6.3. Utilisation de la description et des dessins pour interpréter les revendications
Les revendications sont régies, dans leur objet, par l'art. 84 CBE, dans leur fonction, par l'art. 69 CBE. Selon l'art. 84 CBE, elles définissent l'invention dont la protection est demandée. Selon l'art. 69 CBE, les revendications déterminent, par la définition même qu'elles donnent de l'invention, l'étendue de la protection qui sera conférée par le brevet. Selon les dispositions de l'art. 69 CBE, la description et les dessins servent à interpréter les revendications. La question se pose de savoir s'il n'est possible d'interpréter les revendications à la lumière de la description et des dessins comme le prévoit l'art. 69 CBE que lorsqu'il s'agit de déterminer l'étendue de la protection ou si on peut le faire aussi pour établir si les conditions requises en matière de brevetabilité et de clarté sont remplies.
Dans plusieurs décisions, comme par ex. les décisions T 23/86 (JO 1987, 316), T 16/87 (JO 1992, 212), T 89/89, T 121/89, T 476/89, T 544/89, T 565/89, T 952/90, T 439/92, T 458/96, T 717/98, T 500/01, T 1321/04, T 1433/05 et T 2145/13, les chambres de recours ont posé et appliqué le principe selon lequel la description et les dessins servent à interpréter les revendications quand il s'agit de déterminer l'objet d'une revendication afin de juger de la nouveauté et de la non-évidence de son objet. Dans un grand nombre de décisions (voir entre autres T 327/87 ; T 238/88, JO 1992, 709 ; T 416/88 ; T 194/89 ; T 264/89 ; T 430/89 ; T 472/89 ; T 456/91 ; T 606/91 ; T 860/93 ; T 287/97 ; T 250/00 ; T 505/04 ; T 711/14), les chambres ont interprété les revendications à la lumière de la description et des dessins afin d'établir si elles étaient claires et concises au sens de l'art. 84 CBE 1973.
Cela étant, les limites de l'interprétation à la lumière de la description et des dessins ont aussi été régulièrement mises en avant (pour plus de détails, voir le présent chapitre, II.A.6.3.6). La présence de divergences entre les revendications et la description n'est pas une raison valable pour ignorer la structure linguistique claire d'une revendication et l'interpréter différemment (T 431/03) ou pour donner un sens différent à une caractéristique d'une revendication qui transmet, en tant que telle, un enseignement technique crédible au lecteur averti (T 1018/02, T 1395/07, T 1456/14, T 2769/17). Cependant, dans l'affaire T 1023/02, un sens différent a été donné à un terme mal choisi de la revendication ("transcription" au lieu de "translation"), lequel aurait été en désaccord avec la description de l'invention.
Dans l'affaire T 2221/10, la chambre s'est référée à la jurisprudence constante, selon laquelle la description peut servir de "dictionnaire" du brevet pour déterminer la signification correcte de termes ambigus employés dans les revendications (voir, dans le présent chapitre, le point II.A.6.3.3). Cependant, si un terme employé dans une revendication a une signification technique claire, la description ne peut être utilisée pour interpréter ce terme différemment. S'il existe des divergences entre les revendications et la description, la formulation explicite des revendications doit être interprétée comme l'homme du métier la comprendrait sans s'aider de la description. Voir aussi T 2328/15 et T 1642/17.
Dans la décision T 197/10, la chambre a expliqué que si les revendications du brevet sont rédigées clairement et sans ambiguïté, de sorte que l'homme du métier peut les comprendre sans difficulté, il n'y a pas lieu d'utiliser la description pour interpréter les revendications. S'il existe des divergences entre les revendications et la description, la formulation explicite des revendications doit être interprétée comme l'homme du métier la comprendrait sans s'aider de la description. Ainsi, en cas de divergence entre des revendications clairement définies et la description, les éléments de la description qui ne sont pas repris dans les revendications ne doivent pas, en principe, être pris en considération pour l'évaluation de la nouveauté et de l'activité inventive. Voir, de même, la décision T 1514/14 concernant l'examen de la suffisance de l'exposé.