T 0083/05 (Broccoli II/PLANT BIOSCIENCE) 08-07-2013
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I. Le présent recours concerne le brevet européen n° 1 069 819, intitulé "Procédé par sélection d'accroissement des glucosinolates anticarcinogènes de la brassica". Le brevet a été délivré sur la base de la demande n° 99915886.8 (publiée sous le numéro WO?A?99/52345). Il contenait des revendications de procédé relatives à des procédés d'obtention de Brassica oleracea ayant des teneurs élevées en certains glucosinolates, ainsi que des revendications de produit ayant pour objet certaines plantes du genre Brassica et certaines plantes brocoli, ainsi que des parties de ces plantes (portion comestible, semences, inflorescence, cellule de plante).
II. Deux opposants ont fait opposition au brevet. Ils ont notamment fait valoir que l'objet des revendications de procédé contenues dans le brevet était exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53b) CBE. Pendant la procédure devant la division d'opposition, aucun des opposants n'a élevé d'objection au titre de l'article 53b) CBE contre les revendications de produit figurant dans le brevet. La division d'opposition a décidé que le brevet européen pouvait être maintenu sous une forme modifiée, sur la base des revendications 1 à 11 de la requête qui était alors la requête principale du titulaire du brevet et qui comprenait à la fois des revendications de procédé et des revendications de produit.
III. L'opposant 01 (requérant I) et l'opposant 02 (requérant II) ont formé un recours contre cette décision. Ils ont estimé que le brevet tel que modifié et l'invention qui en faisait l'objet ne satisfaisaient pas aux exigences de la CBE. Ils se sont appuyés à cet égard sur les motifs d'opposition suivants : insuffisance de l'exposé de l'invention, absence de nouveauté et d'activité inventive, et extension de l'objet. Le requérant II a également allégué que l'objet des revendications de procédé figurant dans la requête principale du titulaire du brevet (intimé) soumise à la division d'opposition était exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53b) CBE.
IV. Pendant la première procédure orale devant la présente Chambre (siégeant dans une composition différente), l'intimé a produit une nouvelle requête principale et une requête subsidiaire, comprenant chacune 9 revendications. Les revendications indépendantes de ladite requête principale s'énonçaient comme suit :
"1. Procédé pour la production de Brassica oleracea ayant des teneurs élevées en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle, ou en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle, ou les deux, qui comprend :
a) le croisement de l'espèce sauvage Brassica oleracea, choisie dans le groupe comprenant Brassica villosa et Brassica drepanensis, avec des lignées haploïdes doublées de brocoli ;
b) la sélection d'hybrides ayant des teneurs
en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle ou
en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle, ou les deux, qui sont plus élevées que celles initialement trouvées dans les lignées haploïdes doublées de brocoli ;
c) le rétrocroisement et la sélection de plantes ayant la combinaison génétique codant l'expression de teneurs élevées en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle ou en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle, ou les deux ; et
d) la sélection d'une lignée de brocoli ayant des teneurs élevées en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle ou en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle, ou les deux, capable de provoquer une forte induction d'enzymes en phase II,
des marqueurs moléculaires étant utilisés aux étapes b) et c) pour sélectionner des hybrides ayant la combinaison génétique codant l'expression de teneurs élevées en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle ou en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle, ou les deux, capables de provoquer une forte induction d'enzymes en phase II.
5. Plante du genre Brassica comestible produite selon le procédé de l'une quelconque des revendications 1 à 4.
6. Portion comestible d'une plante brocoli produite selon le procédé de l'une quelconque des revendications 1 à 4.
7. Semence d'une plante brocoli produite selon le procédé de l'une quelconque des revendications 1 à 4.
8. Plante brocoli ayant des teneurs élevées en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle ou en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle, ou les deux, la plante brocoli étant une plante hybride après croisement de lignées haploïdes doublées de brocoli avec des espèces sauvages Brassica oleracea sélectionnées dans le groupe comprenant Brassica villosa et Brassica drepanensis, et les teneurs en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle ou en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle, ou les deux, étant comprises entre 10 et 100 µmoles par gramme de poids sec de cette plante.
9. Inflorescence de brocoli ayant des teneurs élevées en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle ou en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle, ou les deux, l'inflorescence de brocoli étant obtenue à partir d'une plante hybride après croisement de lignées haploïdes doublées de brocoli avec des espèces sauvages Brassica oleracea sélectionnées dans le groupe comprenant Brassica villosa et Brassica drepanensis, et les teneurs en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle ou en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle, ou les deux, étant comprises entre 10 et 100 µmoles par gramme de poids sec de cette inflorescence."
V. Dans sa décision intermédiaire du 22 mai 2007, la Chambre a soumis deux questions de droit à la Grande Chambre de recours. Ces deux questions concernaient l'interprétation de l'exclusion des procédés prévue à l'article 53b) CBE, autrement dit les conditions dans lesquelles les procédés d'obtention de végétaux doivent être considérés comme étant "essentiellement biologiques". De plus, la décision intermédiaire traitait toutes les autres objections que les requérants avaient avancées jusqu'alors pendant la procédure de recours. La Chambre a conclu qu'aucune de ces objections ne s'opposait au maintien du brevet tel que modifié sur la base de la requête principale de l'intimé (cf. point 4 des motifs : non-extension de l'objet ; point 7 : suffisance de l'exposé ; point 18 : nouveauté ; points 28 et 35 : activité inventive).
VI. Dans sa décision G 2/07 du 9 décembre 2010, la Grande Chambre de recours a répondu aux questions qui lui avaient été soumises. Le 24 mars 2011, la Chambre a cité les parties à une procédure orale, dont la date était fixée au 26 octobre 2011.
VII. Dans une lettre du 29 avril 2011, l'intimé a soumis une nouvelle requête principale et une nouvelle requête subsidiaire qui remplaçaient toutes les requêtes précédentes. Ces nouvelles requêtes ne contenaient pas de revendications de procédé. La requête principale comprenait cinq revendications indépendantes, numérotées de 1 à 5. La revendication 1 s'énonçait comme suit :
"1. Plante du genre Brassica comestible produite selon un procédé pour la production de Brassica oleracea ayant des teneurs élevées en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle, ou en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle, ou les deux, qui comprend :
a) le croisement de l'espèce sauvage Brassica oleracea, choisie dans le groupe comprenant Brassica villosa et Brassica drepanensis, avec des lignées haploïdes doublées de brocoli ;
b) la sélection d'hybrides ayant des teneurs
en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle ou
en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle, ou les deux, qui sont plus élevées que celles initialement trouvées dans les lignées haploïdes doublées de brocoli ;
c) le rétrocroisement et la sélection de plantes ayant la combinaison génétique codant l'expression de teneurs élevées en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle ou en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle, ou les deux ; et
d) la sélection d'une lignée de brocoli ayant des teneurs élevées en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle ou en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle, ou les deux, capable de provoquer une forte induction d'enzymes en phase II,
des marqueurs moléculaires étant utilisés aux étapes b) et c) pour sélectionner des hybrides ayant la combinaison génétique codant l'expression de teneurs élevées en glucosinolates de 4-méthylsulfinylbutyle ou en glucosinolates de 3-méthylsulfinylpropyle, ou les deux, capables de provoquer une forte induction d'enzymes en phase II."
Les revendications 2 et 3 de la nouvelle requête principale portaient sur une portion comestible et sur la semence d'une plante brocoli obtenue par un procédé défini de la même manière que dans la revendication 1. Les revendications 4 et 5 étaient identiques aux revendications 8 et 9 de l'ancienne requête principale de l'intimé que la Chambre avait traitée dans sa décision intermédiaire du 22 mai 2007 (cf. point IV ci-dessus).
VIII. L'intimé a demandé la tenue d'une procédure orale dans le seul cas où la Chambre n'envisagerait pas de maintenir le brevet sur la base de la nouvelle requête principale. Par lettres du 27 septembre 2011 et du 11 octobre 2011, les requérants II et I, respectivement, ont quant à eux demandé la tenue d'une procédure orale dans le seul cas où la Chambre envisagerait de maintenir le brevet sur la base d'une requête autre que les requêtes de l'intimé qui étaient alors en instance. La Chambre a annulé la procédure orale dont la date avait été fixée au 26 octobre 2011 et a indiqué qu'elle avait l'intention de rendre une décision par écrit.
IX. Le 8 novembre 2011, une deuxième procédure orale a eu lieu dans le cadre de la procédure de recours relative à l'affaire T 1242/06 (Tomates/ETAT D'ISRAEL). Dans cette affaire, la chambre avait également soumis précédemment des questions de droit concernant l'interprétation de l'exclusion des procédés prévue à l'article 53b) CBE. Cette saisine avait conduit à la décision G 1/08 de la Grande Chambre de recours (JO OEB 2012, 206), dont l'exposé des faits et les motifs étaient identiques à ceux de la décision G 2/07 susmentionnée (cf. point VI). Si, dans l'affaire T 1242/06, le titulaire du brevet a lui aussi tenu compte, comme dans la présence espèce, de la décision de la Grande Chambre de recours en supprimant toutes les revendications de procédé, l'opposant a néanmoins soutenu que les requêtes du titulaire du brevet, qui ne comportaient désormais que des revendications de produit, ne satisfaisaient toujours pas aux exigences de l'article 53b) CBE. À la fin de la deuxième procédure orale relative à l'affaire T 1242/06, la chambre a annoncé son intention de saisir une nouvelle fois la Grande Chambre de recours.
X. Des observations de tiers ont été reçues dans la présente affaire le 1er novembre 2011.
XI. Par lettre du 22 novembre 2011, le requérant I a demandé la suspension de la procédure jusqu'à ce que la chambre instruisant le recours formé dans l'affaire T 1242/06 ait formulé les questions destinées à la Grande Chambre de recours et que celle-ci ait décidé de les "accepter" ou non. Il a également demandé la tenue d'une procédure orale au cas où la Chambre envisagerait de rejeter la requête en suspension.
XII. Par lettre du 22 décembre 2011, l'intimé a fait valoir que les nouveaux moyens invoqués par le requérant I semblaient introduire un nouveau motif d'opposition dans la procédure de recours, à savoir une objection au titre de l'article 53b) CBE contre les revendications de produit. Si la Grande Chambre de recours considérait que la deuxième saisine dans l'affaire T 1242/06 n'était pas recevable, l'intimé s'opposerait à l'admission de ce nouveau motif dans la procédure. Dans le cas contraire, il l'accepterait. L'intimé a en outre suggéré que la Chambre n'émette sa prochaine notification qu'après que la Grande Chambre de recours se serait prononcée au sujet de la recevabilité de la deuxième saisine dans l'affaire T 1242/06. Il a demandé la tenue d'une procédure orale si la Chambre envisageait de rendre une décision qui ne fasse pas droit à ses requêtes écrites.
XIII. Dans l'affaire T 1242/06, la chambre a rendu le 31 mai 2012 une deuxième décision intermédiaire, dans laquelle elle a soumis les questions de droit suivantes à la Grande Chambre de recours :
"1. L'exclusion des "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" prévue à l'article 53b) CBE peut-elle avoir un effet négatif sur l'admissibilité d'une revendication de produit portant sur des végétaux ou une matière végétale comme un fruit ?
2. En particulier, une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale est-elle admissible même si l'unique procédé disponible à la date de dépôt pour obtenir l'objet revendiqué est un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux divulgué dans la demande de brevet ?
3. Est-il important, dans le contexte des questions 1 et 2, que la protection conférée par la revendication de produit englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel en vertu de l'article 53b) CBE ?"
L'affaire est en instance sous le numéro de référence G 2/12 devant la Grande Chambre de recours (cf. JO OEB 2012, 468).
XIV. Dans sa notification du 15 juin 2012, la Chambre a invité les parties à clarifier leurs requêtes. Après que seul le requérant I a présenté dans le délai imparti des moyens sur le fond, la Chambre a envoyé une citation à une procédure orale. Toutes les parties ont par la suite soumis d'autres moyens. Des observations de tiers ont également été reçues.
XV. Par lettre du 31 janvier 2013, l'intimé a consenti sans réserve à l'examen de l'objection élevée en vertu de l'article 53b) CBE contre les revendications de produit figurant dans ses requêtes. Il a demandé que cette objection soit admise dans la procédure et que la Chambre saisisse à nouveau la Grande Chambre de recours. Cette saisine devait selon lui inclure les trois questions formulées dans la décision intermédiaire T 1242/06 du 31 mai 2012 et les deux questions suivantes ou au moins l'une d'entre elles :
"4. Si une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale est considérée comme non admissible au motif que la revendication de produit englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53b) CBE, est-il possible d'introduire un disclaimer concernant le procédé exclu ?
5. Si l'exception applicable aux procédés essentiellement biologiques a une incidence sur la brevetabilité des produits obtenus par ces procédés, cette incidence est-elle limitée aux revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention qui incorporent le procédé essentiellement biologique, ou s'applique-t-elle aussi aux revendications de produit qui définissent le produit par ses caractéristiques structurelles ?"
XVI. La procédure orale a eu lieu le 1er mars 2013, en présence de toutes les parties. Le requérant I a présenté une série de questions en vue de la saisine de la Grande Chambre de recours, les questions 2, 3 et 5 s'énonçant comme suit :
"2. Si l'exception applicable aux procédés essentiellement biologiques a une incidence sur la brevetabilité des produits obtenus par ces procédés, cette incidence est-elle limitée aux revendications relatives à un produit caractérisé par son procédé d'obtention qui incorporent le procédé essentiellement biologique, ou s'applique-t-elle aux revendications de produit qui définissent le produit par ses caractéristiques structurelles ? Le fait que ces revendications comprennent, outre les caractéristiques structurelles, des étapes du procédé comme le croisement par voie sexuée joue-t-il un rôle ?
3. Si l'exception à la brevetabilité s'étend aux revendications de produit en général, le fait que le produit aurait pu être obtenu par un procédé technique (ne revêtant pas de caractère essentiellement biologique) qui n'est pas exclu de la brevetabilité joue-t-il un rôle ? Un tel procédé doit-il être explicitement décrit et/ou faire l'objet d'exemples dans la demande de brevet, ou une description dans l'état de la technique est-elle suffisante ?
5. La question de savoir si un procédé qui englobe des étapes de croisement et de sélection est globalement de nature technique influe-t-elle sur l'exception à la brevetabilité qui frappe un procédé essentiellement biologique ? S'il est répondu par la négative à cette question, quelles sont l'incidence et la signification de la règle 27c) au regard de l'article 53b) CBE (le cas échéant) ?"
Le requérant II a soumis la question suivante en vue de la saisine de la Grande Chambre de recours :
"S'il est répondu par l'affirmative à la question no 1 (telle que soumise dans la décision T 1242/06), quels éléments restent brevetables en vertu de la CBE en termes de végétaux ?"
L'intimé a présenté les nouvelles requêtes subsidiaires 1 et 2. La nouvelle requête subsidiaire 1 était identique à la requête principale déposée par lettre du 29 avril 2011, à la seule différence qu'à la fin de chaque revendication, il avait été inséré une proposition introduite par "étant entendu que", qui commençait par les termes : " étant entendu que la revendication n'englobe pas de procédé essentiellement biologique d'obtention", suivis, dans les revendications 1 et 4, par les termes "de la plante", dans la revendication 2, par les termes "de la portion de la plante", dans la revendication 3, par les termes "de la semence de la plante" et, dans la revendication 5, par les termes "de l'inflorescence".
La nouvelle requête subsidiaire 2 était identique à la requête subsidiaire présentée par lettre du 29 avril 2011, la seule différence par rapport à la requête principale résidant dans la suppression des revendications 1 à 3 et dans la renumérotation des revendications 4 et 5 restantes.
XVII. Le requérant I (opposant 01) a demandé que la décision frappée de recours soit annulée et que le brevet européen n° 1 069 819 soit maintenu sous une forme modifiée, sur la base de la nouvelle requête subsidiaire 2 qui avait été soumise par l'intimé pendant la procédure orale. Il a également demandé que les questions de droit suivantes soient soumises à la Grande Chambre de recours :
a) les questions 1 à 3 telles que déjà soumises à la Grande Chambre de recours dans la décision T 1242/06 du 31 mai 2012 ;
b) les questions 4 et 5 formulées par l'intimé dans sa lettre du 31 janvier 2013 ;
c) les questions 2, 3 et 5 figurant dans la série de questions soumises par le requérant I pendant la procédure orale.
XVIII. Le requérant II (opposant 02) a demandé que la décision frappée de recours soit annulée et que le brevet européen n° 1 069 819 soit révoqué. Il a également demandé que les questions de droit suivantes soient soumises à la Grande Chambre de recours :
a) les questions 1 à 3 telles que déjà soumises à la Grande Chambre de recours dans la décision T 1242/06 du 31 mai 2012 ;
b) les questions 4 et 5 formulées par l'intimé dans sa lettre du 31 janvier 2013 ;
c) la question soumise par le requérant II pendant la procédure orale.
XIX. L'intimé a demandé que la décision frappée de recours soit annulée et que le brevet soit maintenu sous une forme modifiée, sur la base des revendications 1 à 5 de la requête principale produite par lettre du 8 avril 2011 ou, à défaut, sur la base des revendications 1 à 5 de la nouvelle requête subsidiaire 1 soumise pendant la procédure orale du 1er mars 2013 ou des revendications 1 et 2 de la nouvelle requête subsidiaire 2 soumise pendant la procédure orale du 1er mars 2013. Il a en outre demandé que les questions de droit suivantes soient soumises à la Grande Chambre de recours :
a) les questions 1 à 3 telles que déjà soumises à la Grande Chambre de recours dans la décision T 1242/06 du 31 mai 2012 ;
b) les questions 4 et 5 qu'il avait formulées dans sa lettre du 31 janvier 2013 ou, à défaut, uniquement les questions citées au point a) ci-dessus.
XX. À la fin de la procédure orale, la présidente a annoncé que la Chambre avait l'intention de saisir la Grande Chambre de recours afin de lui soumettre au moins les trois questions déjà formulées dans la décision T 1242/06. Elle a ensuite prononcé la clôture des débats.
XXI. Dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, les arguments avancés par les requérants I et/ou II pendant la procédure de recours peuvent se résumer comme suit :
- L'objection élevée en vertu de l'article 53b) CBE contre les revendications de produit ne constitue pas un nouveau motif d'opposition dont l'examen nécessiterait le consentement du titulaire du brevet.
- Les questions en instance dans l'affaire G 2/12 concernent des aspects juridiques qui sont éminemment pertinents pour la présente espèce. Elles doivent dès lors être réitérées dans une deuxième saisine. Il convient d'y ajouter d'autres questions afin de permettre à la Grande Chambre de recours de traiter tous les problèmes dans leur globalité et de manière complète.
- Il y a lieu en particulier de déterminer si le terme "disponible" employé dans la question n° 2 de la saisine renvoie à une possibilité théorique, à une divulgation concrète, voire à la présence d'un exemple dans le brevet.
XXII. Dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, les arguments avancés par l'intimé pendant la procédure de recours peuvent se résumer comme suit.
- Même si l'objection soulevée par le requérant I contre les revendications de produit représente un nouveau motif d'opposition, elle doit être admise dans la procédure.
- Étant donné que les végétaux découlant de la présente invention pourraient au moins être également obtenus par un procédé comprenant des étapes essentiellement biologiques, le raisonnement que la chambre a développé dans la deuxième décision intermédiaire concernant l'affaire T 1242/06, et avec lequel l'intimé n'est pas d'accord, peut aussi s'appliquer à la présente espèce.
- Tout avis émis par la Grande Chambre de recours dans l'affaire G 2/12 serait aussi éminemment pertinent pour la validité du brevet attaqué. L'intimé doit dès lors avoir la possibilité de s'adresser à la Grande Chambre de recours sur ce point. À cette fin, la Chambre doit réitérer les questions en cours d'examen dans l'affaire G 2/12, dans le cadre d'une deuxième saisine relative à la présente espèce.
- L'affaire traitée sous le numéro de référence G 2/12 et les décisions rendues par la Grande Chambre de recours dans les affaires G 2/07 et G 1/08 ont causé une grande incertitude sur des questions fondamentales relatives à la brevetabilité. Afin de les clarifier, il convient de soumettre des questions supplémentaires à la Grande Chambre de recours.
Recevabilité des requêtes présentées par l'intimé
1. La requête principale de l'intimé (cf. point VII ci-dessus) a été soumise par lettre du 29 avril 2011, après que la Grande Chambre de recours a répondu aux questions soumises par la présente Chambre concernant la signification et la portée de l'exclusion des procédés prévue à l'article 53b) CBE. Les modifications effectuées consistent essentiellement à supprimer toutes les revendications de procédé contenues dans la requête principale précédente. Le dépôt de la requête principale peut donc être considéré comme une réaction appropriée à la décision de la Grande Chambre de recours. Il en va de même pour la requête subsidiaire II de l'intimé, qui a été produite par la même lettre (en tant que "requête subsidiaire") et dans laquelle trois autres revendications indépendantes ont été supprimées (cf. points VII et XVI ci-dessus).
2. L'actuelle requête subsidiaire I n'a été déposée qu'au stade de la deuxième procédure orale (cf. point XVI ci-dessus). Par rapport à la requête principale, elle contient un disclaimer qui a pour but d'éviter que les revendications de produit ne tombent éventuellement sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité prévue à l'article 53b) CBE. Cette requête subsidiaire peut être considérée comme une tentative de répondre à une objection que le requérant I n'a élevée que très tardivement (cf. point 7 ci-dessous), et de réagir à la discussion à laquelle cette objection a donné lieu pendant la procédure orale.
3. Les requérants n'ont pas contesté la recevabilité de l'une quelconque des requêtes sur le fond présentées par l'intimé. Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 13(1) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR), la Chambre admet par conséquent l'ensemble de ces requêtes dans la procédure.
Requête principale
Motifs d'opposition autres que celui découlant de l'article 100a) ensemble l'article 53b) CBE
4. Dans sa décision intermédiaire du 22 mai 2007, par laquelle des questions de droit relatives à l'interprétation de l'article 53b) CBE ont été soumises à la Grande Chambre de recours (JO OEB 2007, 644), la présente Chambre a déjà examiné tous les autres motifs d'opposition que les requérants avaient soulevés pour mettre en cause l'admissibilité de la requête qui constituait à cette époque la requête principale de l'intimé, ces motifs s'appuyant en l'occurrence sur l'article 100a) ensemble les articles 54 et 56 CBE, ainsi que sur l'article 100b) et c) CBE (cf. point V ci-dessus). La Chambre avait conclu qu'aucun ne s'opposait au maintien du brevet litigieux sous une forme modifiée sur la base de cette requête.
5. L'actuelle requête principale de l'intimé (cf. point VII ci-dessus) ne diffère de la requête principale antérieure (cf. point IV ci-dessus) qu'en ce que
- toutes les revendications de procédé (à savoir 1 à 4) ont été supprimées,
- les revendications de produit 5 à 9 antérieures ont été renumérotées de 1 à 5, et
- la référence au procédé défini dans les revendications antérieures 1 à 4, telle que figurant dans les anciennes revendications indépendantes de produit 5 à 7, a été remplacée, dans les nouvelles revendications 1 à 3, par la définition explicite du procédé selon la revendication 1 antérieure.
6. Les modifications ci-dessus limitent la protection demandée mais ne changent pas le cadre factuel et juridique dans lequel la Chambre, dans sa décision intermédiaire du 22 mai 2007 (cf. ci-dessus), s'est prononcée (en faveur de l'intimé) sur tous les motifs d'opposition autres que celui découlant de l'article 100a) ensemble l'article 53b) CBE. Les motifs et le dispositif de la décision restent donc applicables. Aucune des parties n'a allégué le contraire.
Conformément à l'article 8(2) RPCR, chaque nouveau membre d'une chambre de recours est lié, au même titre que les autres, par les décisions interlocutoires déjà prises par la chambre. Il s'ensuit que la requête principale de l'intimé satisfait aux exigences des articles 54, 56, 83 et 123(2) CBE.
Recevabilité de l'objection soulevée en vertu de l'article 53b) CBE contre les revendications de produit
7. Pendant la procédure devant la division d'opposition, les requérants n'ont jamais affirmé que l'exclusion prévue à l'article 53b) CBE interdisait de faire droit aux revendications de produit figurant dans le brevet tel que délivré ou tel que modifié par l'intimé. Ce n'est qu'à un stade très tardif de la procédure de recours que le requérant I a soulevé cette objection par écrit, après que la Chambre avait déjà annulé la deuxième procédure orale dont la date avait été initialement fixée au 26 octobre 2011 (cf. points VIII, XI et XII).
8. Conformément à l'article 13(1) RPCR, l'admission et l'examen de toute modification présentée par un requérant après que celui-ci a déposé son mémoire exposant les motifs du recours sont laissés à l'appréciation de la chambre. La chambre exerce son pouvoir d'appréciation en tenant compte, entre autres, de la complexité du nouvel objet, de l'état de la procédure et du principe de l'économie de la procédure.
9. De plus, d'aucuns pourraient alléguer que l'examen de l'objection soulevée au titre de l'article 53b) CBE contre les revendications de produit en cours d'examen revient à introduire un nouveau motif d'opposition au stade du recours. Selon la jurisprudence de la Grande Chambre de recours (cf. décisions G 9/91, JO OEB 1993, 408, point 18 des motifs, et G 1/95, JO OEB 1996, 615, points 1.2 et 5 à 7 des motifs), un tel motif ne peut être introduit que si le titulaire du brevet y consent et que si le motif en question se révèle de prime abord éminemment pertinent.
10. D'un côté, il est tout à fait regrettable que le requérant I ait soulevé l'objection concernée à une date si tardive. L'admission et l'examen de cette objection à ce stade auraient pour effet de retarder davantage la décision finale que la chambre envisageait de rendre, dans la présente affaire, après avoir annulé la procédure orale en octobre 2011. L'état de la procédure et le principe de l'économie de la procédure ne jouent pas en faveur de l'admission de l'objection en cause.
11. De l'autre côté, plusieurs facteurs viennent étayer un point de vue différent. Premièrement, et il s'agit du facteur le plus important, l'intimé a consenti sans réserve à l'examen de l'objection (cf. point XV ci-dessus). Deuxièmement, cette objection semble éminemment pertinente pour le maintien du brevet tel que modifié puisque, comme cela est expliqué ci-dessous plus en détails (cf. points 13 à 20), il y a tout lieu de considérer que l'exclusion des procédés prévue à l'article 53b) CBE pourrait avoir une incidence sur l'admissibilité de certaines revendications de produit afférentes à des végétaux ou à une matière végétale. Troisièmement, les récents développements dans l'affaire T 1242/06, en particulier la deuxième saisine de la Grande Chambre de recours, étaient difficilement prévisibles pour les parties et jettent le doute sur l'admissibilité des revendications de produit dans la présente affaire. Les parties semblent d'accord sur le fait qu'il ne peut être mis fin à la procédure de recours faisant suite à l'opposition sans qu'il soit statué sur cette question de droit, qui revêt une importance primordiale pour le brevet attaqué, et sans qu'elles obtiennent la possibilité de défendre leurs arguments à ce sujet, dans le cadre d'une nouvelle saisine de la Grande Chambre de recours.
12. Après avoir mis en balance les considérations ci-dessus, la Chambre, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 13(1) RPCR, admet la nouvelle objection dans la procédure de recours. Sachant que le titulaire du brevet a donné son consentement et que l'objection est éminemment pertinente, il est inutile de décider si elle constitue ou non un nouveau motif d'opposition, les conditions supplémentaires requises par la jurisprudence de la Grande Chambre de recours (cf. point 9 ci-dessus) étant remplies.
Article 53b) CBE - aspects relatifs au fond
13. Dans le domaine de l'obtention de végétaux, l'article 53b) CBE prévoit deux exceptions à la brevetabilité. Il interdit de breveter les variétés végétales d'une part, et les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux d'autre part.
14. Dans la deuxième décision intermédiaire relative à l'affaire T 1242/06 (JO OEB 2013, 42), la présente Chambre, siégeant dans une composition différente, s'est penchée sur ces deux exceptions lorsqu'elle a examiné la brevetabilité des revendications de produit portant sur certains fruits de tomate. Si la Chambre a estimé que l'exclusion des variétés végétales n'était pas applicable, elle a jugé que l'exclusion des procédés prévue à l'article 53b) CBE était susceptible d'influer sur l'admissibilité des produits revendiqués et elle a donc décidé de soumettre à la Grande Chambre de recours d'autres questions de droit relatives à ce dernier point.
15. Dans la présente affaire, l'objet de la revendication 1 selon la requête principale de l'intimé (cf. point VII ci-dessus) est défini comme étant une plante comestible du genre Brassica produite selon un procédé spécifique pour la production de Brassica oleracea ayant des teneurs élevées en certains glucosinolates. Les caractéristiques du procédé décrites dans cette revendication de produit défini par son procédé d'obtention incluent des étapes de croisement et de sélection de végétaux. On retrouve les mêmes caractéristiques du procédé dans les revendications 2 et 3, qui portent sur une portion comestible et la semence d'une plante brocoli. Dans les revendications 4 et 5 de la requête principale (cf. points IV et VII ci-dessus), la plante brocoli ou l'inflorescence de brocoli revendiquées sont définies entre autres par la caractéristique relative à leur procédé d'obtention, à savoir le croisement de lignées haploïdes doublées de brocoli avec Brassica villosa ou Brassica drepanensis.
16. Pour les mêmes raisons que celles exposées de manière très circonstanciée dans la deuxième décision intermédiaire relative à l'affaire T 1242/06 (cf. ci-dessus, point 25 à 39 des motifs), la Chambre considère que les végétaux ou parties de végétaux revendiqués dans la présente affaire ne tombent pas sous le coup de l'exclusion des variétés végétales énoncée à l'article 53b) CBE et fondée sur la définition figurant à la règle 26(4) CBE. Mis à part le fait que, compte tenu des caractéristiques du procédé décrites dans les revendications (cf. point 15 ci-dessus), ces végétaux et parties de végétaux sont définis comme étant le résultat du croisement d'espèces végétales spécifiques, ils ne sont pas définis plus avant par un ensemble de caractères résultant d'un certain génotype ou d'une certaine combinaison de génotypes (cf. décision G 1/98, JO OEB 2000, 111, point 3.1 des motifs) mais, de manière directe ou indirecte, par une seule caractéristique particulière, à savoir une teneur accrue en glucosinolates spécifiques. Toutefois, une unique caractéristique ne suffit généralement pas à définir une variété végétale si, hormis l'indication de l'espèce, aucune autre indication adéquate n'est fournie sur le génotype effectif de l'ensemble végétal. L'exclusion des variétés végétales ne s'applique donc pas à la présente espèce. Aucun des requérants n'a soutenu le contraire.
17. Comme dans l'affaire T 1242/06 (cf. ci-dessus), il est toutefois nécessaire de se pencher sur une deuxième question, en l'occurrence celle de savoir si l'exclusion des procédés prévue à l'article 53b) CBE a une incidence négative sur l'admissibilité des revendications de produit présentées par l'intimé. Selon la Chambre, il y a au moins lieu de considérer comme des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux les étapes du procédé mentionnées dans les revendications 1 à 3 de la requête principale aux fins de la définition des végétaux ou parties de végétaux revendiqués (cf. point 15 ci-dessus), lesquelles étapes tomberaient sous le coup de l'exclusion de procédés prévue à l'article 53b) CBE si elles étaient revendiquées en tant que telles. Il en découle que ces revendications portent sur des végétaux et parties de végétaux qui sont obtenus par un procédé exclu. La chambre n'ignore pas qu'en vertu de la jurisprudence constante, une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention englobe non seulement les produits effectivement obtenus par le procédé concerné, mais également ceux qui, en termes de structure, sont identiques à ces produits et qui sont obtenus par un procédé différent (cf. décisions G 1/98, ci-dessus, point 4 des motifs ; T 219/83, JO OEB 1986, 211, point 10 des motifs). Or, ni la demande de brevet telle que déposée initialement ni le brevet ne semblent divulguer un procédé d'obtention des végétaux ou parties de végétaux revendiqués qui n'inclue pas des étapes de croisement et de sélection.
18. Compte tenu du principe de la protection absolue conférée à un produit (cf. décision G 2/88, JO OEB 1990, 93, point 5 des motifs), une revendication de produit donne au titulaire du brevet une protection qui englobe généralement la protection apportée par une revendication portant sur le procédé servant à obtenir ce produit (cf. décision G 2/06, JO OEB 2009, 306, point 25 des motifs). Si les revendications de produit étaient admises dans la présente affaire, tout acte consistant à obtenir des végétaux ou parties de végétaux Brassica et brocoli revendiqués relèverait en principe du droit exclusif du titulaire du brevet. Celui-ci serait donc en mesure d'empêcher autrui de mettre en uvre le procédé d'obtention enseigné dans la description du brevet et mentionné dans les revendications, alors que ce procédé pourrait être considéré comme un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel de la brevetabilité conformément à l'article 53b) CBE.
19. Faisant face à une situation similaire dans l'affaire T 1242/06 (cf. ci-dessus), la présente Chambre, siégeant dans une composition différente, a exprimé de sérieux doutes concernant l'admissibilité des revendications de produit portant sur une matière végétale obtenue par un procédé essentiellement biologique d'obtention. Elle a estimé que de telles revendications pourraient de facto aller à l'encontre des intentions du législateur lorsqu'il a conçu l'exclusion des procédés et permettre de contourner dans nombre de cas l'exclusion par une rédaction ingénieuse des revendications, compromettant ainsi la cohérence et l'autorité de la CBE quant à la définition de ce qui est brevetable. Au vu de ces doutes, la Chambre a jugé nécessaire de soumettre d'autres questions de droit à la Grande Chambre de recours.
20. La Chambre, dans sa présente composition, fait entièrement sienne l'analyse détaillée des questions pertinentes posées dans la deuxième décision de saisine relative à l'affaire T 1242/06 (cf. ci-dessus). Les points 40 à 66 des motifs de cette décision sont donc expressément incorporés dans la présente décision et en font partie.
La Chambre a connaissance des observations soumises par le Président de l'OEB et par des tiers dans la saisine en instance sous le numéro de référence G 2/12. Cependant, étant donné qu'aucune des parties à la présente procédure ne s'est appuyée en détail sur ces observations ou n'a demandé leur examen à ce stade, à savoir dans le contexte d'une nouvelle décision de saisine, la Chambre juge qu'il n'est ni nécessaire ni opportun de développer l'analyse ci-dessus.
Saisine au titre de l'article 112(1) CBE
21. Il est déterminant pour le présent recours de répondre à la question ci-dessus, visant à établir si l'exclusion des procédés visée à l'article 53b) CBE a une incidence négative sur l'admissibilité des revendications de produit présentées par l'intimé. La Chambre ne saurait à l'évidence statuer elle-même sur cette question, avant que la Grande Chambre de recours n'ait répondu aux questions soumises dans l'affaire G 2/12. La Chambre peut en conséquence soit suspendre la procédure, soit soumettre à nouveau des questions de droit à la Grande Chambre de recours. Compte tenu des considérations exposées ci-après, la Chambre choisit la deuxième solution.
22. Toutes les parties ont explicitement demandé une nouvelle saisine, qui leur permettra de s'adresser à la Grande Chambre de recours au sujet d'une question de droit fondamentale, qui est déterminante pour l'issue de la présente affaire. Elles pourront ainsi avancer leurs propres arguments et mettre en évidence des aspects supplémentaires, enrichissant par là-même la base sur laquelle la Grande Chambre de recours statuera. De plus, compte tenu des requêtes pendantes de l'intimé, la présente affaire renferme des aspects supplémentaires pertinents, que l'on peut intégrer à la saisine en formulant d'autres questions de droit (cf. points 24 à 28 ci-dessous). Enfin, au vu des récents développements constatés dans l'affaire T 1242/06 et dans la procédure en instance sous le numéro G 2/12, à savoir le retrait de l'opposition par le requérant II et la demande de clôture de la procédure présentée à plusieurs reprises par le requérant I/titulaire du brevet, il n'est pas à exclure que l'affaire soit close sans décision sur le fond. Ces facteurs militent fortement contre une suspension de la procédure dans la présente affaire.
23. Toutes les parties ont été d'avis que les mêmes questions que celles soumises dans la deuxième décision intermédiaire relative à l'affaire T 1242/06 (cf. ci-dessus) doivent être à nouveau posées dans la présente décision de saisine. La Chambre est d'accord sur le principe. Elle estime que, pour les motifs exposés ci-dessus (points 17 à 20), une réponse à ces questions est nécessaire, conformément à l'article 112(1) CBE. La question 1 doit toutefois être légèrement modifiée afin de tenir compte du fait que les revendications du titulaire du brevet portent dans la présente affaire sur des végétaux et certaines parties de végétaux (semence, portion comestible, inflorescence), et non sur des fruits.
24. Les parties ont en outre demandé que d'autres questions de droit soient soumises afin que la Grande Chambre de recours puisse procéder à un examen complet de la question déterminante. Selon la Chambre, la présente affaire renferme en effet d'autres aspects qui doivent être pris en considération dans la formulation des questions à poser. Cela ne signifie pas pour autant que toutes les autres questions proposées par les parties peuvent ou doivent être soumises à la Grande Chambre de recours au titre de l'article 112(1) CBE.
25. Deux des questions proposées par les parties, à savoir la question 5 formulée par l'intimé dans sa lettre du 31 janvier 2013 (cf. point XV ci-dessus) et la question 2 de la série de questions présentée par le requérant I pendant la procédure orale (cf. point XVI ci-dessus), portent sur le fait que toutes les revendications de l'intimé définissent les produits par des caractéristiques de procédé. Cet aspect peut se révéler important pour répondre à la question de savoir si et dans quelle mesure l'exclusion des procédés prévue à l'article 53b) CBE a une incidence négative sur l'admissibilité des revendications de produit. La Chambre juge donc opportun d'intégrer cet aspect dans la question 2 de la présente saisine.
26. La question 4 posée par l'intimé dans sa lettre du 31 janvier 2013 (cf. point XV ci-dessus) aborde un autre point, à savoir la possibilité d'introduire un type spécifique de disclaimer dans le cas où l'exclusion des procédés aurait une incidence sur l'admissibilité des revendications de produit. Ce point est important eu égard aux revendications figurant dans la requête subsidiaire I de l'intimé, qui contiennent toutes des disclaimers du type "étant entendu que la revendication n'englobe pas de procédé essentiellement biologique d'obtention [de la plante, de la portion de la plante, de la semence de la plante ou de l'inflorescence]".
27. Selon la Chambre, les disclaimers figurant dans la requête subsidiaire I de l'intimé n'ont pas la finalité habituelle d'un disclaimer, qui est d'exclure une partie de l'objet défini dans la revendication (voir la définition donnée dans la décision G 1/03, JO OEB 2004, 413, point 2 des motifs). La formulation des disclaimers suggère que l'intimé n'a pas l'intention d'exclure l'ensemble des végétaux ou parties de végétaux obtenus par un procédé essentiellement biologique. En revanche, l'intimé cherche apparemment à abandonner une partie des prérogatives qui sont conférées au titulaire d'un brevet de produit et qui incluent le droit d'interdire à autrui de fabriquer le produit revendiqué d'une quelconque manière. Le disclaimer proposé par l'intimé peut avoir pour effet de lever l'interdiction d'obtenir le produit, tel que revendiqué, par un procédé essentiellement biologique.
28. Il est douteux que le droit européen des brevets autorise un tel disclaimer ou un tel abandon de droits. La Chambre n'a pas connaissance de décisions traitant de ce sujet particulier. Lorsqu'elle s'est penchée sur les éventuelles exigences contradictoires des paragraphes 2 et 3 de l'article 123 CBE dans sa décision G 1/93 (JO OEB 1994, 541), la Grande Chambre de recours a estimé que la solution dite "de la note en bas de page" n'avait aucun fondement ; cette solution, qui avait été utilisée dans la jurisprudence allemande, consistait à déclarer qu'une caractéristique non divulguée qui était maintenue dans la revendication représentait une extension non admissible dont il ne pouvait découler aucun droit (cf. point 6 des motifs). La Grande Chambre de recours a ajouté que les dispositions de la CBE ne prévoyaient pas ni ne permettaient d'inclure une note dans la description d'un brevet pour préciser les droits pouvant découler de la présence d'une caractéristique technique particulière dans une revendication de ce brevet. Ces conclusions, bien que formulées dans un contexte différent de celui de la présente espèce, pourraient être interprétées en ce sens qu'elles suggèrent l'inadmissibilité générale de disclaimers excluant certains droits, ou d'abandons de droits, découlant d'un brevet européen. La Chambre voit cependant un certain fondement dans l'argument de l'intimé, selon lequel le disclaimer/l'abandon proposé pourrait remédier au conflit entre la brevetabilité des végétaux (autres que des variétés végétales) et l'exclusion des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux. La Chambre a donc décidé de formuler une question de droit correspondante dans la présente saisine.
29. Aucune des autres questions proposées par les parties ne sera soumise à la Grande Chambre de recours. La question 3 suggérée par le requérant I (cf. point XVI ci-dessus) vise à établir si le fait que le produit aurait pu être obtenu par un procédé non exclu en vertu de l'article 53b) CBE joue un rôle dans l'hypothèse où l'exclusion des procédés aurait une incidence sur les revendications de produit. Cependant, cette question n'a qu'un caractère conjectural dans la présente affaire, puisque les parties n'ont jamais fait valoir, à la suite de la décision G 2/07 (cf. ci-dessus), que les végétaux ou parties de végétaux revendiqués auraient pu être obtenus autrement que par un procédé exclu (cf. également point 17 ci-dessus). La question 5 suggérée par le requérant I (cf. point XVI ci-dessus) met l'accent sur la signification des termes "procédés essentiellement biologiques" figurant dans l'article 53b) CBE. La Grande Chambre de recours a toutefois déjà fait la lumière sur ces termes dans sa décision G 2/07, qui lie la Chambre conformément à l'article 112(3) CBE. La question présentée par le requérant II (cf. point XVI ci-dessus) est formulée de manière très vaste et couvre par conséquent un grand nombre d'aspects qui ne sont pas pertinents aux fins de la décision à rendre sur les questions relevant de l'article 53b) CBE qui se posent en l'espèce.
Pour ces raisons, la Chambre estime qu'il n'est pas nécessaire, au regard de l'article 112(1) CBE, que la Grande Chambre de recours réponde à ces questions supplémentaires proposées par les parties.
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Les questions de droit suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours pour décision :
1. L'exclusion des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux prévue à l'article 53b) CBE peut-elle avoir un effet négatif sur l'admissibilité d'une revendication de produit portant sur des végétaux ou une matière végétale comme des parties de végétaux ?
2. En particulier :
a) Une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention, qui porte sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale, est-elle admissible si les caractéristiques du procédé contenues dans cette revendication définissent un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux ?
b) Une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale est-elle admissible même si l'unique procédé disponible à la date de dépôt pour obtenir l'objet revendiqué est un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux divulgué dans la demande de brevet ?
3. Est-il important, dans le contexte des questions 1 et 2, que la protection conférée par la revendication de produit englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel en vertu de l'article 53b) CBE ?
4. Si une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale n'est pas considérée comme admissible au motif que la revendication de produit relative à des végétaux englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53b) CBE, est-il possible de renoncer à la protection de ladite obtention en introduisant un disclaimer concernant le procédé exclu ?