T 1635/09 (Composition contraceptive/BAYER SCHERING PHARMA AG) 27-10-2010
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STRAGEN PHARMA SA
Laboratorios Léon Farma, S.A.
Sandoz AG
Helm AG
"Requête principale, requêtes subsidiaires 1, 4, 5, 7, 8, 11, 12, 14, 15, 18, 19, 21, 22 : procédé thérapeutique (oui) : prévention ou atténuation des effets secondaires pathologiques"
"Requêtes subsidiaires 2, 3, 6, 9, 10, 13 : exposé suffisant (non) : invention ne pouvant être mise en oeuvre dans l'ensemble du domaine revendiqué, effort déraisonnable"
"Requêtes subsidiaires 16, 17, 20 : exposé suffisant (non) : effort déraisonnable"
"Requête subsidiaire 23 : extension de l'étendue de la protection (oui) : transformation d'une revendication d'utilisation en revendication de type suisse"
"Requête subsidiaire 24 : extension de l'étendue de la protection (oui) : transformation d'une revendication d'utilisation en une revendication de produit limitée à un usage déterminé"
1. L'utilisation d'une composition pour la contraception orale, où les concentrations hormonales revendiquées ont été choisies à si faibles doses que les effets secondaires pathologiques à craindre lors de la contraception orale sont évités ou atténués, constitue un procédé thérapeutique exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53c) CBE.
2. La question de savoir si une utilisation revendiquée est thérapeutique ou non thérapeutique ne pouvant être tranchée que sur la base des actions mises en oeuvre et/ou des effets obtenus dans ladite utilisation, l'exception à la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE ne peut être levée par une limitation de la revendication à une "utilisation non thérapeutique" dans le cas d'un procédé thérapeutique combinant de façon indissociable une utilisation non thérapeutique sous la forme d'une contraception et une utilisation thérapeutique sous la forme d'une prévention ou d'une atténuation des effets secondaires pathologiques.
3. Il y a extension de l'étendue de la protection lorsqu'une revendication portant sur l'utilisation d'une substance ou composition dans un but précis est transformée en une revendication de type suisse ou en une revendication de produit limitée à un usage déterminé au titre de l'article 54(5) CBE.
4. Pour déterminer si des séries de tests nécessaires à l'exécution de l'invention sont acceptables, il faut aussi se demander s'ils auraient pu être évités. Des tests longs et déontologiquement contestables sont inacceptables s'il aurait été possible de définir l'invention revendiquée, sans en limiter aucunement la portée, via des caractéristiques qui auraient rendu superflus les tests permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention.
I. Le brevet européen n° 0 735 883 a été délivré avec 19 revendications suite à la demande de brevet n° 95 905 574.0. Les revendications indépendantes délivrées s'énoncent comme suit :
"1. Utilisation d'une forme posologique orale comprenant un estrogène choisi parmi :
2,0 à 6,0 mg de 17ß-estradiol, et
0,015 à 0,020 mg d'éthinylestradiol ;
et un gestagène choisi parmi :
0,05 à 0,075 mg de gestodène,
0,075 à 0,125 mg de lévonorgestrel,
0,06 à 0,15 mg de désogestrel,
0,06 à 0,15 mg de 3-cétodésogestrel,
0,2 à 0,3 mg de norgestimate,
plus de 0,35 à 0,75 mg de noréthistérone,
0,1 mg de drospirénone à une dose de drospirénone équivalente à 0,075 mg de gestodène, et
0,1 mg d'acétate de cyprotérone à une dose d'acétate de cyprotérone équivalente à 0,075 mg de gestodène ;
pour la contraception d'une femme en âge de procréer qui n'est pas encore préménopausée, en prenant la forme posologique pendant 23 ou 24 jours, en commençant au premier jour du cycle menstruel avec ensuite 5 ou 4 jours sans comprimés ou avec des comprimés placebo sur un total de 28 jours pendant le cycle de prise.
9. Produit combiné pour contraception orale, lequel comprend :
a) 23 ou 24 doses contenant chacune un estrogène choisi parmi plus de 2,0 à
6,0 mg de 17ß-estradiol, et 0,020 mg d'éthinylestradiol ;
et un gestagène choisi parmi :
0,25 mg de drospirénone à une dose de drospirénone équivalente à 0,075 mg de gestodène, et
0,1 mg d'acétate de cyprotérone à une dose d'acétate de cyprotérone équivalente à 0,075 mg de gestodène ; et
b) 5 ou 4 comprimés placebo ou d'autres indications pour indiquer que la prise journalière des 23 ou 24 doses doit être suivie de 5 ou 4 jours sans comprimés ou avec prise de comprimés placebo."
II. Quatre oppositions ont été formées contre la délivrance du brevet. Les motifs des oppositions, fondées sur les articles 100a), b) et c) CBE, étaient les suivants : en vertu de l'article 52(1) CBE ensemble les articles 54 et 56 CBE, l'objet du brevet est non brevetable dans sa totalité parce que manquant de nouveauté et d'activité inventive ; l'objet du brevet concerne des procédés exclus de la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE 1973 et non susceptibles d'application industrielle au titre de l'article 57 CBE ; le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; l'objet du brevet s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'initialement déposée.
III. Dans sa décision rendue le 21 avril 2009, la division d'opposition a maintenu le brevet litigieux sous forme modifiée, sur la base de la requête subsidiaire 10. En l'espèce, elle est arrivée à la conclusion que la requête principale ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 123(2) CBE en raison du domaine de dosage revendiqué pour l'acétate de cyprotérone et la drospirénone. Les revendications d'utilisation suivant la requête subsidiaire 8 portent sur un procédé au sens de l'article 53c) CBE, car chez de nombreuses femmes appartenant au groupe cible des femmes souffrant de syndrome prémenstruel (SPM), il n'est pas possible de dissocier les effets thérapeutiques des effets non thérapeutiques. L'invention définie à la requête subsidiaire 9 ne satisfait pas aux exigences de l'article 83 CBE, étant donné que l'homme du métier n'est pas en mesure de déterminer la dose d'acétate de cyprotérone et de drospirénone revendiquée aux revendications 5 et 6 qui est équivalente à 0,075 mg de gestodène.
En ce qui concerne la requête subsidiaire 10 déposée pendant la procédure orale des 20 et 21 avril 2009, la division d'opposition a conclu qu'il était satisfait aux exigences de la règle 80 CBE ainsi que des articles 84, 123(2) et (3), et 57 CBE. Le disclaimer "non-thérapeutique" n'enfreint pas l'article 123(2) CBE, car les objets non brevetables peuvent être exclus par des disclaimers. L'introduction du disclaimer limite désormais l'utilisation revendiquée à la contraception directe, non thérapeutique. On n'a donc pas affaire à une utilisation au titre de l'article 53c) CBE. En outre, l'utilisation désormais revendiquée est susceptible d'application industrielle, car la prise de la forme posologique orale peut avoir lieu indépendamment du rapport sexuel, contrairement à la crème vaginale utilisée dans l'affaire T 74/93 (JO OEB 1995, 712). Le concept de "préménopause" étant suffisamment connu de l'état de la technique et les transitions entre "l'avant-préménopause" et "la préménopause" pouvant être établies ne fût-ce que par le médecin, l'exposé de l'invention définie dans la requête subsidiaire 10 est suffisant. Etant donné que ce domaine limite ne concerne qu'un groupe très restreint de femmes, il importe peu d'établir une distinction en la matière, la possibilité d'exécution étant garantie à partir du moment où l'invention peut pour l'essentiel être mise en oeuvre dans l'ensemble du domaine revendiqué. De plus, l'objet revendiqué à la requête subsidiaire 10 est nouveau par rapport à ce que divulgue le document (6) (EP-A-0 253 607) puisque le groupe cible des femmes en âge de procréer, qui n'ont pas encore atteint la préménopause, doit être reconnu comme une caractéristique le distinguant des femmes préménopausées décrites dans le document (6). Concernant l'activité inventive, si l'on considère le document (1) (Kuhl H., "Aktuelle Entwicklungen der hormonalen Kontrazeption", Gynäkologe 1992, vol. 25, 231-240) comme étant l'état de la technique le plus proche, le problème à résoudre consiste à fournir une utilisation contraceptive chez les femmes en âge de procréer avant la préménopause, cette contraception entraînant une meilleure suppression ovarienne. Résoudre ce problème en administrant un principe actif pendant 23 ou 24 jours n'est pas évident, car hormis le document (6), aucun des documents disponibles ne divulgue le schéma posologique revendiqué pour la contraception orale à faibles doses. Comme il a déjà été mentionné au sujet de la nouveauté, le document (6) ne concerne pas toutefois le même groupe cible. Le temps sans prise s'y trouve réduit, afin d'éviter les symptômes de sevrage hormonal, et non pas, comme dans le brevet litigieux, pour obtenir une meilleure suppression ovarienne. Dès lors, l'homme du métier ne transposera pas le schéma posologique du document (6) à l'enseignement du document (1) pour résoudre le problème défini plus haut.
IV. Le titulaire du brevet (requéranttitulaire) ainsi que les opposants 01 à 03 (requérant-opposant 01, requérantopposant 02 et requérant-opposant 03) ont formé un recours contre cette décision.
V. En même temps que le mémoire exposant les motifs du recours du 23 octobre 2009, le requérant-titulaire a déposé une requête principale et 23 requêtes subsidiaires. Lors de la procédure orale du 27 octobre 2010, il a déposé une requête subsidiaire supplémentaire (requête subsidiaire 24). Les revendications indépendantes s'énoncent comme suit :
i) Requête principale :
"1. Utilisation d'une forme posologique orale monophasique comprenant :
0,015 à 0,020 mg d'éthinylestradiol,
et un gestagène choisi parmi :
0,05 à 0,075 mg de gestodène,
0,075 à 0,125 mg de lévonorgestrel,
0,06 à 0,15 mg de désogestrel,
0,06 à 0,15 mg de 3-cétodésogestrel,
0,2 à 0,3 mg de norgestimate,
et plus de 0,35 à 0,75 mg de noréthistérone;
pour la contraception d'une femme en âge de procréer qui n'est pas encore préménopausée, en prenant la forme posologique pendant 23 ou 24 jours, en commençant au premier jour du cycle menstruel avec ensuite 5 ou 4 jours sans comprimés ou avec des comprimés placebo sur un total de 28 jours pendant le cycle de prise.
5. Utilisation d'une forme posologique orale monophasique inhibitrice d'ovulation, comprenant :
0,020 mg d'éthinylestradiol ;
et un gestagène choisi parmi :
0,25 mg de drospirénone à une dose de drospirénone équivalente à 0,075 mg de gestodène,
et 0,1 mg d'acétate de cyprotérone à une dose d'acétate de cyprotérone équivalente à 0,075 mg de gestodène ;
pour la contraception d'une femme en âge de procréer qui n'est pas encore préménopausée, en prenant la forme posologique pendant 23 ou 24 jours, en commençant au premier jour du cycle menstruel avec ensuite 5 ou 4 jours sans comprimés ou avec des comprimés placebo sur un total de 28 jours pendant le cycle de prise.
7. Produit combiné monophasique inhibiteur d'ovulation pour contraception orale, comprenant :
a) 23 ou 24 doses contenant chacune 0,020 mg d'éthinylestradiol et entre 0,25 mg de drospirénone et une dose de drospirénone équivalente à 0,075 mg de gestodène
et
b) 5 ou 4 comprimés placebo ou d'autres indications pour indiquer que la prise journalière des 23 ou 24 doses doit être suivie de 5 ou 4 jours sans comprimés ou avec prise de comprimés placebo."
ii) Requête subsidiaire 1 :
Les revendications indépendantes 1 et 5 sont identiques aux revendications 1 et 5 de la requête principale, hormis le changement suivant : "Utilisation d'une forme posologique orale ..." est remplacé chaque fois par "Utilisation non thérapeutique d'une forme posologique orale ...". La revendication indépendante 7 est identique à la revendication 7 de la requête principale.
iii) Requête subsidiaire 2 :
"1. Utilisation d'une composition comprenant :
0,015 à 0,020 mg d'éthinylestradiol ;
et un gestagène choisi parmi : 0,05 à 0,075 mg de gestodène,
0,075 à 0,125 mg de lévonorgestrel,
0,06 à 0,15 mg de désogestrel,
0,06 à 0,15 mg de 3-cétodésogestrel,
0,2 à 0,3 mg de norgestimate,
et plus de 0,35 à 0,75 mg de noréthistérone, pour la fabrication d'une forme posologique orale monophasique pour la contraception d'une femme en âge de procréer qui n'est pas encore préménopausée, en prenant la forme posologique pendant 23 ou 24 jours, en commençant au premier jour du cycle menstruel avec ensuite 5 ou 4 jours sans comprimés ou avec des comprimés placebo sur un total de 28 jours pendant le cycle de prise.
5. Utilisation d'une composition comprenant :
0,020 mg d'éthinylestradiol ;
et un gestagène choisi parmi :
0,25 mg de drospirénone à une dose de drospirénone équivalente à 0,075 mg de gestodène, et
0,1 mg d'acétate de cyprotérone à une dose d'acétate de cyprotérone équivalente à 0,075 mg de gestodène ;
pour la fabrication d'une forme posologique orale monophasique inhibitrice d'ovulation pour la contraception d'une femme en âge de procréer qui n'est pas encore préménopausée, en prenant la forme posologique pendant 23 ou 24 jours, en commençant au premier jour du cycle menstruel avec ensuite 5 ou 4 jours sans comprimés ou avec des comprimés placebo sur un total de 28 jours pendant le cycle de prise." La revendication indépendante 7 est identique à la revendication 7 de la requête principale.
iv) Requête subsidiaire 3 : La seule revendication indépendante 1 est identique à la revendication 7 de la requête principale.
v) Requête subsidiaire 4 :
Les revendications indépendantes 1 et 4 sont respectivement identiques aux revendications 1 et 5 de la requête principale. La revendication indépendante 7 de la requête principale a été supprimée.
vi) Requête subsidiaire 5 :
Les revendications indépendantes 1 et 4 sont respectivement identiques aux revendications 1 et 5 de la requête subsidiaire 1. La revendication indépendante 7 de la requête subsidiaire 1 a été supprimée.
vii) Requête subsidiaire 6 :
Les revendications indépendantes 1 et 4 sont respectivement identiques aux revendications 1 et 5 de la requête subsidiaire 2. La revendication indépendante 7 de la requête subsidiaire 2 a été supprimée.
viii) Requête subsidiaire 7 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête principale.
La revendication indépendante 5 est identique à la revendication 5 de la requête principale, hormis le changement suivant : "Utilisation d'une forme posologique orale monophasique inhibitrice d'ovulation, comprenant ..." est remplacé par "Utilisation d'une forme posologique orale monophasique, comprenant ...".
La revendication indépendante 7 est identique à la revendication 7 de la requête principale, hormis le changement suivant : "Produit combiné monophasique inhibiteur d'ovulation ..." est remplacé par "Produit combiné monophasique ...".
ix) Requête subsidiaire 8 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 1.
La revendication indépendante 5 est identique à la revendication 5 de la requête subsidiaire 1, hormis le changement suivant : "Utilisation non thérapeutique d'une forme posologique orale monophasique inhibitrice d'ovulation, comprenant ..." est remplacé par "Utilisation non thérapeutique d'une forme posologique orale monophasique, comprenant ...".
La revendication indépendante 7 est identique à la revendication 7 de la requête subsidiaire 7.
x) Requête subsidiaire 9 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 2.
La revendication indépendante 5 est identique à la revendication 5 de la requête subsidiaire 2, hormis le changement suivant : "Utilisation d'une composition comprenant ... pour la fabrication d'une forme posologique monophasique inhibitrice d'ovulation ..." est remplacé par "Utilisation d'une composition comprenant ... pour la fabrication d'une forme posologique monophasique ...".
La revendication indépendante 7 est identique à la revendication 7 de la requête subsidiaire 7.
xi) Requête subsidiaire 10 :
La seule revendication indépendante 1 est identique à la revendication 7 de la requête subsidiaire 7.
xii) Requête subsidiaire 11 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête principale. La revendication indépendante 4 est identique à la revendication 5 de la requête subsidiaire 7.
xiii) Requête subsidiaire 12 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 1. La revendication indépendante 4 est identique à la revendication 5 de la requête subsidiaire 8.
xiv) Requête subsidiaire 13 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 2. La revendication indépendante 4 est identique à la revendication 5 de la requête subsidiaire 9.
xv) Requête subsidiaire 14 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête principale.
La revendication indépendante 5 s'énonce comme suit :
"5. Utilisation d'une forme posologique orale monophasique comprenant 20 ?g d'éthinylestradiol et un gestagène choisi parmi une dose d'acétate de cyprotérone équivalente à 75 ?g de gestodène, et une dose de drospirénone équivalente à 75 ?g de gestodène ;
pour la contraception d'une femme en âge de procréer qui n'est pas encore préménopausée, en prenant la forme posologique pendant 23 ou 24 jours, en commençant au premier jour du cycle menstruel avec ensuite 5 ou 4 jours sans comprimés ou avec des comprimés placebo sur un total de 28 jours pendant le cycle de prise."
La revendication indépendante 6 est identique à la revendication 7 de la requête subsidiaire 7.
xvi) Requête subsidiaire 15 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 1.
La revendication indépendante 5 est identique à la revendication 5 de la requête subsidiaire 14, hormis le changement suivant :
"Utilisation d'une forme posologique orale monophasique ..." est remplacé par "Utilisation non thérapeutique d'une forme posologique orale monophasique...".
La revendication indépendante 6 est identique à la revendication 7 de la requête subsidiaire 7.
xvii) Requête subsidiaire 16 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 2.
La revendication indépendante 5 s'énonce comme suit :
"5. Utilisation d'une composition comprenant :
20 ?g d'éthinylestradiol et un gestagène choisi parmi une dose d'acétate de cyprotérone équivalente à 75 ?g de gestodène, et une dose de drospirénone équivalente à 75 ?g de gestodène ;
pour la fabrication d'une forme posologique orale monophasique pour la contraception d'une femme en âge de procréer qui n'est pas encore préménopausée, en prenant la forme posologique pendant 23 ou 24 jours, en commençant au premier jour du cycle menstruel avec ensuite 5 ou 4 jours sans comprimés ou avec des comprimés placebo sur un total de 28 jours pendant le cycle de prise."
La revendication indépendante 6 est identique à la revendication 7 de la requête subsidiaire 7.
xviii) Requête subsidiaire 17 :
La seule revendication indépendante 1 est identique à la revendication 7 de la requête subsidiaire 7.
xix) Requête subsidiaire 18 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête principale.
La revendication indépendante 4 est identique à la revendication 5 de la requête subsidiaire 14.
xx) Requête subsidiaire 19 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 1.
La revendication indépendante 4 est identique à la revendication 5 de la requête subsidiaire 15.
xxi) Requête subsidiaire 20 :
La revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 2.
La revendication indépendante 4 est identique à la revendication 5 de la requête subsidiaire 16.
xxii) Requête subsidiaire 21 :
La seule revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête principale.
xxiii) Requête subsidiaire 22 :
La seule revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 1.
xxiv) Requête subsidiaire 23 :
La seule revendication indépendante 1 est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 2.
xxv) Requête subsidiaire 24 :
"1. Forme posologique monophasique comprenant :
0,015 à 0,020 mg d'éthinylestradiol ;
et un gestagène choisi parmi :
0,05 à 0,075 mg de gestodène,
0,075 à 0,125 mg de lévonorgestrel,
0,06 à 0,15 mg de désogestrel,
0,06 à 0,15 mg de 3-cétodésogestrel,
0,2 à 0,3 mg de norgestimate, et
plus de 0,35 à 0,75 mg de noréthistérone,
pour la contraception d'une femme en âge de procréer qui n'est pas encore préménopausée, en prenant la forme posologique pendant 23 ou 24 jours, en commençant au premier jour du cycle menstruel avec ensuite 5 ou 4 jours sans comprimés ou avec des comprimés placebo sur un total de 28 jours pendant le cycle de prise."
VI. Les autres documents ci-dessous ont notamment été citées au cours de la procédure d'opposition et de recours :
(21a) Oelkers W. et al., "Dihydrospirorenone, a New Progestogen with Antimineralocorticoid Activity: Effects on Ovulation, Electrolyte Excretion, and the Renin-Aldosterone System in Normal Women", J. Clin. Endocrinol. Metab. 1991, vol. 73, n° 4, 837-843
(24) Spona J. and Huber J., "Efficacy of Low-Dose Oral Contraceptives containing Levonorgestrel, Gestoden and Cyproterone Acetate", Gynecol. obstet. Invest. 1987, vol. 23, 184-193
(42) The North American Menopause Society (NAMS), "Menopause Practice: A Clinicians Guide. Section B: Normal Physiology", 2d Ed., 2007, 19-27
(43) Site internet oralcontraceptives.com
(94) Rebar R.W. and Zeserson K., "Characterization of the new progestogens in combination oral contraceptives", Contraception 1991, vol. 44, no. 1, 1-10
(101) Kopera H. and Huber J., "Hormonelle Therapie für die Frau", Springer, Berlin et al. 1991
(107) Spona J. et al., "Inhibition of ovulation by a triphasic gestodene-containing oral contraceptive", Adv. Contracept. 1993, vol. 9, no. 3, 187-194
(109) Oelkers W., "Effects of oral contraceptives on the renin-aldosterone system: overview and report on a new natriuretic progestogen", Adv. Contracept. 1991, vol. 7, Suppl. 3, 195-206
(111) Spona J. and Huber J., "Pharmacological and endocrine profiles of gestodene", Int. J. Fertil. 1987, 32 Suppl., 6-14 (abrégé)
(112) Andreasen E.E. et al., "Progesterone and gestagen treatment. Pharmacologic and clinical aspects", Ugeskrift Laeger 1987, vol. 151, 2021-2026 (abrégé)
(113) "Déclaration" du Professor Th. Rabe du 12.10.2009
(120) Düsterberg B. et al., "Pharmacological features of gestodene in laboratory animals and man", dans : Breckwoldt and Düsterberg (Hrsg.), "Gestodene, A New Direction in Oral Contraception", Carnforth, Lancs, Parthenon Publishing, 1988, 13-29
(121) Runnebaum B. and Rabe Th., "New progestogens in oral contraceptives", Am J Obstet Gynecol, 1987, vol. 157, no 4, 1059-1063
(122) Kuhl H., "Pharmacokinetics of oestrogens and progestogens", Maturitas 1990, vol. 12, 171-197
(131) "Joint proposed claim construction" déposé auprès de la US District Court of Nevada
(132) Echange de courriels entre Sandoz (Steven Moore) et Bayer Schering Pharma (Paul Skiermont)
(133) Document imprimé de www.medizin-telegramm.com
(134) Document imprimé de www.fundinguniverse.com
(135) Groupe scientifique de l'OMS, "Research on the Menopause in the 1990s", Série de rapports techniques de l'OMS 866, Genève 1996, 12-13
(136) Groupe scientifique de l'OMS, "Research on the menopause", Série de rapports techniques de l'OMS 670, Genève 1981, 3-10
VII. La procédure orale, au terme de laquelle a été rendue la décision sur le recours, s'est tenue du 26 au 27 octobre 2010.
VIII. Les principaux arguments du requérant- titulaire peuvent se résumer comme suit :
Concernant l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE, le requérant-titulaire, se référant au document (43), a fait observer qu'il était connu depuis longtemps déjà que la contraception hormonale, outre l'objecti en soi de la contraception, produit d'autres effets bénéfiques au caractère thérapeutique indiscutable, par exemple la réduction du risque d'apparition de certaines tumeurs, la diminution du cholestérol LDL ainsi qu'une atténuation du syndrome prémenstruel. Ceci n'a cependant pas conduit par le passé à ce que des procédés de contraception hormonale soient exclus de la brevetabilité sur la base de l'article 53c) CBE. La question de savoir si un procédé revendiqué est de nature thérapeutique ou non thérapeutique dépend surtout de l'utilisation envisagée, telle que formulée dans la revendication. Ainsi, le procédé de contraception hormonale à la base de l'affaire T 820/92 (JO OEB 1995, 113) est caractérisé par le fait que des stéroïdes oestrogéniques et/ou progestatifs sont administrés, en plus de la prise contraceptive de LHRH, ceci afin d'éviter ou d'atténuer les effets secondaires associés à l'application de LHRH, ce qui constitue manifestement une prophylaxie au sens thérapeutique. En revanche, l'utilisation envisagée, telle que définie dans la présente revendication 1, est de nature strictement non thérapeutique. Elle n'est donc pas exclue de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE. La présente affaire correspond davantage à la situation qui a donné lieu aux décisions T 144/83 (JO OEB 1986, 301) et T 36/83 (JO OEB 1986, 295). Ainsi, dans l'affaire T 144/83, la chambre a admis un procédé de traitement esthétique, bien qu'il ne fût pas possible de faire clairement la distinction entre effet esthétique et effet thérapeutique. La décision T 36/83 est particulièrement pertinente pour la présente espèce, car il y était question parallèlement d'une utilisation thérapeutique et d'une utilisation non thérapeutique, une revendication ayant été reconnue pour une utilisation thérapeutique bien que l'utilisation cosmétique selon la revendication pût occasionnellement inclure un traitement thérapeutique. Ainsi les procédés au titre de l'article 53c) CBE ont-ils été exclus de l'objet revendiqué, du moins par le biais de l'introduction d'un disclaimer selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 1. Si la Chambre arrivait à la conclusion que l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 est également exclu de la brevetabilité sur la base de l'article 53c) CBE, l'affaire devrait être soumise à la Grande Chambre de recours conformément à l'article 112(1)a) CBE, car il y aurait dans ce cas conflit avec la décision T 36/83.
Concernant le caractère suffisant de la divulgation des quantités de principe actif revendiquées pour la drospirénone et l'acétate de cyprotérone, le requéranttitulaire a essentiellement fait valoir qu'une invention est par définition suffisamment exposée à partir du moment où il est indiqué au moins un mode de réalisation permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention. Bien que le brevet litigieux n'indique pas à proprement parler comment déterminer la dose de drospirénone ou d'acétate de cyprotérone équivalente à 0,075 mg de gestodène, l'homme du métier peut la définir sans plus via la dose minimale inhibitrice d'ovulation ("minimum ovulation-inhibitory dose"). A cet égard, il convient de noter qu'il est courant, dans la pratique, d'indiquer la dose minimale inhibitrice d'ovulation pour une substance unique, en l'occurrence de la drospirénone ou de l'acétate de cyprotérone, et non pas pour la combinaison de substances présentes dans la composition, constituée d'éthinylestradiol et d'un gestagène. La dose minimale inhibitrice d'ovulation du gestodène est connue. Elle est égale à 40 ?g, comme il ressort des documents (24), (94), (107), (111), (112), (120) et (121). Certes, les documents (1) et (101) divulguent une autre dose minimale inhibitrice d'ovulation pour le gestodène, à savoir 30 ?g, mais ces deux documents s'appuient sur une seule source, à savoir le tableau IV du document (122) rédigé par le même auteur, ce document (122) n'indiquant nulle part comment obtenir cette valeur de 30 ?g. Par conséquent, l'homme du métier identifierait sans aucun doute la valeur de 40 ?g comme étant la dose minimale inhibitrice d'ovulation correcte du gestodène.
On connaît également la dose minimale inhibitrice d'ovulation de la drospirénone. Ainsi, le document (109) divulgue une étude pilote, dans laquelle l'administration de 2 mg de drospirénone pendant 21 jours se révèle avoir un effet inhibiteur d'ovulation, effet absent lors de l'application de 1 mg de drospirénone. Il convient de rétorquer à l'argument de l'opposant, selon lequel la dose minimale inhibitrice d'ovulation se situerait quelque part entre 1 et 2 mg, que de tels essais ont été pratiqués in vivo, et que, pour des raisons déontologiques, il n'est pas acceptable de soumettre des sujets à des séries d'essais extrêmement désagréables simplement pour déterminer avec plus de précision la dose minimale inhibitrice d'ovulation. L'administration de 2 mg de drospirénone constitue la dose la plus faible pour laquelle l'effet inhibiteur d'ovulation a été établi expérimentalement, et cette dose doit être admise comme dose minimale inhibitrice d'ovulation. A cet égard, il a également été fait référence au document (113). Le document (21a) comporte par ailleurs une étude comparative entre la drospirénone dosée à 2 mg et l'acétate de cyprotérone dosé à 1 mg. Comme la dose minimale inhibitrice d'ovulation de l'acétate de cyprotérone est de 1 mg d'après le document (24) et que les études comparatives sont généralement effectuées avec des quantités équivalentes, une dose minimale inhibitrice d'ovulation égale à 2 mg pour la drospirénone peut aussi être déduite du document (21a). On peut donc très facilement déterminer la dose équivalente revendiquée à la revendication 5 de la requête subsidiaire 2, en calculant tout d'abord le rapport entre les 0,075 mg de gestodène et la dose minimale inhibitrice d'ovulation du même gestodène (0,075 mg : 0,040 mg = 1,875), puis en multipliant le facteur obtenu par la dose minimale inhibitrice d'ovulation de la drospirénone (2 mg x 1,875 = 3,75 mg). On peut calculer la dose équivalente d'acétate de cyprotérone de la même manière. L'homme du métier peut donc déterminer facilement, sans faire preuve d'activité inventive, la quantité de principe actif ayant un effet inhibiteur d'ovulation, ce qui est décisif quant à la suffisance de l'exposé. Les autres objections élevées par l'opposant, notamment l'argument selon lequel certains modes de réalisation couverts par la revendication n produisent pas l'effet voulu, ne concernent pas la possibilité d'exécution, mais les exigences de l'article 84 CBE qui ne se posent pas dans la procédure d'opposition/de recours.
Concernant les objections élevées à l'encontre de la revendication 1 de la requête subsidiaire 23 sur la base de l'article 123(3) CBE, le requérant-titulaire a fait valoir que la reformulation de la revendication d'utilisation en revendication portant sur une deuxième utilisation médicale ne changeait aucunement la situation quant à une contrefaçon potentielle. Par conséquent, cette modification doit être admise eu égard à l'article 123(3) CBE.
En ce qui concerne la recevabilité de la requête subsidiaire 24, son dépôt pendant la procédure orale, le 27 octobre 2010, doit être considéré comme une réaction aux objections formulées par le requérant-opposant 03, objections exprimées pour la première fois de façon concrète lors de la procédure orale. Quant aux exigences de l'article 123(3) CBE, l'article 54(5) CBE 2000, qui est applicable à toutes les demandes en instance, permet de revendiquer les compositions utilisées pour un traitement thérapeutique sous forme de revendication de produit limitée à un usage déterminé. Cette forme de revendication est admissible au titre de l'article 123(3) CBE, car elle équivaut aux revendications d'utilisations initiales.
IX. Les principaux arguments des requérants- opposants peuvent se résumer comme suit :
Pour ce qui est de l'exclusion de la brevetabilité conformément à l'article 53c) CBE, il convient de noter que le procédé de contraception revendiqué est indissociable d'effets thérapeutiques. L'utilisation indiquée dans la revendication n'est pas décisive pour savoir si cette dernière tombe sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53c). Comme le montre la décision T 820/92, c'est davantage à lobjet revendiqué dans sa totalité qu'il faut se référer. Etant donné que les effets thérapeutiques sont indissociables du procédé de contraception, l'introduction du disclaimer "non thérapeutique" ne permet pas de contourner l'exclusion de la brevetabilité.
Concernant le caractère suffisant de la divulgation des quantités de principe actif revendiquées pour la drospirénone et l'acétate de cyprotérone, les requérants- opposants ont fait observer qu'une invention doit pouvoir pour l'essentiel être mise en uvre dans l'ensemble du domaine revendiqué, ce qui n'est pas le cas dans la présente espèce puisqu'aucun effet inhibiteur d'ovulation ne se produit pour les quantités de principe actif revendiquées les plus faibles. La possibilité de mise en uvre n'est pas non plus assurée pour les quantités les plus élevées car les valeurs divulguées dans l'état de la technique pour la dose minimale inhibitrice d'ovulation sont contradictoires dans le cas de l'éthinylestradiol et inexistantes dans le cas de la drospirénone. Par conséquent, les valeurs équivalentes à 0,075 mg de gestodène doivent être déterminées via des essais coûteux que l'on ne saurait légitimement attendre de l'homme du métier.
Eu égard aux exigences de l'article 123(3) CBE, les requérants-opposants ont souligné que le fait de transformer une revendication d'utilisation en une revendication portant sur une application thérapeutique ultérieure équivaut à étendre la portée de la protection.
En outre, la requête subsidiaire 24 ne doit pas être admise dans la procédure, car elle a été déposée tardivement, pendant la procédure orale du 27 octobre 2010, alors que le requérant-opposant 03 avait déjà élevé des objections au titre de l'article 123(3) CBE dans sa communication écrite du 19 mars 2010
X. Le requérant-titulaire a demandé l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sur la base de la requête principale ou d'une des requêtes subsidiaires 1 à 23 déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours du 23 octobre 2009, ou de la requête subsidiaire 24 déposée pendant la procédure orale, le 27 octobre 2010.
Les requérants-opposants 01 à 03 ont demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet attaqué.
1. Le recours est recevable.
2. Admissibilité en cas de production tardive :
2.1 Requête subsidiaire 24 :
La requête subsidiaire 24 n'a été déposée devant la chambre de recours que le 27 octobre 2010, soit à un stade très tardif de la procédure orale. Le requérant- titulaire a justifié ce dépôt tardif en affirmant que la requête subsidiaire 24 venait en réaction aux objections formulées au titre de l'article 123(3) CBE par le requérant-opposant 03, objections exprimées pour la première fois durant la procédure orale. Le requérant-opposant 03 a contesté les faits, arguant des moyens produits le 19 mars 2010, lesquels renfermaient déjà des objections au titre de l'article 123(3) CBE. Effectivement, au premier paragraphe de la page 2 desdits moyens en date du 19 mars 2010, il est fait référence à l'article 123(3) CBE : "Concernant les modifications apportées à la requête principale ou aux requêtes subsidiaires 1 à 23 ..., il est renvoyé aux arguments relatifs à l'article 123(2) et (3) CBE, déjà avancés dans notre mémoire du 23 octobre 2009 exposant les motifs du recours, arguments qui s'appliquent par analogie à toutes les versions des revendications." Le passage cité ne contient aucun argument spécifique au soutien des objections élevées au titre de l'article 123(3) CBE. Celles-ci ne sont pas non plus suffisamment étayées par la référence au mémoire du 23 octobre 2009, qui ne traite ni expressément ni tacitement de l'article 123(3) CBE. Ainsi, le requéranttitulaire a été pour la première fois confronté de façon concrète à une objection au titre de l'article 123(3) CBE pendant la procédure orale des 26 et 27 octobre 2010. La chambre a toutefois jugé cette objection recevable, car en cas de modifications des revendications ou d'autres parties d'un brevet pendant une procédure d'opposition ou de recours, il faut (selon les décisions de la Grande Chambre de recours dans les affaires jointes G 9/91 et G 10/91) examiner d'office en détail si ces modifications sont compatibles avec les conditions posées par la CBE, notamment par l'article 123 (2) et (3) (G 9/91, JO OEB 1993, 408, et G 10/91, JO OEB 1993, 420, point 19 des motifs). En outre, le requérant-titulaire a eu suffisamment l'occasion de traiter la question de l'objection élevée au titre de l'article 123(3) CBE. Dans ce contexte, le dépôt de la requête subsidiaire 24 était une réaction aux objections élevées de façon spécifique uniquement au cours de la procédure orale. La requête subsidiaire 24 a donc été admise à la procédure conformément à l'article 13 (1) et (3) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR ; JO OEB 2007, 537).
2.2 Documents (131) à (136) :
Les documents (131) à (136) n'ont été produits qu'à un stade très tardif de la procédure de recours. Ces documents n'étant pas pertinents pour les décisions ultérieures se rapportant aux articles 53c), 83 et 123(3) CBE, la chambre a décidé de ne pas les admettre à la procédure (article 13(3) RPCR).
3. Requête principale article 53c) :
3.1 La revendication 1 porte sur l'utilisation d'une forme posologique monophasique, englobant de l'éthinylestradiol et un gestagène sélectionné dans une liste de six composés spécifiques, pour la contraception chez la femme en âge de procréer, n'ayant pas encore atteint la ménopause. Pour savoir si la présente utilisation constitue une activité exclue de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE, il faut tout d'abord tenir compte du fait que d'après la jurisprudence constante des chambres de recours, la grossesse n'est pas une maladie, de sorte que sa prévention ne peut pas constituer un procédé thérapeutique, y compris au sens préventif du terme (T 820/92, points 5.2 s. des motifs, confirmée par T 74/93, point 2.2.3 des motifs). Il est à noter toutefois que l'utilisation énoncée à la revendication 1 ("pour la contraception chez la femme en âge de procréer, n'ayant pas encore atteint la ménopause") n'est pas le seul critère pour déterminer s'il y a ou non exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE. Il importe davantage de voir si l'objet de la revendication dans son ensemble implique des étapes et/ou des effets thérapeutiques. En effet, comme il ressort de la décision T 820/92 citée par le requérant-titulaire, pour qu'il y ait exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE (ou de l'article 52(4) CBE 1973), il suffit qu'une partie seulement de l'objet revendiqué soit concernée (cf. point 5.3 des motifs).
Lorsqu'on analyse la revendication 1, il faut avoir présent à l'esprit que tous les principes actifs, qu'il s'agisse de l'éthinylestradiol ou de chacun des six gestagènes, sont caractérisés par des indications en termes de concentration, les domaines choisis identifiant le produit comme contraceptif à faible dosage. Il ressort de la description (cf. paragraphe [0008] du fascicule de brevet) que la réduction de la dose journalière d'hormones est censée atténuer les effets secondaires indésirables, et que des données épidémiologiques confirment les améliorations qu'apportent les médicaments faiblement dosés pour ce qui est des complications cardiovasculaires. En outre, le paragraphe [0009] du fascicule de brevet en particulier suppose l'existence d'un rapport entre le niveau de la dose d'estrogène et l'incidence de maladies cardiovasculaires. Dans ce contexte, il faut souligner que la réduction de la concentration du principe actif n'améliore en aucun cas l'efficacité contraceptive, mais vise exclusivement à éviter ou à atténuer les effets secondaires susmentionnés. C'est ainsi qu'au paragraphe [0009] cité plus haut, il est indiqué sans aucune ambiguïté possible qu'une diminution extrême de la dose journalière d'estrogène va à l'encontre de l'efficacité contraceptive et laisse planer un doute quant à un contrôle satisfaisant du cycle. Ainsi, la revendication 1 revendique une utilisation en soi non thérapeutique, mais, dans le même temps, la sélection des concentrations de principe actif qui y sont définies permet de prévenir des effets secondaires auxquels il faut s'attendre lors de la mise en oeuvre de l'utilisation en soi non thérapeutique. Cette prévention, qui est ancrée dans la revendication 1 par l'indication des concentrations de principe actif et qui, en raison de la nature pathologique des effets secondaires (p.ex. complications cardiovasculaires ou thromboses), mérite clairement d'être qualifiée de thérapeutique, est indissociablement liée à la mise en oeuvre de la contraception, en soi non thérapeutique, si bien que l'objet de la revendication 1 de la requête principale contient un procédé thérapeutique. L'objet de la revendication 1 de la requête principale est exclu de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE, car selon la jurisprudence constante des chambres de recours, pour qu'il y ait exclusion de la brevetabilité au titre dudit article, il suffit qu'une partie seulement de l'objet revendiqué représente un procédé de traitement thérapeutique du corps humain ou animal (G 1/04, JO OEB 2006, 334, point 6.2.1 des motifs, confirmée par G 1/07 du 15 février 2010, point 3.2 des motifs, et par G 1/08, JO OEB 2010, 456, point 5.6 des motifs).
3.2 Les décisions T 144/83 et T 36/83 invoquées à cet égard par le requéranttitulaire ne sont pas pertinentes, et ce pour les raisons suivantes :
3.2.1 T 144/83 (JO OEB 1986, 301) : Dans la décision T 0144/83, la chambre est arrivée à la conclusion que le libellé de la revendication principale, qui portait sur l'utilisation de la Naltrexone pour améliorer l'apparence physique, la Naltrexone étant administrée par voie orale à des doses anorexigènes jusqu'à l'obtention d'une perte de poids améliorant l'esthétique du sujet, définit indubitablement une méthode de traitement cosmétique et n'a aucun lien avec une thérapie du corps humain ou animal au sens courant de ce terme. Le fait qu'un produit chimique ait simultanément un effet esthétique et un effet thérapeutique n'exclut pas de la brevetabilité le traitement esthétique (cf. point 3 et 4 des motifs).
La Naltrexone appartient au groupe des antagonistes des opiacés et constitue une substance très active sur le plan pharmacologique, de sorte que, parallèlement à l'utilisation non thérapeutique revendiquée, d'autres effets pouvant parfaitement revêtir un caractère thérapeutique ne sont pas exclus. Ceci est cependant sans importance au regard de l'article 53c) CBE dans la mesure où ces effets supplémentaires potentiellement thérapeutiques sont nettement dissociables de l'utilisation non thérapeutique et ne sont pas couverts par l'objet revendiqué. La différence essentielle par rapport à l'utilisation revendiquée par la présente revendication 1 est que dans l'affaire T 144/83, le cadre fixé par le texte des revendications n'englobait que des utilisations non thérapeutiques. La Naltrexone est administrée à des patients qui ne souffrent pas d'obésité, et ce à des doses et pendant une période permettant d'obtenir une perte de poids qui améliore l'esthétique du sujet. Une lecture raisonnable et pragmatique d'une telle revendication ne permet pas d'y voir une prévention de l'obésité.
En revanche, le cadre fixé par le texte de la présente revendication 1 porte sur une utilisation dont la partie non thérapeutique est indissociable de la partie thérapeutique, et où la partie préventive/ thérapeutique est une composante essentielle du procédé revendiqué (cf. T 290/86, JO OEB 1992, 414, point 3.2 des motifs).
3.2.2 T 36/83 (JO OEB 1986, 295) : Dans l'affaire T 36/83, la chambre est arrivée à la conclusion que les utilisations divulguées pour le peroxyde de thénoyle étaient à la fois de nature thérapeutique (traitement de l'acné) et de nature cosmétique (effet comédolytique). Pour décider de l'admissibilité de la revendication portant sur l'utilisation cosmétique, la question de savoir si l'application cosmétique était distincte de l'application thérapeutique a été jugée importante. Il y a été répondu par l'affirmative sur la base des données figurant dans la description (voir point 6 des motifs). Même si le traitement cosmétique peut impliquer incidemment un traitement thérapeutique (voir point 6.1 des motifs), l'application cosmétique facilite l'épuration de la peau, ce que la chambre a considéré comme appartenant au domaine de l'hygiène corporelle non médicamenteuse (voir point 6.2 des motifs). On retrouve une situation analogue dans T 144/83 : un effet exclusivement cosmétique et donc non thérapeutique est possible et est aussi revendiqué de façon exclusive par le texte des revendications. L'indissociabilité constatée entre une étape non thérapeutique et une étape thérapeutique dans la présente revendication 1 de la requête principale n'apparaît donc pas non plus dans l'affaire T 36/83.
3.3 Cette différence fondamentale explique que la décision de faire tomber l'objet de la présente revendication 1 de la requête principale sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE ne soit pas en contradiction avec la décision T 36/83, de sorte que la saisine de la Grande Chambre de recours réclamée par le requérant-titulaire en vertu de l'article 112(1)a) CBE ne se justifie pas.
4. Le motif avancé au point 3 s'applique de façon analogue aux revendications 1 respectives des requêtes subsidiaires 4, 7, 11, 14, 18 et 21, chacune identique à la revendication 1 de la requête principale, et donc également exclue de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE.
5. Requête subsidiaire 1 : Le texte de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 se distingue de celui de la revendication 1 de la requête principale par l'introduction du disclaimer "non thérapeutique". Ce disclaimer permet d'exclure les utilisations thérapeutiques d'une revendication qui englobe concrètement des utilisations thérapeutiques et non thérapeutiques pouvant ainsi être objectivement dissociées, de sorte que l'objet subsistant ne tombe plus sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE. Un tel disclaimer ne permet pas toutefois de définir comme non thérapeutique une utilisation qui comprend obligatoirement une ou plusieurs étapes thérapeutiques, car la question de savoir si une utilisation revendiquée est thérapeutique ou non thérapeutique ne peut être tranchée que sur la base des actions mises en oeuvre ou des effets obtenus dans ladite utilisation. Comme constaté au point 3.2.1 ci-dessus, l'objet de la revendication 1 est une utilisation combinant indissociablement une composante non thérapeutique et une composante thérapeutique. D'autre part, la composante préventive/thérapeutique porte sur des caractéristiques importantes de l'utilisation revendiquée. Par conséquent, l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE s'applique aussi à l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 malgré l'introduction du disclaimer "non thérapeutique". En outre, comme le disclaimer "non thérapeutique" est ici en contradiction avec l'utilisation objectivement thérapeutique telle que définie par la suite, l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 ne satisfait pas aux exigences de l'article 84 CBE.
6. Le motif avancé au point 5 s'applique de façon analogue aux revendications 1 respectives des requêtes subsidiaires 5, 8, 12, 15, 19 et 22, chacune identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire, et donc également exclue de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE.
7. Requête subsidiaire 2 article 83 CBE : L'objet de la revendication 5 de la requête subsidiaire 2 porte sur l'utilisation d'une composition pour la fabrication d'une forme posologique orale monophasique inhibitrice d'ovulation, les quantités de principe actif étant définies de la façon suivante pour la drospirénone et l'acétate de cyprotérone : de 0,25 mg de drospirénone à une dose de drospirénone équivalente à 0,075 mg de gestodène, et de 0,1 mg d'acétate de cyprotérone à une dose d'acétate de cyprotérone équivalente à 0,075 mg de gestodène.
7.1 D'après la jurisprudence constante des chambres de recours, l'exposé d'une invention n'est suffisant que si celle-ci peut être pour l'essentiel mise en oeuvre dans l'ensemble du domaine revendiqué. En l'espèce, il est apparu durant la procédure de délivrance que les quantités de principe actif divulguées à l'origine pour la drospirénone et l'acétate de cyprotérone (0,1 à 0,3 mg et 0,1 à 0,2 mg ; cf. revendication 1 de la demande initiale) avaient été choisies par erreur à un niveau trop faible d'une puissance de dix (cf. déclaration du 25 août 2003, "Amendments pursuant to Rule 88 CBE" du requérant-titulaire et demandeur de l'époque), d'où la conclusion qu'il ne faut pas s'attendre à un effet inhibiteur d'ovulation pour la drospirénone et l'acétate de cyprotérone audessous de 1 mg. Cela signifie que des domaines importants de l'utilisation revendiquée ne peuvent être mis en oeuvre, puisque dans l'ensemble du domaine des concentrations les moins élevées (de 0,25 mg à environ 1 mg de drospirénone et de 0,1 mg à environ 1 mg d'acétate de cyprotérone), aucun effet inhibiteur d'ovulation ne peut être obtenu. Ne fût-ce que pour cette raison, l'objet de la présente revendication 5 ne satisfait pas aux exigences de l'article 83 CBE.
7.2 Il est à noter par ailleurs que l'homme du métier n'est pas en mesure, sans procéder à de longs tests, de déterminer si un produit donné a un effet inhibiteur d'ovulation. En effet, l'homme du métier n'est pas seulement confronté à l'absence d'effet inhibiteur d'ovulation aux doses orales de la partie inférieure du domaine des concentrations de principe actif revendiquées (voir point 7.1 cidessus). Il constatera que des tests sont également indispensables pour déterminer les valeurs limites maximales, car, comme il est expliqué ci-après, la dose équivalente à 0,075 mg de gestodène pour la drospirénone et l'acétate de cyprotérone ne peut pas être déterminée par un simple calcul, contrairement à ce qu'indique le requérant-titulaire (voir point VIII ci-dessus), même si on lui reconnaît que la dose équivalente à 0,075 mg de gestodène pour les deux principes actifs susmentionnés peut effectivement être déterminée proportionnellement à partir de la dose minimale inhibitrice d'ovulation.
7.2.1 Dose minimale inhibitrice d'ovulation du gestodène :
Comme l'explique le requérant-titulaire (voir point VIII), l'état de la technique décrit différentes valeurs pour la dose minimale inhibitrice d'ovulation du gestodène, à savoir 40 ?g par jour dans les documents (24), (94), (107), (111), (112), (120) et (121), et 30 ?g par jour dans les documents (1), (101) et (122). La chambre ne peut toutefois se rallier à l'argumentation du requérant-titulaire, selon laquelle l'homme du métier se rendrait compte immédiatement que, s'agissant de la dose minimale inhibitrice d'ovulation du gestodène, la première série de documents (qui postulent une dose journalière de 40 ?g) est plus fiable que les documents (1), (101) et (122). Il est certes exact que les documents (1), (101) et (122) ne décrivent pas comment la dose minimale inhibitrice d'ovulation a été déterminée. Mais cela est probablement dû au fait que cela n'est pas nécessaire dans la mesure où, comme le fait également valoir le requérant-titulaire, le procédé pour déterminer cette dose est bien connu de l'homme du métier. En outre, l'homme du métier aurait particulièrement prêté attention au document (1), celui-ci étant recommandé dans la demande initiale (voir page 9, dernier paragraphe) comme référence pour la détermination des doses équivalentes de plusieurs principes actifs gestagènes. En raison des données contradictoires figurant dans des documents tout aussi crédibles les uns que les autres, l'homme du métier arrivera à la conclusion que la dose minimale inhibitrice d'ovulation correcte de gestodène ne peut être déterminée que par des séries de tests ad hoc.
7.2.2 Dose minimale inhibitrice d'ovulation de la drospirénone : La dose minimale inhibitrice d'ovulation de la drospirénone ne ressort pas non plus clairement de l'état de la technique, et doit aussi être déterminée de façon expérimentale par des séries de tests adaptés. Le requérant-titulaire a notamment fondé son argumentation sur le document (109), d'où il ressort que l'administration de 2 mg de drospirénone pendant 21 jours entraîne une inhibition de l'ovulation, alors que cet effet ne se produit pas si l'on administre 1 mg pendant la même durée (voir milieu de la page 200). Il n'est pas possible de déduire de ces informations que la dose minimale inhibitrice d'ovulation de la drospirénone est de 2 mg. Elles permettent seulement de conclure qu'une inhibition de l'ovulation est certaine avec une dose journalière de 2 mg, et que la dose minimale inhibitrice d'ovulation pour la drospirénone se situe quelque part entre 1 mg et 2 mg. Cette conclusion n'est pas non plus remise en cause par la "Study 2" du document (109), où les effets de l'administration journalière de 2 mg de drospirénone pendant deux cycles mensuels sont comparés à ceux de l'administration de 1 mg d'acétate de cyprotérone pendant la même durée. Le requérant-titulaire a fait valoir, en se référant au document (113) (voir point 14), que la dose minimale inhibitrice d'ovulation de l'acétate de cyprotérone était de 1 mg, et qu'une étude comparative n'avait de sens que si on comparait des équivalents permettant à l'homme du métier de conclure sans aucune équivoque que la dose minimale inhibitrice d'ovulation de la drospirénone est de 2 mg. Le même raisonnement devrait s'appliquer sur le fond à la "Study II" présentée dans le document (21a).
La chambre estime que ni la "Study 2" du document (109) ni la "Study II" du document (21a) ne permettent de conclure avec certitude que la dose minimale inhibitrice d'ovulation de la drospirénone est égale à 2 mg. Les deux études ("Study 2" et "Study II") avaient pour but d'analyser les effets de l'administration de drospirénone comme inhibiteur d'ovulation eu égard à la concentration urinaire de sodium, de potassium et d'aldostérone-18-glucuronide, à la concentration sérique du sodium et de potassium, à l'activité rénine plasmatique et à la concentration plasmatique d'aldostérone. A cet effet, il était donc raisonnable de choisir une dose inhibitrice d'ovulation, de façon à exclure la dose de 1 mg, dépourvue de l'effet recherché. Même en faisant la comparaison avec 1 mg d'acétate de cyprotérone (dose minimale inhibitrice d'ovulation de l'acétate de cyprotérone), cela ne signifie pas forcément que, pour des raisons d'équivalence, la dose minimale inhibitrice d'ovulation de la drospirénone soit égale à 2 mg. Il est tout aussi plausible que, dans les deux études précitées, sans connaître la dose minimale exacte inhibitrice d'ovulation de la drospirénone, on ait opté pour une posologie qui produise avec certitude un effet inhibiteur d'ovulation.
7.3 Par voie de conséquence, les doses minimales inhibitrices d'ovulation, tant du gestodène que de la drospirénone, doivent être déterminées expérimentalement. Pour l'acétate de cyprotérone seulement, il est possible de reprendre une valeur de 1 mg définie unitairement dans les différents documents (voir p. ex. le document (1), tableau 1, le document (24), tableau 3 et le document (101), tableau 31).
Pour ce qui concerne la réalisation de ces séries de tests, le requérant-titulaire a fait observer, tant lors de la procédure orale que par écrit (voir antépénultième paragraphe de la page 27 des moyens produits le 21 mai 2010), que pour des raisons déontologiques, les tests doivent être maintenus à un minimum, de sorte que la question de leur acceptabilité se pose dans le présent cas.
Il est souvent nécessaire d'effectuer des tests en rapport avec l'exécution de l'invention lorsque des revendications sont définies sur le plan fonctionnel ou via des paramètres, et qu'il est impossible, sans limitation injustifiée de l'objet revendiqué, de définir ce dernier par des caractéristiques structurelles concrètes. L'objet de la présente revendication 5 de la requête subsidiaire 2 se distingue toutefois fondamentalement de cette situation, un principe actif concret (la drospirénone) étant défini par un domaine quantitatif concret. En pareil cas, il n'est généralement pas nécessaire pour les tiers d'effectuer des tests dans le cadre de l'exécution de l'invention. Dans la présente revendication 5, la limite supérieure du domaine quantitatif pour la drospirénone n'est pas exprimée sous la forme "x mg de drospirénone", mais sous la forme "la dose de drospirénone équivalente à 0,075 mg de gestodène". Cette définition indirecte est absolument superflue aux fins de la portée de la protection puisqu'elle ne change en rien l'objet de la revendication comparé à une définition directe du type "x mg de drospirénone", et elle contraint les tiers à effectuer, dans le cadre de l'exécution de l'invention, des tests longs et contestables d'un point de vue déontologique. La chambre estime que pour déterminer si des séries de tests nécessaires à l'exécution de l'invention sont acceptables, il faut aussi se demander s'ils auraient pu être évités. Des tests longs et déontologiquement contestables sont inacceptables si, comme c'est le cas dans la présente espèce, le demandeur aurait pu définir l'objet de l'invention sans en limiter aucunement la portée, via des caractéristiques qui auraient rendu superflus les tests permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention. Pour cette raison également, l'invention définie à la revendication 5 de la requête subsidiaire 2 ne satisfait pas aux exigences de l'article 83 CBE.
8. Requêtes subsidiaires 6, 9, et 13 article 83 CBE : Le raisonnement énoncé au point 7 s'applique par analogie aux revendications 5 des requêtes subsidiaires 6 et 9 ainsi qu'à la revendication 4 de la requête subsidiaire 13. Par conséquent, l'invention définie dans ces revendications ne satisfait pas aux exigences de l'article 83 CBE.
9. Requête subsidiaire 3 article 83 CBE : La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 porte sur un produit combiné monophasique inhibiteur d'ovulation comprenant 23 ou 24 doses contenant chacune de 0,25 mg de drospirénone à une dose de drospirénone équivalente à 0,075 mg de gestodène et 4 ou 5 comprimés placebo.
9.1 Le raisonnement du point 7.1 concernant l'impossibilité d'exécuter l'invention est valable par analogie pour le produit revendiqué, car une posologie de 0,25 mg de drospirénone ne permet pas de fabriquer un produit combiné monophasique inhibiteur d'ovulation, à savoir un produit combiné monophasique adapté à un usage contraceptif.
9.2 Le raisonnement du point 7.2 concernant la limite supérieure du domaine quantitatif pour la drospirénone s'applique de façon analogue à l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3.
9.3 Par conséquent, l'invention définie à la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 ne satisfait pas aux exigences de l'article 83 CBE.
10. Le raisonnement du point 9 s'applique de façon analogue à la revendication 1 de la requête subsidiaire 10, qui est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 3. La revendication 1 de la requête subsidiaire 10 ne satisfait donc pas aux exigences de l'article 83 CBE.
11. Requête subsidiaire 16 :
La revendication 5 de la requête subsidiaire 16 se distingue de la revendication 5 de la requête subsidiaire 2 en ce que la quantité de principe actif pour la drospirénone et l'acétate de cyprotérone est limitée à une seule valeur, à savoir à la dose équivalente à 75 ?g de gestodène. Cela ne change toutefois rien au fait que les séries de tests indiquées aux points 7.2 et 7.3 sont nécessaires pour déterminer ladite dose équivalente, de sorte que le raisonnement des points 7.2 et 7.3 vaut pour l'invention définie à la revendication 5 de la requête subsidiaire 16. Il n'est donc pas satisfait aux exigences de l'article 83 CBE.
12. Requête subsidiaire 20 : Le raisonnement du point 11 s'applique de façon analogue à la revendication 4 de la requête subsidiaire 20, qui est identique à la revendication 5 de la requête subsidiaire 16, et ne satisfait donc pas non plus aux exigences de l'article 83 CBE.
13. Requête subsidiaire 17 :
La revendication 1 de la requête subsidiaire 17 se distingue de la revendication 5 de la requête subsidiaire 16 en ce que l'acétate de cyprotérone a été rayé de la liste des gestagènes, ceux-ci n'étant désormais plus représentés que par la drospirénone à une dose équivalente à 0,075 mg. Cela ne change toutefois rien au fait que les séries de tests indiquées aux points 7.2 et 7.3 sont nécessaires pour déterminer ladite dose équivalente, de sorte que l'invention définie à la revendication 1 de la requête subsidiaire 17 ne satisfait pas aux exigences de l'article 83 CBE.
14. Requête subsidiaire 23 article 123(3) CBE :
14.1 La revendication 1 de la requête subsidiaire 23 se distingue de la revendication 1 telle que délivrée en ce que la revendication d'utilisation telle que délivrée initialement a été mise au format de type suisse, à savoir une revendication portant sur l'utilisation d'une substance ou d'un mélange de substances en vue de la fabrication d'un médicament destiné à une application thérapeutique déterminée. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, pour savoir si un tel changement a élargi l'étendue de la protection, il faut prendre en compte les revendications délivrées dans leur globalité. En l'espèce, le jeu de revendications tel que délivré comprend, en plus des revendications d'utilisation 1 à 8, les revendications de produit 9 à 19. L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 23, où l'éthinylestradiol est présent dans une concentration allant de 0,015 mg à 0,020 mg, se situe toutefois, pour ce qui est de la concentration d'éthinylestradiol allant de 0,015 mg à < 0,020 mg, en dehors de l'étendue de la protection des revendications de produit 9 à 19 telles que délivrées, où la teneur en éthinylestradiol est limitée à 0,020 mg.
14.2 Il convient donc de vérifier si la reformulation d'une revendication portant sur une "utilisation d'une posologie orale comprenant ... pour la contraception ..." en une revendication portant sur une "utilisation d'une composition comprenant ... pour la fabrication d'une forme posologique orale ... pour la contraception ..." est conforme à l'article 123(3) CBE. Ce faisant, il importe de savoir si la revendication de type suisse est une revendication portant a) sur l'utilisation d'une substance ou d'un mélange de substances dans un but précis ou b) sur la fabrication d'un médicament. Une interprétation comme revendication d'utilisation est incompatible avec la décision G 1/83 de la Grande Chambre de recours (JO OEB 1985, 60). Selon cette décision, une revendication ayant pour objet "l'application d'une substance ou d'une composition pour le traitement thérapeutique du corps humain ou animal" ne diffère en rien quant à son contenu proprement dit d'une revendication portant sur "les méthodes de traitement ... thérapeutique du corps humain ou animal" au moyen de la substance ou composition (G 1/83, point 13 des motifs). La Grande Chambre de recours a estimé (G 1/83, points 11, 17 et 18 des motifs) qu'il ne pouvait être prétendu qu'à la différence d'une revendication de procédé, une revendication d'application englobe la préparation d'un produit pharmaceutique, y compris les instructions pour son emploi dans le traitement d'une maladie (en allemand : "die augenfällige Herrichtung"). En revanche, la Grande Chambre de recours a estimé qu'il était justifié d'admettre des revendications ayant pour objet l'application d'une substance ou d'une composition pour obtenir un médicament destiné à une utilisation thérapeutique nouvelle et inventive, ceci même lorsque le procédé de préparation lui-même en tant que tel ne se distingue pas d'un procédé connu mettant en oeuvre la même substance active. Selon le troisième paragraphe du point 21 des motifs, "en raison de l'obligation générale de breveter les inventions, procédant de l'art 52(1) de la CBE, il apparaît légitime de déduire le caractère de nouveauté de la préparation d'une substance ou composition en soi connues, de la nouveauté de son nouvel emploi thérapeutique, qu'une application pharmaceutique de cette substance ou composition ait été ou non connue" [c'est la Chambre qui souligne]. Au point 21 des motifs de la décision, la revendication de type suisse est donc considérée comme un procédé de fabrication, à ceci près qu'à l'instar de l'exception pour la première indication médicale au titre de l'article 54(5) CBE 1973, l'utilisation du produit fabriqué constitue exceptionnellement une caractéristique appropriée pour établir la nouveauté du procédé de fabrication. Cette optique est la seule qui permette de surmonter l'exclusion de la brevetabilité suivant l'article 53c) CBE (ou l'article 52(4) CBE 1973) au moyen d'une revendication de type suisse. Si la revendication de type suisse, par son contenu, correspondait à une revendication d'utilisation avec utilisation d'une substance ou d'une composition en vue d'obtenir un effet technique, et non pas à un procédé de fabrication, elle continuerait, conformément à la ratio decidendi de la décision G 1/83, de tomber sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE (cf. article 52(4) CBE 1973), au motif qu'elle définit un procédé où l'essentiel de l'invention résiderait dans la nouvelle utilisation revendiquée, à savoir le traitement thérapeutique du corps humain ou animal, sans porter sur la fabrication préalable d'un médicament.
Ainsi, le changement opéré dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 23 s'est traduit par un changement de catégorie de la revendication : originellement limitée à l'utilisation d'un produit, elle est devenue une revendication incluant la fabrication préalable dudit produit.
Pour vérifier si un changement de catégorie de la revendication est conforme aux exigences de l'article 123(3) CBE, il convient de comparer la protection conférée avant la modification par le type de revendication utilisé dans le brevet avec la protection conférée par le nouveau type de revendication introduit du fait de la modification qui a été apportée (G 2/88, JO OEB 1990, 93, point 4.1 des motifs). Concernant l'étendue de la protection conférée par une revendication de fabrication comparée à celle conférée par une revendication d'utilisation, la Grande Chambre de recours a affirmé dans sa décision G 2/88 ce qui suit au sujet de l'article 64(2) CBE (voir point 5.1 des motifs) :
"En effet, l'article 64(2) CBE ne vise pas les brevets revendiquant l'utilisation d'un procédé en vue d'obtenir un effet donné (ce qui est l'objet normal d'une revendication d'utilisation), mais les brevets européens dont l'objet technique est un procédé d'obtention d'un produit ; il est prévu à cet article que, dans un tel brevet, la protection est conférée non seulement au procédé d'obtention revendiqué, mais aussi au produit obtenu directement par ce procédé. Donc, dès lors qu'une revendication d'utilisation définit en réalité l'utilisation d'une chose particulière comme une utilisation en vue d'obtenir un 'effet', et non comme une utilisation en vue d'obtenir un 'produit', elle ne constitue pas une revendication de procédé au sens de l'article 64(2) CBE."
Tous ces éléments permettent de conclure que le procédé de fabrication revendiqué sur le fond à la revendication 1 de la requête subsidiaire 23 va au-delà de la protection conférée par les revendications d'utilisation telles que délivrées. En ce qui concerne les revendications portant sur un procédé de fabrication, l'article 64(2) CBE a pour effet d'étendre la protection au "produit" obtenu par ce procédé (quel qu'il soit), tandis qu'une revendication d'application n'englobe pas la préparation d'un produit pharmaceutique (G 1/83, point 11 des motifs), raison pour laquelle la protection qu'elle confère ne s'étend pas au produit direct du procédé. Par conséquent, il n'est pas satisfait aux exigences de l'article 123(3) CBE.
15. Requête subsidiaire 24 :
15.1 Dans la requête subsidiaire 24, la revendication 1 de type suisse de la requête subsidiaire 23 a été transformée, sur la base de l'article 54(5) CBE 2000, en une revendication de produit limitée à un usage déterminé. Pour ce qui est de l'applicabilité de l'article 54(5) CBE 2000 à la présente espèce, il faut tenir compte du fait que le brevet litigieux a été délivré le 2 novembre 2006, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur de la CBE 2000. D'après les dispositions transitoires de la CBE 2000, l'article 54(5) CBE 2000 n'est cependant pas applicable aux brevets européens déjà délivrés à la date d'entrée en vigueur de la CBE 2000 (voir JO OEB 2007, édition spéciale n° 1, tableau de la page 217). Hormis le fait que l'article 54(5) CBE 2000 n'est pas applicable en l'occurrence, de sorte qu'une formulation des revendications sous forme d'une protection limitée à une utilisation spécifique ne serait admissible que pour la première indication médicale, la transformation des revendications d'utilisation 1 à 8 du brevet délivré en une revendication de produit limitée à un usage déterminé au titre de l'article 123(3) CBE constituerait une extension inadmissible de l'étendue de la protection. En effet, cette dernière porte sur le produit en tant que tel, de sorte que la fabrication du produit tombe dans le champ de la protection de ce type de revendication, ce qui n'est pas le cas pour une revendication d'utilisation (voir point 14.2).
15.2 Concernant la détermination de l'étendue de la protection des revendications de produit 9 à 19 telles que délivrées par rapport à celle conférée par la revendication 1 de la requête subsidiaire 24, dans le but d'évaluer s'il y a extension non admissible au titre de l'article 123(3) CBE, il peut être fait référence au raisonnement figurant au point 14.1, qui s'applique à l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 24.
15.3 L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 24 ne satisfait donc pas aux exigences de l'article 123(3) CBE.
16. Aucune des présentes requêtes n'étant admissible, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres motifs d'opposition ou les autres objections élevées par l'opposant.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.