T 0004/98 (Liposome Compositions) 09-08-2001
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I. Conformément aux principes posés dans la décision G 6/83 et dans la jurisprudence ultérieure, il ne peut être question de "seconde indication médicale ou de toute indication médicale ultérieure" que dans le cas de revendications portant sur l'utilisation de substances ou de compositions (en l'occurrence, des compositions de liposomes) pour la préparation d'un médicament destiné à être utilisé dans une méthode visée par l'article 52 (4) CBE (cf. motifs, point 8.1).
II. Les termes "thérapie" ou "application thérapeutique" couvrent notamment le traitement d'une maladie ou d'une affection particulières par administration d'une substance ou d'une composition chimique déterminée à un sujet humain ou animal déterminé qui a besoin d'un tel traitement. S'il n'est pas possible d'identifier au moins (i) la maladie ou l'affection à traiter ou le trouble à soigner ou (ii) la nature du composé thérapeutique utilisé pour le traitement ou la guérison de l'affection, ou encore (iii) le sujet à traiter, il n'est pas possible de voir dans une simple caractéristique de procédé la définition d'une méthode particulière de traitement ou d'application thérapeutique au sens de l'article 52(4) CBE (cf. motifs, points 8.1 et 8.2).
III. A moins qu'il n'ait été prouvé que la procédure était entachée en première instance d'un vice substantiel sur un ou plusieurs points (en l'espèce il avait été allégué l'existence de vices sur deux points, mais dans les deux cas l'existence d'un tel vice n'avait pu être établie) et que ce vice soit si grave que l'affaire doive être renvoyée à la première instance auquel cas la décision attaquée serait annulée dans son ensemble, le remboursement de la taxe de recours ne serait pas équitable comme l'exige la règle 67 CBE si cela permettait au requérant de bénéficier de la "gratuité des taxes" pour un recours qu'il devait de toute façon former sur d'autres points (sept en l'occurrence) sur lesquels la procédure n'était pas entachée d'irrégularités (cf. motifs, point 13.3).
Procédé non thérapeutique de préparation d'une formulation à base de liposomes"
"Nouveauté (oui) : caractéristiques de procédé non divulguées dans l'état de la technique"
"Activité inventive (non) : autre procédé de préparation de compositions de liposomes pouvant être déduit de façon évidente de l'état de la technique"
"Vices de procédure (non) : pas de remboursement de la taxe de recours"
Résumé des faits et conclusions
I. L'intimée est titulaire du brevet européen n 0 496 813, comportant 25 revendications, qui avait été délivré sur la base de la demande de brevet européen n 90 916 409.7, laquelle revendiquait la priorité de la demande US n 425 224 déposée le 20 octobre 1989.
II. La requérante a formé opposition en demandant la révocation de l'ensemble du brevet européen pour absence de nouveauté et d'activité inventive, en application de l'article 100 a) CBE, et pour insuffisance de l'exposé, en application de l'article 100 b) CBE. Parmi les nombreux documents qu'elle a cités pour contester la brevetabilité de l'objet du brevet en litige au cours de la procédure d'opposition en première instance et de la procédure de recours qui a suivi, les documents qui restent pertinents pour la présente décision sont les suivants :
(1) : EP-A-0 354 855
(2) : WO-A-88 049 24
(3) : WO-A-90 043 84
(10) : Ostro et al, Am. J. Hosp. Pharm. (1989), 46, 1576
(11) : Lopez-Bernstein et al, J. Infect. Dis. (1983), 147(5), 939
(12) : Mayer et al, Cancer Research (1989), 49, 5922
(13) : Klibanov et al, FEBS (1990), 268(1), 235
III. Au cours de la procédure devant la division d'opposition, la titulaire du brevet a produit des jeux de revendications modifiées, en présentant à cet effet une première et une deuxième requêtes subsidiaires. Dans une décision intermédiaire remise à la poste le 14 octobre 1997, la division d'opposition a rejeté la requête principale de la titulaire visant à faire rejeter l'opposition ainsi que sa première requête subsidiaire visant à faire maintenir le brevet sur la base de revendications modifiées produites pendant la procédure orale devant la division d'opposition, mais elle a décidé de maintenir le brevet sous sa forme modifiée, sur la base des revendications selon la deuxième requête subsidiaire produite le 18 août 1997, ainsi que de la revendication 20 qui avait été modifiée en outre lors de la procédure orale. La revendication 1 s'énonce comme suit :
"Utilisation d'une composition de liposomes permettant d'étendre à 24 heures au moins, la période d'activité effective d'un composé thérapeutique qui peut être administré par voie intraveineuse en quantité thérapeutiquement efficace et qui est libéré sous forme libre dans le sang avec une demi-vie inférieure à 4 heures environ, comprenant des liposomes (i) composés de lipides formant des vésicules et entre 1 et 20 % molaire d'un lipide formant des vésicules dérivé par un polyéthylèneglycol, et (ii) ayant un diamètre de particule moyen choisi, dont la taille est comprise entre environ 0,1 et 0,4 µm (microns), et le composé sous forme d'inclusion dans les liposomes, pour la préparation d'une composition à une dose convenant pour une administration intraveineuse de la composition contenant une quantité du composé inclus dans les liposomes qui représente au moins trois fois ladite quantité thérapeutiquement efficace."
* Cette dernière caractéristique de la revendication 1, qui est imprimée ici en caractères gras italiques pour qu'elle ressorte bien, figure également dans les revendications indépendantes 4 et 10. Dans la suite du texte de la présente décision, il a été utilisé simplement l'expression "trois doses" ; les revendications indépendantes 17 et 20 comportent elles aussi une caractéristique analogue dans laquelle le terme "intraveineuse" est remplacé par "sous-cutanée" et les termes "trois fois" par "dix fois" ; il a été utilisé ci-après l'expression "dix doses" pour faire référence à cette caractéristique.
IV. Dans son exposé des motifs de la décision, la division d'opposition, exerçant son pouvoir d'appréciation conformément à la règle 71bis et à l'article 114 (2) CBE, a conclu que les revendications modifiées avaient été produites dans les délais. Elle a estimé que le passage des revendications originales d'une "composition" à des revendications d'une "seconde indication médicale (ou de toute indication ultérieure)" constituait également un changement de catégorie recevable en vertu de la règle 57bis CBE, et a considéré que les revendications modifiées étaient admissibles au regard de l'article 123 (2) et (3) CBE. De même, elle a __________ * Ndt : traduction de la revendication telle qu'elle a été fournie par la titulaire du brevet.refusé d'admettre les arguments de l'opposante concernan t l'insuffisance de l'exposé de l'invention au regard de l'article 100 b) CBE.
En ce qui concerne la nouveauté, la division d'opposition a estimé que la caractéristique "trois doses" ainsi que, dans le cas de l'administration par voie sous-cutanée, la caractéristique "dix doses", constituaient de nouvelles applications thérapeutiques bien déterminées des compositions de liposomes définies dans les revendications. Pour ce qui est de l'activité inventive, la division d'opposition a considéré que le problème à résoudre consistait à trouver la formulation d'un médicament destiné à permettre l'administration d'un composé thérapeutique dans le sang pendant une période prolongée. Bien que la division d'opposition ait conclu que la revendication de la priorité n'était pas valable, elle a jugé que la solution proposée au problème, à savoir l'utilisation de liposomes de la taille revendiquée et d'une composition telle que revendiquée, ne découlait pas à l'évidence pour l'homme du métier de l'état de la technique cité au cours de la procédure d'opposition (documents 1 à 9).
V. L'opposante (requérante) a formé recours contre la décision de la division d'opposition. Le mémoire exposant les motifs du recours était accompagné des documents (10) à (18), entre autres. La requérante a produit pour sa part d'autres moyens le 18 mai 2001, et notamment les documents (19) à (27). L'intimée a répondu en présentant ses observations ainsi qu'une troisième et une quatrième requêtes subsidiaires, dans lesquelles elle soumettait des jeux de revendications modifiées.
VI. Dans ses remarques préliminaires formulées au cours de la procédure orale tenue le 9 août 2001, la Chambre a estimé que les revendications selon la deuxième requête subsidiaire maintenues par la division d'opposition (cf. point III ci-dessus) ne différaient que du point de vue rédactionnel des revendications selon les troisième et quatrième requêtes subsidiaires, et qu'à cet égard, le libellé des revendications selon la quatrième requête subsidiaire lui paraissait préférable. L'intimée a alors retiré toutes ses requêtes subsidiaires, sauf la quatrième. La revendication 1 selon cette requête correspond à la revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire (cf. point III ci-dessus), si ce n'est que le dernier membre de phrase avait été modifié comme suit :
"Utilisation d'une composition de liposomes ... sous forme d'inclusion dans les liposomes, directement pour la préparation d'un médicament à une dose convenant pour une administration intraveineuse de ladite composition de liposomes contenant une quantité du composé inclus dans les liposomes qui représente au moins trois fois ladite quantité thérapeutiquement efficace."
Les revendications indépendantes 4, 10, 17 et 20 selon la quatrième requête subsidiaire ont été modifiées de façon similaire.
VII. Dans les moyens qu'elle a produits par écrit et pendant l'audition devant la Chambre, la requérante a fait valoir essentiellement les motifs suivants :
Le changement de catégorie des revendications, passées des revendications "de composition" à des revendications de la catégorie "seconde indication médicale (ou toute indication médicale ultérieure)" n'était pas approprié en l'occurrence, puisqu'il ne permettait pas en soi de résoudre les problèmes de brevetabilité auxquels se heurtait l'intimée. La deuxième requête subsidiaire, qui n'avait été produite qu'un mois avant la procédure orale et avait été modifiée à nouveau au cours de cette procédure, devait dès lors être rejetée par la division d'opposition comme irrecevable et reçue hors délai, en application des dispositions de l'article 114 (2) et des règles 71bis et 57bis CBE.
C'est à tort que la division d'opposition avait conclu que les revendications modifiées satisfaisaient aux conditions requises à l'article 123 (2) et (3) CBE. Le simple fait que ces revendications aient été rédigées de manière à ce qu'elles puissent rentrer dans la catégorie des revendications de "seconde indication médicale (ou de toute indication médicale ultérieure)" visée dans la décision G 6/83 ne permettait pas à lui seul de conclure que ces revendications n'allaient pas à l'encontre de l'article 123 (2) et (3) CBE, contrairement à ce qu'avait estimé la division d'opposition. De même, c'était à tort que la division d'opposition avait conclu que l'invention avait été exposée de manière suffisamment claire et complète, comme l'exige la Convention. Au contraire, l'invention n'avait pas été exposée dans le fascicule de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse la mettre en oeuvre dans l'ensemble du domaine revendiqué sans avoir à accomplir un travail excessif d'expérimentation et sans devoir faire preuve d'esprit inventif, puisque les exemples mentionnés dans le brevet attaqué n'avaient trait qu'à la libération d'une seule classe de composés thérapeutiques, à savoir des peptides ou des protéines, à partir des compositions de liposomes particulières spécifiées dans les revendications. En outre, la caractéristique "trois (ou dix) doses" était dénuée de clarté et donc contraire à l'article 84 CBE, et elle introduisait une certaine obscurité dans les revendications, qui appelaient de ce fait de nouvelles objections au titre de l'article 83 CBE (insuffisance de l'exposé).
Le dernier membre de phrase de la revendication 1, à savoir la caractéristique "trois doses", servait uniquement à qualifier la composition préparée, et signifiait simplement que cette composition se prêtait à une administration intraveineuse de la manière spécifiée. La division d'opposition ayant considéré dans sa décision que cette caractéristique ne permettait pas d'établir une distinction entre la composition revendiquée dans la revendication 1 du brevet tel que délivré et la divulgation qui avait été faite dans le document (1) qui avait été cité, il n'y avait pas de raison de conclure que l'actuelle revendication 1 serait différente à cet égard. Indépendamment du fait que le document (1) décrivait déjà la préparation de compositions pertinentes pour l'invention, la caractéristique en question ne se rapportait pas à une nouvelle application thérapeutique bien spécifiée et ne pouvait par conséquent être considérée comme une caractéristique distinctive par rapport au document (1), de nature à conférer un caractère de nouveauté à la revendication 1.
Des liposomes PEGylatés (c'est-à-dire des liposomes dérivés par un polyéthylèneglycol) du type utilisé dans le brevet attaqué avaient été décrits dans le document (1). Les avantages que présentaient les liposomes PEGylatés divulgués dans le document (13), à savoir leur stabilité et leur longévité renforcées dans le flux sanguin, faisaient d'eux à l'évidence d'excellents candidats pour l'expérimentation dans des compositions à libération prolongée d'un médicament, destinées à une utilisation in vivo. Il pouvait également être considéré que l'objet revendiqué était le résultat évident du remplacement des liposomes particuliers avec durée de circulation améliorée utilisés dans le document (2) par des liposomes PEGylatés présentant des propriétés similaires, tels qu'ils avaient été divulgués dans les documents (3) et (13).
La requérante jugeait justifiée sa demande de remboursement de la taxe de recours au titre de la règle 67 CBE, vu les "abus de procédure" dont s'était rendue coupable selon elle la division d'opposition, qui n'avait pas indiqué ses motifs dans la décision écrite qu'elle avait rendue au sujet des objections que la requérante avait soulevées au titre de l'article 84 CBE à l'encontre de la deuxième requête subsidiaire de l'intimée, et ne lui avait pas non plus laissé suffisamment de temps pour examiner la description modifiée soumise par l'intimée.
VIII. Les arguments qu'a fait valoir l'intimée en réponse au mémoire exposant les motifs du recours et également pendant la procédure orale tenue devant la Chambre peuvent se résumer comme suit :
Les revendications indépendantes maintenues par la division d'opposition étaient des revendications de la seconde indication médicale (ou de toute indication ultérieure), type de revendications qui avait été autorisé dans la décision G 6/83. En l'espèce, cette seconde indication médicale était le mode nouveau d'administration, en dose plus importante, du composé inclus dans des liposomes. Ce mode d'administration de doses bien plus importantes, mais moins fréquentes, d'un médicament encapsulé dans des liposomes constituait une indication médicale ultérieure et présentait des avantages pratiques et psychologiques importants pour la thérapie, c'est pourquoi la division d'opposition avait reconnu à juste titre que les revendications selon la deuxième requête subsidiaire étaient recevables et avaient été produites dans les délais, conformément à la règle 57bis, à l'article 114 (2) et à la règle 71bis CBE.
La seule différence existant entre le changement de catégorie de revendication qui avait été autorisé dans la décision G 2/88 (JO OEB 1990, 93) et celui auquel il avait été procédé dans la présente affaire, c'était en l'occurrence que les revendications modifiées étaient rédigées de manière à rentrer dans la catégorie classique des revendications de la "seconde indication médicale (ou de toute indication ultérieure)". Cela ne justifiait pas pour autant une différence de traitement au regard des dispositions de l'article 123 (2) et (3) CBE entre ces revendications et les revendications relatives à la seconde utilisation non thérapeutique dont il était question dans la décision G2/88. De plus, l'expression "utilisation d'une composition ... pour la préparation d'un médicament" utilisée à propos d'une revendication relevant de la catégorie "seconde indication médicale" serait toujours interprétée par l'homme du métier comme signifiant "utilisation directement destinée à la préparation du médicament", c'est-à-dire l'utilisation dans le médicament. Par conséquent, les principes sur lesquels se fondaient les décisions G 6/83 et G 2/88 étaient directement applicables en l'occurrence aux revendications modifiées par l'intimée.
Les caractéristiques distinctives des présentes "revendications de seconde indication médicale" étaient d'une part le mode d'administration, à savoir la caractéristique "trois doses", et d'autre part l'utilisation de liposomes PEGylatés. Aucun des documents cités au cours de la procédure ne divulguant la combinaison de ces deux caractéristiques distinctives, la nouveauté de l'objet revendiqué dans le brevet en litige ne faisait aucun doute.
Le problème technique à résoudre consistait à améliorer la libération continue de compositions de manière à permettre l'administration par voie intraveineuse et sous-cutanée d'une dose systémique plus importante, qui soit efficace sur une période plus longue, sans présenter de toxicité inacceptable. La solution proposée pour résoudre ce problème ne découlait à l'évidence d'aucun des documents cités pendant la procédure, que l'homme du métier les considère isolément ou les combine entre eux.
IX. La requérante a demandé l'annulation de la décision attaquée, la révocation du brevet et le remboursement de la taxe de recours.
L'intimée a conclu au rejet du recours et au maintien du brevet sous une forme modifiée sur la base de sa quatrième requête subsidiaire présentée le 25 novembre 1998 (sa seule requête désormais).
1. Le recours est recevable.
2. La Chambre considère qu'en acceptant la deuxième requête subsidiaire de l'intimée, sur la base de laquelle elle avait pris ensuite la décision de maintenir le brevet sous une forme modifiée, la division d'opposition avait correctement exercé le pouvoir d'appréciation que lui confèrent l'article 114 (2) et la règle 71bis CBE. Bien qu'elle ait été produite à un stade tardif de la procédure d'opposition - à savoir dans une lettre transmise par téléfax le 18 août 1997, un mois avant la procédure orale - , cette requête était une réponse aux objections qui avaient été soulevées pendant la procédure écrite d'opposition devant la première instance. Comme la division d'opposition, la Chambre considère que la modification apportée pendant la procédure orale à la revendication 20 selon cette requête visait simplement à corriger une erreur manifeste : alors qu'elle avait modifié les autres revendications de façon à ce qu'elles portent sur une seconde indication médicale, l'intimée avait par inadvertance oublié de modifier également en ce sens la revendication 20.
3. Il peut être considéré avec juste raison que si l'intimée avait apporté des modifications aux revendications au cours de la procédure d'opposition et de la procédure de recours sur opposition qui avait suivi, c'était pour pouvoir répondre à des motifs d'opposition visés à l'article 100 a) CBE, et que ces modifications constituent une tentative faite en toute bonne foi par cette intimée pour réfuter les objections concernant l'absence de nouveauté et d'activité inventive que la requérante avait formulées aussi bien dans son mémoire exposant les motifs de son opposition que dans son mémoire exposant les motifs de son recours. Les modifications que l'intimée propose d'apporter au brevet délivré sont donc recevables au regard de la règle 57 bis CBE.
4. La Chambre considère également qu'il y a lieu d'admettre comme moyens de preuve les documents (10) à (18) produits avec le mémoire exposant les motifs du recours, ainsi que les documents (19) à (27) accompagnant la lettre de la requérante en date du 16 mai 2001. En ce qui concerne la première série de documents, certains d'entre eux étaient clairement pertinents, qu'il s'agisse des questions débattues au cours de la procédure orale devant la première instance ou des motifs de la décision attaquée. Quant à la deuxième série de documents, il pouvait être considéré à première vue, comme l'avait affirmé la requérante, qu'ils constituaient une réponse aux arguments écrits avancés par l'intimée pendant la procédure de recours. Néanmoins, ces arguments avaient été produits plus de deux ans auparavant, le 25 novembre 1998, et pour la Chambre, ce retard, considéré en tant que tel, n'est pas excusable. Toutefois, dans la présente affaire, l'intimée disposait de près de trois mois pour étudier et préparer des arguments en vue de réfuter ces moyens de preuve produits tardivement. En outre, puisque ce sont les propres arguments avancés par l'intimée qui ont déclenché dans une large mesure la riposte de la requérante à l'aide de ces moyens de preuve, la Chambre choisit d'exercer son pouvoir d'appréciation en faveur de la requérante.
5. De l'avis de la Chambre, toutes les caractéristiques de la revendication 1 selon l'unique requête maintenue par l'intimée dans la procédure devant la Chambre sont reprises de la demande de brevet telle que déposée, et les modifications apportées aux revendications du brevet tel que délivré n'ont pas eu pour effet d'étendre l'objet desdites revendications. Le changement de catégorie des revendications indépendantes, passées de la catégorie des revendications de produit à la catégorie des revendications d'utilisation, c'est-à-dire le fait que l'intimée soit passée de revendications portant sur une composition de liposomes en tant que telle à des revendications portant sur l'utilisation de cette composition de liposomes et se présentant sous la forme typique à choisir pour la revendication d'une seconde indication médicale, constitue une limitation considérable de l'objet des revendications, qui en soi n'est pas contraire à l'article 123 CBE. Par conséquent, les revendications soumises actuellement à la Chambre satisfont aux conditions requises à l'article 123(2) et (3) CBE.
6. Bien qu'une objection soulevée au titre de l'article 84 CBE ne puisse par elle-même constituer un motif d'opposition au titre de l'article 100 CBE, la Chambre admet qu'une partie puisse soulever une telle objection au stade de la procédure d'opposition ou de la procédure de recours sur opposition, si les modifications apportées pendant ces procédures montrent qu'il se pose un problème de clarté. Dans la présente affaire, comme l'a reconnu l'intimée au cours de la procédure orale, la revendication 1 n'avait pas été bien rédigée (ce qui posait également des problèmes au niveau de la rédaction des autres revendications indépendantes). Néanmoins, la revendication était suffisamment claire pour que la question de la clarté ne présente pas une importance cruciale pour la compréhension des autres points, et vu la décision que doit prendre la Chambre au sujet des autres aspects qui vont être évoqués, la Chambre estime qu'il n'est pas nécessaire en l'occurrence de statuer définitivement sur l'objection soulevée au titre de l'article 84 CBE.
7. Bien que, à la différence du non-respect de l'article 84, le non-respect de l'article 83 CBE puisse constituer un motif d'opposition (article 100 b) CBE) et que la requérante ait critiqué l'insuffisance de l'exposé, ces critiques étaient en relation étroite avec la question de la signification exacte que revêtent les revendications indépendantes, et donc avec la question de la clarté. Par conséquent, la Chambre considère là encore, pour les raisons qu'elle vient d'exposer au paragraphe précédent, qu'il n'est pas nécessaire pour elle de statuer définitivement sur cette question.
8. Les revendications indépendantes 1, 4, 10, 17 et 20 ont toutes été rédigées de manière à relever de la catégorie classique des revendications de la "seconde indication médicale (et de toute indication médicale ultérieure)". En dépit de cette présentation particulière des revendications ("revendications telles qu'admises en Suisse"), la Chambre peut difficilement admettre, comme l'a estimé la division d'opposition et comme l'a affirmé l'intimée dans ses déclarations écrites et orales, que ces revendications correspondent en fait à une seconde indication médicale (ou à toute autre indication médicale ultérieure), et que la caractéristique "trois doses" mentionnée à la fin des revendications 1, 4 et 10 (ou la caractéristique correspondante "dix doses" figurant à la fin des revendications 17 et 20) constitue une application thérapeutique spécifique qui permet de conclure à la nouveauté de ces revendications, en application des principes qui ont été posés dans la décision G 6/83 (JO OEB 1985, 67).
8.1 Dans l'acception qui leur est généralement reconnue, les termes "thérapie" et "application thérapeutique" incluent notamment le traitement d'une maladie ou d'une affection particulières au moyen d'une substance ou d'une composition chimique déterminée administrée à un sujet humain ou animal déterminé qui a besoin d'un tel traitement. Par comparaison, la caractéristique "trois doses" (ou "dix doses") ne donne aucune indication permettant d'identifier au moins i) la maladie ou l'affection à traiter ou le trouble à soigner, ii) la nature du composé thérapeutique utilisé pour le traitement ou la guérison de l'affection et (iii) le sujet à traiter. Ne permettant d'identifier aucun de ces paramètres i) à iii), la caractéristique "trois doses (ou dix doses)" est relative en fait à l'administration par voie intraveineuse (ou sous-cutanée) d'un composé thérapeutique non déterminé sous forme d'inclusion dans des liposomes, à une dose représentant au moins trois (ou dix) fois la quantité thérapeutiquement efficace dudit composé, pour le traitement d'une maladie ou d'une affection non spécifiée dont est atteint un patient non identifié ou un autre sujet humain ou animal. Dans ces conditions, la Chambre ne voit pas comment l'on pourrait considérer que cette caractéristique désigne une méthode de traitement particulière ou une application thérapeutique au sens de l'article 52 (4) CBE. Conformément aux principes posés dans la décision G 6/83 (cf. notamment la fin du point 21 de l'exposé des motifs) ainsi que dans les nombreuses décisions rendues à ce sujet par les chambres de recours (cf. par ex. "Jurisprudence des chambres de recours de l'Office européen des brevets", 3e édition, 1998, I. C. 6.2, p. 109-115), il ne peut être question de "seconde indication médicale (ou de "toute indication médicale ultérieure") que dans le cas de revendications portant sur l'utilisation de substances ou de compositions (en l'occurrence, les compositions de liposomes définies dans les revendications) pour la préparation d'un médicament destiné à être utilisé dans une des méthodes visées par l'article 52 (4) CBE. Or, pour les raisons précitées, ce n'est manifestement pas de cela dont il s'agit ici.
8.2 Etant donné les observations qui précèdent, il convient de considérer par conséquent que les revendications indépendantes susmentionnées ont pour objet une activité technique non thérapeutique (procédé) et de ne voir dès lors dans la caractéristique "trois doses" (ou "dix doses") que l'une des caractéristiques de procédé caractérisant le procédé revendiqué.
8.3 Plus précisément, la revendication 1 a essentiellement pour objet un procédé de préparation d'une formulation à base de liposomes, convenant pour une administration intraveineuse d'un composé thérapeutique qui passe sous forme libre dans le sang avec une demi-vie inférieure à 4 heures, de façon à assurer une libération continue et contrôlée du médicament inclus dans les liposomes, en une quantité thérapeutiquement efficace, pendant une période plus longue dans le sang, à savoir au moins 24 heures. Ce procédé comprend les étapes suivantes : i) chargement (encapsulage) du médicament voulu, à dose représentant au moins trois fois sa quantité thérapeutiquement efficace, dans des liposomes composés de lipides formant des vésicules et entre 1 et 20 % molaire d'un lipide formant des vésicules dérivé par un polyéthylèneglycol (dénommé ci-après "liposomes-PEG" ou "liposomes PEGylatés"), et ayant un diamètre de particule moyen choisi, dont la taille est comprise entre environ 0,1 et 0,4 µm (microns), puis ii) conversion de la composition de liposomes ainsi obtenue en une formulation galénique convenant pour une administration intraveineuse.
La nouveauté et l'activité inventive doivent par conséquent être appréciées sur la base de l'interprétation qui vient d'être donnée ci-dessus des revendications.
9. Le brevet en litige revendique la priorité d'une demande nationale déposée aux Etats-Unis le 20 octobre 1989 sous le numéro 42 52 24, et il lui a été attribué comme date de dépôt le 19 octobre 1990. La Chambre estime que c'est à juste titre que la division d'opposition a conclu dans la décision attaquée que l'intimée ne pouvait valablement revendiquer la priorité de la demande nationale. L'intimée n'ayant pas formé recours contre le refus de la division d'opposition de la faire bénéficier de la date de priorité qu'elle revendiquait, la Chambre ne voit aucune raison d'adopter un point de vue différent. La date effective sur laquelle il convient de se fonder pour l'appréciation de la nouveauté et de l'activité inventive est donc la date du dépôt européen.
10. Le seul état de la technique qu'a cité la requérante pour contester la nouveauté de l'objet revendiqué dans le brevet en cause est le document (1). Bien que l'unique composé thérapeutique sous forme d'inclusion dans des liposomes que divulgue spécifiquement le document (1), à savoir l'hémoglobine, ne soit décrit ni expressément ni implicitement dans ce document comme passant sous forme libre dans le sang avec une demi-vie de moins de 4 heures, la division d'opposition a mentionné, à la page 11 de la décision attaquée, que les experts des deux parties présents lors de la procédure orale devant la division d'opposition avaient confirmé la brièveté de la période de libération de l'hémoglobine (moins de quatre heures). Lors de la procédure orale qui s'est tenue devant la Chambre, l'intimée a contesté que les experts aient confirmé ce fait au cours de la procédure qui s'était déroulée devant la première instance. La Chambre considère néanmoins qu'il n'est pas nécessaire de s'appesantir sur cette question pour apprécier la nouveauté, puisque de toute façon les autres caractéristiques des revendications permettent de conclure à la nouveauté de l'invention.
10.1 Par conséquent, même en tenant compte, en plus de ce qui a été expressément mentionné dans le document (1), d'éléments implicites pour l'homme du métier, il doit être conclu qu'il n'est pas possible de déduire directement et sans équivoque de l'enseignement du document (1) la caractéristique fonctionnelle de l'actuelle revendication 1 qui prévoit que la composition de liposomes permet "d'étendre à 24 heures au moins la période d'activité effective d'un composé thérapeutique", ni de considérer que cette caractéristique prévoit une composition de liposomes contenant "une quantité du composé thérapeutique inclus dans les liposomes qui représente au moins trois fois la quantité thérapeutiquement efficace".
10.2 Puisque chacune des autres revendications indépendantes 4 (cf. "efficace pendant au moins 48 heures", "au moins trois fois la quantité thérapeutiquement efficace"), 10 (cf. "au moins trois fois la quantité thérapeutiquement efficace"), 17 (cf. "efficace jusqu'à une semaine au moins", "au moins trois fois la quantité thérapeutiquement efficace ") et 20 (cf. "au moins trois fois la quantité thérapeutiquement efficace") contient au moins une caractéristique qui correspond à celles mentionnées plus haut pour la revendication 1 et qu'en outre les revendications d'utilisation 17 et 20 mentionnent un médicament qui se prête à une administration sous-cutanée, par opposition à la composition de liposomes qui convient à l'administration intraveineuse divulguée dans le document cité (1), la nouveauté de toutes les autres revendications indépendantes 4, 10, 17 et 20 peut être pareillement reconnue.
10.3 La nouveauté des "revendications de composition" 23 à 25 n'a jamais été contestée pendant la procédure d'opposition ni pendant la procédure de recours qui a suivi. Aucun des documents connus de la Chambre qui ont été cités durant ces procédures ne permettant de remettre en question la nouveauté des revendications 23, 24 et 25, bien que la formulation desdites revendications soit extrêmement large, il n'est ni utile ni nécessaire d'approfondir cette question.
11. L'état de la technique le plus proche, à savoir le document cité (2), divulgue des compositions de liposomes ayant une période de circulation prolongée dans le flux sanguin pour la préparation d'une formulation à base de liposomes convenant à l'administration par voie intraveineuse d'une variété de médicaments et d'autres agents pharmacologiquement actifs, de façon à assurer une libération continue et contrôlée du médicament inclus dans les liposomes, à des degrés physiologiquement efficaces allant jusqu'à 1 jour (24 heures) ou plus (cf. document (2), page 22, lignes 25 à 27) et jusqu'à 48 heures (cf. document (2), page 23, lignes 17 à 20). Ces composés thérapeutiques utilisés dans le document (2) (cf. notamment de la page 23, ligne 21 à la page 25, ligne 4), sont dans une large mesure les mêmes que ceux qui sont mentionnés dans la présente affaire dans le fascicule de brevet (cf. notamment le passage figurant à la page 9, lignes 21 à 34, et le paragraphe allant du bas de la page 9 au début de la page 10), puisqu'ils ont, sous forme libre, une demi-vie dans le sang de 4 heures ou moins.
Le procédé de préparation de la formulation à base de liposomes mentionné dans le document (2) comprend également les étapes suivantes :
i) chargement (encapsulage) du médicament désiré en une quantité qui assure un dosage adéquat de celui-ci pendant toute la période de libération escomptée, dans des liposomes composés de lipides classiques formant des vésicules et entre 5 et 20 % molaires d'un lipide formant des vésicules dérivé par un composant glycolipidique sélectionné à partir de gangliosides GM1 (dénommés ci-après liposomes-GM1), de phosphatidylinositol hydrogéné et de sulfatides, à savoir des esters-sulfates de monogalactosyl lactocérébrosides, et ayant un diamètre de particule moyen choisi dont la taille est comprise entre environ 0,07 et 0,4 µm (cf. document (2), page 25, lignes 5 à 8 et le paragraphe entre la page 8 et la page 9), suivi de la
ii) conversion de la composition de liposomes ainsi obtenue en une formulation galénique (par ex. une suspension) convenant à l'administration par voie intraveineuse.
11.1 Par conséquent, si l'on se base sur l'exposé précité du document (2) qui représente l'état de la technique le plus proche, le problème que l'invention exposée dans la revendication 1 tente de résoudre peut être considéré comme celui de la recherche d'un autre procédé de préparation d'une formulation à base de liposomes, convenant pour l'administration par voie intraveineuse d'un agent thérapeutique.
11.2 Une comparaison entre le procédé selon la revendication 1, tel que défini au point 8.3 ci-dessus, et le procédé divulgué dans le document (2) et mentionné au point 11 qui précède, montre que ces deux procédés sont en grande partie identiques, à la seule exception près que dans le procédé revendiqué, les "liposomes-PEG" remplacent les "liposomes-GM1" utilisés dans le document (2) pour l'encapsulage du composé thérapeutique. Sur la base de l'exposé de l'invention, des résultats indiqués dans les exemples 6 à 16 et dans les dessins correspondants 7 à 18 du fascicule du brevet, et en outre en l'absence de toute preuve du contraire, la Chambre est convaincue que le remplacement proposé des "liposomes-GM1" par les "liposomes-PEG" résout de façon plausible le problème. Cela au moins n'a pas été contesté par la requérante.
12. A la date de dépôt de la demande du brevet attaqué, il était déjà connu que les propriétés des "liposomes-GM1" d'une part, et des "liposomes-PEG" d'autre part, étaient fondamentalement identiques en ce sens que ces deux types de liposomes présentaient un taux très faible de capture par le système réticuloendothélial (SRE). En conséquence, ces deux types de liposomes présentent deux avantages importants par rapport aux liposomes traditionnels lorsqu'ils sont utilisés en tant que systèmes de délivrance de médicaments. Le premier de ces avantages est une prolongation importante de la demi-vie des "liposomes-GM1" et des "liposomes-PEG" dans la circulation sanguine, ce qui accroît les bienfaits pharmacocinétiques de la libération lente, continue et contrôlée du médicament qui se dégage des liposomes pour passer dans le flux sanguin pendant une période prolongée, et offre également de meilleures possibilités d'atteindre les tissus lorsque le foie, la rate et les poumons ne sont pas concernés. Le deuxième avantage tient à ce que la capture des liposomes par le SRE est réduite (cf. document (2) : page 8, lignes 10 à 18 ; page 11, lignes 3 à 24 ; de la page 22, ligne 17 à la page 25, ligne 11 ; par opposition au document (3) : page 2, lignes 9 à 12 ; de la page 4, de la ligne 13 à partir de la fin, à la page 5, fin du premier paragraphe entier ; et au document (13) : abrégé au début de la page 235 ; page 235, introduction ; pages 236 à 237, résultats et discussion).
12.1 L'homme du métier cherchant dans l'état de la technique une solution au problème posé aurait étudié attentivement l'exposé du document cité (13). Ce faisant, il aurait certainement appris avec un vif intérêt que le temps de circulation des "liposomes-PEG" dans le flux sanguin est plus long même que celui des "liposomes-GM1", et que le document (13) suggère expressément les "liposomes-PEG" comme solution de rechange particulièrement favorable pour les "liposomes-GM1" en ce qui concerne la libération continue d'un médicament et la libération ciblée du-dit médicament par des liposomes (cf. page 235, abrégé, lignes 4 à 6 et dessin 2).
12.2 L'exposé qui figure à l'avant-dernier paragraphe de la colonne de gauche, page 236, ainsi que les données indiquées dans le dessin 1 du document (13) font en outre aisément apparaître que la "PEGylation" des liposomes n'accroît pas le taux de fuite du contenu de ces liposomes, par ex. les médicaments qui y sont encapsulés, et que pour ce qui est de la libération de leur contenu due à une instabilité mécanique, les "liposomes-PEG" se comportent de la même façon que les liposomes "non PEGylatés" et "liposomes-GM1" classiques. Par conséquent, cet enseignement du document (13) aurait appris à l'homme du métier que les "liposomes-PEG" ne présentent aucune propriété différente ou désavantageuse les distinguant des liposomes classiques ou "liposomes-GM1" en tant que liposomes impropres à libérer un médicament en continu.
12.3 En l'absence d'identification portant au moins sur le type de médicament ou d'agent pharmacologiquement actif utilisé et sur l'affection à traiter, l'insertion, dans la revendication 1, de la caractéristique selon laquelle la quantité thérapeutiquement efficace du composé thérapeutique doit être présente au moins trois fois dans la formulation liposomale, semble constituer une limitation à une quantité plus ou moins arbitraire du composé thérapeutique encapsulé dans la composition de liposomes, limitation qui ne présente aucune signification ou pertinence technique particulière.
L'enseignement du document (2) montre clairement ce qui semble aller de soi pour l'homme du métier, à savoir que pour obtenir une libération continue appropriée et efficace du médicament via la circulation sanguine, la composition de liposomes doit être administrée par voie intraveineuse en une quantité suffisante pour assurer un dosage adéquat du médicament pendant toute la période de libération escomptée (cf. page 25, lignes 5 à 8). Ensuite, la détermination de la quantité requise d'un médicament particulier encapsulé dans une composition de liposomes selon l'invention revendiquée, de façon à éviter la libération de doses toxiques ou intolérables et à assurer un dosage thérapeutique adéquat et constant pendant toute la période de libération escomptée ou souhaitée, serait une question d'expérimentation de simple routine pour l'homme du métier et une activité typique pour un pharmacologue qui exerce ses compétences professionnelles en concevant un médicament.
12.4 Si l'on s'interroge néanmoins quant à la capacité et à l'utilité fondamentales des liposomes pour encapsuler des composés thérapeutiques à des doses bien plus élevées que la quantité thérapeutiquement efficace, cela était également déjà connu dans l'état de la technique. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, le document (10) divulgue, au paragraphe situé entre les pages 1583 et 1584, l'administration d'une dose d'amphotéricine B encapsulée dans des liposomes, dans une quantité qui représente sept fois la dose maximale tolérée pour le médicament libre. D'autres références similaires figurent dans le document (11) qui décrit, vers la moitié de la colonne de gauche de la page 944, que la dose maximale tolérée pour l'amphotéricine B n'a pas été atteinte, même en encapsulant dans les liposomes une quantité représentant 12 fois la dose maximale tolérée du médicament libre. En outre, le document (douze) montre au tableau 3 de la page 5925 que si l'on encapsule sept fois la quantité du médicament anticancéreux doxorubicine dans des liposomes, on n'obtient pas une toxicité plus importante qu'avec le médicament sous forme libre. Comme cela a déjà été mentionné au point 12.2 ci-dessus, les "liposomes-PEG" ne diffèrent pas des liposomes classiques ou "liposomes-GM1" en ce qui concerne leur capacité à encapsuler des médicaments, leur taux de fuite et leur stabilité mécanique.
12.5 Pour résumer, l'homme du métier qui aurait été informé par le document (13) de la durée de vie considérablement étendue des "liposomes-PEG" dans la circulation sanguine, de leur faible taux de fuite et de leur stabilité mécanique, et informé par le document (2) du lien direct qui existe entre la durée de vie des liposomes dans la circulation sanguine et la libération continue du médicament encapsulé dans des liposomes à des niveaux physiologiquement efficaces, s'attendrait raisonnablement à résoudre le problème posé en remplaçant simplement, dans les compositions de liposomes connues, les "liposomes-GM1" par des "liposomes-PEG", sans changer aucun des autres paramètres, tels que par exemple le diamètre de particule moyen choisi. Il ne restait plus dès lors qu'à confirmer expérimentalement que le résultat hautement probable avait été effectivement obtenu. La nécessité de confirmer expérimentalement un résultat raisonnablement escompté n'a pas pour effet de rendre une invention non évidente.
12.6 Il résulte de ce qui précède que l'objet de la revendication 1 n'implique pas une activité inventive, contrairement aux exigences de l'article 52 (1) ensemble l'article 56 CBE. Puisqu'une décision ne peut être prise qu'à propos de chaque requête dans son ensemble, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres revendications sont brevetables.
13. La requérante a demandé le remboursement de la taxe de recours sur la base de l'un ou des deux vices fondamentaux de procédures qu'elle a allégués (mentionnés comme "abus de procédures" dans l'exposé des motifs du recours).
13.1 En premier lieu, la requérante a fait valoir qu'elle n'avait pas eu le temps d'examiner la description modifiée produite par l'intimée à l'issue de la procédure orale devant la première instance. Elle déclare, ce qui semble être un terrain d'entente, que cette procédure orale s'est poursuivie tard dans la soirée, bien que la décision écrite mentionne que les deux parties souhaitaient venir à bout de cette affaire lors de cette procédure orale (page 20, point 11), et que la division d'opposition a déclaré à tort que "... l'opposant n'est pas obligé de formuler des observations, ni d'approuver ou de ne pas approuver la description". La requérante fait observer que cette remarque dissimule le fait que la description est susceptible d'affecter l'interprétation ultérieure des revendications par la Chambre ou un tribunal national.
Toutefois, ces arguments n'ont pas tenu compte de la procédure qui, en pratique, signifie que la requérante n'était pas désavantagée. Si l'opposant forme un recours, il va de soi qu'il désapprouve la décision de la première instance, et toute observation de sa part concernant la description modifiée serait académique. En outre, un recours formé par l'une des parties a pour effet de suspendre la décision attaquée (article 106 (1) CBE). De plus, et pour la bonne raison alléguée par la requérante, un opposant n'est pas susceptible de donner son accord sur une description modifiée, puisque cela pourrait être retenu contre lui pendant la procédure suivante. Par conséquent la Chambre ne voit aucun vice de procédure qui serait intervenu à cet égard.
13.2 En deuxième lieu, la requérante a fait valoir que la division d'opposition avait commis un "abus de procédure" en n'indiquant pas ses motifs dans la décision qu'elle avait rendue par écrit au sujet des objections au titre de l'article 84 que la requérante avait soulevées pendant la procédure orale à l'encontre de la deuxième requête subsidiaire de l'intimée. Le fait que ces objections aient été formulées ressort clairement des points 14 et 15 du procès-verbal de la procédure orale, qui mentionne également que la division d'opposition ne les avait pas retenues. Ainsi qu'il ressort du point 6 ci-dessus, la Chambre ne partage pas forcément ce point de vue. Toutefois, puisqu'une objection soulevée au titre de l'article 84 CBE ne peut constituer par elle-même un motif d'opposition, la division d'opposition a pu considérer qu'elle avait suffisamment répondu à cette objection du fait que le procès-verbal mentionnait que l'article 84 avait été cité et qu'elle avait répondu, dans le raisonnement qu'elle avait développé dans sa décision écrite, à chaque motif d'opposition qui lui avait été soumis. La Chambre est également convaincue que la décision de la division d'opposition et le procès-verbal rendent compte correctement aussi bien des arguments soulevés par les parties que du raisonnement qui avait permis à la division d'opposition de parvenir à sa décision. La question de savoir si ce raisonnement était convaincant - et, en ce qui concerne les arguments au titre de l'article 84 CBE, il est probable qu'aucun des motifs qu'aurait pu invoquer la division d'opposition n'aurait pu convaincre la requérante - est une autre question qui n'a rien à voir avec celle de l'existence d'un vice substantiel de procédure (cf. décision T 75/91 du 11 janvier 1993, non publiée au JO OEB, point 7 des motifs).
13.3 Par conséquent, la Chambre estime qu'il n'a pu être prouvé l'existence d'aucun des vices substantiels de procédure qui ont été allégués. En outre, même si l'existence de l'un de ces vices ou de ces deux vices était démontrée de façon convaincante dans la procédure devant la Chambre, le remboursement de la taxe de recours ne paraîtrait pas équitable (comme l'exige la règle 67 CBE), puisque la requérante aurait de toute façon dû former un recours pour obtenir l'annulation de la décision rendue par la première instance au sujet des autres questions (pas moins de sept) faisant l'objet du présent recours (cf. l'acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours pages 2 à 4, points D.1 à D.7), questions qui elles n'ont pas amené la requérante à dénoncer l'existence d'une irrégularité de procédure. Si l'on peut imaginer des cas dans lesquels il existe sur un seul point un vice de procédure si grave que le remboursement de la taxe serait justifié, la Chambre renverrait alors normalement l'affaire à la première instance, auquel cas la décision attaquée serait annulée dans son ensemble. Dans des cas comme celui dont il est question en l'occurrence, il ne serait pas équitable qu'un requérant bénéficie de la "gratuité des taxes" pour un recours concernant des points qui ont été traités tout à fait correctement en première instance et qu'il ne pouvait contester qu'en formant un recours.
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet européen n 0 496 813 est révoqué.
3. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.