T 0300/89 (Modifications) 11-04-1990
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1. Même si la division d'examen peut envisager des modifications susceptibles d'augmenter les chances de délivrance du brevet, c'est au demandeur qu'il appartient, dans les observations qu'il présente en réponse à la première notification envoyée par la division d'examen conformément à l'article 96(2) CBE, de proposer (s'il le désire) des modifications (y compris sous la forme de requêtes subsidiaires) balayant les objections soulevées dans cette notification.
2. Le demandeur est en droit de présenter à tout moment une requête tendant à recourir à la procédure orale ; cependant, pour éviter qu'une décision défavorable ne soit rendue sans qu'une procédure orale ait lieu, il doit présenter sa requête au plus tard avec ses observations formulées en réponse à une telle (ici : première) notification qui lui a été envoyée conformément à l'article 96(2) CBE.
Rejet après une seule notification
Demande d'appel téléphonique laissée sans réponse
Pas de vice de procédure
I. La division d'examen a, par décision en date du 28 novembre 1988, rejeté la demande de brevet européen n° 85 308 381.4, déposée le 18 novembre 1985 et publiée sous le numéro 182 642, pour laquelle a été revendiquée la priorité d'une demande américaine antérieure n° 673 870 du 21 novembre 1984.
La division d'examen a fondé sa décision sur un jeu de 14 revendications déposées le 5 septembre 1988, ...
II. L'unique motif du rejet était que la demande ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 54 CBE, compte tenu de l'enseignement du document
(1) US-A-3 256 226.
(...)
Tout en ne disconvenant pas que la demande comportait des éléments brevetables dans d'autres revendications, la division d'examen a considéré qu'il convenait de la rejeter après une notification seulement, étant donné que l'argumentation du demandeur dans sa réponse en date du 5 septembre 1988 contredisait tout à la fois les principes chimiques de base et le contenu de la description de la demande. De plus, une poursuite de l'examen aurait été contraire à l'objectif de l'OEB consistant à mener l'examen quant au fond avec soin, compétence et célérité.
III. Un recours a été formé contre cette décision le 19 janvier 1989. La taxe correspondante a été acquittée.
Le requérant a joint au mémoire exposant les motifs du recours, déposé le 29 mars 1989, deux jeux supplémentaires de revendications B et C devant être considérés comme des requêtes subsidiaires, outre le jeu de revendications A maintenu dans sa forme initiale à l'exception de deux modifications rédactionnelles mineures dans la revendication 1 constituant la requête principale.
L'étendue des revendications du jeu B est essentiellement la même que celle des revendications du jeu A ; s'agissant de la revendication 1, le polyester éthyléniquement insaturé est défini à la fin de la revendication comme "ayant un poids équivalent d'insaturation éthylénique de moins de 330". Dans la revendication 1 du jeu C, ce polyester est également défini comme "comprenant des chaînes latérales qui ont une insaturation éthylénique polymérisable et sont dérivées dudit composé polymérisable éthyléniquement insaturé."
IV. Les arguments invoqués par le requérant dans son mémoire exposant les motifs du recours peuvent être résumés comme suit :
(...)
En ce qui concerne la procédure, le requérant allègue que le rejet, après seulement une notification, de la demande en cause, alors que de l'aveu même de la division d'examen celle-ci contenait des revendications admissibles, constitue un vice substantiel de procédure, d'autant que la division d'examen a omis de téléphoner au mandataire du demandeur comme cela avait été demandé dans la réponse à la notification. L'objectif que s'est assigné l'OEB de mener "l'examen quant au fond avec soin, compétence et célérité" peut être difficilement invoqué pour rejeter une demande de manière arbitraire, comme cela a été fait en l'occurrence. Une analyse approfondie des diverses questions n'a pas été possible en raison du refus de poursuivre l'examen à un stade aussi peu avancé de la procédure, refus qui a été opposé au demandeur de façon à l'empêcher d'exercer son droit à demander une procédure orale. La division d'examen a le devoir de coopérer avec les demandeurs pour disssiper les malentendus, de nature linguistique ou autre, quant à l'étendue véritable des revendications.
V. Le requérant a demandé l'annulation de la décision attaquée, la délivrance d'un brevet conformément au jeu de revendications A en tant que requête principale, au jeu de revendications B en tant que première requête subsidiaire et au jeu de revendications C en tant que seconde requête subsidiaire, ainsi que le remboursement de la taxe de recours.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
Requête principale et première requête subsidiaire
(...)
5.5. En conclusion, il ressort des considérations qui précèdent que l'objet de la revendication 1 ne peut, pour aucune de ces requêtes, être considéré comme nouveau par rapport à l'enseignement découlant de l'état de la technique.
Seconde requête subsidiaire
Il en va par contre tout autrement de la seconde requête subsidiaire.
(...)
La présence de chaînes latérales insaturées supplémentaires dans le polyester doit donc être considérée comme une caractéristique structurale rendant l'objet revendiqué nouveau.
8. L'unique motif du rejet, à savoir l'absence de nouveauté de l'objet de la revendication 1, ne s'appliquant plus à la revendication 1 du jeu C, la décision attaquée doit être annulée. Cependant, étant donné que le jeu de revendications C constituant la seconde requête subsidiaire n'a pas été soumis à la division d'examen, il ne peut être fait droit au recours. De plus, le brevet demandé ne peut être délivré puisque l'examen quant au fond n'a pas encore été achevé. Aussi la Chambre, exerçant le pouvoir que lui confère l'article 111(1)CBE, renvoie l'affaire à la division d'examen pour suite à donner.
9. Questions de procédure
9.1. Etant donné qu'il n'est pas fait droit au recours, la taxe de recours ne peut être remboursée en vertu de la règle 67 CBE comme l'a demandé le requérant. Cependant, la Chambre estime que les allégations de ce dernier relatives au vice substantiel de procédure dont se serait rendue coupable la division d'examen au cours de la procédure d'examen prévue à l'article 96(2) CBE (cf. point IV supra) méritent plus ample attention. En effet, si elles s'avèrent exactes, la Chambre devra donner raison au requérant sur ce point, afin que la division d'examen envisage de changer sa façon de faire à l'avenir.
Conformément à la procédure prévue à l'article 96(2) CBE, toute notification envoyée par la division d'examen en vertu dudit article "doit être motivée et indiquer, s'il y a lieu, l'ensemble des motifs qui s'opposent à la délivrance" du brevet (règle 51(3) CBE). En outre, la division d'examen invite le demandeur "aussi souvent qu'il est nécessaire" à présenter ses observations (article 96(2) CBE) et, "en tant que de besoin, à déposer une description, des revendications et des dessins modifiés" (règle 51(2) CBE). Ainsi, la division d'examen est libre, soit d'inviter le demandeur à soumettre ses observations et, en tant que de besoin, des modifications, soit (après une première notification) de rendre une décision par laquelle elle rejette la demande.
L'exercice de cette liberté d'appréciation a été examiné dans la décision T 84/82 (JO OEB 1983, 451), où il est dit au point 7 :
"7. Si le demandeur ne parvient pas réellement à réfuter l'objection solidement argumentée soulevée dans la première notification de la division d'examen à propos de la brevetabilité de l'invention, ou si, à en juger par les informations disponibles, l'objection ne paraît pas pouvoir être réfutée, même en procédant à des modifications, la division d'examen est en droit, en vertu de l'article 96(2) CBE, de considérer que la réponse présentée au nom du demandeur est complète et définitive ; elle peut donc estimer qu'il n'est pas utile de ménager de nouvelles possibilités de présenter des observations, et rejeter la demande à la deuxième notification, lorsque les circonstances susmentionnées justifient cette mesure. L'Office européen des brevets a expressément pour mission de mener l'examen quant au fond avec soin, compétence et célérité, mais pour qu'il puisse atteindre cet objectif, il faut également qu'il puisse compter sur la coopération et la bonne foi des demandeurs. De nouvelles observations doivent pouvoir être présentées tant que les arguments invoqués dans la réponse permettent d'envisager la possibilité d'aboutir à la délivrance du brevet."
Tout en partageant, dans l'ensemble, le point de vue exprimé ci- dessus, la Chambre estime qu'il convient néanmoins d'y apporter quelques réserves. Comme indiqué à juste titre dans les Directives relatives à l'examen, C-VI, 2.5, "lorsqu'il examine à nouveau la demande, l'examinateur devrait être guidé par le principe primordial en vertu duquel une décision finale (délivrance du brevet ou rejet de la demande) devrait intervenir après un nombre d'actes aussi réduit que possible et il devrait mener la procédure en y pensant toujours." Ainsi, la Chambre est d'avis que même si l'examinateur peut envisager des modifications susceptibles d'augmenter les chances de délivrance du brevet, c'est au demandeur qu'il appartient, dans les observations qu'il présente en réponse à la première notification dans laquelle la division d'examen a soulevé des objections, de proposer (s'il le désire) des modifications (y compris sous la forme de requêtes subsidiaires) balayant ces objections.
En l'espèce, l'objection d'absence de nouveauté de l'objet de la revendication 1 a été clairement soulevée et expliquée dans la première notification qui a été envoyée au demandeur conformément à l'article 96(2) CBE. Si le demandeur souhaitait réduire le risque d'une décision défavorable immédiate puis d'un recours contre cette décision, il ne fait aucun doute qu'il aurait dû présenter des requêtes subsidiaires (telles que celles formées avec le présent recours) devant la division d'examen. Celle-ci aurait alors été tenue d'examiner s'il pouvait être fait droit à chacune de ces requêtes, de la même manière que la Chambre s'y emploie dans le présent recours.
9.2. En ce qui concerne l'affirmation selon laquelle la manière d'agir de la division d'examen a empêché le demandeur de faire valoir son droit à la tenue d'une procédure orale, la Chambre fait observer ce qui suit :
Comme indiqué dans la décision T 299/86 en date du 23 septembre 1987 (sommaire publié dans le JO OEB 1988, 88), "une partie ne peut faire valoir son droit à la tenue d'une procédure orale que si elle formule une requête en ce sens, faute de quoi l'OEB est fondé à rendre une décision - défavorable ou non -sans avoir recours à une telle procédure" (point 2). En outre, "aussi longtemps qu'elle (la partie) n'a pas effectivement présenté une telle requête, il existe le risque qu'une décision défavorable soit rendue à son encontre sans qu'une telle procédure ait eu lieu, si cette décision s'impose par ailleurs. Une requête en vue de la tenue d'une procédure orale pouvant être retirée à tout moment, il est nettement plus sûr pour une partie, s'il se révélait nécessaire de demander la tenue d'une telle procédure, de présenter très tôt une requête en ce sens. Bien entendu, le retrait de la requête devra le cas échéant intervenir le plus tôt possible, bien avant la date fixée." (point 5).
Ainsi, dans la présente affaire, si le demandeur envisageait à l'époque de recourir à une procédure orale devant la division d'examen, il aurait dû, pour éviter qu'une décision défavorable ne soit rendue sans qu'une procédure orale ait lieu, présenter une requête en ce sens, au plus tard au moment où il a soumis ses observations formulées en réponse à la (première) notification de la division d'examen.
9.3. Enfin, pour ce qui est des griefs du requérant qui souligne que l'examinateur a omis de lui téléphoner comme il le lui avait demandé, la pratique en la matière est clairement exposée dans les Directives, points C-VI, 4.4 et 6. Il y a lieu de bien distinguer ces contacts informels et la pratique y afférente de la procédure d'examen officielle régie par l'article 96(2) et la règle 51 CBE. La liberté de l'examinateur de recourir à ce genre de contacts informels doit être exercée conformément aux Directives et compte tenu des circonstances propres à chaque cas. L'exercice de cette liberté à l'encontre d'un demandeur, comme en l'espèce, ne saurait en soi constituer cependant un vice de procédure, puisque la procédure prévue pour des entretiens de cette nature est informelle, en ce sens qu'elle n'est pas régie par la CBE mais est complémentaire de celle prévue par la CBE.
En tout état de cause, la Chambre estime que l'examinateur ne saurait être véritablement incriminé pour avoir omis de téléphoner au demandeur.
9.4. La Chambre est par conséquent d'avis que la procédure devant la division d'examen n'a ni violé les dispositions de l'article 113(1) CBE, ni comporté de vice de procédure justifiant un remboursement de la taxe de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. La requête principale et la première requête subsidiaire sont rejetées.
3. L'affaire est renvoyée devant la division d'examen pour poursuite de l'examen sur la base de la revendication 1 du jeu C - seconde requête subsidiaire - déposé le 29 mars 1989.
4. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.