T 1101/92 (Polysaccharides/RHONE-POULENC) 13-06-1996
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Procédé de fabrication d'articles à partir de produit divisé
Nouveauté (oui)
Vice substantiel de procédure (oui)
I. La demande de brevet européen n 88 401 477.0 (n de publication 0 297 942) a été rejetée par décision de la Division d'examen pour manque de nouveauté. Cette décision était basée sur les revendications modifiées déposées le 21 avril 1992. La revendication 1 a le libellé suivant :
"Procédé de fabrication d'un article solide non céramique à partir de produit divisé par mise en forme dudit produit et calcination subséquente effectuée à une température comprise entre 300 et 800 C, dans lequel on ajoute audit produit divisé au moins un composé polysaccharide obtenu par fermentation bactérienne ou fermentation fongique."
D'après la décision, le procédé tel que défini dans la revendication 1 ne contiendrait aucune caractéristique permettant de le distinguer du procédé décrit dans le document EP-A-0 134 138 (ci-après D1). La Division d'examen a notamment considéré que D1 divulguait un traitement thermique intermédiaire du produit mis en forme, pour en éliminer par combustion les additifs polymériques préalablement ajoutés, ce traitement étant effectué à une température comprise entre 400 et 800 C. Elle en a conclu que le produit non céramique intermédiaire ainsi obtenu et le procédé y conduisant détruisaient la nouveauté de la revendication 1.
II. La requérante a formé un recours contre cette décision. Dans son mémoire de recours, elle a fait valoir que la Division d'examen avait interprété l'enseignement de D1 de façon erronée. Il était seulement indiqué dans le passage à la page 6, lignes 17-23, que lors de la calcination les polymères brûlaient à des températures intermédiaires (400-800 C) et que la calcination était effectuée jusqu'à une température comprise entre 1000 et 2000 C. Ainsi, le procédé de D1 ne mettait en oeuvre qu'une seule étape de calcination. Le fait qu'une température de 1000 à 2000 C ne pouvait être atteinte qu'en passant par les valeurs 400-800 C ne signifiait pas que la calcination était effectuée en deux étapes. De plus aucun traitement thermique intermédiaire n'était mentionné dans les exemples. Le procédé revendiqué était donc nouveau.
Selon la requérante, il y aurait eu vice substantiel de procédure du fait que la décision était fondée sur des arguments avancés pour la première fois dans ladite décision et sur lesquels la requérante n'avait donc pu prendre position. La requérante a requis le remboursement de la taxe de recours pour cette raison.
III. En réponse à une notification de la Chambre, la requérante a déposé le 15 Janvier 1996 un jeu de revendications ne comportant plus les termes "non céramique" dans la revendication 1. Elle a en outre fait valoir que le problème technique résolu par l'invention était d'éviter l'éclatement des articles poreux, non céramiques, obtenus à des températures inférieures à 800 C, lors de leur imprégnation en particulier par des solutions de précurseurs des éléments constituant la phase catalytiquement active. La solution revendiquée impliquerait une activité inventive puisque D1 n'évoquait pas du tout les matériaux non céramiques et ne soulevait pas le problème d'éclatement à l'imprégnation. Selon la requérante, rien ne permettait à l'homme du métier de penser que l'ajout d'un composé polysaccharide obtenu par fermentation bactérienne ou fongique, en particulier de gomme xanthane, lors de la préparation d'articles non céramiques permettrait de résoudre ce problème.
IV. Lors de la procédure orale qui s'est déroulée le 13. juin 1996, la requérante a déposé un jeu de 12 revendications, en tant que requête principale, en remplacement des jeux de revendications antérieurs. La revendication 1 est formulée comme suit :
"Procédé de fabrication d'un support de catalyseur à partir de produit divisé par mise en forme dudit produit et calcination subséquente effectuée à une température comprise entre 300 et 800 C, dans lequel on ajoute audit produit divisé au moins un composé polysaccharide obtenu par fermentation bactérienne ou fermentation fongique."
A cette audience, la requérante a fait valoir que D1 ne pouvait être considéré comme représentant l'état de la technique le plus proche. Elle a souligné que ce document concernait des produits céramiques calcinés à une température d'au moins 1000 C, et par conséquent des produits différents de ceux obtenus par calcination entre 300 et 800 C. Les produits de D1 présentaient en particulier une phase crystalline et des caractéristiques physico-chimiques différentes de celles des produits résultant du procédé revendiqué. De plus D1 n'évoquait pas le problème d'éclatement à l'imprégnation du produit calciné. D'après la requérante, le procédé selon le document FR-A-1 017 555 (ci-après D4) cité dans le rapport de recherche serait plus proche du procédé revendiqué que D1 bien que concernant des catalyseurs et non des supports de catalyseurs. L'état de la technique le plus proche serait en fait celui mentionné à la page 1 de la description telle que déposée.
IV. La requérante a requis l'annulation de la décision de la Division d'examen, le renvoi à la première instance pour poursuite de la procédure sur la base des revendications déposées à la procédure orale et le remboursement de la taxe de recours.
1. Le recours est recevable.
2. Les revendications modifiées satisfont aux dispositions de l'art. 123(2) CBE. La revendication 1 correspond à la combinaison des revendications 1 et 13 de la demande telle que déposée et comprend en outre la température de calcination indiquée à la page 4, lignes 25-27, de la description initiale. Quant aux revendications dépendantes 2 à 12, elles correspondent aux revendications 2 à 12 initiales.
3. Nouveauté
D1 divulgue un procédé de fabrication de supports de catalyseurs à partir de produit divisé par mise en forme dudit produit et calcination subséquente, en particulier à partir d'au moins un oxyde réfractaire en poudre ou d'un composé susceptible de conduire audit oxyde par décomposition thermique. Le mélange de départ utilisé pour la mise en forme du support de catalyseur comprend l'oxyde réfractaire ou ledit composé en poudre, de l'eau et des polymères hydrophiles (A) et (B), le polymère (A) pouvant être par exemple une gomme xanthane ou un hétéropolysaccharide obtenu par fermentation bactérienne. Le produit mis en forme par extrusion est séché puis calciné afin d'éliminer les polymères par combustion, de former des liaisons céramiques et de règler les caractéristiques du matériau réfractaire telles que surface spécifique, densité, volume poreux et dimensions de pores. La calcination élimine les polymères par combustion aux températures intermédiaires, par exemple 400-800 C, et la température finale de calcination est typiquement dans le domaine 1000 à 2000 C, en particulier 1200 à 1700 C, la calcination conduisant à une surface spécifique de préférence inférieure à 15 m2/g, en particulier inférieure à 0.5 m2/g (cf. page 1, ligne 14 à page 2, ligne 2, page 3, tableau 1, page 4, lignes 19-23, page 5, lignes 22-27, page 6, lignes 17-34, revendications 1 et 9).
Il ressort clairement du passage à la page 6, lignes 17- 23, mentionnant aussi le but de l'opération de calcination que celle-ci est effectuée jusqu'à une température comprise entre 1000 et 2000 C pour obtenir les liaisons céramiques et les caractéristiques de surface spécifique désirées, et par conséquent à une température nettement plus élevée que la température maximum de 800 C indiquée dans la revendication 1. Il est également précisé dans ce passage que l'élimination des polymères se produit à des températures intermédiaires, par exemple dans la gamme de températures de 400 à 800 C, cependant, il ne dérive pas directement et sans équivoque de cette information lue dans le contexte de D1 que la calcination a été effectuée en deux étapes avec refroidissement à la température ambiante après une première étape à des températures intermédiaires comprises entre 400 et 800 C pour obtenir un produit intermédiaire qui ne possèderait pas les caractéristiques désirées. Ni dans les exemples ni à aucun autre endroit de D1, il n'est fait mention d'un produit intermédiaire résultant d'une calcination auxdites températures intermédiaires. Le fait qu'une température de 1000 à 2000 C ne puisse être atteinte qu'en passant par les valeurs 400 à 800 C ne peut être interprété comme divulguant de façon non équivoque une calcination à une température entre 400 et 800 C suivie d'un refroidissement à la température ambiante en vue d'obtenir un produit intermédiaire. Le procédé selon la revendication 1 diffère donc du procédé décrit dans D1 en ce que la calcination est effectuée à une température comprise entre 300 et 800 C, c'est-à-dire à une température moins élevée que dans D1. Par conséquent, le procédé revendiqué est nouveau par rapport à D1. Ce procédé étant aussi différent des procédés décrits dans les autres documents cités dans le rapport de recherche, la revendication 1 satisfait à la condition de nouveauté requise dans les articles 52(1) et 54(2)CBE.
4. Activité inventive
La question se pose de savoir si D1 représente l'état de la technique le plus proche. Ceci a vivement été contesté par la requérante au cours de la procédure orale. Ce document décrit la combinaison de caractéristiques énoncées dans la revendication 1 à l'exception de la température de calcination, cependant la Chambre considère en accord avec la requérante que cette caractéristique est particulièrement importante dans le cas de catalyseurs ou de supports de catalyseurs compte tenu de son influence sur les phases crystallines présentes dans le produit final calciné et sur les caractéristiques de ce dernier, notamment sur la surface spécifique, le volume poreux, la dimension ou la distribution de pores, la résistance mécanique. Or, les supports de catalyseurs divulgués dans D1 sont fabriqués à partir d'oxydes réfractaires et sont calcinés à des températures élevées dépassant 1000 C, de préférence 1200 à 1700 C, en particulier 1450 ou 1500 C dans le cas de l'alumine alpha utilisée dans les exemples. En l'absence de preuves montrant le contraire, la Chambre accepte les arguments de l'appelante, à savoir que ce frittage conduit à des produits ayant des caractéristiques très différentes de celles de supports de catalyseur calcinés à des températures de 300 à 800 C. Compte tenu des caractéristiques différentes résultant du frittage à haute température, les problèmes techniques rencontrés avec les produits de D1 sont différents de ceux que peuvent poser des produits calcinés à température beaucoup plus basse, notamment en ce qui concerne la résistance mécanique. Il est à noter dans ce contexte que le problème d'éclatement des extrudés lors de l'imprégnation par des solutions de précurseurs de composés catalytiquement actifs n'est ni mentionné ni suggéré dans D1.
Dans ces circonstances, la Chambre accepte que D1 ne représente pas l'état de la technique le plus proche et que D4 semble être plus approprié que D1 comme point de départ pour la définition du problème technique à la base de la présente demande, à défaut de documents plus pertinents. En effet, D4 concerne un procédé de fabrication de catalyseurs sous forme de grains résistants et poreux, mettant en oeuvre un traitement thermique à des températures tombant dans le domaine revendiqué, et dans lequel une méthyl cellulose particulière, c'est-à-dire un polysaccharide, est ajouté au produit divisé lors de la préparation du catalyseur afin d'obtenir un catalyseur ayant une meilleure résistance à l'écrasement.
Toutefois, il semble ressortir de l'analyse de l'état de la technique antérieure présentée par la requérante à la page 1 de la description qu'il était connu avant la date de priorité de fabriquer des catalyseurs et des supports de catalyseurs à base d'alumine par des procédés comprenant l'ajout d'additifs pour favoriser la mise en forme et un traitement thermique à une température comprise dans le domaine revendiqué afin d'éviter la disparition des pores. Bien que, lors de l'audience, la requérante ait argumenté que l'état de la technique le plus proche était celui indiqué dans la demande, elle n'a pas pu citer de documents illustrant cette technique. Dans ces circonstances se pose la question d'une recherche additionelle pour éclaircir ce point.
Etant donné que la décision de la Division d'examen porte seulement sur la nouveauté, que le document représentant l'état de la technique le plus proche reste encore à déterminer pour l'examen de l'activité inventive, et que l'activité inventive n'a pas encore été examinée par la première instance, la Chambre fait usage du pouvoir qui lui est conféré par l'article 111(1) CBE de renvoyer l'affaire à la Division d'examen pour poursuite de la procédure.
5. Remboursement de la taxe de recours D'après la requérante, la décision de rejet pour défaut de nouveauté étant basée essentiellement sur le fait que D1 divulguerait un traitement thermique intermédiaire et l'obtention d'un produit non céramique intermédiaire et cet argument ayant été avancé pour la première fois dans la décision, il y aurait vice substantiel de procédure.
Selon la règle 67 CBE le remboursement de la taxe de recours est ordonné lorsqu'il est fait droit au recours par la Chambre de recours, si le remboursement est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure. Dans la présente affaire la Chambre fait droit au recours. Selon la jurisprudence des chambres de recours, il y a vice substantiel de procédure notamment lorsqu'une décision est fondée sur des motifs au sujet desquels les parties n'ont pas pu prendre position, c'est-à-dire lorsque les dispositions de l'art. 113(1) CBE n'ont pas été respectées.
La revendication 1 du 21 avril 1992 sur laquelle est basée la décision contient une caractéristique additionnelle par rapport aux jeux de revendications précédemment examinés dans les notifications du 3. avril 1991 et du 10 octobre 1991, à savoir que la calcination est "effectuée à une température comprise entre 300 et 800 C". Le dépôt du jeu de revendications du 21. avril 1991 a été suivi directement de la décision, et d'aprés celle-ci, cette caractéristique additionnelle ne permettrait pas d'éviter l'objection de nouveauté par rapport à D1 car dans D1 le produit mis en forme serait soumis à un traitement thermique intermédiaire pour éliminer par combustion les polymères préalablement ajoutés, ce traitement étant effectué à une température comprise entre 400 et 800 C, et le produit non céramique intermédiaire, ainsi que le procédé y conduisant détruiraient la nouveauté de la revendication 1. La question se pose donc de savoir si la requérante a pu prendre position au sujet de ces motifs, c'est-à-dire s'ils avaient déja été portés à sa connaissance dans les notifications antérieures. La notification du 3. avril 1991 indique seulement en ce qui concerne le traitement thermique que "D1 décrit un procédé de fabrication par extrusion et traitement thermique subséquent (frittage) d'unités réfractaires". Quant à la notification du 10 octobre 1991, elle précise que dans D1 on fait subir au produit aggloméré "un traitement thermique qui permet d'obtenir un produit plus ou moins poreux". Ces notifications ne font pas référence au passage de la page 6 de D1 précisant les températures de calcination. L'indication selon laquelle la porosité dépend du traitement thermique ne peut être interprétée comme signifiant que D1 divulgue le traitement thermique intermédiaire et le produit intermédiaire ayant servi de base à la décision. Ces notifications ne contiennent donc pas les motifs sur lesquels la Division d'examen s'est appuyée dans sa décision pour conclure au manque de nouveauté de ladite caractéristique additionnelle. Il s'ensuit qu'il y a eu violation du droit d'être entendu et, par conséquent, vice substantiel de procédure. Etant donné que ce vice substantiel de procédure porte sur les motifs même de la décision et que le recours est étroitement lié audit vice, la Chambre considère qu'il est équitable d'ordonner le remboursement de la taxe de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la Division d'examen est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance pour poursuite de la procédure sur la base des revendications déposées à la procédure orale.
3. La taxe de recours est à rembourser.