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T 0850/95 (Rectification d'une décision de délivrance) 21-11-1995
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Compétence des chambres de recours
Rejet d'une rectification de la décision de délivrance
I. La demande de brevet européen n 89 311 913.1, dans laquelle étaient désignées l'Espagne et la Grèce, a été déposée le 16 novembre 1989 sous le bénéfice de la priorité d'une demande antérieure déposée aux Etats-Unis d'Amérique. Le 30 mai 1994, la division d'examen a notifié au demandeur le texte dans lequel elle envisageait de délivrer le brevet. Par lettre du 7 septembre 1994, le demandeur a donné son accord sur le texte envisagé. Après qu'il eut été satisfait aux conditions de forme énoncées à la règle 51(6) CBE, la décision de délivrance a été envoyée le 23 février 1995.
II. Par télécopie du 10 mars 1995, le demandeur a déposé deux nouvelles pages de description (p. 4a et 4b) et a demandé qu'elles soient incluses dans le fascicule de brevet avant sa publication. Par notification en date du 17 mars 1995, le demandeur a été informé que les préparatifs techniques en vue de la publication du fascicule de brevet avaient été achevés avant la réception de la télécopie du 10 mars 1995 et qu'une requête en modification de la décision de délivrance pouvait être présentée dès réception du fascicule imprimé. Par télécopie du 18 avril 1995, le demandeur a demandé que le brevet soit republié avec les pages manquantes.
III. Le 8 mai 1995, la division d'examen a rendu, sur le formulaire 2053 préimprimé, une "décision de rejet d'une requête en rectification d'erreurs dans une décision (règle 89 CBE)" au motif que "les rectifications mentionnées ne concernaient pas des passages du fascicule de brevet que la division envisageait de remplacer par un autre texte pour fonder sa décision (Directives, partie E-X, 10)".
IV. Un recours a été formé le 14 juin 1995 et la taxe correspondante a été acquittée le 22 juin 1995. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, déposé par lettre du 8 septembre 1995, le requérant a fait valoir que les pages 4a et 4b avaient été omises à la suite d'une erreur commise par un employé lors du dépôt d'un fascicule de remplacement complet le 25 mars 1994. Son intention était de présenter un texte identique à celui qui figurait antérieurement dans la demande euro-PCT 90 901 172.8 correspondante, dans laquelle il n'avait pas été possible, à l'époque, de désigner l'Espagne et la Grèce. Cette intention avait été expressément déclarée lors du dépôt du fascicule modifié. Les nouvelles pages contenaient un textequi avait été soumis à l'appui des revendications 6, 9, 10, 12 et 17 telles qu'approuvées et acceptées par l'examinateur et leur correspondait.
1. Le recours est recevable et est dirigé contre la décision de la division d'examen de rejeter la requête en rectification de la décision de délivrance, présentée en vertu de la règle 89 CBE.
2. La Chambre n'est compétente pour statuer sur ce recours que s'il est satisfait aux exigences énoncées à l'article 21(3) a) CBE, c'est- à-dire si la décision attaquée porte sur la délivrance du brevet.
2.1 Sur cette question, la chambre de recours juridique a décidé dans l'affaire J 30/94, en date du 9 octobre 1995, qu'une décision de rejeter une requête en rectification présentée en vertu de la règle 89 CBE ne concerne pas la délivrance du brevet et que la chambre de recours juridique est compétente pour examiner le recours, conformément à l'article 21(3) c) CBE. Selon elle, le fait que la requête en rectification porte sur une décision de délivrer un brevet n'affecte pas sa compétence, car le recours a pour objet la décision de rejeter une requête en rectification et non la décision de délivrer le brevet.
2.2 Dans deux décisions antérieures, la chambre de recours juridique devait statuer sur une requête présentée en vertu de la règle 89 CBE. Dans la première décision (J 12/85, JO OEB 1986, 155), le recours a été rejeté comme irrecevable au motif que la division d'examen n'avait pas encore statué sur la requête. Dans la seconde décision (J 27/86 du 3 octobre 1987), qui portait sur la même demande, la décision de refuser l'ajout d'une revendication par voie de rectification a été annulée pour absence de motifs (règle 68(2) CBE). Ces décisions ne portaient pas spécifiquement sur la question de la compétence.
2.3 En revanche, au moins deux chambres de recours technique ont accepté d'être compétentes, conformément à l'article 21(3) a) CBE, pour statuer sur des recours formés contre des décisions de rejeter une requête en rectification, présentée en vertu de la règle 89 CBE, dans les décisions T 546/90, datée du 12 septembre 1991, et T 946/91, datée du 17 août 1993. Dans la décision T 546/90, le demandeur avait demandé que des dessins soient remplacés, et, dans la décision T 946/91, que des erreurs dans la définition de certains composés soient rectifiées. Dans l'affaire T 546/90, la division d'examen a utilisé, pour rejeter la requête, le formulaire préimprimé 2053 qui a également été utilisé en l'espèce. Dans la décision T 946/91, un motif supplémentaire a été ajouté à ceux préimprimés sur le formulaire 2053 : "Toutes les rectifications demandées concernent des erreurs qui figuraient dans le texte retenu pour la délivrance. Une rectification en vertu de la règle 89 CBE n'est pas possible et la règle 88 CBE n'est pas applicable". Dans l'affaire T 546/90, la rectification a été autorisée par la chambre au motif que l'accord donné par le demandeur conformément à la règle 51(4) CBE n'a pas été correctement interprété (cf. point 4 des motifs), sans que mention soit faite de la règle 89 CBE, et dans l'affaire T 946/91, elle a été autorisée en vertu de la règle 88, seconde phrase CBE.
3. Vu cette divergence dans la jurisprudence, il est nécessaire que la Chambre examine s'il est possible de déduire de la CBE une réponse à la question de la compétence qui puisse constituer une base appropriée pour suivre l'un ou l'autre type de décisions.
3.1 La décision J 30/94 est la seule à traiter expressément de la question de la compétence. Cependant, les motifs qui y sont invoqués ne semblent pas constituer la seule interprétation possible de la loi. Dans cette décision, il a été donné à la phrase "la décision est relative à ... la délivrance d'un brevet européen", qui figure à l'article 21(3) a) CBE, le même sens que "la décision attaquée ordonne la délivrance du brevet européen", avec pour conséquence que les conditions énoncées à l'article 21(3) a) CBE n'ont pas été considérées comme remplies et que la compétence était fondée sur l'article 21(3) c) CBE.
3.2 Le libellé de la phrase peut toutefois être aussi compris dans un sens plus large comme signifiant "la décision attaquée est liée à la délivrance du brevet européen". Partant de cette interprétation, la rectification de la décision de délivrance peut être considérée comme liée ou relative à la délivrance du brevet. La décision de délivrance se compose de plusieurs éléments, par exemple le fait que le brevet est délivré, qu'il l'est à une personne donnée, pour des Etats désignés bien précis et sur la base du texte définitif de la demande (cf. article 97(2) CBE). La description, les revendications et les dessins éventuels ne figurent pas dans la décision de délivrance (formulaire 2006) ; ils constituent cependant des éléments essentiels de cette décision, auxquels il y est fait référence. Sinon, ils ne pourraient pas être corrigés par rectification de la décision de délivrance. Toute modification d'un élément essentiel de la décision de délivrance en altère les effets et est donc relative à la délivrance. Une requête en rectification a pour but la modification de la décision de délivrance au même titre qu'un recours contre la décision elle-même. Par conséquent, ce n'est donc pas un hasard si, dans l'affaire J 12/85, le requérant a demandé la modification des documents et, à titre subsidiaire, l'annulation de la décision de délivrance.
3.3 Si le libellé d'une disposition laisse place à des interprétations divergentes, c'est notamment la finalité de la disposition qui doit être prise en considération (G 1-6/83, JO OEB 1985, 60, point 5 des motifs ; G 1/94, JO OEB 1994, 787, point 7 des motifs). A cet égard, un critère permettant de déterminer quelle doit être la composition de la chambre pourrait consister à établir si les affaires en cause portent davantage sur des questions juridiques ou des questions techniques, puisque la distinction faite à l'article 21(3) a) et c) CBE montre qu'il était de l'intention du législateur de confier à la chambre de recours juridique les cas soulevant essentiellement des questions juridiques et aux chambres techniques les cas où dominent les problèmes techniques (Gori/Löden, Münchner Gemeinschaftskommentar zum EPÜ, 18. Lieferung (1995), article 21 CBE, point 63). A cet égard, on peut souligner plusieurs aspects.
3.3.1 D'une part, l'application de la règle 89 CBE soulève des questions juridiques. La question se pose de savoir dans quels cas la règle 89 CBE et dans quels cas la règle 88 CBE doit s'appliquer (cf. par ex. T 946/91, point 2.3 supra). Il est en outre nécessaire de décider sur quelle base une rectification doit être autorisée. Il faut notamment définir les documents qui sont pertinents et établir de quel point de vue il s'agit de considérer une prétendue erreur (cf. à ce propos l'interprétation proposée dans les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB, E-X, 10, citées dans la décision attaquée).
3.3.2 D'autre part, une décision relative à une requête en rectification d'une décision d'une division d'examen peut nécessiter que la chambre reconstitue le raisonnement suivi par la division d'examen lorsqu'elle décide de délivrer le brevet. Il s'agit principalement de considérations d'ordre technique qui concernent le fond de l'invention. L'affaire T 946/91 est un exemple illustrant une telle situation.
4. La finalité de l'article 21(3) a) et c) CBE ne fournissant pas de réponse claire à la question de la compétence, il convient de recourir aux travaux préparatoires à la CBE (G 1-6/83, loc. cit. ; G 1/94, loc. cit., point 8 des motifs). Ceux-ci montrent que le projet Haertel de règlement d'exécution de la CBE définissait plus étroitement la compétence (doc. en date du 9 avril 1963, p. 9, n 1 relatif à l'article 58, in : Travaux préparatoires à la CBE, Munich 1981).
Le texte fut limité à la décision finale de rejet ou de délivrance. Il ne ressort pas des travaux préparatoires pourquoi l'on a retenu par la suite le libellé plus large "relatif au rejet ... ou à la délivrance". Bien qu il existât une liste de cas pour lesquels la chambre de recours juridique devait être compétente (doc. en date du 9 avril 1963, loc. cit., p. 9 s.), il semble que la compétence particulière pour des recours formés contre une décision de rejet d une requête en rectification n ait jamais été discutée. Rien ne semble indiquer non plus que la compétence de la chambre de recours juridique doive être étendue ou restreinte d une façon générale.
5. En résumé, la Chambre ne peut parvenir à une conclusion sans équivoque sur l interprétation de l article 21(3) a) CBE qui soit de nature à dissiper les doutes suscités par les décisions pertinentes qui ont été citées. Or, pour des raisons de sécurité juridique, il y a lieu d éviter toute incertitude en matière de compétence. En particulier, la composition d une chambre donnée appelée à statuer sur un recours ne devrait pas être influencée par le choix de la première instance quant à la chambre à laquelle elle renvoie le dossier. De l avis de la Chambre, il conviendrait que cette question de droit d'importance fondamentale fasse l'objet d une décision de la Grande Chambre de recours, afin d'assurer une application uniforme du droit.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Conformément à l'article 112(1) a) CBE, la question de droit suivante est soumise à la Grande Chambre de recours :
Les recours formés contre une décision d'une division d'examen de rejeter une requête en rectification de la décision de délivrance, présentée conformément à la règle 89 CBE, doivent-ils être tranchés par une chambre de recours technique (article 21(3) a) et b) CBE) ou par la chambre de recours juridique (article 21(3) c) CBE) ?
Si la réponse dépend des circonstances de l'espèce, qui doit trancher la question de la compétence ?