T 0850/95 (Rectification de la décision de délivrance) 12-07-1996
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1. Une décision de délivrance contient une erreur manifeste au sens de la règle 89 CBE dès lors que le texte soumis pour délivrance n'est pas et ne peut pas à l'évidence être le texte correspondant à l'intention réelle de la division d'examen ; le texte indiqué par erreur peut être remplacé par celui sur lequel la division d'examen entendait en fait fonder sa décision.
2.Il y a lieu d'éviter de produire des pages de remplacement pour tout le fascicule, sauf si l'étendue des modifications l'impose.
Rectification de la décision de délivrance - oui
Remboursement de la taxe de recours - oui
Motifs de la décision - insuffisants
Reasons for a decision - insufficient
I. La demande de brevet européen n 89 311 913.1, dans laquelle étaient désignées l'Espagne et la Grèce, a été déposée le 16 novembre 1989. Le 30 mai 1994, la division d'examen a notifié au demandeur le texte dans lequel elle envisageait de délivrer le brevet. Par lettre datée du 7 septembre 1994, le demandeur a donné son accord sur le texte envisagé pour la délivrance. Une fois remplies les conditions de forme énoncées à la règle 51(6) CBE, la décision de délivrance a été envoyée le 23 février 1995.
II. Par télécopie du 10 mars 1995, le demandeur a déposé deux nouvelles pages de description (p. 4a et 4b) et demandé qu'elles soient incluses dans le fascicule de brevet avant sa publication. Par notification en date du 17 mars 1995, le demandeur a été informé que les préparatifs techniques en vue de la publication du fascicule du brevet avaient été achevés avant la réception de la télécopie du 10 mars 1995 et qu'une requête en modification de la décision de délivrance pouvait être présentée dès réception du fascicule imprimé. Par télécopie du 18 avril 1995, le demandeur a demandé que le brevet soit republié avec les pages manquantes.
III. Le 8 mai 1995, la division d'examen a rendu, en utilisant le formulaire 2053, une "décision de rejet d'une requête en rectification d'erreurs dans une décision (règle 89 CBE)", au motif, préimprimé sur le formulaire, que "les rectifications mentionnées ne concernaient pas des passages du fascicule de brevet que la division envisageait de remplacer par un autre texte pour fonder sa décision (Directives, Partie E-X, 10)."
IV. Le titulaire du brevet a formé un recours le 14 juin 1995 et acquitté la taxe correspondante le 22 juin 1995. Maintenant la requête en rectification, le requérant a fait valoir, dans son mémoire exposant les motifs du recours reçu le 8 septembre 1995, que les pages 4a et 4b avaient été omises à la suite d'une erreur commise par un employé lors du dépôt d'un fascicule de remplacement complet le 25 mars 1994. Son intention était de présenter un texte identique à celui qui figurait antérieurement dans la demande euro-PCT 90 901 172.8 correspondante, dans laquelle il n'avait pas été possible, à l'époque, de désigner l'Espagne et la Grèce. Cette intention avait été expressément déclarée lors du dépôt du fascicule modifié. Les nouvelles pages contenaient un texte soumis à l'appui des revendications 6, 9, 10, 12 et 17 telles qu'approuvées et acceptées par l'examinateur et leur correspondant.
V. La division d'examen a renvoyé l'affaire à la chambre de recours, en l'adressant à la présente Chambre sur la base du plan de répartition des affaires des chambres de recours technique.
VI. Constatant une divergence dans la jurisprudence actuelle, la Chambre a soumis à la Grande Chambre de recours la question de droit de savoir si les recours formés contre une décision d'une division d'examen de rejeter une requête en rectification de la décision de délivrance, présentée conformément à la règle 89 CBE, doivent être tranchés par une chambre de recours technique ou bien par la chambre de recours juridique. Dans sa décision G 8/95, en date du 16 avril 1996 (JO OEB 1996, 481), la Grande Chambre de recours a décidé que ces recours devaient être tranchés par les chambres de recours technique.
1. Le recours est recevable.
2. La rectification demandée n'est autorisée en vertu de la règle 89 CBE que si elle supprime une faute d'expression, de transcription ou une erreur manifeste dans la décision. Dans la pratique suivie à l'OEB, la décision de délivrance est un formulaire établi par traitement électronique des données. En ce qui concerne le fascicule, le formulaire fait référence aux documents indiqués dans la notification visée à la règle 51(4) CBE. Par cette référence, les documents approuvés par le demandeur deviennent partie intégrante de la décision de délivrance comme s'ils avaient été repris dans la décision même. Il s'ensuit que les erreurs contenues dans le fascicule peuvent être rectifiées au titre de la règle 89 CBE.
3. Une décision de délivrance contient une erreur manifeste au sens de la règle 89 CBE, dès lors que le texte soumis pour délivrance n'est pas et ne peut pas à l'évidence être le texte correspondant à l'intention réelle de l'instance qui a rendu cette décision ; le texte indiqué par erreur peut être remplacé par celui sur lequel la division d'examen entendait en fait fonder sa décision.
4. Dans la présente affaire, le demandeur a déposé, le 25 mars 1994, un jeu complet de pages destinées à remplacer le texte de la demande et contenant notamment des modifications des pages 4 et 5 de la description initiale. En réponse, la division d'examen a émis la notification visée à la règle 51(4) CBE sur la base de ces documents.
4.1 La modification au bas de la page 4 consiste en une répétition des revendications indépendantes 1 et 2 en tant que "premier" et "second aspect de l'invention". Ce texte remplace le texte précédent qui traitait d'un "objectif principal", d'un "objectif connexe" et d'un "objectif plus spécifique de l'invention". La première partie de la page 5 n'a pas été modifiée.
4.2 Les pages 4 et 5 modifiées le 25 mars 1994 ne concordent pas à plusieurs égards. Du point de vue formel, la page 4 finit par un point, alors que la page 5 commence au milieu d'une phrase dont il n'est pas possible de dégager le sens et qui n'a aucun lien avec la dernière phrase de la page précédente. En ce qui concerne le fond, la première phrase complète de la page 5 évoque "un nouvel objectif spécifique", ce qui implique qu'il devait déjà avoir été question d'au moins un premier objectif spécifique et d'au moins un objectif général de l'invention, mais ceux-ci ne sont plus mentionnés dans la description telle que modifiée. Il en ressort qu'il manque une partie du texte entre les pages 4 et 5. Il existe un autre indice en ce sens, étant donné que les "aspects de l'invention" introduits par la modification à la page 4 ne couvrent que les revendications indépendantes 1 et 2, tandis que les autres revendications indépendantes 6, 9, 10, 12 et 17, pour des raisons qui ne sont pas manifestes, ne sont pas abordées. Si l'on considère les modifications des pages 4 et 5 dans leur ensemble, les documents soumis présentent une incohérence manifeste que même une vérification superficielle des documents envisagés pour la délivrance permettrait de constater.
5. Lorsque, le 30 mai 1994, elle a informé le demandeur de son intention de délivrer un brevet, la division d'examen disposait de toutes les informations nécessaires pour relever cette incohérence et prendre toutes les mesures requises en vue de la supprimer dans le fascicule modifié.
5.1 Dans sa lettre du 19 novembre 1993, le demandeur avait déjà attiré l'attention de la division d'examen sur l'existence de deux demandes parallèles, à savoir la présente demande européenne et une demande euro-PCT portant sur la même invention. Il a expressément mentionné qu'il y avait lieu de considérer que les deux fascicules, y compris les revendications et les dessins, correspondaient, et a demandé que les deux demandes soient jointes. Dans sa lettre suivante, par laquelle il soumettait les pages 4 et 5 modifiées, le demandeur a rappelé que la présente demande était identique à la demande euro-PCT, à propos de laquelle la notification au titre de la règle 51(4) CBE avait été émise. Il a ajouté qu'il avait produit des pages de remplacement afin d'accélérer le traitement de la présente demande. Il ressortait de cette déclaration que le texte soumis pour cette demande devait correspondre à celui de la demande euro-PCT.
5.2 Dans la demande euro-PCT, la modification correspondante apportée à la page 4 avait été soumise dans une lettre adressée en réponse à la notification visée à la règle 51(4) CBE et reçue le 13 mars 1994, soit moins de deux semaines avant la modification de la présente demande. La page est identique à la page 4 modifiée dans la présente demande en ce qui concerne le texte et la présentation. Par la même lettre, de nouvelles pages 4a et 4b avaient été soumises pour la demande euro-PCT, commençant par la répétition des revendications indépendantes restantes, à savoir 6, 9, 10, 12 et 17, en tant qu'aspects supplémentaires de l'invention, et se terminant par les domaines d'utilisation de l'invention qui étaient mentionnés à la page 4 initiale comme objectif principal, objectif connexe et objectif plus spécifique de l'invention. Il apparaît clairement que les modifications apportées à la demande euro-PCT valaient également pour la présente demande et qu'elles supprimaient toutes les incohérences évoquées ci-dessus (point. 4.2).
6. Sur la base de ces faits, il y a lieu d'examiner si la division d'examen avait envisagé de délivrer le brevet avec la description incohérente mentionnée ci-dessus.
6.1 L'unique source d'information à ce propos est constituée par les motifs de la décision attaquée. Il y est seulement indiqué que les rectifications "ne concernent pas des passages du fascicule de brevet que la division d'examen envisageait de remplacer par un autre texte pour fonder sa décision". La décision ne précise pas si l'incohérence avait été constatée ou non, ni s'il avait été envisagé de délivrer le brevet, nonobstant cette incohérence, sur la base de la requête du demandeur.
6.2 Les motifs préimprimés de la décision attaquée n'abordent pas les circonstances spécifiques de l'espèce. Pour établir quelle était l'intention de la division d'examen, la Chambre ne peut pas partir de l'hypothèse selon laquelle la division d'examen entendait, lorsqu'elle a vérifié les documents destinés à la délivrance, procéder à un examen complet des documents afin d'éliminer toute erreur dans le texte entier de la demande. Il appartenait bien plutôt à la division d'examen de vérifier, à ce stade de la procédure, si toutes les objections formulées avaient été levées. En outre, on devait s'attendre à ce que la division d'examen veuille réunir, dans la notification visée à la règle 51(4) CBE, un jeu de documents destinés à la délivrance et traduisant de façon complète et cohérente le résultat de l'examen. Par conséquent, la Chambre peut supposer que la division d'examen n'avait pas l'intention d'accepter que les modifications figurant dans les pages de remplacement soumises afin de mettre la demande en état de donner lieu à la délivrance contiennent des lacunes ou des incohérences formelles. Mais étant donné que ces lacunes et incohérences existaient, la Chambre suppose que la division d'examen avait envisagé de délivrer le brevet sur la base du texte existant qui supprimait les lacunes et incohérences et qui avait déjà été examiné et accepté dans la demande euro-PCT parallèle. Bien que les actes de procédure doivent, selon un principe général, être effectués dans le dossier concerné, il y avait en l'espèce un lien spécial entre les deux demandes simultanément en instance. Si la division d'examen, qui traitait les deux dossiers dans la même composition, ne pouvait pas, pour des raisons formelles, accéder à la requête du demandeur visant à joindre les demandes, il était cependant clair, au vu du contenu des deux demandes et de leur historique très similaire, qu'elles ne pouvaient être considérées isolément. Dès lors, la Chambre estime qu'en dépit des motifs préimprimés dans la décision attaquée, qui donneraient à penser le contraire, l'intention véritable de la division d'examen était de délivrer un brevet incluant l'objet des pages 4a et 4b, en conformité avec la demande euro-PCT parallèle. L'absence de ces pages constitue une erreur manifeste qui aurait pu, et dû être rectifiée au titre de la règle 89 CBE.
7. Le requérant a demandé le remboursement de la taxe de recours en se référant à la décision T 546/90, en date du 4 août 1992, [1993] EPOR 214, et alléguant qu'il s'agissait d'un cas très similaire où la rectification avait été autorisée et la taxe de recours remboursée.
Aux fins de l'application de la règle 67 CBE, la Chambre estime qu'il suffit de fonder sa décision sur le fait que les circonstances de l'espèce n'ont pas été prises en considération dans les motifs de la décision attaquée. Il est vrai que l'erreur dans la décision de délivrance est due au demandeur, qui a eu le tort de soumettre un jeu incomplet de documents, et en outre à la conduite qu'il a adoptée lors de la procédure. Il a soumis un jeu complet de pages de remplacement pour tout le texte du fascicule sans nécessité apparente, bien que l'Office conseille aux demandeurs d'éviter de le faire, sauf si, vu l'étendue des modifications, cela s'impose (Communiqué du Vice-Président de la Direction générale 2 de l'OEB relatif aux modifications, JO OEB 1985, 172). Il a également omis de marquer les modifications apportées et d'expliquer leur but. Ces indications auraient permis à la division d'examen de se concentrer sur les modifications au lieu d'avoir à rechercher les différences entre le texte précédent et le jeu complet de pages de remplacement (cf. T 113/92, en date du 17 décembre 1992, Motifs, 3, non publiée au JO OEB). Néanmoins, la division d'examen était tenue de donner les motifs de fond de la décision rendue, quant à la requête en rectification, en envisageant les circonstances particulières de l'espèce. Une décision dûment motivée aurait fourni une base factuelle plus détaillée pour la présente procédure de recours et aurait aidé le requérant comme la Chambre.
Dans ces conditions, la Chambre observe que le formulaire (2053) utilisé pour refuser la rectification des erreurs contient des motifs préimprimés d'une nature très générale. De surcroît, le formulaire ne semble pas prévoir la possibilité d'ajouter des motifs plus spécifiques, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, ce qui donne facilement à la division d'examen l'impression qu'il n'est pas nécessaire de fournir des motifs supplémentaires et plus détaillés. Les Directives (E-X, 10), auxquelles il est fait référence, n'indiquent pas non plus qu'il est nécessaire de fournir un exposé détaillé des motifs.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. La décision de délivrance est rectifiée par insertion des pages 4a et 4b soumises le 10 mars 1995 dans la description.
3. La taxe de recours est remboursée.