T 0501/92 (Affichage alphanumérique) 01-06-1995
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1. Si un requérant, se fondant sur les faits consignés dans le dossier, invoque pour la première fois comme nouveau argument un nouveau motif de recours au cours de la procédure orale à laquelle l'intimé s'est abstenu de comparaître, il serait contraire à l'article 113(1) CBE et aux principes sur lesquels repose la décision G 4/92 (JO OEB 1994, 149) de décider de faire droit au recours sur la base de ce nouveau motif, sans donner au préalable à l'intimé la possibilité de formuler ses observations.
2. Une requête en matière de procédure présentée par une partie à une procédure de première instance devant l'OEB n'est pas valable et ne peut produire d'effet dans le cadre d'une procédure de recours ultérieure (même conclusion que dans la décision T 34/90, JO OEB 1992, 454).
3. Dans un acte de recours, l'indication par le requérant de "la mesure dans laquelle la modification ou la révocation (de la décision attaquée) est demandée" est une requête (au sens de la règle 64 b) CBE) qui définit le cadre juridique dans lequel doit se dérouler la procédure de recours (même prise de position que dans la décision G 9/92, JO OEB 1994, 875).
4. Dans une procédure de recours faisant suite à une opposition et portant sur un recours recevable, la chambre de recours doit, conformément aux articles 110 et 111 CBE, examiner et décider s'il peut être fait droit au recours, et cela même si l'intimé n'a pas présenté de "requête" ou de réponse en vue d'obtenir que la décision de la division d'opposition ne soit ni modifiée ni annulée.
Le fait que le titulaire du brevet n'ait pas formulé de requête en maintien en vigueur du brevet au cours de la procédure de recours faisant suite à une opposition ne constitue pas en soi un motif pour faire droit au recours et pour révoquer le brevet
Activité inventive - (non)
Exposé des faits et conclusions
I. Il a été fait opposition au brevet européen n° 0 133 344, portant sur un système d'affichage de messages alphanumériques, au motif que son objet n'impliquait pas d'activité inventive, contrairement à ce qu'exige l'article 100 a) CBE, et que l'invention revendiquée n'était pas exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (article 100 b) CBE). ...
Après le dépôt de l'acte d'opposition, le mandataire du titulaire du brevet a fait savoir qu'il avait reçu comme instructions de ne pas présenter d'observations, et de répondre simplement que pour le titulaire, la brevetabilité de l'invention ressortait du dossier de demande soumis à la division d'examen.
La division d'opposition a rejeté l'opposition.
II. La revendication indépendante unique du brevet tel que délivré, sur la base de laquelle la division d'opposition a rendu sa décision, s'énonce comme suit : ...
III. L'opposant a introduit un recours contre la décision susmentionnée et demandé, dans l'acte de recours, que le brevet soit révoqué. Il a fait valoir dans le mémoire exposant les motifs du recours que l'objet revendiqué n'impliquait pas d'activité inventive par rapport aux documents cités au cours de la procédure devant la division d'opposition et par rapport à un nouveau document, à savoir :
IV. Le titulaire du brevet n'a pas formulé d'observations en réponse à l'acte de recours ou au mémoire exposant les motifs du recours.
Dans sa réponse à la citation à la procédure orale, le mandataire du titulaire a fait savoir que le titulaire ne serait pas représenté à cette procédure, et a demandé qu'une copie du procès- verbal de la procédure orale et de la décision de la Chambre lui soient envoyées dans les meilleurs délais.
V. La procédure orale a eu lieu le 1er juin 1995, en l'absence du titulaire du brevet.
A l'ouverture de la procédure, l'opposant a signalé qu'à aucun stade de la procédure de recours le titulaire n'avait formulé de requête, et notamment de requête en vue du maintien en vigueur du brevet, ni présenté d'observations en réponse au mémoire exposant les motifs du recours.
Se fondant notamment sur la règle 66(2)e) CBE, il a fait valoir que d'après les règles de procédure, il était essentiel que le titulaire formule une telle requête durant la procédure de recours, faute de quoi il devrait être fait droit au recours, le brevet devrait être révoqué et il devrait être ordonné une répartition des frais entre les parties. Au cas où il n'obtiendrait pas satisfaction, l'opposant demandait que cette question soit soumise à la Grande Chambre de recours.
Après délibération, la Chambre a annoncé qu'elle décidait de rejeter la requête en révocation du brevet que l'opposant avait présentée en se fondant sur le motif exposé ci-dessus. L'opposant a donc été invité à expliquer pourquoi il estimait que l'objet du brevet n'impliquait pas d'activité inventive. ...
VII. A l'issue de la procédure orale, la Chambre a annoncé sa décision de révoquer le brevet au motif que son objet n'impliquait pas d'activité inventive.
Motifs de la décision
1. Question de procédure : absence de requête formulée par le titulaire
Comme il a été indiqué au point V ci-dessus, l'opposant a fait valoir au début de la procédure orale que lorsque le titulaire du brevet ne présente pas de "requête" en bonne et due forme visant au maintien en vigueur du brevet européen, le brevet doit être automatiquement révoqué, sans que l'Office ait dans ce cas à examiner les motifs de fond de l'opposition, et notamment ceux relatifs à l'absence d'activité inventive.
L'opposant n'avait pas exposé cet argument par écrit avant la procédure orale. Quant au titulaire, n'ayant pas été représenté à cette procédure, il n'a pu répondre à cet argument, qui constitue un nouveau motif juridique que l'opposant, se fondant sur les faits consignés dans le dossier, avait invoqué pour demander qu'il soit fait droit au recours ; il s'agit donc d'un nouveau "motif" au sens de l'article 113(1) CBE, et non pas simplement d'un nouvel argument. Il serait contraire à l'article 113(1) CBE et aux principes sur lesquels se fonde l'avis G 4/92 (JO OEB 1994, 149) que la Chambre fasse droit au recours et révoque le brevet sur cette base sans avoir au préalable donné au titulaire du brevet la possibilité de répondre en formulant des observations : en effet, bien que l'opposant n'ait pas fait valoir de nouveaux faits ou justifications et se soit borné pratiquement à avancer un nouvel argument fondé sur les faits consignés dans le dossier, ce nouvel argument, qui avait été avancé pour la première fois lors de la procédure orale de recours, constituait un nouveau motif juridique invoqué pour demander qu'il soit fait droit au recours. S'il avait été donné au titulaire la possibilité de répondre en formulant des observations, la procédure orale aurait dû être ajournée et la procédure de recours poursuivie par écrit. Toutefois, après avoir soigneusement examiné les conclusions de l'opposant, la Chambre a décidé qu'elle n'avait pas à procéder de la sorte pour entendre la réponse du titulaire, car elle estime, pour les raisons qui vont être exposées ci-après, que ce n'est pas parce que le titulaire n'a pas présenté de "requête" et qu'il n'a pas répondu sur le fond aux arguments avancés par l'opposant pendant la procédure de recours qu'il y a lieu pour autant de révoquer le brevet pour une question de procédure.
1.1 Au cours de la procédure devant la division d'opposition, comme il a été rappelé ci-dessus au point I, le titulaire a fait savoir que selon lui la brevetabilité de l'invention qu'il revendiquait ressortait du dossier soumis à la division d'examen. Or, dans une procédure devant la division d'opposition, une telle requête ("statement", cf. règle 64 b) pourrait manifestement être interprétée comme signifiant que le titulaire souhaite que le brevet soit maintenu tel qu'il a été délivré. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé dans la décision T 34/90 (JO OEB 1992, 454), "la procédure de recours est totalement distincte et indépendante de la procédure en première instance" pour tout ce qui concerne les questions de procédure. C'est ainsi qu'une requête en matière de procédure présentée par une partie à une procédure de première instance devant l'OEB n'est pas valable et ne peut produire d'effet dans le cadre d'une procédure ultérieure de recours devant une chambre de recours. Une requête ("statement") présentée au cours de la procédure de première instance, qui est susceptible d'avoir une incidence sur ladite procédure, ne peut valoir dans une procédure de recours ultérieure et doit être renouvelée au stade de cette procédure de recours pour pouvoir produire des effets à ce stade.
Dans la présente espèce, comme la Chambre l'a signalé au point IV ci-dessus, le titulaire n'a fait aucune déclaration pouvant être interprétée comme une requête explicite ou implicite visant au maintien en vigueur du brevet ; il s'est contenté de demander à être informé de l'issue de la procédure.
1.2 La procédure de recours contre une décision de la division d'opposition est engagée dès lors qu'une partie à la procédure devant la division d'opposition dépose un acte de recours dans le délai prescrit à l'article 108 CBE, si cette décision n'a pas fait droit à ses prétentions. En vertu de la règle 64 b) CBE, l'acte de recours doit contenir entre autres "une requête ("statement") identifiant la décision attaquée et indiquant la mesure dans laquelle sa modification ou sa révocation est demandée". Ainsi, un requérant doit indiquer dès le début de la procédure de recours dans quelle mesure il conteste la décision qui fait l'objet du recours. Il s'agit là de la "requête" du requérant, qui définit le cadre juridique dans lequel doit se dérouler la procédure de recours (cf. points 7 à 12 des motifs de la décision G 9/92, JO OEB 1994, 875 ; en particulier, il est indiqué au point 9 des motifs que "la procédure de recours a toujours pour objet le recours lui- même").
Ensuite, le requérant doit déposer par écrit dans le délai prescrit "un mémoire exposant les motifs du recours" (article 108 CBE), c'est-à-dire "les motifs de droit ou de fait pour lesquels il y a lieu d'annuler la décision attaquée et de faire droit au recours" (cf. par ex. les décisions T 145/88, JO OEB 1991, 251 et T 220/83, JO OEB 1986, 249).
1.3 Si le recours est recevable, la chambre de recours l'"examine" (article 110 CBE). En vertu de l'article 110(2) CBE, l'examen du recours "doit se dérouler conformément aux dispositions du règlement d'exécution". La règle 66(1) CBE stipule que dans le cas d'une procédure de recours faisant suite à une opposition, les dispositions relatives à la procédure devant la division d'opposition "sont applicables à la procédure de recours", à moins qu'il n'en soit disposé autrement.
Dans la procédure devant la division d'opposition, à la suite du dépôt de l'acte d'opposition visé à l'article 99(1) CBE (qui est généralement le pendant à la fois de l'acte de recours et du mémoire exposant les motifs du recours produits dans la procédure de recours), la division d'opposition, après avoir examiné la recevabilité de l'acte d'opposition en application de la règle 56 CBE, invite ("to invite", "auffordern") le titulaire à présenter ses "observations" dans un délai qu'elle lui impartit, en application de la règle 57(1) CBE. Cette invitation fait partie des "mesures préparatoires à l'examen de l'opposition". Il est dit à la règle 57(3) CBE que "les observations du titulaire du brevet ainsi que toutes modifications qu'il a soumises sont notifiées aux autres parties intéressées". L'utilisation de l'article défini "les observations", par opposition à "toutes modifications" semble laisser entendre que ces observations seront formulées par le titulaire du brevet. Les autres parties intéressées peuvent être invitées à répondre aux observations du titulaire, là encore dans un délai donné.
L'article 101 CBE traite de "l'examen de l'opposition". Il y est dit au paragraphe 1 que "si l'opposition est recevable, la division d'opposition examine si les motifs d'opposition visés à l'article 100 s'opposent au maintien du brevet européen". Au cours de cet examen, il est prévu (article 101(2) et règle 58 CBE) que la division d'opposition peut adresser une ou plusieurs notifications aux parties. Rien dans les articles ou règles de la CBE concernant ce point ne permet de conclure que cet examen de l'opposition ne doit avoir lieu que si, en réponse à l'acte d'opposition, le titulaire a présenté une "requête" visant au maintien en vigueur du brevet (soit tel que délivré, soit dans le texte modifié qu'il propose). Au contraire, la Chambre estime qu'il ressort clairement de la référence faite aux "délais impartis" à la règle 57 CBE que si le titulaire, invité à présenter ses observations dans un délai qui lui est imparti, n'accomplit pas cet acte dans ce délai, la division d'opposition entreprend à l'expiration de ce délai l'examen de l'opposition conformément à l'article 101 CBE.
1.4 Si l'on applique par analogie ces règles de procédure à la procédure de recours faisant suite à une opposition, il s'ensuit, d'après la Chambre, qu'après le dépôt par un opposant/requérant d'un mémoire (recevable) exposant les motifs du recours, le titulaire du brevet doit être invité à présenter des observations en réponse dans un délai donné. Les chambres de recours ont coutume de joindre à l'exposé des motifs du recours envoyé au titulaire du brevet/intimé un formulaire dans lequel il est précisé : "Un délai de ... vous est accordé pour y répondre éventuellement".
Si le titulaire du brevet/intimé ne présente pas d'observations dans le délai qui lui a été imparti, l'examen du recours s'engage conformément à l'article 110(1) CBE, puis, à la suite de l'examen au fond du recours, "la chambre de recours statue sur le recours", aux termes de l'article 111(1) CBE, première phrase. Là encore, rien dans les dispositions relatives à la procédure de recours ne permet de penser que la chambre n'examinera au fond le recours que si l'intimé a présenté en bonne et due forme une "requête" en réponse au mémoire exposant les motifs du recours.
Au contraire, il ressort clairement des dispositions concernées (notamment celles des articles 110 et 111 CBE) que si le recours est recevable, la chambre de recours examine et décide s'il peut y être fait droit (c'est-à-dire examine et décide si la décision de la division d'opposition doit être modifiée ou annulée conformément à la requête présentée par l'opposant/requérant dans l'acte de recours), que le titulaire/intimé ait ou non présenté une requête visant au maintien en vigueur du brevet.
1.5 Dans la présente espèce, l'opposant/requérant s'est en particulier fondé sur la règle 66(2)e) CBE pour étayer sa thèse selon laquelle le titulaire du brevet/intimé est tenu, sur le plan de la procédure, de présenter une "requête" en bonne forme s'il désire que son brevet soit maintenu. Or cette règle dispose que quel que soit le recours, la décision écrite prise au sujet du recours contient entre autres "les conclusions des parties" ("die Anträge der Beteiligten", "a statement of the issues to be decided"). S'il est vrai que les versions allemande et française de ladite règle semblent mettre l'accent sur le fait que les "requêtes" (requests) des parties doivent figurer dans la décision écrite, alors que la version anglaise, plus neutre, fait simplement référence aux "issues to be decided" - littéralement : aux points à trancher, il n'en demeure pas moins que cette règle porte uniquement sur le contenu de la décision écrite, et qu'elle ne régit pas la procédure avant ou durant l'examen du recours, si bien qu'elle ne peut en l'espèce être invoquée comme argument par l'opposant/requérant. Le terme "Anträge" (conclusions) figurant dans le texte allemand doit être interprété comme pouvant également signifier "Antrag" (requête) au singulier, s'il n'a été présenté qu'une seule requête en bonne et due forme, à savoir la requête du requérant (comme c'est le cas dans la présente espèce).
1.6 L'opposant a fait valoir que, dans le droit processuel allemand, si l'intimé souhaite contester l'appel qui a été formé, les règles de procédure exigent en pareil cas qu'il dépose une requête en bonne et due forme en réponse à la requête formulée par l'appelant. Toutefois, la présente procédure de recours est régie par les dispositions de la CBE dont il a été discuté ci-dessus, qui diffèrent des dispositions du droit allemand.
1.7 L'opposant a également demandé que la question qui se pose en l'espèce soit soumise à la Grande Chambre de recours. La Chambre a toutefois décidé de rejeter cette requête, car, comme il a été montré ci-dessus, si l'on interprète correctement les dispositions pertinentes de la CBE, la conclusion à tirer paraît claire.
1.8 De même, la Chambre a rejeté comme mal fondée la requête de l'opposant, qui avait demandé la répartition des frais entre les parties sous prétexte que le titulaire du brevet n'avait pas déposé de requête en bonne et due forme au cours de la procédure de recours.
1.9 En conclusion, la Chambre estime par conséquent que même si, au cours de la procédure de recours faisant suite à une opposition, l'intimé n'a pas présenté de "requête" ou de réponse en vue d'obtenir que la décision de la division d'opposition ne soit ni modifiée, ni annulée, elle reste néanmoins tenue d'examiner et de décider si elle peut faire droit au recours, conformément aux articles 110 et 111 CBE.
2. Activité inventive
3. Son objet n'impliquant pas d'activité inventive, le brevet doit être révoqué en application de l'article 102(1) CBE. Il n'y a donc pas lieu d'examiner si, comme l'a fait valoir l'opposant, le brevet n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La Chambre rejette la requête de l'opposant visant à la révocation du brevet pour le motif exposé au point V ci-dessus, ainsi que ses autres requêtes visant à la répartition des frais entre les parties et à la saisine de la Grande Chambre de recours.
2. Il est fait droit au recours et le brevet européen est révoqué au motif qu'il n'implique pas d'activité inventive.