variétés connues de blé, de millet et d'orge sont évoquées dans les exemples à propos du traitement à l'oxime (cf. pages 35 et 36 de la description), les revendications 13 et 14 n'ont nullement pour objet une variété individuelle différenciable de toute autre variété, mais concernent par contre, sous la forme de son matériel de reproduction, n'importe quelle plante cultivée à laquelle est appliqué un traitement chimique particulier. Or, l'article 53 b) CBE exclut seulement la délivrance de brevet pour les plantes ou leurs matériels de reproduction ou de multiplication sous la forme génétiquement fixée de la variété végétale.
4. La lettre même de l'article 53 b), premier membre de phrase de la CBE ne permet pas d'assimiler les végétaux à des variétés végétales. Une telle assimilation s'opposerait de plus à l'esprit de cette disposition. Les variétés végétales ont été exclues de la protection du brevet européen, en raison principalement du fait que plusieurs Etats signataires de la Convention sur le brevet européen ont institué tant au niveau national qu'international une protection particulière pour les obtentions végétales (R. Singer, Das neue europäische Patentsystem, Nomos Verlagsgesellschaft; Baden-Baden, p. 34.4ème alinéa). Dans l'article 53 b), premier membre de phrase de la CBE, le législateur a strictement repris les termes de l'article 2 b) de la Convention de Strasbourg en matière de brevets du 27 novembre 1963, article par lequel la possibilité d'exclure notamment les variétés végétales de la protection par brevet a été laissée aux Etats contractants de ladite convention. Déjà à cette époque, la majorité des Etats membres du Conseil de l'Europe étaient d'avis que la protection des obtentions végétales ne devait pas être assurée par brevet, mais par un droit de protection particulier (Pfanner, Vereinheitlichung des materiellen Patentrechts im Rahmen des Europarats, GRUR Int. 1962, 545, 547).
Or, l'invention revendiquée dans le cas présent n'appartient pas au domaine des obtentions végétales, qui relève de la modification génétique des végétaux. Elle consiste en revanche à influencer par des moyens chimiques le matériel de reproduction, afin de le rendre résistant à l'action phytotoxique des produits chimiques utilisés en agriculture. Le nouveau paramètre de ce matériel de reproduction, c'est-à-dire son traitement à base d'un dérivé d'oxime, n'est pas de nature à caractériser une variété végétale au sens où on l'entend pour la protection des variétés végétales. Par conséquent, on se trouve pas confronté à une situation conflictuelle entre les différentes formes de protection, à savoir protection particulière de la variété végétale ou bien brevet pour un matériel de reproduction traité de la sorte car seul le brevet entre en ligne de compte.
D'un point de vue technologique, le traitement au dérivé d'oxime constitue une mesure de protection de la plante qui, à la différence des autres cas, est appliquée à un objet pouvant être mis dans le commerce, c'est-à-dire le matériel de reproduction. L'objet du traitement ne doit pas toujours être nécessairement une variété végétale, puisque le traitement peut être également appliqué à un matériel de reproduction qui ne répond pas à la notion de variété végétale en ce qui concerne les critères d'homogénéité ou de stabilité. Inversement, le fait que le matériel de reproduction traité puisse également ou principalement être une variété végétale est sans incidence pour la question de la brevetabilité. Si l'exclusion de la protection par brevet des variétés végétales doit être destinée à ménager précisément pour les accomplissements de l'obtenteur une protection particulière, il suffit amplement de restreindre l'objet de l'exclusion, conformément à son énoncé, aux cas où les végétaux sont précisément caractérisés par les particularités génétiquement déterminées de leur aspect naturel. Il ne se produit en l'occurrence aucun conflit entre les domaines réservés à la protection nationale des variétés végétales et le domaine d'application de la CBE. Par contre, les inventions qui ne sont pas accessibles à la protection des variétés végétales demeurent brevetables dans les conditions générales.
5. Le matériel de reproduction revendiqué n'est pas davantage le produit d'un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, qu'il y a lieu d'exclure de la protection par brevet, mais le résultat d'un traitement à l'aide de moyens chimiques (par exemple, mordançage des semences et graines, trempage des plants dans une solution d'oxime (cf. page 6, ligne 23; page 9, ligne 8; page 10, lignes 17 à 20). En bref, il en découle que l'article 53 b) de la CBE ne fait pas obstacle à la délivrance d'un brevet pour le matériel de reproduction revendiqué.
6. Pour être brevetable, l'objet des revendications indépendantes 13 et 14 doit lui-même être nouveau et impliquer une activité inventive. Dans la décision attaquée, la Division d'examen aurait considéré le matériel de reproduction, tel que revendiqué, comme une "variété végétale connue". Abstraction faite de ce que, conformément à la demande, aucune variété végétale n'est revendiquée dans son individualité, comme cela a déjà été exposé au point 3, un matériel de reproduction ne saurait être qualifié de connu pour la simple et unique raison qu'il est capable de fournir un végétal déjà connu. Au contraire, il y a lieu de considérer un produit comme nouveau, lorsqu'au moyen de paramètres rigoureusement mesurables on peut le différencier des produits connus. Dans le cas présent pour apprécier la question de la nouveauté, on peut s'en rapporter à l'effet de protection offert par l'oxime sur le matériel de reproduction en comparaison de l'action néfaste des produits chimiques agressifs employés en agriculture, notamment les herbicides (cf. page 1, 1er alinéa, en liaison avec page 6, 2ème alinéa à page 7, 1er alinéa ainsi que page 33) en même temps qu'aux méthodes courantes d'analyse chimique pour l'identification de l'oxime (cf. notamment l'exemple 7). Les produits conformes à la demande selon les revendications 13 et 14 sont nouveaux. La caractéristique qui les distingue du matériel de reproduction connu en tant que tel réside dans le fait qu'ils sont traités selon le procédé d'utilisation conformément à la revendication 1, qui a été considéré comme nouveau par la première instance.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 8 octobre 1982 est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance pour une nouvelle décision.